Ministère de la Défense Le ministère de la Défense et des anciens combattants est chargé de la mise en œuvre de la politique de défense de la France, comprenant la mise à disposition et l’entretien d’une force de combat opérationnelle, la gestion des infrastructures de défense, et la capacité à répondre à une crise sécuritaire à l’étranger comme à une menace directe à l’encontre des intérêts français. Depuis près de deux siècles, le ministère de la Défense occupe l’hôtel de Brienne, dans le 7e arrondissement, et ses alentours. Il gère un budget de près de 40 milliards d’euros et emploie un peu plus de 300.000 hommes et femmes. Histoire L’Ancien régime avait son secrétariat d’Etat à la Guerre et son secrétariat d’Etat à la Marine, la Révolution opère un changement sémantique en créant les ministères de la Guerre et de la Marine. Celui consacré à la Guerre, trop vaste, se répartit alors dans plusieurs hôtels parisiens : hôtel de Castries, rue de Grenelle, hôtel de Tessé, rue de Varenne, ou encore dans celui de Choiseul, rue de la Grande Batelière ou de Noailles, rue de l’Université (7ème arrondissement). Une dispersion qui n’a plus cours à compter de 1804 : l’ensemble des bureaux se trouvent désormais rassemblés dans le couvent des Filles de Saint Joseph et dans ses alentours. A partir de 1817, le ministère de la Guerre s’installe à l’hôtel de Brienne, rue Saint Dominique et étend ses bureaux à tout le voisinage au cours du XIXe siècle. En 1948, le ministère de la Guerre fusionne avec celui de la Marine - qui était jusque-là étroitement lié à celui des Colonies - ainsi qu’avec le ministère de l’Air, créé en 1915, pour former le ministère de la Défense nationale. Après plusieurs changements de nom – il fut plusieurs fois appelé ministère des Armées – le ministère devient celui de la Défense en 1974. Longtemps dans l’histoire du ministère, le problème majeur fut celui du commandement en opérations, et celui de la préparation de la guerre en temps de paix. Ainsi, jusqu’à la défaite contre les troupes prussiennes de 1870, il n’y avait pas l’embryon d’un état-major. Les décisions et la planification des actions étaient le seul fait du roi, du major général sous l’Empire, puis du ministre en charge de la Guerre. En 1871, le ministère se voit doter de trois directions (personnel, matériel, contrôle et comptabilité) et d’un état-major du ministre, mais les militaires disposent de bien peu d’autonomie dans la prise de décision. Cette situation s’améliore quelque peu trois ans plus tard, quand le haut commandement est réorganisé en six bureaux et que le chef d’état-major n’est plus le chef du cabinet du ministre. En 1884, ce dernier dispose même de deux sous-chefs d’état-major général. Mais ce n’est qu’à partir de 1890 qu’un véritable état-major de l’armée (et non pas des armées) est institué avec, à sa tête, un chef d’état-major ayant rompu ses liens de dépendances vis-à-vis de son ministre de tutelle. Tourné complètement vers l’opérationnel, cet état-major a pour charge de mettre en place les structures nécessaires à la défense du territoire, et de préparer le pays et son armée à d’éventuelles opérations de guerre. Mais lorsque le France entre en guerre en 1914, elle ne dispose ni d’un ministère de la Défense réunissant l’ensemble des troupes utiles à la défense du territoire, ni d’état-major interarmées. La seule avancée notable avant le déclenchement du premier conflit mondial est la création, en 1906, du Conseil supérieur de la défense nationale, réunissant le président du Conseil et les principaux ministres concernés par l’effort militaire. En 1921, le CSDN se voit doter d’un secrétariat général qui préfigure l’état-major des armées, tel qu’on le connaît aujourd’hui. Si le Secrétariat général de la Défense nationale a bien un officier à sa tête, il faut attendre les années 1930 pour que la question de la création du poste de chef d’état-major des armées (et donc la concentration du pouvoir décisionnaire en matière d’opérations sur tous les terrains) soit débattue. Une création qui interviendra bien tard, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. De plus ce nouveau chef des armées n’a pas d’état-major qui lui serait dévolu et n’a que des prérogatives limitées sur la Marine. Le second conflit mondial voit, pour la première fois, les armées de terre, de l’air et les forces navales réunies sous la seule et même autorité du ministre de la Défense : d’abord, de façon non aboutie (en raison de réticences de certains corps d’armée) entre les mains du général Weygand, puis à Alger, dans celles du général de Gaulle, qui prend la tête de toute la Défense nationale. Pour le seconder, un étatmajor interarmées est créé, l’Etat-major