premier cours

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Première leçon : Introduction à la réflexion philosophique et au cours de
philosophie
Qu’est-ce que la philosophie ? Comment philosopher, qui peut
philosopher ? Pourquoi philosopher ?
Mais qu’est-ce qu’un cours de philosophie ?
« Philosopher, c’est résister ! »
I.
Qu’est-ce que le cours de philosophie ?
1. Son objectif (ou ses objectifs)
2. Ses moyens
3. Sa finalité
4. Les obstacles
1. L’objectif principal et les objectifs secondaires du cours de philos. en
terminale
*Apprendre à rédiger une dissertation ou une explication de texte, exercices
canoniques du baccalauréat. Savoir-faire, technique à maîtriser.
* Le devoir porte sur des notions définies dans un programme et implique de
s’appuyer sur des auteurs, également cités dans le programme.
*Apprendre à bien poser un problème à partir d’une question qu’il faut
décoder, à raisonner de façon cohérente et rigoureuse pour aboutir à une
réponse suffisamment justifiée pour répondre à la question.
Utilité (au sens d’utilitaire) de ce savoir-faire transférable dans toutes les
autres disciplines et intérêt d’avoir une culture philosophique minimale pour se
« distinguer » dans la société. Le baccalauréat institué sous Napoléon, est
indissociable d’une culture philosophique. Ce n’est pas une exception française
mais une tradition dans tous les pays européens où « les humanités » furent à
la base de la culture savante.
1
2. Ses moyens et ses outils pédagogiques
L’épreuve de philosophie au bac : une dissertation ou une explication de texte
au choix en quatre heures sans aucun document. 3 sujets au choix : 2 sujets de
dissertation portant sue les notions étudiées, une explication de texte d’un
extrait d’une œuvre d’un auteur figurant dans la liste du programme.
Coefficient : 4 en ES, 3 en S, 2 en STG
Liste des notions et des auteurs : voir livre
Un cours est annuel : c’est l’organisation voulue par le prof. de toutes les
questions en rapport avec le programme.
Une leçon est une partie du cours qui est consacrée à une question liée à une
ou plusieurs notions.
Une séance ou séquence est le découpage dans la durée et selon l’emploi du
temps : deux heures ou une heure.
Les leçons traitent des notions sous forme de problèmes, c’est-à-dire de
questions qui impliquent plusieurs réponses, selon les perspectives
philosophiques. Ce qui caractérise une question philosophique : elle fait débat
entre plusieurs approches fondées sur des principes différents, souvent
opposés et incompatibles.
Toute leçon doit donner lieu à une prise de notes : plan, principaux arguments,
raisonnement, références. !!!!!
Le livre : les textes lus en classe ou conseillés. L’apporter à la demande,
l’utiliser comme outil de perfectionnement personnel.
Les recherches, le travail personnel : d’une séance à l’autre pour
préparer la leçon, ou pour la comprendre. Questions au brouillon, lectures,
recherches sur internet, revues, émissions radio ou TV. Elles font partie
intégrante du travail demandé et sont parfois notées, de toute façon évaluées
dans les appréciations.
Les questions en classe, posées au professeur ou les discussions. Elles
font partie intégrante du travail collectif, elles exigent de l’attention et la
capacité d’écouter les autres. Très bon indicateur de la qualité du travail de la
classe.
Les lectures conseillées, parfois avec fiches de lecture, ou libres sont
absolument nécessaires à la progression de chaque élève.
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Les devoirs maison ou en classe : sont des exercices nécessaires qui
n’ont aucun intérêt s’ils ne sont pas le produit d’un effort intellectuel personnel.
Les devoirs corrigés et leurs corrigés écrits sont à conserver et à relire. Au moins
un devoir long par mois et dans la mesure du possible des exercices une fois par
semaine.
Le CDI offre des documents utiles et intéressants en philosophie, sciences
humaines et sociales, histoire, art, religions, sciences et épistémologie. Voir
aussi la presse, les revues : Philosophie magazine, le magazine littéraire,
sciences humaines, La recherche, sciences et avenir etc.
3. La finalité du cours de philosophie
Finalité : but ultime qui donne le sens et la valeur d’un parcours. Le cours de
philosophie a pour ambition de permettre à l’élève d’acquérir des méthodes
d’analyse et de réflexion pour mieux conduire sa pensée et exercer son
jugement de façon plus critique. L’utilité propre à chacun : exercer son
intelligence naturelle, résister à tout ce qui lui fait obstacle afin de mieux penser.
Apprendre à bien penser.
Non plus « à quoi ça sert », au sens utilitaire, mais en vue de quel
perfectionnement de soi?
4 . Les obstacles à surmonter pour s’exercer à philosopher vraiment :
La maîtrise insuffisante de la langue
La subculture ambiante : cupidité, vulgarité, facilité etc.
La culture personnelle insuffisante
Le système scolaire en crise : inadaptation de l’unité classe, de l’emploi du
temps, des locaux etc.
La difficulté des textes philosophiques, de l’exercice de la dissertation
Mais qu’est-ce que la philosophie ? Peut-on définir La philosophie ? Ou ce
qu’est-ce que c’est que de philosopher ?
3
Intermède : Exercice d’application :
Qu’est-ce que, comment et pourquoi philosopher ?
! Remarque :
La philosophie, substantif est devenue le verbe philosopher.
Pourquoi ?
Un substantif désigne une chose déjà réalisée, un verbe désigne une action en
train de se faire. (Question grammaticale : enjeu philosophique)
Si la philosophie est un savoir, ou un ensemble de théories, qu’il suffit
d’apprendre c’est une histoire des idées, des doctrines des philosophes, on
peut alors se demander à quoi elle peut servir, sauf à donner une culture
générale. La question de son usage se pose alors, à quoi cela sert-il de savoir ce
que pensait Platon ou Aristote, s’il ne s’agit que de répéter, Platon dit que… ?
La valeur et l’intérêt des pensées laissées par les philosophes et les
penseurs ne viennent que de la lecture et de l’interprétation que nous en
faisons, que chacun peut faire pour lui-même. Lire un texte de Platon, c’est
s’efforcer de le comprendre, donc de le faire sien ou au contraire de
comprendre pourquoi, décidément il ne peut entrer dans notre façon de voir.
