Cours du 4 octobre 2007 Aborder La Bible Notions préliminaires Histoire d’Israël/1 – Page n°1
Cette année, le libellé de ce cours est mal libellé sur la brochure, je crois qu’il y a un problème de
ponctuation et tout est dans le désordre, ça ne veut rien dire, je suis solée mais je vais vous
recentrer le programme. D'abord, le premier cours, c’est La Bible, c’est ce que nous allons
commencer maintenant ; je vais vous proposer une présentation de La Bible mais vous allez voir
que ce n’est pas si simple ; on va s’arrêter sur ce monument de la culture mondiale qu’est La
Bible, ce sera le premier thème de l'année. Ensuite, nous parlerons de Jésus, nous resterons
donc dans La Bible mais nous allons nous intéresser au Nouveau Testament et, dans le
Nouveau Testament, à l’enseignement de Jésus, et pas n’importe quel enseignement mais
l’enseignement qu’il donne par le bais des paraboles ; on verra ce que sont exactement ces
paraboles, deuxième thème donc : enseignement de Jésus, le rôle des paraboles. Troisième
thème qui devrait commencer but 2008 : la sorcellerie ; on n’est plus dans La Bible, c’est
tout à fait autre chose ; c’est un cours beaucoup plus historique qui a pour but d’essayer de nous
faire comprendre ce qui s’est passé en Occident, à la Renaissance, avec cette espèce
d’épidémie de sorcelleries, de procès, de bûchers qui a vraiment envahi l’Europe. Enfin, au
printemps, si nous avons le temps mais j’espère que nous l’aurons, nous parlerons de la
symbolique de l’arbre mais j’y reviendrai plus tard.
Très rapidement, je vais vous parler des conférences ; je ne vais pas parler de toutes mais
uniquement de celles qui ont un sujet intéressant du point de vue de l’étude des religions. Faites
très attention, les conférences ont changé de jour et de lieu, les conférences ont lieu maintenant
le vendredi à 18h30, 1 rue Guy de la Brosse, à côté de Jussieu. En ce qui concerne les
conférences qui traitent de la religion, c’est moi qui commence : le 19 octobre, je vous parlerai de
la souffrance dans le livre de Job. Bien sûr, tout le monde connaît ce livre extrêmement célèbre
de l’Ancien Testament et ce malheureux Job à qui il arrive plein de malheurs alors qu’il était
parfaitement juste et un homme pieux, c’est une réflexion sur le mal et le mal de l’innocent, je
vous parlerai donc de l’approche biblique de ce thème de la souffrance. Ensuite, le 16 novembre,
une conférence concernant l’islam, donnée par Monsieur Mammeri qui enseigne l’arabe et la
civilisation musulmane depuis longtemps à l’Association. Puis le 3 décembre, Monsieur
Mirzayantz, qui fait cours en alternance avec moi le jeudi, vous parlera du bouddhisme en
Occident. Enfin, le 21 décembre, une conférence de Mademoiselle Fourastié concernant Jésus.
Il n’y a pas de temps à perdre parce que le programme est copieux, nous allons maintenant
aborder le premier sujet : aborder La Bible. Je vous ai mis au tableau des références
bibliographiques qui me paraissent être les meilleures pour débuter une étude de La Bible.
Quelle bible acheter ? Avec l’expérience, on se rend compte qu’il y a des éditions de La Bible qui
se détachent quand même des autres, qui sont nettement plus intéressantes, précises, elles sont
au nombre de deux ; il y a ce qu’on appelle la TOB, c’est un sigle qui veut dire « Traduction
œcuménique de La Bible » ; cela signifie que ce sont des chrétiens qui ont fait ensemble cette
traduction ; quand je vous dis chrétiens, ce sont des catholiques, des protestants et des
orthodoxes ; c’est donc une bible très bien traduite, dans l’esprit du texte original, c’est très bien.
