LES MINERAIS DE « SANG » : UN SECTEUR ECONOMIQUE CRIMINALISE A
L’EST DE LA RD CONGO.
Les rapports des Organisations non gouvernementales
et ceux de panels des experts des
Nations -Unies
se multiplient pour exiger une quasi mise sous tutelle de l’exploitation
artisanale des minerais à l’Est de la RD Congo
ou à défaut un boycott total par les
consommateurs occidentaux des produits finis des compagnies utilisant ces minerais
. Les
arguments de ces différents rapports qui relient les violences et les souffrances des
populations civiles vivant dans les zones minières de l’Est de la RD Congo contrôlées par les
différentes bandes armées ont certes un fondement. Durant les années de la rébellion
congolaise entre 1996 et 2003, les accords de Lusaka de juillet 1999 permettaient aux
différentes rébellions qui s’étaient partagées le pays de se constituer en « Etats » ayant le droit
de maximiser ses recettes dans les territoires sous leur contrôle. Le boom du coltan entre 1998
et2001 ou de la cassitérite dans les années qui ont suivi ont certes constitué le nerf de la
guerre pour les différentes rébellions. Le contrôle des carrés miniers tel celui de Bisie dans le
territoire de Walikale par la 85ème brigade des FARDC en collaboration avec les FDLR entre
2006 – et février 2009 sont autant d’exemples qui démontrent à suffisance le rôle des hommes
armés dans l’exploitation artisanale des minerais. Les mines sont devenues une source
d’enrichissement profitant aux gradés des FARDC et des autres bandes armées qu’il est
devenu difficile de s’imaginer comment ces hommes armés peuvent abandonner un secteur
aussi juteux dans un contexte d’un Congo en faillite où l’Etat a cessé d’exister dans plusieurs
parties de la République. L’enclavement et l’isolement des zones minières tels Mwenga au
Sud-Kivu ou Bisie en territoire de Walikale au Nord-Kivu exacerbent cette absence d’Etat.
1. Les exportations des minerais : source des revenus importants pour la Province.
Cependant, au-delà de la possibilité ou de l’impossibilité d’un filtre international rendant les
minerais de l’Est de la RD Congo propres à la consommation, donc « conflict-free », il est
important de souligner que la criminalisation de ce secteur minier sous-estime le fait que plus
de deux tiers des revenus d’une province comme le Nord-Kivu dépendent des exportations de
ces minerais. Le dilemme devient du coup qu’en criminalisant ce secteur minier sans mettre
en place ou proposer une solution de rechange à un possible boycott de ces minerais, la
paralysie de l’économie à l’Est du Congo signifie plus de souffrances pour les populations
Global Witness, « Face à un fusil, que peut-on faire ? », Juillet 2009 ; The Enough Project,
« Digging in. Recent Developments on Conflict Minerals », January 2010,
Rapport final du Groupe d’experts sur la RDC, S/2008/773, 10 décembre 2008
Center on International Cooperation, « Independent Oversight for mining in the Eastern
Congo », A Proposal for a Third Party Monitoring & Enforcement Mechanism, Concept Note,
January 2010
PRENDERGAST, John, « A light at the end of the tunnel in Congo », February 26, 2010.
L’auteur trouve que l’un des signes d’espoir pour l’exploitation des minerais à l’Est de la RD
Congo est que les consommateurs occidentaux des produits finis électroménagers,
ordinateurs, téléphones portables et bijoux en or exigent que ces produits soient certifiés
comme n’ayant aucun lien avec les zones des conflits au Congo.
L’absence d’un Etat congolais capable d’imposer l’ordre et la loi est un constat amer que
d’aucuns déplorent. Ce vide d’Etat de droit congolais a contribué à l’émergence d’une
multitude d’individus et des services agissant « au nom de l’Etat » qui ont privatisé les
attributions de l’Etat et qui sont à l’origine de toutes sortes de tracasseries et de taxes
illégales.