Mais, si les œuvres des « grands philosophes » sont comme des nourritures
spirituelles, elles ne sont pas les seules nourritures de notre esprit (entendons
par là notre capacité de penser de façon critique et réflexive). Tout ce qui nous
est présent à l’esprit et que nous sommes capables d’analyser pour le
comprendre afin d’en rendre raison et de le juger est matière à philosopher :
exemple ?
Cette activité accessible à tous les hommes sains peut aussi leur être utile, « en
fin de compte », « finalement », c’est-à-dire, « tout bien considéré ».
Si l’on tient compte de ce que représente un être humain, la vie d’une
personne, de vivre comme un être humain et non comme une bête de somme
ou un mollusque accroché à son rocher au gré des courants, alors il faut
4
accepter d’envisager l’utilité à long terme de l’exercice de la philosophie,
comme on investit à long terme pour tout apprentissage.
La nature de ces exercices est telle qu’elle implique le dialogue entre des
individus conscients, responsables et de bonne volonté, courtois les uns envers
les autres, respectueux de la liberté de penser et d’exprimer ce qui est pensé,
individuellement et collectivement, ce qui n’interdit nullement de s’y opposer
mais sans intention de réduire à néant la pensée refusée.
Qu’est-ce que la philosophie
=
Réponse par leçon magistrale
Cours ex cathedra
Comment philosopher ?
que faire ? Action, acte de :
Confronter sa pensée, penser contre et/ou avec :
- la réalité
- la réalité et la pensée des autres
Faire l’exercice de passer du « je dis que », qui s’avère souvent un « on pense
que » vers un « je sais ce que je pense », et « je comprends ce que tu penses »
donc finalement, voilà ce que nous pensons.
Deux pensées à méditer :
« Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » Montaigne
« On n’apprend pas la philosophie, on apprend à philosopher ». Kant
II. Qu’est-ce que philosopher ?
1) Définition par l’étymologie
2) -Définition comparative
3)-Définition par l’essence ou la nature
Question en elle-même déjà philosophique : comment définir quelque chose,
qu’est-ce donner une définition ? (Socrate) Ce n’est pas seulement décrire un
aspect, énumérer des cas particuliers, ni même donner quelques propriétés. Il
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s’agit d’atteindre la nature même de ce que l’on cherche à connaître, d’en
saisir la raison profonde, ce qui le fait exister, ce qui le détermine à être.
- 1) Définition par l’étymologie :
Philosopher, du grec philein aimer, désirer, tendre vers et sophia, sagesse,
savoir théorique et pratique, savoir que et savoir comment.
On a une piste : ceux qui ont choisi de se consacrer à la philosophie, les
philosophes, cherchent à atteindre une perfection du savoir et du savoir vivre.
Donc ils ont conscience de leur imperfection, c’est la différence avec les
sagesses « orientales » qui enseignent une voie à suivre. Un maître a déjà fait le
chemin et il faut l’imiter. C’est aussi l’enseignement des religions révélées et
messianiques, une voie est donnée, il faut la suivre. Philosopher, c’est chercher
sa propre voie, compter sur ses propres forces intellectuelles, sur son seul
jugement.
-2. Définition comparative : ce que le philosophe n’est pas.
Il n’est pas parfaitement sage, il n’est pas dans l’extase, la pure contemplation,
ce n’est pas un mystique qui verrait directement la vérité absolue ; il résiste à
ces formes d’exaltation qui peuvent être dangereuses (sectes, fanatisme).
C’est un chercheur qui ne se satisfait pas des réponses immédiates, faciles,
miraculeuses. Donc c’est un esprit critique. Mais est-ce à dire qu’il ne vise
aucune connaissance stable, aucune réponse ? C’est un vrai problème pour
définir la nature de l’acte de philosopher. Est-ce tout remettre en question et
relativiser toutes les pensées ? Ou bien est-ce critiquer les pensées aveugles en
vue d’atteindre une pensée « éclairée » sinon lumineuse ?
Les penseurs « sceptiques » « relativistes » sont ceux qui ne croient pas
dépasser l’exposé des points de vue différents. Il n’y a que des manières de
penser, des opinions relatives aux individus, aux groupes. Elles expriment des
manières d’être, de vivre, de ressentir les choses. L’homme est la mesure de
toutes choses disait Protagoras.
Par la voix de Socrate, personnage principal de ses dialogues, Platon oppose le
relativisme d’opinions à la recherche d’une vérité unique et universelle. Les
relativistes sont des philodoxes, des amants de l’opinion (doxa), seuls les
chercheurs de vérité sont des philosophes, des amants de la sagesse ( sophia).
Avant de porter un jugement, essayons de comprendre l’enjeu de cette
opposition. Socrate fustige les relativistes qu’il appelle des sophistes. Le terme
prête à confusion car le sophos est justement celui qui est détenteur d’un
savoir. Mais de quel savoir les « sophistes » tels Protagoras ou Gorgias sont-ils
détenteurs ? Ce sont des maîtres d’opinion et de savoir technique. Ils savent
tout ce qui se pense dans la société et ils savent comment s’y prendre pour agir
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sur l’opinion publique. On pourrait les comparer aux conseillers en
communication auprès des hommes politiques. D’ailleurs l’une des fonctions
principales des « maîtres d’opinion » est de former l’élite politique des cités
grecques. Le contenu de la pensée est finalement indifférent, seule compte la
manière de l’exprimer pour l’emporter sur la place publique. La philosophie
serait réduite à une simple rhétorique, un art du discours. Le but serait de
persuader le plus grand nombre pour qu’il adhère sans réfléchir aux propos qui
sont aussi des propositions de pensée et d’action.
On peut néanmoins réhabiliter ces philosophes relativistes mais il faut alors
leur attribuer un autre pouvoir que celui de séduire un auditoire crédule. Il faut
leur reconnaître un pouvoir de critique des traditions, de remise en question
des croyances, et surtout d’animation du débat d’idées. Philosopher c’est
essentiellement débattre de question que se posent les hommes de façon
cruciale et qui ne peuvent être réglées sans discussion.
3. Définition par l’essence ou la nature
(on appelle essence ou nature de quelque chose ce qui la fait exister telle
qu’elle est, ce qui lui donne ses propriétés et ce qui permet de la comprendre
dans son principe).
