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Université populaire de Caen – Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray n° 178
Séminaire du lundi 24 janvier 2011 – 9ème année #8
FREUD, UN DROIT D'INVENTAIRE
SYNOPSIS :
1./ GUERRE & LECTURES
a) 1914 : les Russes réquisitionnent le domaine dirigé par Reich
b) S’engage : école des officiers, entre dans l’infanterie

Occupe le nord de l’Italie (Frioul) :

En 1918 : découvre avec une italienne pulpeuse « la puissance orgastique »

Sexualité pourtant précoce…
c) Libéré en août 18 (21 ans), rentre à Vienne
d) Lit :

Sexe et caractère de Weininger,

Le Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer

L’Unique et sa propriété de Stirner : antidote aux totalitarismes,

Les œuvres de Kant – auquel il ne comprend rien.
e) Fréquente des jeunes philosophes :

Pas dupe de leurs jeux mondains :

Trouvent profond ce qui est obscur
2./ L’ORPHELIN RENCONTRE FREUD
a) Perd sa mère à 15 ans, son père à 17

A connu les tranchées, le front, la guerre, les combats

Arrive chez Freud (63 ans)

Reich écrit un journal plein de notes sur le dégoût de vivre
b) En 1952, rapporte cette première visite :

Et, malgré ce que Freud lui aura fait subir :
1. Élection du jeune disciple, puis congé donné à l’enfant terrible
2. Envoi de patients, puis radiations des instances professionnelles
3. Dissensus doctrinal feutré, puis franches fâcheries
4. Réserves sur l’engagement de Reich à gauche, puis compagnonnage de Freud avec
les instances nazies pour organiser son éviction.

Il persiste dans la fascination…
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c) Une apparition dans sa vie :

Regard pénétrant : yeux qui lancent des étincelles

Grâce de ses mains et de ses gestes
d) Avait envoyé une lettre au vieil homme :

Y déplorait que la sexologie ne soit pas enseignée en médecine

Des étudiants avaient pallié ce manque :

Création d’un séminaire en janvier 1919

Reich y assiste, puis finit par le diriger en automne 1919
e) Freud l’encourage

Lui offre :

Le destin des pulsions

L’inconscient

Psychopathologie de la vie quotidienne
f) Quelques mois plus tard, été 1920 (22 ans) :

Devient membre invité de la Société viennoise de psychanalyse.
g) A l’époque, nul besoin d’avoir été analysé pour analyser

Reich (22 ans) a pris un patient le 15 septembre 1919
h) Dans Reich parle de Freud (1952) :

« Freud était un excellent travailleur empirique, mais non un scientifique
méthodique »

Autrement dit :

Un habile praticien sans méthode…
i) Pour pallier ce manque :

Reich propose de créer un Séminaire technique

Freud donne son accord
3./ LE « DISCIPLE ADORATEUR »
a) Freud lui envoie des patients

Reich obtient des résultats avec le « cérémonial » freudien :

Divan, association libre, onanisme, rêve, père et castration, abréaction…
b) Dans La fonction de l’orgasme :

Se dit « disciple adorateur »

On le voit quand il explique que « la peur d’être assassinée par un homme avec un
couteau indique chez la fille hystérique le désir du coït refoulé par la morale et devenu
inconscient » :
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1. Le couteau est un pénis.
2. Le désir de coït est toujours refoulé

En vertu de l’habile passe-passe de La négation, oui, c’est non

Donc : la crainte du meurtre n’est pas crainte du meurtre

Mais désir inconscient d’un acte sexuel refoulé
c) Reich souscrit 14 ans à cette orthodoxie freudienne.
4./ PREMIER GRIEF : SUR L’INEFFICACITÉ THÉRAPEUTIQUE
a) 1920, Congrès de La Haye, en présence de Freud :

Prononce une conférence : Conflits de la libido et formes délirantes dans Peer Gynt
d’Ibsen.

La version publiée s’ouvre sur un extrait du Zarathoustra :
« Je vous enseigne le surhomme…
Qu’est le singe pour l’homme ?
Une dérision ou une vision douloureuse.
Et ainsi doit être l’homme pour le surhomme :
Une dérision ou une vision douloureuse ».