La Bible de Jérusalem (ou BJ) est bien également. Elle est l’œuvre de savants catholiques
uniquement, alors elle n’a peut-être pas l’approbation de tout le monde chrétien ; mais La Bible
de Jérusalem a un avantage par rapport à la TOB, c’est qu’elle a été revue, corrigée, il n’y a pas
très longtemps, donc les erreurs de traduction, les approximations que l’on a encore dans la TOB
ont été enlevées de La Bible de Jérusalem. Voyez, il n’y a pas de bible idéale mais TOB et Bible
de Jérusalem sont quand même les deux traductions les meilleures. Je vous ai mis ensuite une
autre bible qui est La Bible d’André Chouraqui, théologien juif, il est mort cet été à Jérusalem et
lui a fait une traduction de La Bible très, très intéressante, une traduction mot à mot de l’hébreu.
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Inutile de vous dire que c’est pratiquement incompréhensible mais c’est une bible qui a le mérite
d’être au plus près du texte. Si bien que, lorsque dans La Bible de Jérusalem ou dans la TOB,
vous avez une note qui vous dit : « le texte voudrait à peu près dire ça ; on est obligé de traduire
par tel, tel terme approximatif », là, on peut aller se référer à La Bible de Chouraqui et on a
vraiment le sens premier ; c’est donc une bible qui est intéressante en second lieu. La Bible de
Chouraqui seule n’est pas exploitable mais La Bible de Chouraqui est bien utile lorsqu’on peine
sur la traduction telle qu’on la trouve dans la TOB ou dans La Bible de Jérusalem. Voilà ce que je
pouvais vous dire sur les choix que vous pouvez être amené à faire en matière de bible.
Puis, pour vous aider dans la lecture biblique, j’ai retenu essentiellement un ouvrage, aux
éditions du Cerf, en deux volumes, d’Etienne Charpentier, un volume sur l’Ancien Testament et
un volume sur le Nouveau Testament. C’est un ouvrage pas trop difficile mais relativement
complet quand même, l’essentiel est dit et c’est très bien fait, c’est très pédagogique, c’est très
bien présenté ; le style est très clair, c’est un auteur qui prend beaucoup d’exemples, qui appuie
ce qu’il avance sur des exemples, sur des citations bibliques ; dans ces ouvrages, il y a
également des commentaires de passages bibliques, de passages très célèbres. Donc je crois
que, pour débuter, c’est vraiment cet ouvrage qui est le plus utile et, à mon avis, le plus
pédagogique. Et après, si, dans votre cheminement, vous désirez d’autres titres, vous venez me
voir et, selon ce que vous cherchez, je pourrais vous conseiller un titre plutôt qu’un autre mais,
pour débuter, je pense que l’ouvrage de Charpentier est le plus indiqué. Voilà ce qu’on pouvait
dire pour introduire le cours et, maintenant, sans plus attendre, nous allons donc aborder le cours
proprement dit.
1. Notions préliminaires
2. L’histoire d’Israël
3. Les grandes étapes de la rédaction biblique
4. Aborder l’étude des textes bibliques
Je vous ai mis le plan au tableau. On va d'abord voir quelques remarques, quelques notions
préliminaires, c’est une sorte d’introduction. Le point suivant, c’est l’histoire d’Israël ; on verra
pourquoi on ne peut pas faire l’économie de l’histoire d’Israël pour comprendre La Bible. Le
troisième point : les grandes étapes de la rédaction biblique ; on verra que les étapes de la
rédaction biblique ne sont pas faciles à déterminer mais elles sont capitales à connaître, du
moins dans leurs grandes lignes ; on essaiera donc de voir, et ça sert bien pour se repérer dans
La Bible, comment, et pourquoi ont été rédigés l’Ancien Testament et le Nouveau Testament,
tels qu’on les connaît aujourd'hui ? Ensuite, je vous donnerai quelques conseils en guise de
conclusion pour aborder la lecture et l’étude des textes bibliques. C’est un ouvrage particulier,
unique en son genre, on l’appelle d'ailleurs le Livre avec un L majuscule et il ne s’étudie
comme les autres livres ; La Bible, c’est un univers à elle toute seule, on entre dans ce
monument comme dans quelque chose de tout à fait à part dans la culture mondiale.
