SeminaireDuLundi31ja.. - Université Populaire de Caen

publicité
Université populaire de Caen – Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray n° 179
Séminaire du lundi 31 janvier 2011 – 9ème année #9
LES NEVROSES DES ECONOMIQUEMENT FAIBLES
SYNOPSIS :
1/. LES GRIEFS DE REICH CONTRE FREUD
1. Rappel des griefs :
a) L’efficacité thérapeutique
b) L’attention flottante
c) La pulsion de mort
2. Autre grief :
a) Le refus de la libération sexuelle comme thérapie possible
 cf. Freud, De la psychothérapie (1905)
b) Reich s’oppose à cette thèse :
 La fonction de l’orgasme :
 Si toute négativité n’est jamais que la manifestation d’une « force instinctuelle
biologique, c’est-à-dire naturelle, alors il ne reste que peu de chances à la
psychothérapie et même à nos idéaux culturels de haute valeur. Si même la pulsion
d’autodestruction était un fait biologique immuable, il n’ y aurait plus d’autre
perspective que la tuerie entre humains. S’il en était ainsi, les névroses ellesmêmes deviendraient des manifestations biologiques » (124).
c) Le nihilisme devrait alors triompher :
 A quoi bon vouloir soigner les gens ? Les guérir ?
 Vouloir la paix plutôt que la guerre ?
 Empêcher la barbarie ?
2./ LE SYLLOGISME FREUDIEN
a) La morale sexuelle « civilisée » et la maladie des temps modernes (1908) :
 Excellente phénoménologie de la misère sexuelle,
 De sa généalogie, de ses formes
b) Mais persiste :
 De la répression sexuelle va naître la civilisation
 Or on ne peut vouloir la fin de la civilisation
 Donc la répression est nécessaire …
c) La civilisation suppose :
 Mariage, fidélité, monogamie, sexualité conjugale, famille
 Chasteté, ascèse, renoncement à la libido
d) Freud ne condamne pas au nom de la morale
 Mais d’un certain darwinisme : l’être et la santé de l’espèce
 Ce régime, l’idéal ascétique, entrave le facteur de sélection virile qui, hors morale,
améliore l’espèce :
 « Je n’ai pas acquis l’impression que l’abstinence sexuelle aide à former des hommes
d’action énergiques et autonomes, ou des penseurs originaux, de hardis libérateurs et
réformateurs ; elle forme bien souvent de braves faiblards qui plongeront plus tard
1/6
Université populaire de Caen – Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray n° 179
dans la grande masse, laquelle a coutume de suivre en renâclant les impulsions
données par des individus forts » (VIII.212).
3./ UNE CRITIQUE FREUDIENNE DE LA MORALE SEXUELLE
a) Le résultat de cette morale sexuelle ?
1. Énergie d’hommes d’action, hardiesse de libérateurs, charisme d’individus forts
entravés,
2. Braves faiblards, suiveurs noyés dans la masse
b) A l’origine :
 La sexualité est simple, ludique, joyeuse
 Les besoins libidinaux sont naturellement satisfaits
 La sexualité est dissociée de la procréation
c) Ensuite :
 La sexualité est réprimée
 Associée à la production de la famille via le couple
d) Dès lors, via la sublimation :
 Les pulsions et instincts sont détournés vers des buts socialement acceptables
 Avec productions culturelles socialement admirables
 Freud : « L’augmentation des affections nerveuses dans notre société provient de
l’accroissement de la restriction sexuelle » (VIII.209).
e) Le mariage, qui réduit le sexe au couple,
 Qui soumet l’acte sexuel à la procréation
 Qui ne laisse d’issue que dans l’abstinence, la chasteté, le renoncement
 Ou à une sexualité hygiénique – le devoir conjugal…
1. Renvoie les hommes à :
 La masturbation
 A l’homosexualité
 Au bordel
2. Renvoie les femmes à :
 L’onanisme
 La frigidité
 La régression sexuelle – auto-érotisme
 Autant de pratiques qui génèrent la culpabilité, puis la névrose
3. Parfois les femmes investissent dans leur progéniture
 Mais le départ des enfants entraîne l’arrivée des désordres nerveux
f) Freud conclut : « La répression sexuelle chez un peuple augmente l’anxiété à vivre et
l’angoisse de la mort » (VIII.218).
 Dès lors : que faire ?
 Un médicament risible :
 « Le remède contre la nervosité découlant du mariage serait bien plutôt (mo : plutôt
que de prendre pour épouse une femme nerveuse…) l’infidélité conjugale ; or, plus
une femme a été éduquée dans la rigueur, plus elle s’est soumise sérieusement à
l’exigence de la culture, plus elle redoute cette issue, et dans le conflit entre ses désirs
et son sentiment du devoir elle cherche refuge encore… dans la névrose » (VIII.211)
 Un antidote auquel, en plus, la civilisation interdit le recours
 La répression ayant enseigné à n’y pas recourir
4./ DE L’IMPOSSIBILITÉ POUR FREUD D’UNE LIBÉRATION
a) Leçons d’introduction à la psychanalyse :
2/6
Université populaire de Caen – Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray n° 179

« Il n’est pas question que le conseil de vivre pleinement sa sexualité puisse jouer un
rôle dans la thérapie analytique » (XIV.448)
b) La solution ?
