Pourquoi alors parler de moins humain chez Gide ? Il faut revenir sur la profondeur.
3. la profondeur
Gide affirme qu’ « il ne faut pas rester dans le particulier, mais aller vers le général », dans
Les Faux monnayeurs. Emma Bovary est le particulier. Le personnage théâtral tragique a une
dimension plus humaine car est plus général. Le temps, l’espace et l’action sont les principes
mêmes de la reconnaissance : « un type ne reproduit aucun homme en particulier, il ne se
superpose exactement à aucun individu, il résume et concentre sous une autre forme
humaine, toute une famille de caractères et d’esprits. Un type n’abrège pas, il condense. Il
n’est pas un, il est tous. Les types vont et viennent de plain-pied dans l’art et la Nature. Ils
sont de l’idéal réel » (Hugo, William Shakespeare).
Tout artiste doit viser au type. Le théâtre fonctionne avec une présence réelle, du corps, de
l’espace et du temps : c’est une alliance vécu réel/idéalisation, par Hugo. On a la présence
humaine en visant au général.
Intervient alors le problème de la catharsis , liée à l’érosion (par purification) : elle
suppose la distance et la proximité, la capacité à nous reconnaître dans la passion tragique
et à prendre de la distance envers cette passion.
Avec le roman, ceci risque de particulariser les passions et les êtres, de les noyer dans la
banalité telle qu’on risque de ne pas nous y reconnaître. Si le réel nous est donné tel quel, on
ne peut pas s’y reconnaître.
REMISE EN CAUSE DE LA COMPARAISON
1. Idéologie d’une comparaison des genres
Gide met en valeur la mauvaise foi du personnage d’Edouard qui veut briller et joue la
comédie du dépit amoureux. Il est déçu par le roman tel qu’il a é té écrit jusqu’ici.
Quelle est la légitimité du rapprochement théâtre/roman ? Les réseaux des signifiants
théâtre/roman sont totalement différents : roman et théâtre n’abordent pas la réalité de la
même manière : il peut paraître fou de vouloir les comparer.
La comparaison de Gide suppose une psychologie du roman : pour lui, le roman est un
genre inférieur car l’humain qui l’atteindrait serait un humain sans universalité, limité à des
personnages particuliers. Le but du roman est moins de représenter un type humain comme
le théâtre qu’une subjectivité de l’auteur aux prises avec le réel et qui nous éclaire que
notre propre rapport au monde : Dominique de Fromentin, 1884 : roman qui passe pour
autobiographique où Fromentin raconte une aventure de jeunesse, une déception
amoureuse. C’est un roman d’éducation et d’apprentissage, roman qui passe pour une
analyse psychologique. C’est le type de roman qui pourrait justifie r la remarque de Gide sur
le côté superficiel du héros tragique.
L’intérêt de ce type de roman est de rendre le réel signifiant. Comment expliquer qu’un être,
à un moment donné, voit le monde et ce monde là est un monde désenchanté ? Fromentin
est peintre, donc ce qu’il écrit est vrai. Mais ses descriptions sont plates, dans les lignes
horizontales (pas d’arbres, par exemple) : le monde est déserté par l’idéal. Dominique est un
roman dont l’histoire est absente. Il y a bien, cependant, une chronologie (le héros passe
par la révolution de 1848). Le vrai réel historique est passé sous silence, comme une manière
de dire que l’histoire l’a trahi.
Le roman est subjectivité aux prises avec le réel. Dominique ne nous dit pas le réel :
c’est un réel réfracté par une conscience : il est moins profondément humain car lié à des
particularités, mais le roman n’en n’est pas moins une œuvre d’art. Le réel est travaillé par
une conscience, par un regard. Il est constamment réinvesti dans le roman par l’imaginaire :
la catharsis, c’est peut-être là qu’elle est dans le roman : le roman met de la distance par
rapport au réel. Il s’agit d’échapper du réel (roman bâtard et roman trouvé) : forme de