En ce qui concerne les notions préliminaires, elles sont au nombre de cinq. Première notion : je
vais simplement vous donner le sens du mot bible : ça veut dire quoi bible ? Bible, ça vient du
mot grec biblion qui renvoie lui-même au mot Byblos et c’est tout simplement le nom d’un port,
situé en Phénicie, qui s’était spécialisé dans le traitement du papyrus, autrement dit du papier. Et
comme La Bible est constituée de nombreux livres et qu’on l’a écrite sur du papyrus venant de
Byblos, le mot, tout naturellement, a donné bible ; donc bible, ça veut dire des livres qui se sont
constitués et qu’on a écrit sur du papyrus. Alors La Bible, il ne faut pas voir le mot comme étant
un livre mais plutôt une bibliothèque. La Bible, c’est un ensemble de livres ; ce ne sont pas
n’importe quels livres ; les gens qui les ont choisis ne les ont pas choisis par hasard, ils ne les
ont pas non plus mis dans n’importe quel ordre ; et là, c’est déjà une difficulté mais vous allez voir
que, étudier La Bible, ce n’est qu’une succession de difficultés. Si je vous disais que c’était facile,
je mentirai. Non, La Bible, c’est long, ce n’est jamais terminé mais c’est passionnant. La Bible,
c’est un ensemble de livres sur lesquels d'ailleurs tout le monde n’est pas d’accord, vous avez
des bibles hébraïques, vous avez des bibles chrétiennes ; parmi les bibles chrétiennes, vous
avez des bibles protestantes, des bibles catholiques et toutes ces bibles n’ont pas le même
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nombre de livres, et ils n’ont pas le même classement, et ils n’ont pas forcément les mêmes
noms ; c’est donc assez compliqué de s’y retrouver mais c’est ainsi. La Bible, de nombreux livres
qui, par étapes, se sont agrégés et puis, un beau jour, des hommes se sont mis d'accord sur un
canon (c'est-à-dire un choix des livres) et leur ordre. Voilà ce que veut dire le mot bible et c’est
donc un mot qui, à lui tout seul, est déjà une sorte d’aventure.
Deuxième remarque : La Bible, c’est quoi ? Quel est son rôle ? Pourquoi a-t-on écrit La Bible ?
Pourquoi tous les peuples n’ont-ils pas une bible ? Pourquoi est-ce quelque chose qui apparaît
chez un peuple : le peuple juif ? Quel est le rôle de La Bible ? La Bible, elle a justement comme
fonction d’être la mémoire du peuple d’Israël. Et là, on a quelque chose de tout à fait singulier,
aucun autre peuple que le peuple d’Israël n’a fait cela : voilà ce peuple qui avance dans l’histoire
et qui se pose des questions. Son histoire n’est pas facile, elle est tragique, elle est faite de
drames, elle est faite de beaucoup d’échecs ; et ce peuple va avoir une idée étrange mais une
idée assez niale quand même, c’est de se dire : on va relire notre histoire pour essayer de
comprendre pourquoi, chez nous, ça va si mal. Pourquoi on n’a pas de terre ; pourquoi les
puissances qui nous entourent essaient régulièrement de nous mettre le grappin dessus ;
pourquoi est-ce qu’on est malheureux ; pourquoi y a-t-il de l’injustice dans nos sociétés ? C’est
un peuple qui relit son histoire, il se pose des questions et, en relisant son histoire, il découvre