Philosopher c’est résister à la bêtise, exercer son jugement, s’interroger,
réfléchir de façon critique sur tout ce qui intéresse notre humanité, c’est
confronter sa pensée à celle des autres non pour vaincre et dominer mais
pour avancer vers une meilleure compréhension de soi et du monde. S’aider
pour ce faire des œuvres des philosophes en leur prenant ce qu’elles ont de
meilleur pour nous.
Exercice du jugement : s’engager, résister, chercher, critiquer ; raisonnement et
réflexion critiques (autoréflexion) : s’interroger ; porter un jugement de valeur,
un jugement esthétique en les justifiant, après réflexion ; discours : parler,
écrire pour autrui, donc argumenter, chercher à convaincre par des arguments
fondés en raison, s’adresser à l’intelligence rationnelle des autres, viser la plus
grande universalité possible.
Débattre pour poser des problèmes, tracer des problématiques, montrer des
enjeux.
Dialoguer en permanence avec les autres et avec l’autre qui est en soi-même.
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« Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre » dit Montaigne en
s’adressant au lecteur au début des Essais, et il lui conseille ironiquement de ne
pas perdre de temps à le lire.
Pascal, dénonce le « sot projet de Montaigne de se peindre lui-même », il
n’avait pas été sensible à l’ironie du propos.
Comme Socrate, Montaigne se présente dans sa singularité mais c’est pour
atteindre à travers sa personne, sa façon de penser et d’exister, ses sentiments,
ce qui est propre à tout homme. « Certes, c’est un sujet merveilleusement vain,
divers et ondoyant que l’homme ».
Donc, Montaigne est un bon exemple de ce que fait un philosophe
authentique, il s’examine mais cherche en lui-même ce qui est humain car,
comme l’a dit le poète latin Terence : « Rien de ce qui est humain ne m’est
étranger ». L’universel est présent en chaque homme. Tout homme sain
d’esprit est apte à philosopher, il est philosophe en puissance. Mais il ne suffit
pas d’avoir des aptitudes, il faut passer à l’acte. Devenir philosophe en acte.
II.
Comment philosopher ? Qui peut philosopher ?
1. Comment ?
La réponse à la question comment philosopher dépend de celle faite à la
question pourquoi.
Tout d’abord il s’agit de déterminer un rapport entre la fin et les moyens. Si je
sais ce que je vise dans l’exercice philosophique, je chercherai les moyens
appropriés à la fin.
1°) Si je cherche seulement à donner le change et à avoir une bonne note, les
moyens seront techniques : je chercherai des modèles à imiter, je peux même
reproduire une pensée toute faite de façon assez habile.
Je fais alors un calcul et je raisonne selon un impératif hypothétique : « si tu
veux une bonne note, suis les règles indiquées… » La philosophie n’a pas plus
de valeur qu’un concours de jet de crachats, il suffit d’arriver à une certaine
habileté et d’assurer une réussite régulière.
2°) Au contraire, si je cherche un intérêt propre : faire une expérience
intellectuelle en vue d’une meilleure compréhension de ma culture, d’une
maîtrise du jugement critique, d’une forme de lucidité nouvelle, alors je dois
trouver ma voie dans les exercices proposés.
L’idéal est de s’inventer librement ses propres exercices, de se donner des
recherches à faire. Figures imposées et figures libres, comme dans la danse. Il
faut faire des gammes pour jouer d’un instrument de musique mais celui qui
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croirait que le plaisir de jouer est dans l’exercice des gammes serait un sot.
Toute la difficulté est de ne pas se rebuter devant la difficulté et la répétition. Il
faut de l’humilité et de la bonne volonté avant de pouvoir improviser
librement.
2. Qui peut philosopher ?
Toute personne qui ose le faire. Il faut donc une étincelle, le désir d’échapper
au « cirque » médiatique, de faire le premier pas hors de la société de
consommation.
Tout homme peut en principe s’intéresser aux questions propres à l’humain :
qu’est-ce que je suis ? Quelle différence entre un chimpanzé et un enfant ?
Jusqu’où s’étendent les connaissances humaines et que valent-elles ?
Comment vivre ensemble ? Qu’est-ce qui est bien et qu’est-ce qui est mal ? etc.
Mais s’intéresser suppose un acte de la pensée, tourner sa pensée vers un
objet de réflexion, lui consacrer de l’attention, du temps, faire un effort
intellectuel.
Tout homme sain est capable de philosopher, c’est un philosophe en
puissance, cela n’implique nullement qu’il passe à l’acte. Devenir philosophe en
acte exige un engagement personnel, un désir et une volonté de mener une
recherche sur des questions qui seront bien posées, élucidées et exprimées en
des termes rationnels.
Dans certains pays, la France, L’Espagne, le Portugal, le Brésil, l’Italie, la
philosophie est au programme de l’enseignement secondaire. Dans les pays
anglo-saxons, Royaume Uni, Allemagne, Etats-Unis c’est une spécialisation de
l’enseignement supérieur. Au fond, c’est toujours une possibilité qui est offerte
à un nombre plus ou moins grand, mais on ne peut obliger personne à réfléchir,
à penser. On peut conditionner les esprits pour les empêcher de penser, jamais
on ne peut les forcer à user librement de leur jugement.
3. Pourquoi ? (finalité : « en vue de quoi ? »)
Comment peut-on s’intéresser à la philosophie ?
Ou bien on croit naïvement qu’il y a des cours intéressants par eux-mêmes, ce
n’est pas faux mais c’est relatif, ce qu’on trouve intéressant dépend de
l’époque, du public, des circonstances. Ecoutez une conférence de Jean-Paul
Sartre qui fut une vedette de la philosophie existentialiste, un ténor de la
philosophie engagée, elle est très datée. Ce qui fait l’intérêt de ces discours
c’est aussi les réactions suscitées, c’est comme on dit, un climat, une époque.
Une classe c’est aussi un climat, un moment qui est fait par le système des
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élèves et des professeurs. Un cours n’est pas la distribution d’un savoir tout
fait, c’est un événement qui met à l’épreuve les participants.
Que signifie s’intéresser à quelque chose ? Le verbe est réflexif, il s’agit
donc d’abord de l’action du sujet. S’intéresser a un tout autre sens que : être
intéressé.
