pays de l'Union européenne, 3 millions du Maghreb et 700 000 d'Afrique subsaharienne.
On s'aperçoit que les Algériens et leurs descendants -1,6 million - sont moins nombreux
que les Italiens et font jeu égal avec les Espagnols - 1,5 million. Autre particularité de
cette population: elle est encore très jeune. En 1999, elle était composée principalement
de mineurs. Avis aux politiques: ceux qui sont susceptibles de voter ne sont pas plus de
1,2 million. Quant à leur poids religieux, il reste encore à définir. La totalité d'entre eux
ne suivent évidemment pas les prescriptions du Coran à la lettre, pas plus que tous les
Italiens et leurs descendants ne sont catholiques pratiquants. Dans l'une des rares
enquêtes de l'Ined sur le sujet datant de 1995, un tiers environ des musulmans potentiels
se déclarent croyants et fréquentaient la mosquée régulièrement.
«Ces chiffres donnent à réfléchir, constate Michèle Tribalat: ils montrent que
l'importance numérique donnée jusque-là à la communauté musulmane est fondée sur
du vent.» Cette chercheuse réputée, auteur de nombreux ouvrages, est aussi une femme
de caractère qui n'hésite pas à claquer la porte du Haut Conseil à l'intégration, en
décembre 2000, pour marquer son désaccord lors de la rédaction du rapport «L'islam
dans la République». Ou à dénoncer ceux «qui se plaignaient d'être à l'époque de
l'histoire coloniale désignés exclusivement par leur religion - Français musulmans - et
qui aujourd'hui claironnent que l'islam est la deuxième religion de France». Mais même
ses détracteurs s'accordent à reconnaître la pertinence de son étude, comme Hervé Le
Bras, démographe à l'Ined et chercheur à l'EHESS: «Il est vrai que nous avons
longtemps gardé le silence devant cette inflation de chiffres, car il y avait peu de
moyens pour les évaluer, explique-t-il. Dans les années 1950, on estimait que 40% des
Français avaient une pratique religieuse régulière; ce chiffre ne représente plus que 8% à
présent. Pourquoi les Français d'origine maghrébine seraient-ils différents des autres?»
En mettant à mal le consensus qui régnait jusqu'alors sur le nombre de musulmans en
France, le travail de Michèle Tribalat plaide pour un peu d'audace dans la statistique
publique et demande à pouvoir enquêter sur les affiliations religieuses et les origines des
Français. Son souhait? Mettre un terme à cette opacité des chiffres érigée au nom de
l'égalitarisme, et qui a trop longtemps empêché d'évaluer précisément les
discriminations à l'embauche ou la mixité dans les quartiers sensibles. Surtout, elle
fausse les discussions sur la place et l'organisation de l'islam en France. Un débat qui,
plus que jamais, nécessite des chiffres lucides et fiables, pas des chimères statistiques.