qu’il n’est pas seul mais que, pour cheminer dans cette histoire, dans cette histoire qui n’est pas
facile, il y a Dieu, un dieu unique, qui va les accompagner. Si bien que ce peuple, au fur et à
mesure qu’il relit son histoire mouvementée, se met à découvrir le monothéisme ; c’est le seul
peuple qui a cette démarche et qui est pour témoigner de cette expérience unique. Alors
pourquoi, comment ? On n’en sait rien mais aucun autre peuple de la terre n’a eu l’idée de faire
ça dans sa culture. Bien sûr, nous avons tous à apprendre des Grecs, des Romains, des Chinois,
des Africains ; tous les peuples ont porté des civilisations extrêmement intéressantes dont nous
sommes les débiteurs encore aujourd'hui mais il y a, dans tout ce paysage culturel mondial, une
espèce de particularisme de ce peuple juif ; c’est un petit peuple, qui ne fait rien comme tout le
monde, à qui il arrive des choses étranges et qui va se mettre à découvrir ce Dieu qui a une
portée universelle parce qu’ils ne vont pas le garder pour eux ; ce Dieu qui chemine avec ce petit
peuple, il a vocation à être le peuple de toute l’humanité. C’est donc pour ça que, La Bible, c’est
le trésor de toute l’humanité même si, lorsqu’on l’ouvre, ce livre ne parle que du peuple juif. Et
cette façon qu’a le peuple juif de relire son histoire, c’est un trait de génie qui est propre au
peuple juif et qu’on va retrouver tout au long de son histoire, y compris récemment.
Je vais prendre un exemple assez étrange. Souvenez-vous Freud, médecin du 19ème siècle,
complètement éloigné du monde religieux, qui ira même jusqu’à écrire au début de sa carrière
que, la religion, c’est une maladie et une névrose qu’il faut soigner. Freud était d’un milieu juif
non pratiquant, il avait complètement rompu avec la synagogue mais qu'est-ce que va faire
Freud, sans savoir peut-être que son attitude est biblique ? On est à la fin du 19ème siècle et on
constate qu’il y a des gens qui ont des symptômes bizarres, qui souffrent ; ils ont des
symptômes, ils souffrent vraiment mais, dans leur corps, ils n’ont aucune maladie, alors on se dit
que ça doit être psychique mais on ne sait pas soigner ça ; alors que fait-on à la fin du
19ème siècle ? On tâtonne et un médecin, qui est lui quelqu'un de renommé à Paris, à la
Salpêtrière, le docteur Charcot, va avoir l’idée de proposer comme traitement l’hypnose ; alors on
pratique l’hypnose sur ces malades qu’on appelle des hystériques. Ça ne marche pas bien, leur
état est amélioré mais ils rechutent, et donc personne ne sait quoi faire. Et Freud, ce jeune
médecin qui n’est pas plus savant que les autres, certainement beaucoup moins savant que le
docteur Charcot, va avoir cette idée de dire au malade : « tu souffres, on va retourner dans ton
passé. Parle-moi de tes parents, parle-moi de ton enfance, parle-moi de ta famille, là on va
sûrement trouver le nœud du problème ; ça va te guérir et tu pourras de nouveau vivre
normalement. »
Ça, c’est l’attitude juive par excellence qui a présidé à la rédaction de La Bible. C’est un peuple
qui se dit : « ça va mal parce qu’on a été réduit en esclavage par tel peuple, comment ça se fait ?