Etre intéressé c’est trouver son intérêt, c’est-à-dire, penser avoir un
intérêt à faire quelque chose, recevoir en échange. On retrouve la première
hypothèse, la philo obligatoire, il faut faire quelques exercices formels et en
échange recevoir une note, bonne si on fait « ce qui est attendu ».
S’intéresser c’est donner une valeur à ce qui retient notre attention, par
exemple un programme de TV que nous choisissons, nous ne zappons pas.
Mieux s’intéresser c’est désirer entrer dans un échange, dans une discussion à
laquelle nous nous intéressons nous voulons avoir notre mot à dire, nous
voulons écouter et être écouté.
Etymologie : inter-esse : être parmi, être avec les autres, participer au
processus de la pensée, par l’échange des idées, la discussion, les objections,
l’argumentation, la recherche d’une cohérence et finalement de ce qui peut
s’accorder, faire sens, ou, si c’est possible saisir ce qui fait que les choses sont
ainsi.
Il faut retenir que l’intérêt a plusieurs sens, qu’il peut signifier donner de
la valeur, juger valable ou au contraire il peut s’opposer à la valeur au sens
supérieur et signifier ce qui nous rapporte de l’intérêt, ce qui conforte notre
égoïsme.
La philosophie est souvent rejetée par ceux qui cherchent d’abord un intérêt au
sens le plus étroit et égoïste parce qu’elle passe par la remise en question de sa
propre pensée, par l’autocritique, et cela est difficile, amer, ne fait pas plaisir.
L’intérêt au sens supérieur (la philosophie utilitariste) s’oppose à l’égoïsme,
signifie ce qui nous est vraiment utile, notre utile propre (donc utile
universellement). Mais nous confondons souvent ce qui est réellement utile et
ce que nous croyons utile sur le moment.
Ex : tricher pour avoir une bonne note sans se fatiguer.
Est intéressant ce qui nous touche, nous attire, nous captive, nous prend, on dit
que c’est passionnant. Il faut aussi être méfiant, captiver a la même étymologie
que captif, être prisonnier. On peut croire qu’il est plus intéressant de sortir
s’amuser dans des bars que de lire des livres ardus, mais s’amuser, se divertir
n’est-ce pas une façon de se fuir ?
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Pascal nommait cela le divertissement. Cependant il vaut mieux aller se
distraire en boîte ou à la plage que de se distraire de façon apparemment
sérieuse, dans les sciences, la philosophie ou ces choses très savantes et
sérieuses, si on les fait seulement pour briller, réussir, « se la jouer ». Comme
Pascal disait que l’éloquence se moque de l’éloquence, on peut dire que la
philosophie (engagée, personnelle) se moque de la philosophie (de salon,
frimeuse, prétentieuse).
Philosopher est un art qui s’acquiert. Lire ; écouter ; discuter ; poser des
questions ; écrire ; chercher résister à la paresse d’esprit
A la question pourquoi et comment philosopher, il y a au moins deux réponses
possibles de nature différente :
- Ou bien, c’est une matière d’examen obligatoire, il faut donc sacrifier à
l’exercice de la dissertation. (fin externe, fixée par d’autres)
- Ou bien, les questions posées font écho aux problèmes de l’existence
humaine tels que chacun en fait l’expérience. (finalité interne, propre au sujet)
*Si la vie était simple, facile et heureuse… le cerveau humain serait moins
compliqué.
*Si les connaissances satisfaisaient pleinement la raison, les hommes s’en
contenteraient, la question pourquoi n’aurait pas de sens.
*Si les hommes se comprenaient spontanément eux-mêmes, chacun voyant
clair en lui-même, ils sauraient comment vivre.
*Or il y a des normes, des règles morales, mais elles se contredisent et surtout
elles sont inefficaces, « je vois le meilleur et je fais le pire ».
*Or il y a des théories scientifiques, des technologies très performantes, mais
aucune réponse unique à la question : comment se fait-il que nos calculs
correspondent à la réalité physique ?
*Or les hommes continuent de ne pas comprendre ce qu’il leur arrive quand ils
tombent malades, quand ils meurent.
Pourquoi vivons-nous, que faisons-nous de notre vie, que sommes-nous, que
reste-t-il de nous ? Les romans, le théâtre, le cinéma, tous les arts et aussi les
religions offrent des modèles, des symboles, mais la philosophie invite à
concevoir clairement et distinctement l’étendue de ces questions. Dans quel
but ? Mieux vivre, être en accord avec sa propre pensée, comprendre ses
limites et ne plus se faire d’illusion pour jouir de la réalité, de sa propre réalité.
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Pourquoi les sociétés dynamiques et libres ont-elles toujours favorisé la
philosophie ? Pourquoi les dictatures, les régimes totalitaires, l’absolutisme, les
pouvoirs théocratiques ont-ils toujours cherché à limiter ou empêcher la liberté
de discussion philosophique ? La liberté de pensée stimulée par les œuvres
philosophiques est dangereuse pour toute forme d’autorité fondée sur la force,
la domination. La philosophie est dangereuse pour les ennemis de la liberté ;
par conséquent, les philosophes peuvent risquer leur vie ou être inquiétés pour
leurs idées. Les exemples ne manquent pas.
Est-ce toujours vrai ? Partout où les Lumières de la raison sont menacées ou
même voilées c’est vrai. Dans les pays « libres », c’est-à-dire livrés à la foire
d’empoigne des intérêts commerciaux et monétaires, le danger est d’une autre
nature. La pensée réflexive, cultivée et critique est tournée en dérision.
« Disneyworld » ou « gogoland » veulent du temps de cerveau disponible,
« amusez-vous », on pense pour vous !
CONCLUSION
Philosopher c’est, entre autres choses telles l’art, les voyages intelligents,
l’observation des hommes sans préjugés, une manière de résister à la bêtise
qu’engendre nécessairement tout système social et qui nous menace tous.
.
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Deuxième leçon : réfléchir à partir d’une définition problématique
« La philosophie n’est pas un temple mais un chantier »
Georges Canguilhem
Qu’est-ce que c’est « La philosophie » ? La Philosophie en personne serait-elle
une déesse ou un philosophe ? Ce serait Le philosophe, comme on appelait
Aristote1 au Moyen-âge : « Le Philosophe ».
I.
Analyse de la sentence : tableau dichotomique.