 Le divan freudien
 La cure personnelle, individualisée – payante…
 Mais surtout ne rien changer à la société
c) Le principe :
 « La culture doit être défendue contre l’individu », L’avenir d’une illusion
(XVIII.146).
5./ REICH AUX ANTIPODES
a) La fonction de l’orgasme :
 « Je cherchais les raisons pour lesquelles un homme comme Freud avait mis son
autorité à la disposition d’une idéologie conservatrice » (177).
b) Reich reçu par Freud,
 Le jeune croit que l’ancien soutient sa lecture sociologique et politique de
l’inconscient
c) A la parution de Malaise dans la civilisation,
 Reich retrouve des échos de leurs conversations
d) Dans ce texte, Freud affirme que :
 Le bonheur n’est pas l’objectif d’une société
 Que le progrès s’effectue par le renoncement au plaisir
 Et par la soumission au principe de réalité
e) Reich :
 « Le bonheur culturel en général, et le bonheur sexuel en particulier, forment le
contenu même de la vie et doivent être le but de toute entreprise sociale pratique »
(168).
 Avec le tournant d’Au-delà du principe de plaisir (1920) :
 La connaissance finit par avoir plus d’intérêt pour lui que le bonheur humain » (173).
6./ L’HISTOIRE CONTRE LA MÉTAPSYCHOLOGIE
a) Freud, un homme de bibliothèque :
 L’antiquité, les mythes, l'Égypte, la Grèce
 Thanatophilie freudienne
 Contemporain de Sophocle, d’Euripide
 Lit le réel à travers les mythes anciens
b) Plus contemporain des hiéroglyphes que de l’Europe de son temps
 Vit dans son cabinet
 Allonge sur son divan banquiers, artistes, bourgeois fortunés.
 Vit dans 17 pièces dans un quartier chic avec domesticité,
 Ignore ce qu’est un ouvrier, un pauvre, un chômeur…
c) Reich inscrit l’inconscient dans l’histoire
 L’inconscient de Reich est phénoménal, concret, biologique,
 Inscrit dans une histoire générale et individuelle
1. Non point les invariants psychiques anhistoriques :
 (Contre lesquels et sur lesquels on ne peut rien)
 Horde primitive, meurtre du père, complexe d’Œdipe, etc
 Avec transmission phylogénétique
2. Mais l’histoire et ses variables politiques :
3/6
Université populaire de Caen – Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray n° 179






(Sur lesquels on peut agir)
Conditions sociales
Inscriptions communautaires
Structures économiques
Mode de production des biens
Une transmission ontogénétique
7./ SOCIOLOGIE DES PATIENTS DE FREUD & REICH
a) Freud :
1. Clientèle choisie, aisée, sinon fortunée
 Capable de payer le prix d’une longue analyse
 De verbaliser, conceptualiser, parler, jouer avec les mots, les signes
2. Sociologie du divan freudien :
A) « Dora » : Ida Bauer
 La jeune fille d’un homme d’affaire
B) « Le Petit Hans » : Herbert Graf
 Le fils d’un musicologue et d’une comédienne
 Il deviendra directeur d’opéra et metteur en scène
C) « L’Homme aux rats » - Ernst Lanzer
 Un juriste brillant
D) « Le Président Schreiber »
 Président de la cour d’appel, candidat malheureux aux élections
E) « L’Homme aux loups » : un riche aristocrate russe
 Oisif vivant avec livrée et un grand train de vie
3. Ou sont les pauvres ? Les domestiques de ces gens ? Les cuisinières ? Les valets de
chambre ? Les cochers de fiacre ? Etc
4. Découverte récente d’un cahier d’une patiente de Freud :
 « Anna G. » :
 Psychiatre
5. Édition récente de En analyse avec Freud de Manfred Pohlen
 Ernst Blum : riche héritier, directeur de sanatorium en dilettante, professeur à la
polyclinique de Berne
b) Reich :
 Stigmatise « ce concept féodal d’une psychothérapie extrêmement individualiste »
(64).
8./ MISÈRE DE LA PSYCHANALYSE :
UNE LEGÉNDE FREUDIENNE
a) Congrès de Budapest, (septembre 1918) Freud a invité à « une psychothérapie
populaire » :
 L’hagiographie présente Freud comme un défenseur de celle-ci :
 Cf. Peter Gay, Freud. Une vie (p.530).