Relisons notre histoire : qu'est-ce qu’on a fait dans notre passé lointain ou récent pour mériter
cela ? On va trouver la solution parce que, avec nous, il y a Dieu. Il y a un Dieu bon, c’est le Dieu
de notre peuple ; on va comprendre ce qui s’est passé, on va comprendre les
dysfonctionnements qui ont été les nôtres, et Dieu va nous ouvrir à l’avenir. » Et voyez, sans
arrêt, on repart comme ça. C’est vrai pour les Juifs des premiers siècles mais c’est vrai aussi
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pour les Juifs qui ferment La Bible dans le Nouveau Testament, on va toujours avoir la même
attitude. Par exemple, pour l’exode : pourquoi avons-nous connu la servitude en Egypte ? On
aura la même démarche pour l’exil à Babylone : pourquoi a-t-on été déporté ? Et sans arrêt
comme cela. Avec le Nouveau Testament, ce sera : mais pourquoi sommes-nous sous le joug
des Romains ? Et ça va se terminer par les évangiles des Juifs vont se dire : on a cheminé
avec Jésus mais, pendant ces trois ans, on ne s’est pas rendu compte de ce qui s’est passé ; on
va relire ce qui s’est passé avec lui ; on va essayer de se souvenir de ses prédications, de ses
miracles, de ce qu’il nous a dit, des guérisons qu’il a faites ; alors, après coup, on se rend
compte que c’était lui le Messie, le Fils de Dieu.
Vous voyez donc, sans arrêt, les Juifs connaissent des expériences, le plus souvent
douloureuses, tragiques ; ils les vivent et ils essaient de les penser. Et les penser, pour eux, c’est
les relire à la lumière de leur foi. C’est comme ça que La Bible en fait couvre dix siècles de
l’histoire d’Israël, c’est immense, c’est énorme. Alors on comprend déjà mieux pourquoi ce livre
est énorme et qu’il y a énormément de choses dedans, des choses touffues et, quelquefois, des
choses difficiles ; dix siècles de la vie d’un peuple, encore une fois, on n’a pas l’équivalent, on a
autre chose bien sûr mais on n’a pas cela dans d’autres cultures, donc on ne peut même pas
comparer. Il n’y a que les Juifs qui offrent une relecture de leur histoire, une histoire qui se
déroule sur dix siècles. Dix siècles, pour vous situer un peu les dates, ça commence à peu près
en 1800 avant l’ère chrétienne, c’est le début de la geste d’Abraham et La Bible se termine au
1er siècle de l’ère chrétienne, lorsque les premières communautés chrétiennes sont fondées et
que Jean écrit l’Apocalypse. Mais c’est toujours le peuple juif, et on est toujours en Israël, on est
toujours vers Jérusalem et les alentours, il s’est effectivement passé pour l’humanité entière
des choses d’une importance capitale. Donc voilà le mot, La Bible, la recension de livres,
bibliothèque, le rôle de La Bible, quel est son rôle ? Quand on étudie un passage de La Bible, Il
faut toujours avoir à l’esprit que, le rôle de La Bible, c’est de guérir les malheurs du peuple juif qui
découvre, dans son histoire qu’il relit, la présence du Dieu unique ; il découvre donc le
monothéisme et ce Dieu qui est à leurs côtés.
Troisième thème : le mot révélation, les Juifs découvrent que Dieu marche avec eux dans leur
histoire, qu'est-ce que ça veut dire ? Le mot révélation, qu'est-ce qu’il signifie ? C’est un mot que
l’on emploie souvent pour dire qu’un secret, quelque chose de précieux mais de caché, peut
venir à la lumière. Par exemple, on va dire d’une œuvre d’art qu’elle révèle le génie d’un artiste ;
à propos d’un enfant, on va dire par exemple que, à l’adolescence, il révèle des dons pour être
musicien ou sportif ; voyez, c’est quelque chose de précieux qui émerge et qui se révèle, c'est-à-
dire qui vient à la lumière. Donc la révélation biblique, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que, en
relisant son histoire, les Juifs découvrent que Dieu est à leurs côtés mais ils ne découvrent pas
Dieu parce qu’ils auraient les outils pour lui mettre la main dessus ; non, c’est Dieu qui se révèle,
c'est-à-dire c’est Dieu qui se donne à eux ; ce n’est donc pas une conquête de l’homme sur Dieu,
c’est l’homme qui, en relisant son histoire, se rend compte que cette histoire est éclairée, elle est
révélée par un dieu bienveillant qui est et qui se donne. Dieu est là ; Dieu, il est présent dans
l’histoire, il accompagne Israël. C’est une découverte de foi ; ce n’est pas une découverte
scientifique, ce n’est pas une affirmation philosophique ; c’est ainsi, ils découvrent ce Dieu qui se
dévoile petit à petit.