TEMPLE
CHANTIER
Application à la philosophie :
Philosophie-monument
Philosophie-chantier
Commentaire :
Cette hypothèse, que La philosophie puisse être incarnée dans la personne
d’un philosophe, ou, parce qu’il est mortel, déposée dans un Livre, pourquoi
est-elle irrecevable ?
1
Chercher biographie et bibliographie succinctes.
13
Si vous n’avez pas d’idée, pensez à d’autres formes de spiritualité qui sont
incarnées dans un être et transmises à partir d’un Livre, Le Livre sacré.
Réponse :
Considérer La philosophie comme quelque chose de sacré, une pensée qu’il
faudrait révéler comme une vérité religieuse c’est s’interdire l’accès à l’activité
de réflexion philosophique.
II.
Philosopher ou chercher une vérité : exercice zététique
Faire, être actif par la pensée, s’exercer à réfléchir qu’est-ce à dire ?
Nous n’allons pas apprendre La philosophie, comme un savoir tout fait, une
vérité déjà établie qu’il s’agirait de répéter. Nous allons apprendre à
philosopher.
Nous allons essayer de construire une démarche de recherche en nous posant
des questions que nous n’avons pas l’habitude de nous poser.
Essayer c’est s’efforcer de faire un effort intellectuel parce que ce n’est pas
spontané, ce n’est pas notre façon habituelle de penser.
Il s’agit d’entraîner notre esprit à fonctionner autrement, à ne plus enchaîner
mécaniquement, automatiquement les opinions, les réactions affectives, à ne
plus croire immédiatement ce qui est perçu comme évident.
Donc apprendre à conduire un certain type d’investigation, comme un policier
peut chercher des indices et utiliser toutes sortes de techniques pour élucider
une affaire criminelle.
En l’occurrence, l’affaire criminelle qui va nous occuper est la mort de l’esprit,
le crime contre votre intelligence perpétré par un système social qui, semblable
au Dieu Cronos de la mythologie grecque, dévore ses enfants. L’homme est né
libre et apte à réfléchir, à se poser des questions. Or le système d’intégration
sociale détourne en permanence les capacités des individus pour se
développer. Toute l’intelligence, la créativité humaine est en permanence
asservie à la production de « biens » de consommation qui sont aussitôt
transformés en marchandises. La seule finalité du système est d’accélérer le
processus du « toujours plus ».
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Philosopher c’est résister, c’est dire non à l’asservissement de l’intelligence
critique, non à la négation de son désir propre d’exister et de construire son
propre chemin.
C’est très difficile parce que toute activité fait partie du système. Par exemple
l’école, le lycée, l’Université ou les médias.
III. La pensée a toujours déjà commencé.
Il n’y a jamais de « première fois », c’est une illusion, toutes nos expériences
supposent que nous avons déjà vécu et acquis des connaissances. Il n’y a pas
de table rase, nous partons toujours de quelque chose.
N.B : l’idée d’un commencement absolu, à partir de zéro est un préjugé
religieux : la création du monde, de la nature à partir de rien. Création ex nihilo.
C’est impensable, on ne peut absolument pas se le représenter.
Si je dis que quelque chose commence à partir de maintenant, je dois poser
artificiellement un point mathématique qui coupe la durée continue du temps.
Comme le départ d’une course. Mais il y a toujours des événements avant, la
préparation, le positionnement « prêt » etc.
1. Les idées reçues ou pensées préreflexives
Personne n’est un parfait innocent, ingénu, c’est-à-dire un imbécile qui ne se
serait jamais interrogé sur lui-même, sur les autres etc. Qui n’a jamais été saisi
d’un doute existentiel ?
Qui ne s’est jamais posé de questions morales sur la validité d’un jugement :
bien ou mal ?
En outre, le fait d’avoir acquis des connaissances, certes assez générales, sur un
certain nombre de faits naturels ou sociaux, donne à penser pour soi-même.
Enfin, le fait de vivre avec les autres dans un rapport contradictoire, perturbant
sur le plan émotionnel et affectif nous conduit parfois à analyser nos
comportements et à nous interroger sur notre « humanité ».
Donc il y a bien un terreau et des germes pour faire pousser de belles pensées
réflexives, donc très philosophiques.
La condition sine qua non pour ce faire :
Avoir le courage de se servir de son propre entendement.
15
2. Penser par soi-même : user de son propre entendement
Penser par soi-même, ce qui ne veut pas dire ne rien lire, ne rien écouter etc,
mais s’efforcer de ne pas reproduire des idées toutes faites, des truismes, des
banalités, des idées reçues, des préjugés, quels qu’ils soient.
Deux exercices :
-Lire et analyser un texte
-Chercher des exemples d’idées reçues ou de préjugés
« Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà
la devise des Lumières» Explication d’un texte de Kant.
Lisons et analysons le petit texte de Kant2 (Qu’est-ce que Les Lumières ? un
article de 1784)
I.
1.
2.
3.
4.
II.
Questions :
Comment caractériser l’état de tutelle d’après le texte ?
Pourquoi les hommes sont-ils responsables de leur état de tutelle ?
Quand un homme devient-il naturellement autonome ?
Pourquoi, d’après Kant, la maturité intellectuelle des hommes n’est-elle
pas aussi simple à acquérir que la maturité physique ?
Exercice d’analyse
Définissez et distinguez les termes suivants : Opinion ; idée reçue ; préjugé ;
croyance ; autres termes appartenant au même champ sémantique ?
Cherchez des exemples d’idées reçues (voir Flaubert, Le dictionnaire des idées
reçues) ou de préjugés, non seulement chez les autres mais dans votre façon de
penser la moins réfléchie.
3. Comprendre les origines de notre culture :
4 piliers de la culture « occidentale » :
L’antiquité grecque : la tragédie, la philosophie, les mathématiques, la
démocratie.
Le christianisme : La Bible à la lumière de Platon et d’Aristote
2
Chercher biographie et bibliographie succincte.
16
Les Lumières : la révolution galiléo-newtonienne, les droits de l’homme, l’Etat
et la Révolution.
La pensée contemporaine : La relativité de l’espace-temps, Auschwitz et
Hiroshima.
Comparer ces modèles avec d’autres : Chine, Confucius, taoïsme, Inde :
brahmanisme, bouddhisme etc.
