Une société américaine établit ainsi une tête de pont en France dès 1923 quand
Palmolive
confie à la société Cadum
, alors célèbre pour ses publicités et fort d’une
moitié du marché des savons et produits de toilette, la fabrication de ses propres
produits (dans une usine située à Courbevoie
à partir de 1928) puis aussi de ceux de
Colgate en 1930, après la fusion entre Colgate
et Palmolive en 1929, afin de résister à
l’offensive de ce qui est devenu en 1929 le géant Unilever. C’est alors la préhistoire du
marketing
et la percée des méthodes de publicité et de vente de certaines firmes
américaines qui offrent l’occasion de construire des ’’marques’’ et de susciter des
stratégies de persuasion et d’établissement de modes de perception positive – et la
diffusion du Coca Cola dès 1933 entre-ouvre le marché du ’’prêt-à-boire’’. De même,
Gillette est présent en France dès 1905 (avec une usine de lames à Paris) et y conquiert
un capital de renommée : le directeur parisien offre ainsi un rasoir Gillette à
Lindbergh
à son arrivée en 1927...
L’équipement des ménages lui-même n’échappe pas à une première forme de
pénétration de la technique américaine, essentiellement par le biais des machines à
coudre Singer (avec une usine en région parisienne, à Bonnières-sur-Seine) bien que
des gammes françaises résistent à cette emprise
: les ventes français de Singer pèsent
5,3 % du total des ventes du groupe en 1912, soit le cinquième débouché mondial
derrière la Russie (24,5 %), les Etats-Unis (17,2 %), l’ensemble Allemagne-Autriche-
Hongrie (12 %° et le Royaume-Uni (5,5 %)
. Enfin, Eastman Kodak s’est implantée
dans le pays dès 1891-1897 et y diffuse par exemple son appareil photo de poche pliant
au tournant du siècle puis son Brownie : la France se couvre elle aussi de boutiques à
l’enseigne Kodak, qui distribuent les films négatifs, tandis qu’un accord autorise la
société Pathé à commercialiser les films positifs en France et les films négatifs en
Europe et dans les colonies ; sa rupture en 1909-1912 fait perdre à Kodak un partenaire
utile ; puis le destin de Pathé aboutit en avril 1927 à la création de Kodak-Pathé,
détenue à 51 % par Kodak et 49 % par Pathé (puis à 100 % par Kodak en 1931) : tandis
que Pathé se recentre sur la production cinématographique, Kodak-Pathé gère la
L’ancêtre de Palmolive est créée en 1864 et devient Palmolive en 1895.
L’association entre l’Omega Chemical Company et un pharmacien français, Louis Nathan, en
1908, permet de lancer le savon Cadum en 1911 vendu dans les pharmacies françaises. Marie-
Emmanuelle Chessel, « Une méthode publicitaire américaine ? Cadum dans la France de
l’entre-deux-guerres », Entreprises & Histoire, n°11, mars 1996, pp. 61-76. Jean-Pierre Bodeux
& Michel Wlassikoff, La fabuleuse et exemplaire histoire du Bébé Cadum, image symbole de la
publicité en France pendant un demi-siècle, Paris, Syros-Alternatives, 1990. Cf. aussi le site
[www.museedelapub.org/virt/mp/cadum].
Notre usine, l’espace d’une vie, Colgate-Palmolive France, 1990. Ce livre est sorti à l’occasion
de la fermeture de ce site.
Colgate a été créée dès 1806.
Marc Meuleau, « De la distribution au marketing (1880-1939) : une réponse à l’évolution du
marché », Entreprises & histoire, n°3, 1993, pp. 61-74.
Gordon McKibben, Cutting Edge. Gillette’s Journey to Global Leadership, Boston, Mass.,
Harvard Business School, 1998, p. 24.
Monique Peyrière, “L’industrie de la machine à coudre en France, 1830-1914”, in La
révolution des aiguilles. Habiller les Français et les Américains, 19e-20e siècles, Paris, Editions
de l’EHESS, 1996, pp. 95-114. Judith Coffin, ’’Credit, consumption, and images of women’s
desires: Selling the sewing machine in late nineteenth-century France”, French Historical
Studies, n°18-3, 1994, pp. 749-783.
Andrew Godley, “Selling the sewing machine around the world: Singer’s international
marketing strategies, 1850-1920”, Enterprise and Society, June 2006, n°7 (2), pp. 266-314
(tableau A2).