Ça, c’est très intéressant pour nous parce que ça va nous donner également une méthode. On
vient de voir que l’histoire de La Bible couvre dix siècles, ce qui veut dire que la maturation de
l’esprit d’Israël va durer dix siècles ; ce qui veut dire que, selon les livres, on ne va pas avoir la
même révélation de Dieu. Et ça, c’est quelque chose de très intéressant parce que ça nous
permet de ne jamais tomber dans le piège qui serait de dire : « on a mis la main sur Dieu, il est
comme ça et il n’est pas autrement » ; ça, c’est une lecture fondamentaliste qui n’est absolument
pas biblique. Lorsqu’on ouvre La Bible, on va constater que, Dieu, il a un visage - très bien. Mais
quand vous lisez le livre suivant, vous verrez que Dieu a un autre visage ; le livre d’après, il a
encore un autre visage ; tout simplement parce que la révélation que Dieu fait à son peuple est
une révélation progressive. Donc lorsque vous êtes dans la Genèse, dans le premier livre de
l’Ancien Testament, vous avez un visage de Dieu ; de grâce, ne refermez pas La Bible en disant :
« je m’en doutais, c’est un Dieu redoutable qui ne fait que punir son peuple. » Non parce que, au
livre suivant, le peuple, il n’est pas puni, il est pardonné. Et puis, dans le livre suivant, c’est
encore un autre visage de Dieu, c’est un Dieu qui libère par exemple ; des visages de Dieu, il y
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en a autant que de livres bibliques. Donc lorsqu’on essaie de comprendre un peu ce Dieu, ce
dieu des juifs, il faut se dire : « attention, dans ce livre écrit à telle époque, dans tel contexte, à
l’époque les juifs ont tel problème, quand ils sont amenés à relire ce qui vient de leur arriver,
ils découvrent telle facette de Dieu. » Mais le Dieu de la Genèse n’est pas le Dieu de Jésus ; le
Dieu des prophètes n’est pas le Dieu des évangélistes ; bien sûr, c’est toujours le même Dieu
mais il a une multitude de facettes. Ça, c’est très intéressant parce que cela veut dire quon ne
met pas la main sur Dieu ; Dieu, de toutes façons, il est toujours au-delà de la révélation qu’il fait
à son peuple, non pas parce qu’il lui fait des cachoteries mais tout simplement parce que l’esprit
humain ne peut pas contenir la transcendance en totalité, et donc l’homme chemine avec Dieu
mais rien n’est jamais figé. Et si un jour, vous tombez sur un livre de quelqu'un qui dit : « Dieu, il
est comme ça ; j’en ai fait le tour, il est comme ça et pas autrement », de grâce, fuyez, vous êtes
dans une espèce de lecture fondamentaliste, voire fanatique, de Dieu. On ne met pas la main
sur Dieu, ça, c’est le grand apport de La Bible. Si bien que, lorsque vous allez refermer La Bible
et que vous êtes au dernier verset de l’Apocalypse, je ne dis pas que vous ne savez toujours pas
qui est Dieu mais c’est un peu ça quand même : vous avez tellement vu de visages de Dieu que
vous rendez compte que, bien sûr, sur un plan spirituel, La Bible vous a apporté plein de choses
mais, au bout du compte, qui est Dieu ? On ne sait pas. Et l’affirmation, y compris dans le
Nouveau Testament, reste valable. Lorsque Jésus demande à ses disciples : « Et pour vous, qui
suis-je ? », il n’y a pas de réponse ; après, on est dans une liberté de la foi mais Dieu, il apparaît
dans le livre, et il apparaît différent à chaque fois, il est multiforme.