Mais il ne s’agit pas de faire une sorte d’histoire des idées ou de se
contenter d’une vague culture générale. Il est nécessaire d’avoir quelques
références essentielles parce que constitutives de notre culture, donc de notre
pensée. Quand bien même ces pensées qui nous viennent de loin, des mythes
les plus anciens, opèrent de façon inconsciente en nous. Par exemple, les
mythes de l’amour qui viennent des hérésies chrétiennes, des cathares et du
platonisme ou encore le mode de penser manichéen, forces du mal contre
force du bien etc.
Que faire de ces références qu’il vaut mieux reconnaître (comme il est
préférable de savoir d’où viennent les aliments que nous ingérons). D’où
viennent les idées, les sentiments, les façons de penser qui déterminent notre
manière de voir le monde et donc aussi d’y prendre part ? Ce que nous
appelons « notre identité » qu’est-ce que c’est de quoi est-ce fait ? On
s’intéresse beaucoup à la génétique et très peu à l’anthropologie culturelle, à
l’histoire. Or ce qui importe est-ce ce dont nous sommes faits, notre héritage,
génétique ou culturel ou bien ce que nous, nous en faisons?
4. La liberté de penser
N’est-il pas naïf de croire que nous sommes immédiatement et sans aucun
effort, seuls maîtres et créateurs de nos pensées ? Que notre liberté de penser
s’exprimerait dès que nous parlons, que dire « je pense que » « mon avis » etc.,
serait la marque évidente de notre indépendance intellectuelle ?
La première étape pour acquérir une méthode de réflexion, pour philosopher
vraiment de façon rigoureuse et constructive consiste à faire l’inventaire de ses
idées et sentiments en vue d’un tri. Autrement dit de prendre conscience de
tous ce qui meuble ou remplit notre esprit et de juger du bien-fondé, de la
valeur de l’intérêt que nous lui portons après un examen serré. C’est ce qu’on
17
nomme critique. Avoir l’esprit critique c’est avoir l’esprit d’examen, d’analyse,
de recherche : connaître de façon précise et claire, distinguer et évaluer.
Qu’est-ce qu’une pensée critique ?
L’étymologie du mot critique peut nous renseigner.
C’est un verbe du grec ancien : krinei qui a des sens multiples. On trouve la
même racine dans critère.
Au sens propre : séparer l’épi de la tige qui l’enveloppe. Le bon grain de l’ivraie.
Séparer les guerriers par tribus. Donc le premier sens est trier, distinguer les
choses, les distribuer selon des qualités différentes mais aussi inégales. Donc
séparer et juger ;
Chez les philosophes Platon et Aristote, le verbe prend un sens intellectuel :
juger, décider, trancher des questions morales, du bien et du mal, du vrai et du
faux. Le terme a aussi un sens juridique : juger, rendre une décision,
condamner, interpréter.
Il faut donc retenir : que critiquer ne veut pas dire dénigrer ou rejeter par
dégoût ou par haine mais d’abord examiner, trier, séparer pour obtenir le
meilleur.
L’intellect ou l’entendement ou la raison est notre capacité mentale à ne pas
réagir émotivement, mais à prendre du recul et à analyser, à mesurer et à
juger ou trancher après réflexion ou délibération.
Donc la pensée critique est toujours une raison critique et jamais une réaction
de ressentiment.
Conclusion
On ne peut définir la philosophie comme un domaine de connaissances car
c’est avant tout un exercice spirituel à pratiquer sur soi-même. Il s’agit
d’entreprendre une analyse critique de sa propre pensée.
La pensée critique ne peut être triste ; le sentiment de tristesse est négatif,
dépréciatif contraire à l’agir. On n’est pas toujours la cause de son sentiment
de tristesse mais on est responsable de ce qu’on en fait : se complaire et
entretenir les passions tristes ou bien s’efforcer de les transformer. Comment
convertir l’angoisse, la peur, la déception, la jalousie etc. en état d’esprit plus
satisfaisant ? Philosopher est une activité plutôt joyeuse, un « gai savoir ». Ne
pas pleurer, ne pas gémir, mais comprendre et aussi savoir prendre de la
distance par l’humour, le rire.
18
Troisième leçon : Le cas Socrate3
I.
Présentation du dialogue de Platon
Dans l’Apologie de Socrate, Platon son disciple, met en scène le procès de celui
qui est devenu l’emblème du philosophe. Poser des questions qui défont les
certitudes irréfléchies, les habitudes de pensée paresseuse, les préjugés.
La forme du dialogue socratique : Socrate et ses interlocuteurs. Ils croient
savoir et se présentent fièrement devant Socrate pour répondre à ses
questions.
Il prétend ne rien savoir, il reconnaît qu’il sait qu’il ne sait pas ; c’est un piège
dans lequel tombent les vaniteux imbus de leur prétendu savoir. Au fil de la
discussion, il s’avère que les réponses ne résistent pas à l’examen de plus en
plus serré que leur fait subir Socrate.
L’ironie socratique :
La grande qualité des dialogues écrits par Platon est qu’ils ne sont pas tristes
mais plaisants, « spirituels » au sens où ils « amusent » l’esprit. On sourit du
ridicule des interlocuteurs malheureux de Socrate.
Le mot ironie vient du grec ancien eirôneia, interroger en feignant de ne rien
savoir. C’est une manière de se moquer de quelqu’un ou de quelque chose en
disant le contraire de ce qu’on veut faire entendre.
1er Exercice : chercher des mots proches : moquerie, raillerie, dérision,
sarcasme, humour……
Différences ? L’ironie est subtile et s’appuie sur un jeu de langage, une maîtrise
du double sens, de l’interprétation du sens caché, tandis que la raillerie ou la
moquerie sont des attaques directes, plus ou moins méchantes contre les
défauts des autres. La dérision ou le sarcasme sont des attitudes de
dénigrement empreints de causticité, de volonté de nuire à autrui. L’ironie fait
appel à l’intelligence pas la moquerie, ni la raillerie, encore moins le sarcasme
ou la dérision.
La différence entre l’ironie et l’humour, est que l’une vise les travers des autres
alors que l’humour est une forme d’auto-critique.
3
Chercher : biographie, personnage dans les dialogues de Platon.
19
2ème exercice: les « humoristes contemporains pratiquent-ils l’humour ?
L’ironie ? Le sarcasme ? Exemples
3ème exercice : trouvez des exemples d’expression de l’ironie, de la moquerie,
de la dérision, du sarcasme, de l’humour.