général de la défense nationale (EMGDN), sur la base du Secrétariat général de la défense nationale, dont le chef a autorité sur tous les hauts gradés. La IVe République, elle, renonce à ce lien fort entre le chef de la défense et son état-major, pour lui préférer une répartition en départements ministériels sous l’autorité relative du ministre de la Défense. L’EMGDN est marginalisé au profit de l’État-major général des forces armées, sous la coupe unique du ministère. Ses fonctions, comme son appellation, fluctuent au gré des changements de gouvernement, nombreux au cours de cette période. Mais la nouveauté est qu’à partir de 1952, et ce jusqu’à nos jours, un chef d’Étatmajor général des forces armées sera en permanence au sommet de la hiérarchie militaire française. Avec le retour de de Gaulle aux affaires, en 1958, un Etat-major général de la défense nationale revoit le jour, aux mains du président du Conseil, et non du ministre de la Défense, comme ce fut le cas au moment de la Libération. On voit donc deux états-majors coexister. Les trois secrétaires d’État aux forces armées disparaissent. La Ve République voit l’autorité du ministre de la Défense diminuer au profit de celui du Premier ministre. Dans les faits pourtant, c’est le président de la République qui s’arroge la direction des forces armées et qui dialogue directement avec l’EMGDN. Le ministre des Armées voit donc ses prérogatives s’amoindrir, jusqu’en 1961 où une série de décrets (le poste est alors détenu par Pierre Messmer) donne à la fonction la latitude d’action qu’elle connaît aujourd’hui. C’est à cette époque aussi qu’est créé le Secrétariat général pour l’administration, et que les directions industrielles fusionnent pour former l’embryon de ce que sera la Direction générale de l’armement. Par ailleurs, le « putsch des généraux » d’avril 1961 en Algérie inverse le rapport de force entre l’Etat-major général de la défense et l’Etat-major interarmées : le second, moins suspect, résiste mieux à l’épisode et s’arroge toutes les prérogatives d’ordre militaire. Il devient l’Etat-major des armées en 1962, nom qu’il gardera jusqu’à nos jours. Mission La mission du ministère de la Défense et de son ministre, est décrite dans l’article L1142-1 du code de la Défense (version en vigueur à compter du 7 août 2009) : « Le ministre de la défense est responsable de la préparation et de la mise en œuvre de la politique de défense. Il est en particulier chargé de l'infrastructure militaire comme de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation des forces armées, sous réserve des dispositions de l'article L. 3225-1. Il a autorité sur les armées et leurs services. Il veille à ce que les armées disposent des moyens nécessaires à leur entretien, leur équipement et leur entraînement. Il est responsable de leur sécurité ». Le ministre a également la charge de la prospective de la défense, du renseignement extérieur (via la DGSE) et du renseignement militaire, de l’anticipation et de la gestion des crises sécuritaires, et de la politique industrielle de défense. Il est aussi le garant du lien entre l’armée et la nation, et gère les questions ayant trait aux anciens combattants et aux victimes de la guerre. En revanche, il ne décide pas de l’emploi de la force, rôle dévolu au président de la République, chef des armées, sous la Ve République. Pour l’ensemble de ces tâches, le résident de l’hôtel de Brienne est directement assisté par le chef d’Etatmajor des armées (CEMA) pour ce qui est de la préparation des troupes et l’organisation des armées, par le délégué général pour l’armement, en ce qui concerne les capacités matérielles des armées (recherche, politique industrielle de défense, contrats avec l’étranger) et par le secrétaire général pour l’administration pour tout ce qui touche aux questions d’administration générale, de budget, de patrimoine ou d’ordre juridique. Plusieurs organismes sont rattachés directement au ministre et l’aident dans sa prise de décision quotidienne : la Délégation aux affaires stratégiques (DAS), le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM), la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), le Contrôle général des armées (CGA), le Conseil général de l’armement, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), la Direction générale des systèmes d’information et de communication (DGSIC), le Bureau des officiers généraux (BOG), le Bureau enquête accidents défense (BEAD), la Délégation à l’information et à la communication de la défense, la Mission PME, ou encore la Commission armées jeunesse (CAJ). Depuis 2009, la Gendarmerie nationale est passée sous le giron du ministère de l’Intérieur, et ne dépend donc plus, d’un