30 ans plus tard, dans La superposition cosmique :
« O homme ! Prends garde !
Que dit minuit profond ?
‘J’ai dormi, j’ai dormi
d’un profond sommeil je me suis éveillé :
Le monde est profond
Et plus profond que ne pensait le jour.
Profonde est sa douleur
La joie la plus profonde que la peine.
La douleur dit : passe et finis !
Mais toute joie veut l’éternité,
Veut la profonde éternité’ »
b) A La Haye, il fait figure de jeune homme

Tous les congressistes ont au moins 10 ans de plus que lui.
c) Freud défend l’idée que la psychanalyse est attaquée de toute part.
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
Il veut l’union derrière lui.
d) Or Reich est impétueux, impatient

Passion de la vie et de la liberté.
e) Or le freudisme aspire à l’honorabilité bourgeoise et institutionnelle

Il se constitue comme une Église autour de Dieu le Père.
f) A la lumière de sa pratique, il questionne :

Dès 1920, il constate que le strict respect du dogme aboutit à des impasses
thérapeutiques.
g) Que faire quand ?
1. La thérapie n’aboutit pas ?
2. Le patient paie tout de même les consultations ?
3. Le patient allongé n’avoue aucun rêve ?
4. Le patient ne trouve rien à dire pendant des semaines ?
h) Les anciens répondent :

« Continuez toujours à analyser avec patience ; ça viendra ».
i) Freud théorise des cas prétendument guéris :

Le cas Dora (1905)

Le Petit Hans et L’Homme aux rats (1909)

L’Homme aux loups (1918)
j) Or Freud lui a dit qu’« il ne fallait pas être trop ambitieux en thérapeutique »

Le 28 mais 1911 :

Freud écrivait à Binswanger que la psychanalyse est « un blanchiment de nègres »
k) Les congrès, articles, publications, séminaires proclament l’efficacité thérapeutique

Le cabinet, non…
5./ DEUXIÈME GRIEF : « L’ATTENTION FLOTTANTE »
a) Dans Conseils aux médecins sur le traitement analytique (1912) :

Parle d’« attention flottante »

Pour d’autres : « attention égale »…
b) Un analyste voit passer plusieurs personnes dans son cabinet

Il ne peut disposer d’une attention soutenue dite « attention voulue »
c) L’« attention flottante » :

Nul besoin d’écouter attentivement

Pas besoin de prendre des notes : résistance du patient sinon.

Pas besoin de se souvenir de tout :
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
Car, dans la relation, l’analyse, la raison, la conscience, l’intelligence comptent moins
que :

La « mémoire inconsciente » du psychanalyste
d) Lettre à Fliess (15 mars 1898) :

« Je dors pendant les analyses l’après-midi ».

Helen Deutsch, future analyste, confesse que Freud s’est endormi deux fois.
e) La fonction de l’orgasme : « Parmi les analystes circulaient des ’blagues’ à ce sujet : par
exemple, celle de l’analyste qui, au cours d’une séance, se réveille d’un profond sommeil
et trouve le divan vide. Ces blagues n’arrangeaient rien. Pas plus d’ailleurs que la théorie
selon laquelle il était sans importance que l’analyste s’endormit, puisque son inconscient
veillait avec soin sur le patient. Bref, la situation m’apparut déprimante et désespérée »
(74).
6/. TROISIÈME GRIEF : « LA PULSION DE MORT »
a) 23 ans, continue à participer aux réunions de la Société du mercredi

Habite dans la même rue que Freud, passe le voir.
b) Théorie du prélèvement :
1. Au nom de la radicalité révolutionnaire (l’inconscient)
2. Passe sous silence le conservatisme de Freud
c) L’expression « pulsion de mort » apparaît dans une lettre à Eitingon le 8 mars 1920.
d) Freud pratique la psychobiographie pour tout le monde

1913, L’intérêt que présente la psychanalyse :