II.
Apologie de Socrate
Socrate (voir notice biographique) fut condamné à mort en 399 avant J-C par le
tribunal d’Athènes, l’Éliée habilitée à examiner les accusations d’impiété. Le
procès de Socrate est connu par deux comptes rendus : celui de Platon, disciple
de Socrate, présent au procès et qui devint l’un des plus grand philosophes
grecs, et celui de Xénophon un chroniqueur qui n’assista pas au procès mais
entreprit d’en faire le récit quelques années plus tard. Le texte intitulé
« Apologie de Socrate » est un dialogue écrit par Platon, probablement entre
390 et 385 av J-C. Le titre signifie à la fois défense et aussi glorification.
La défense est le discours que Socrate fit devant ses juges pour se défendre
contre les accusations d’impiété et de corruption de la jeunesse qui le
dénonçaient comme un ennemi de la cité. La glorification dit le caractère
apologétique, laudatif et admiratif du texte qui contribue à faire du personnage
de Socrate une légende, le premier vrai philosophe, le point de départ de la
philosophie. Philosopher ce serait donc comprendre la leçon de courage et de
vérité administrée par Socrate aux athéniens et résister aux préjugés, aux
opinions prétentieuses, mal informées, imbues d’elles-mêmes, aux rumeurs
infondées et surtout à la bêtise collective.
La cité modèle de la démocratie est aussi un lieu de conflits d’opinions et
de luttes de pouvoir. L’opinion est la reine du monde, il faut persuader la
masse des citoyens électeurs en utilisant des idées simples, des artifices
rhétoriques du discours. Celui qui démasque les faux-semblants, les apparences
au nom de la justice et d’une vérité universelle sera perçu comme un trublion.
Socrate est « un empêcheur de tourner en rond » de penser en rond, il passe
son temps sur la place publique, haut lieu de la vie politique. Il interroge tous
ceux qui prétendent savoir quelque chose et savoir ce qu’il faut faire ; Ses
questionnements sont comparés à une décharge électrique de raie torpille, et il
20
torpille implacablement toute prétention à une domination par un faux savoir.
Il s’attire donc la haine de tous ceux qui ont été démasqués par ses questions. Il
est sacrifié comme victime expiatoire à la vindicte d’une opinion publique
« remontée » contre les intellectuels, les esprits trop critiques, les hommes
libres.
Le contexte politique et le cadre juridique du procès :
La démocratie athénienne : chercher dans un livre d’histoire de seconde. La
procédure d’accusation pour impiété .
Les accusateurs de Socrate (Apologie 23 e et 36a) : celui qui a rédigé la plainte
et l’a déposée devra être l’accusateur lors du procès : Mélètos, un jeune
homme assez inconsistant et manipulé par les vrais instigateurs de la plainte :
Anytos et Lycon ; le premier est un homme politique assez douteux qui essaie
de se refaire une popularité en donnant en pâture une victime à la colère
populaire. Anytos est en guerre contre les sophistes et il met Socrate dans le
même sac. Or Socrate est aussi très critique à l’égard des sophistes comme en
témoignent les dialogues où il démonte les arguments rhétoriques des
sophistes, tels Gorgias, Hippias, Protagoras.
Pourquoi Anytos les confond-il ? Il y a trois points de vue en présence : d’une
part, les traditionalistes comme Anytos qui affirment que les valeurs sur
lesquelles une société est fondée ne doivent ni être critiquées, ni même
étudiées mais seulement reproduites. Les pensées qui dirigent les actions sont
un temple, elles sont sacrées, ce sont des croyances qui doivent être
préservées de toute réflexion. Anti-intellectualisme caractéristique des
« anciens » {ou des fondamentalistes ] qui assimile tous les « modernes » ou
les partisans d’une réforme de la pensée, d’un amendement ou d’une
éducation de l’esprit, donc d’une culture intellectuelle qui s’appuie sur l’usage
du raisonnement, sur l’aptitude de chacun à se servir de son propre jugement.
Et en cela Socrate et les sophistes sont des modernes, des chercheurs, des
enquêteurs. Là s’arrête ce qu’ils ont de commun, puisque les sophistes,
professeurs itinérants, se font payer assez cher par les familles les plus
influentes pour former leurs fils à la rhétorique et à toutes les connaissances
qu’il convient de maîtriser assez pour se faire élire comme chef politique de la
21
démocratie athénienne (stratège). Ils enseignaient dans la même perspective
que les Grandes Ecoles en France pour former les futures élites, apprenant à
être efficace pour persuader, non à être rigoureux dans la recherche de la
vérité ; ils ne pensaient pas que les hommes puissent atteindre une vérité
universelle. Au contraire, Socrate ne prétend rien enseigner puisqu’il n’a
aucune compétence particulière, il n’est spécialiste d’aucune science, d’aucun
art, mais il a reçu un don, celui d’accoucher les esprits de ceux qui ont la
capacité de faire naître de belles pensées. Il est un bon testeur capable de
dépister la validité des pensées de ceux qui prétendent savoir et surtout
transmettre aux autres, faire partager ce qu’ils savent. Savent-ils vraiment
quelque chose et apportent-ils une connaissance ou bien sont-ils des
prestidigitateurs de la pensée qui font croire aux naïfs qu’ils apportent des
connaissances inouïes alors que ce n’est qu’une apparence de connaissance, de
la poudre aux yeux ?Une autre source de l’opinion défavorable envers Socrate,
autrement plus redoutable, la comédie d’Aristophane, Les Nuées. Socrate y est
montré comme un charlatan qui se fait payer pour donner de mauvais conseils
qui conduisent les honnêtes gens à la ruine.
L’ordre du dialogue
3 discours : 1° la défense (17 a à 5d) ; 2° l’établissement de la peine, 36 e à 38 ;
3° conversation informelle avec ceux qui n’ont pas voté sa condamnation.
*Exorde : comment Socrate s’adresse à ses juges puis annonce de sa
démarche : dire la vérité est la règle de l’orateur (et non faire un beau discours)
et le rôle des juges est de juger de la véracité du discours : est-il l’expression de
ce que l’orateur pense être vrai ? Et a-t-il raison de le croire ? Faire triompher la
vérité.