point de vue budgétaire et organisationnel, de celui de la Défense. Néanmoins, les gendarmes conservent leur statut de militaire et la Gendarmerie nationale conserve son appellation de « force armée » française. Ainsi, le ministre de la Défense garde autorité sur les personnels militaires de la gendarmerie engagés dans des missions militaires quel que soit l’endroit où ils se déploient. Où va l’argent Selon la loi de finance initiale publiée au Journal officiel le 29 décembre 2011, le budget du ministère de la Défense pour l’année de 2012 se monte à 41,23 milliards d’euros en crédits de paiement (43,2 en autorisations d’engagement). Par rapport à 2011 (40,8 milliards d’euros), ce budget est en légère hausse. La répartition de cette somme au sein du ministère doit se faire comme suit : 38 001 433 791 euros pour la mission « Défense », 3 032 621 832 euros pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et 192 868 745 euros pour la mission « Recherche et enseignement supérieur » Polémiques Le retrait d’Afghanistan : Fin 2011, près de 3600 soldats français opéraient sur le sol afghan. Depuis dix ans, la France combattait, aux côtés de ses alliés, le pouvoir taliban puis son insurrection, conformément à la résolution 1373 des Nations unies adoptée le 28 septembre 2001 (l’opération Enduring Freedom a débuté le 7 octobre de la même année). En 2008, la France se voit confier la sécurité de la province de Kapisa (Est), l’une des plus dangereuses du pays. Neuf jours plus tard, le 18 août, dix soldats français trouvent la mort dans une embuscade dans la vallée de l’Uzbeen, dans le district de Surobi, entre Kaboul et la frontière pakistanaise. C’est alors le plus lourd tribu payé en une seule fois par l’armée française depuis 25 ans. Cette attaque crée une onde de choc dans l’opinion publique française, déjà partagée sur la poursuite de l’engagement militaire français en Afghanistan. 55% des Français se disent alors favorables à un retrait des troupes. Au sein de la classe politique, le clivage s’accentue : l’opposition de gauche se positionne pour un désengagement. Mais le Parlement confirme, le mois suivant, la poursuite de l’action de la France au côté de ses partenaires. Néanmoins Paris ne répondra pas favorablement à la demande américaine de déployer 1500 militaires supplémentaires sur les théâtres d’opération en 2010. Lors de la campagne présidentielle de 2012, François Hollande, futur président, affiche sa volonté de d’organiser le retour des troupes d’Afghanistan avant la fin de l’année, soit deux années plus tôt que le calendrier négocié avec Washington, et un an avant le projet révisé de l’ancien président Nicolas Sarkozy. Le coût de l’intervention libyenne : Entamée le 19 mars 2011, « l’opération Harmattan » entreprise par plusieurs pays occidentaux au-devant desquels la France et la Grande-Bretagne, contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi, a pris fin plus de six mois après, avec la chute du bastion loyaliste de Syrte et la mort du « Guide libyen ». L’intervention a coûté 300 millions d’euros à la France. Tout au long de celle-ci, des polémiques sont nées à chaque évaluation chiffrée des coûts engendrés par les combats : ici celui d’une heure de vol d’un drone, là d’un rafale (près de 13 000 euros). Au-delà d’une affaire de gros sous, cette intervention a posé la question de la latitude d’action de l’OTAN qui a participé (et notamment la France) à l’armement des insurgés et s’est impliquée dans des opérations qui dépassaient parfois, pour certains, la stricte protection des populations civiles. L’ingérence de l’armée française dans les ex-colonies : C’est un sujet fréquemment soumis à polémiques. La France, par son passé colonial, dispose de nombreuses positions militaires dans le monde, et principalement sur le continent africain. Au-delà de cette présence, ce sont les relations avec ses anciens pays de tutelle et leurs gouvernants qui provoquent souvent l’ire d’une partie des populations de ces Etats. Les évènements en Côte d’Ivoire entre le 2 décembre 2010 (date de la proclamation de la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle) et le 11 avril 2011 (celle de l’arrestation de son concurrent et président sortant Laurent Gbagbo) ont démontré la capacité française à demeurer omniprésente dans les affaires politiques de ses anciennes colonies. La polémique nait en effet véritablement lorsque la force Licorne, installée dans le pays depuis 2002, se déploie pour protéger les ressortissants français : elle est alors accusée par le camp Gbagbo de soutenir le rival Ouattara et d’avoir mené elle-même l’arrestation de l’ancien chef d’Etat le 11 avril, à son domicile. Si l’accusation a été démentie par