« La psychanalyse peut déceler la motivation subjective et individuelle des doctrines
philosophiques qui sont nées d’un travail logique prétendument impartial et montrer à
la critique elle-même les points faibles du système » (XII.113).
e) Mais la refuse pour lui…
f) Pourtant :
1. Freud a vu partir 3 de ses fils au front en 14-18.
2. A appris que son gendre avait été blessé à la bataille de France
3. A appris la mort d’un neveu – le fils unique de sa sœur Rosa.
4. A rêvé la mort de Martin au front – sera en fait blessé sur le front russe
5. A assisté à la boucherie de la Première Guerre mondiale
6. A été quasi ruiné par elle
7. A assisté au départ de ses disciples au front

Craignant pour la pérennité de sa discipline
8. Assiste à l’effondrement de l’Empire austro-hongrois
9. A brûlé les notes de matériaux pour 7 essais de métapsychologie
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10. A découvert que son fils Olivier souffrait de troubles neuronaux
11. A perdu sa fille aimée de la grippe espagnole en 1920

Elle laisse un mari et 2 enfants, en attendait un 3ème
12. Il espère le Nobel qui ne vient pas…
13. Il vieillit.
g) Aux remarques de l’influence de sa biographie sur l’œuvre, notamment la mort de sa fille,

Freud somme ses amis de prouver qu’ils ont lu Au-delà du principe de plaisir avant la
mort de sa fille…
h) Or, la correspondance témoigne :
1. Commence ce texte mi mars 1919 :

Preuve : une lettre à Ferenczi datée du 17 mars 1919
2. Rédige un brouillon en 2 mois présenté comme un achèvement

Preuve : lettre à Ferenczi datée du 12 mai 1919
3. Sa fille meurt en janvier 1920
4. Reprend son manuscrit fin mai 1920

Preuve (1) : le montre à Eitingon le 16 juin 1920

Preuve (2) : lui annonce (4 juillet 1920) que le texte sera fini dans le mois

ce qui sera le cas le 20.

Soit : six mois après la mort de sa fille…
7./ THEORIE DE LA PULSION DE MORT :
a) Au-delà du principe de plaisir :

Hypothèse d’une pulsion de mort biologique, naturelle

« Le but de toute vie est la mort et, en remontant en arrière, le sans-vie était là
antérieurement au vivant » (XV.310).

Ce que veut la vie, c’est la mort

La restitution de l’état d’avant la vie, qui était le néant
b) Freud s’appuie sur la biologie,

Renvoie aux infusoires, aux paramécies, au plasma germinal, aux animalcules

Avoue prendre des distances avec l’observation au profit du performatif théorétique :

« Nous sommes habitués à penser ainsi, fortifiés en cela par nos poètes » (XV.316).
c) Ce concept permet d’expliquer :

Sadisme, masochisme, agressivité

Méchanceté, brutalité

Guerres, crimes, meurtres
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d) Mais aussi :

Qu’une analyse n’aboutisse pas

Le mutisme d’un patient

L’incapacité à se souvenir d’un rêve

L’impossibilité de trouver une association libre

Le durcissement de la résistance

L’empêchement de la guérison
CONCLUSION
UNE ONTOLOGIE NOIRE
a) « Le principe de plaisir semble être tout simplement au service des pulsions de mort »
(XV.337).
b) Freud inscrit sa vision du monde dans un déterminisme radical

Interdit l’optimisme

La possibilité de changer quoi que ce soit au monde
c) Si la biologie fait la loi

Si la nature réduit au néant tout ce qui vit

Alors l’apocalypse est certaine
d) Le freudo-marxisme en général, Reich en particulier

S’opposent à cette ontologie noire…
BIBLIOGRAPHIE :






Freud, La technique psychanalytique, puf
Freud, Au-delà du principe de plaisir, in Essais de psychanalyse, Payot
Reich, Premiers écrits, tome 1 et tome 2, Payot
Reich, La superposition cosmique, Payot
Olivier Douville, Chronologie de la psychanalyse (1856-1939), Dunod
Manfred Pohlen, En analyse avec Freud, Tallandier
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