Ce terme de révélation m’amène à vous présenter la notion suivante : est-ce que La Bible est un
livre inspiré ? On voit effectivement le problème : on a un peuple, des êtres humains, des Juifs,
puis on a Dieu, Dieu qui est la transcendance, qui est l’autre ; comment Dieu va-t-il se faire
comprendre des hommes parce qu’il y a une différence de nature : les hommes sont des
hommes, Dieu est Dieu ? Comment les hommes vont pouvoir avoir l’intuition de la révélation, et
comment vont-ils pouvoir dire ça avec des mots ? Comment vont-ils pouvoir d'abord constituer
des récits et mettre ensuite ces récits par écrit ? On dit alors que La Bible est un livre inspiré. Ce
qui veut dire que, entre Dieu et l’homme, il y aurait un intermédiaire qui traduirait le message
divin en termes humains ; cet intermédiaire, c’est l’Esprit de Dieu lui-même. Cet Esprit de Dieu,
on le trouve dès le début dans La Bible ; dès le récit de la création, dès le deuxième verset, on
nous dit : « Et l’Esprit de Dieu planait sur les eaux. » Cet esprit qui accompagne, c’est un esprit
divin mais qui peut atteindre les hommes, et donc les rédacteurs de La Bible se disent qu’il suffit
d’être attentif à l’esprit pour savoir quoi dire et savoir quoi écrire ; c’est quelque chose qui
fonctionne ainsi : on se met sous le don de l’Esprit et on écrit. On écrit comme ça vient. Mais,
naturellement, comme on est dans l’histoire, l’Esprit de Dieu ne dit pas une fois pour toutes ce
qu’il faut écrire et ce à quoi il faut croire ; l’Esprit marche avec les hommes, c'est-à-dire il inspire
les hommes petit à petit ; donc l’histoire de Moïse, elle est inspirée mais pas comme celle
d’Abraham ; l’histoire d’Isaïe, de Jérémie, est inspirée encore un peu autrement ; puis l’histoire de
Jésus ou de Saint Paul est inspirée un peu encore autrement ; c'est-à-dire que l’Esprit se donne
dans l’histoire de l’homme, c’est donc une révélation qui est aussi progressive. On voit assez
bien ce qu’est cette inspiration biblique quand on l’oppose à la révélation coranique, on dit :
« dans Le Coran, Dieu se révèle à Mahomet », c'est-à-dire que, dans un seul livre, en une seule
fois, il lui donne la totalité de quelque chose qui est parfait. Très bien, c’est une démarche tout à
fait légitime. Dans La Bible, on n’a pas ça, c’est légitime aussi. C’est un livre qui est simplement
inspiré ; ce n’est pas Dieu qui parle, c’est Dieu en fonction de l’homme ; c’est l’Esprit de Dieu en
fonction de l’histoire de l’homme ; c’est une approche plus historique, plus humaine.
Alors - me direz-vous - quand on n’a pas la foi juive ou chrétienne, quand on est athée ou quand
on est musulman ou bouddhiste, est-ce quil peut être intéressant de lire La Bible puisque, bien
sûr, parler d’un livre inspiré, ça suppose de croire en Dieu et à cet Esprit de Dieu ? Je vous
rassure, d’autres approches sont possibles, on peut très bien dire : La Bible, c’est l’expression du
génie d’un peuple ; de même que les Grecs ont inventé la philosophie et la science, que d’autres
civilisations ont inventé plein de choses dans le domaine de l’art, de la médecine, de la science,
on peut dire que le génie du peuple juif, ça a été de nous proposer une aventure spirituelle sans
précédent mais, derrière ce peuple, on peut mettre Dieu bien sûr mais on peut très bien mettre
l’Homme - avec un grand H - tout simplement. Cela a eu du mal à s’installer mais, aujourd'hui,
considérer effectivement La Bible comme un trésor humain, c’est assez courant et on peut tout à
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