les autorités françaises, cet épisode illustre pour beaucoup la persistance d’un regard français sur les affaires africaines, à l’opposé du discours de 2008 de Nicolas Sarkozy qui affirmait alors : « La France n'a pas vocation à maintenir définitivement des forces armées en Afrique. L'Afrique doit prendre en charge les problèmes de sécurité ». Parallèlement, une nouvelle menace est apparue, celle de l’islamisme radical dans les pays du Sahel. Le ministère français de de la Défense (de par la présence de troupes mais surtout de ressortissants français dans la zone) se retrouve lié aux questions sécuritaires que soulève cette menace. S’il n’est pas en première ligne, le ministère de la Défense doit coopérer avec les forces militaires du Mali, du Niger ou encore de la Mauritanie dans leur combat. D’autant que la France est directement visée, suivant le chemin tracé par l’islamisme algérien des années 1990, par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Une coopération pas toujours couronnée de succès : trois otages français sont morts en 2010 et 2011 (dont deux dans une opération visant à les libérer), quand six autres sont toujours aux mains de leurs ravisseurs L’industrie de défense : Le Rafale reste dans l’opinion publique française le symbole de l’échec du savoir-faire français en matière de défense à l’étranger. Lancé en grandes pompes à la fin des années 1980 par l’avionneur tricolore Dassault Aviation, le programme de construction de l’avion de combat s’est heurté aux réticences de nombreux pays (Pays-Bas, Arabie Saoudite, Maroc) et à la concurrence européenne et américaine. En 2009, le président Sarkozy annonce la vente de 36 appareils au Brésil : un contrat remis en question avec l’arrivée à la présidence brésilienne de Dilma Roussef. Début 2012, l’Inde s’engage à en acheter 126, mais la signature n’est envisagée qu’en fin d’année. Une difficulté à l’exportation qui fait écho à celle du char Leclerc, pourtant considéré comme le fleuron de l’industrie d’armement française. La fin des années 2000 restera également marquée par le sauvetage in extremis de l’avion de transport A400M : en 2003, sept pays européens (dont la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Grande-Bretagne) décident de l’achat de 180 appareils alors que l’avion n’est pas encore produit par Airbus. Pour un coût total de 20 milliards d’euros, la société s’engage à livrer la commande pour 2009 mais les retards d’accumulent, et la note s’envole avec un surcoût de plus de 5 milliards d’euros. Débats Le « Pentagone » à la française : D’ici 2015, devrait se dresser aux abords de la place Balard (XVe arrondissement) un complexe de près de 300 000 m2 permettant le regroupement de l’ensemble des bureaux du ministère, mais également ceux des états-majors des trois armées, la Direction générale de l’armement, le Centre de planification et de conduite des opérations, et le Secrétariat général pour l’armement. Fin 2011, le Canard enchaîné révèle qu’une information judiciaire a été ouverte en février de la même année, pour vérifier si Bouygues a été favorisé pour l’attribution du chantier. En mars 2012, la ville de Paris, opposée au projet – un garage à bus devait y être transférer libérant la place pour 500 logements sociaux neufs - dépose un recours en justice contre le permis de construire. La réforme du secteur de la défense : Le 17 juin 2008, le président Nicolas Sarkozy présentait un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité, réorganisant le modèle militaire jusque-là en vigueur en France : diminution des effectifs (56 000 hommes en moins), intérêt porté sur des déploiements militaires ciblés, les interventions rapides, et le souci d’améliorer le renseignement. Deux jours après cette présentation, un groupe de généraux de hauts rangs signaient une tribune dans le quotidien Le Figaro, pour remettre en cause cette orientation. Ils regrettent notamment le manque de moyens alloués à la défense à l’heure où d’autre pays les augmentent de façon significative, et l’intérêt porté à une innovation technologique jugée en partie peu crédible. Le 11 avril 2011, Jean-Yves Le Drian, chargé des questions de Défense dans l’équipe de campagne de François Hollande prévoyait une révision du Livre blanc dans les « six à huit mois » à venir, soit au cours du second semestre 2012. Projet de réforme Avec l’élection, en mai 2012, du socialiste François Hollande à la tête du pays, un nouveau livre blanc sur la défense est sortit. S’il veut un contrôle du Parlement accru en matière politique industrielle et concernant les opérations extérieures, le nouveau président ne semble pas vouloir revenir sur les grands principes énoncés par le Livre blanc de 2008.