Les difficultés de la macroéconomie keynésienne et des politiques
de demande à la fin du XX° siècle.
La position keynésienne en matière d’intervention de l’État a dominé la pensée économique et
les politiques entreprises dans la plupart des PDEM jusqu’à la fin des Trente Glorieuses,
c’est-à-dire pendant une période de très forte croissance. Les évolutions de la pensée
économique révèlent-elles une évolution de la situation économique globale ?
1. La remise en cause de la courbe de Phillips
Telle qu’elle a été mise en évidence en 1958 par l’économiste néo-zélandais Alban
Phillips, la courbe de Phillips semble introduire une corrélation inverse entre taux de chômage
et d’inflation et par là même justifier l’interventionnisme keynésien par le déficit budgétaire
et l’injection de pouvoir d’achat dans l’économie, y compris durant les périodes de
prospérité : les États peuvent effectuer un arbitrage entre chômage et inflation.
Le monétariste Milton Friedman a cependant proposé une interprétation de cette courbe
(qui est empirique avant d’être théorisée) qui prône un désengagement de l’État : il n’existe
pas, comme dans le modèle keynésien, une courbe de Phillips de court terme, mais plusieurs,
du fait de la dichotomie entre sphères monétaire et réelle. Le taux d’inflation est indépendant
du taux de chômage et dépend uniquement de la quantité de monnaie en circulation : à un
même taux de chômage peuvent donc correspondre plusieurs niveaux d’inflation. Friedman
met en évidence le concept de « taux de chômage naturel », également appelé NAIRU, qui
est celui qui s’établit spontanément dans toute économie compte tenu de ses rigidités. Si, à
court terme, une injection de pouvoir d’achat par l’État permet de faire reculer le chômage en
deçà de son seuil naturel, la relation s’inverse progressivement.
Cependant l’inflation engendrée par l’intervention étatique et la politique de demande se
traduit par une baisse des salaires réels ; les salariés exigent alors une hausse de leur salaire
nominal pour compenser cette diminution, le coût du travail augmente et les entreprises
licencient les salariés que l’inflation leur avait permis d’engager dans un premier temps. On
assiste donc à un retour au NAIRU sans autre effet que l’augmentation de l’inflation, d’autant
pire pour l’économie que l’internationalisation ne permet plus à un pays d’avoir une
inflation supérieure à celles de ses partenaires sous peine de perdre sa compétitivité-prix
(Friedman reconnaît que les politiques keynésiennes pouvaient avoir un certain effet dans des
circuits fermés tels que l’étaient la plupart des pays dans les années 30 du fait de la
contraction des échanges internationaux due à la crise). À long terme, la courbe de Phillips est
donc une droite d’équation x=NAIRU. D’où la notion de stagflation, coexistence d’inflation
et de chômage qui marque les années 70 (France, 1979 : 10,1 % de croissance du prix du PIB
et 5,9 % de taux de chômage) et vient étayer empiriquement l’argumentation friedmanienne.
Cette argumentation aux répercussions très importantes, même si la plupart des séquences
postulées par Friedman se sont révélées fausses, est fondée sur un nouveau postulat
totalement étranger à la pensée keynésienne : la théorie des anticipations adaptatives.
2. La nouvelle macroéconomie classique et le triomphe de l’homo
œconomicus
Les représentants de la nouvelle macroéconomie classique (NMC), notamment John
Muth, Robert Lucas et Thomas Sargent, non seulement rejettent le keynésianisme, mais
encore vont plus loin que Friedman ou que les théories traditionnelles d’anticipation : la
rationalité des agents n’est pas seulement fondée sur leur passé, ils font leur choix en utilisant
au mieux toute l’information possible, c’est-à-dire en intégrant l’avenir (voir Modigliani),
aussi efficacement que le feraient des économistes professionnels ( ! ) . Les agents peuvent se