 En omettant de préciser que Freud laissait cette tâche aux autres
 Lui se réservant le cabinet privé en ville.
b) Dans : Les voies nouvelles de la thérapeutique :
 « Les nécessités de l’existence nous obligent à nous en tenir aux classes sociales
aisées, aux personnes habituées à choisir à leur gré leur médecin » (140).
c) Dans : Le début du traitement (1913) :
 Freud théorise l’incapacité pour les pauvres à mener à bien une analyse :
4/6
Université populaire de Caen – Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray n° 179
1. Au nom du « bénéfice de la maladie » :
 Le pauvre a plus intérêt à rester malade qu’à guérir
 Car sa pathologie lui ouvre la commisération des autres
 La charité publique, l’aide sociale.
2. Et de l’augmentation des résistances :
 Une séance gratuite décrédibiliserait le travail
 Elle augmenterait les résistances, interdirait la guérison
3. A qui fait remarquer à Freud que « le traitement psychanalytique (est) presque
interdit aux gens pauvres »
 Freud répond : « Il y a peu de remèdes à ce mal ».
9./ PSYCHANALYSE DE LA MISÈRE
a) Pour Reich le cabinet freudien est :
 Une impasse coûteuse et élitiste
 Inefficace et conservatrice
 Individualiste et bourgeoise
 Freud soigne des bobos existentiels de clients fortunés
 Mais elle ignore « les névroses des économiquement faibles » (65)
b) Reich connaît les pauvres :
 Il travaille dans un dispensaire dès mai 1922 et ce pendant 8 années
 Il cherche des fonds
 Freud offre une partie de l’argent collecté pour son 70° anniversaire…
c) Cet Ambulatorium, clinique de ville,
 Ouvre des consultations gratuites
 Formes gratuitement des psychanalystes
 Chaque analyste en formation doit former gratis deux étudiants
d) Reich, premier assistant du patron jusqu’en 1928
 En devient le sous-directeur jusqu’en 1930.
e) On y soigne :
 Des ouvriers d’usine,
 Des employés,
 Du personnel, des domestiques,
 Des ouvriers agricoles,
 Des étudiants,
 Des chômeurs.
f) Une scène originelle :
1. En consultation, au dispensaire :
 Jeune et jolie ouvrière, 2 enfants et 1 nourrisson
 Incapable de parler,
 Elle lui tend un papier
 Il apprend qu’elle a perdu la parole quelques jours en amont.
2. Restaure la parole avec quelques séances d’hypnose.
 Confesse son obsession depuis des années :
 Peur de tuer ses enfants en les noyant
 Terrorisée par ses pulsions, envisage d’aller à la police
 Ce qui génère une nouvelle angoisse : être pendue
 Qui provoque la constriction de la gorge
3. Orpheline, élevée dans une famille d’accueil
5/6
Université populaire de Caen – Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray n° 179
 Vivant entassée avec 5 autres personnes dans une seule pièce
 Attouchements d’adultes
 Abandonnée par son mari, seule avec 3 enfants
 Travaux mal payés, rares, chômage, faim
 La haine contre le mari s’est déplacée sur les enfants
 Elle leur fait subir ce qu’elle a subi
 Insatisfaite sexuellement, collectionne les amants
4. Freud aurait convoqué l’angoisse de la fellation faite au père.
 Mais Reich écrit ceci :
 La fonction de l’orgasme :
 « J’allais la voir un jour dans son taudis. Là j’eus à me poser, non pas les
nobles problèmes de l’étiologie des névroses, mais la question de savoir
comment il était possible à un organisme humain de tolérer si longtemps
une telle vie. Il n’y avait rien, absolument rien, pour l’éclairer ; rien que la
misère, la solitude, les potins des voisins, le souci du pain quotidien et, par
surcroît, les tracasseries criminelles du propriétaire et de l’employeur. La
capacité de travail de ma patiente était exploitée à l’extrême. Dix heures de
labeur quotidien lui rapportaient un peu plus de trente cents. En d’autres
termes, elle et ses trois enfants étaient censés vivre avec une mensualité de
dix dollars environ. La chose remarquable, c’est qu’ils vivaient. Comment
y parvenaient-ils, je ne l’ai jamais su » (67).
5. Reich entreprend une collecte
 Place les enfants dans une institution
 La mère retrouve du travail
 Mais la misère subsiste
 et les conditions économiques et sociales aussi.
6. Le freudo-marxisme s’enracine dans cette expérience originaire.
BIBLIOGRAPHIE :






Peter Gay, Freud. Une vie, Hachette
Detlef Berthelsen, La famille Freud au jour le jour. Souvenirs de Paula Fichtl, puf
Anna G., Mon analyse avec le professeur Freud, Aubier
Freud, L'avenir d'une illusion, puf
Freud, Malaise dans la civilisation, puf
Freud, La morale sexuelle "culturelle" et la nervosité moderne, Œuvres complètes, tome
VIII, puf
6/6
Téléchargement