*Les anciens accusateurs récusés 1) ce que Socrate n’est pas. Socrate ne peut
être défini comme ils le présupposent : ni philosophe de la nature comme les
premiers philosophes « physiciens » ; ni sophiste ;
2) Ce que Socrate est vraiment et ce qu’il fait : l’oracle de Delphes, Socrate est
le plus sage des hommes parce qu’il ne croit pas savoir ce qu’il ne sait pas. Il
sait qu’il ne sait pas. De là vient qu’il va trouver tous ceux qui prétendent savoir
quelque chose pour vérifier que l’oracle ne s’est pas trompé. Ils ne savent pas
22
plus que lui mais ils croient savoir. Les hommes politiques, les poètes, les
artisans. Le résultat de l’enquête apporte la preuve par l’expérience que
l’oracle a dit vrai. Socrate a donc une mission qui est de tester la validité des
discours de ceux qui prétendent éduquer les autres. De là viennent les désirs
de vengeance et la plainte déposée contre lui.
*Les nouveaux accusateurs dont Mélétos est le porte-parole. Socrate lui
propose de répondre à ses questions et transforme le procès en exercice de
philosophie : Mélétos ne sait pas de quoi il parle, il se contredit. Cela devrait
suffire à discréditer son accusation. Les trois chefs d’accusation : Socrate
pervertit la jeunesse, question du meilleur éducateur sur laquelle Meletos n’a
aucune idée ; Socrate ne respecte pas les dieux de la cité : il est athée et il rend
un culte à d’autres dieux.
*Défense de l’éthique socratique : la vertu socratique s’exprime dans le mode
de vie. Mieux vaut risquer de subir l’injustice que de commettre une injustice.
Le courage est de tenir sa place et de faire son devoir ou la tâche qui nous a été
assignée par les dieux. Socrate obéit à l’oracle au risque d’être incompris et
victime de l’injustice
*Second discours sur l’établissement d’une peine : condamné à une courte
majorité (280 voix contre 220) Socrate doit proposer une peine : ironiquement
il propose d’être logé et nourri au prytanée (lieu où les héros sont honorés) ;
puis il propose de payer une amende.
Epilogue : il a été condamné à mort . Premier temps : Adresse aux juges qui
l’ont condamné : ils sont responsables d’une injustice qui marquera l’histoire
d’Athènes. Deuxième temps : conversation avec ses partisans. Son testament
philosophique : la mort n’est pas la fin de la vie, l’âme survit et elle sera jugée
par d’autres juges qu’aucune rhétorique ne pourra tromper.
23
III.
Explication de texte (3ème sujet type bac)
Répondez aux questions sur le texte en vous référant toujours au texte et en enchaînant les
réponses de la façon la plus continue et la plus cohérente
« J’allai trouver un de ceux qui passent pour être savants, en pensant que là
plus que partout, je pourrai répudier la réponse oraculaire et faire savoir ceci à
l’oracle : « Cet individu-là est plus savant que moi, alors que toi tu as déclaré
que c’est moi qui l’étais. » Je procédai à un examen approfondi de mon homme
– point n’est besoin en effet de divulguer son nom, mais qu’il suffise de dire
que c’était un de nos hommes politiques-, et de l’examen auquel je le soumis,
de la conversation que j’eus avec lui, l’impression que je retirai, Athéniens, fut
à peu près la suivante : cet homme , me semble-t-il passait aux yeux de
beaucoup de gens , et surtout à ses propres yeux, pour quelqu’un qui savait
quelque chose, mais ce n’était pas le cas. Ce qui m’amena à tenter de lui
démontrer qu’il s’imaginait savoir quelque chose, alors que ce n’était pas le
cas. Et le résultat fut que je m’attirai son inimitié et celle de plusieurs des gens
qui assistaient à la scène. En repartant je me disais donc en moi-même : « Je
suis plus savant que cet homme-là. En effet, il est à craindre que nous ne
sachions ni l’un ni l’autre rien qui vaille la peine, mais, tandis que, lui, il
s’imagine qu’il sait quelque chose alors qu’il ne sait rien, moi, qui
effectivement ne sais rien, je ne vais pas m’imaginer que je sais quelque chose.
En tout cas, j’ai l’impression d’être plus savant que lui du moins en ceci qui
représente peu de chose : je ne m’imagine même pas savoir ce que je ne sais
pas. » Puis j’allai en trouver un autre, l’un de ceux qui avaient la réputation
d’être encore plus savant que le précédent, et mon impression fut la même.
Nouvelle occasion pour m’attirer l’inimitié de cet homme et de beaucoup
d’autres. […]
Ceux qui avaient la réputation la meilleure m’apparurent, au cours de l’enquête
que je menais à l’instigation du dieu, être, à peu d’exceptions près, les plus
démunis, tandis que les autres, qui passaient pour valoir moins, m’apparurent
être des hommes mieux pourvus pour ce qui est du bon sens »
Platon, Apologie de Socrate 21 c
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Questions :
1. Quelle est l’idée directrice du texte et quelle est la logique de
l’argumentation ?
2. Expliquez les expressions suivantes :
- « Cet homme passait aux yeux de beaucoup de gens, et surtout à ses
propres yeux, pour quelqu’un qui savait quelque chose »
- « tenter de lui démontrer qu’il s’imaginait savoir quelque chose »
- « Les autres, qui passaient pour valoir moins, m’apparurent être des
hommes mieux pourvus pour ce qui est du bon sens »
3. La conscience de sa propre ignorance est-elle la condition initiale du vrai
savoir ?
--------------------------------------------------------------------------------------------------------Conclusion des trois premières leçons:
On n’apprend pas La philosophie, on s’exerce à philosopher, c’est-à-dire on
exerce sa capacité de réfléchir, d’analyser, de comprendre et de juger. Oser
penser par soi-même, donc s’exercer à la liberté de penser ne veut pas dire
s’enfermer dans sa pensée immédiate et subjective, mais acquérir des
méthodes et des outils intellectuels pour développer sa raison critique.
Travail :
Recherche :
 indications biographiques et bibliographiques :
Platon ; Socrate ; sophistes ; Aristote ; Kant ; Nietzsche
 vocabulaire :
Exercice, raison, entendement, critique, préjugé, ironie, humour
Lire :
Kant, Qu’est-ce que les Lumières ? ‘(extrait)
Platon, Apologie de Socrate
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