ETUDES CLINIQUES : ETHIQUE MEDICALE INTRODUCTION Société Tunisienne des Sciences Médicales 28ème Congrès National de Médecine Tunis du 3 au 6 octobre 2001 Pr B. HAMZA Président du Comité National d’Ethique Médicale Je voudrais remercier le Comité d’Organisation de m’avoir confié la présidence de la table ronde sur « Études cliniques : Ethique médicale ». L’on peut définir l’éthique médicale comme un comportement qui nous fournit des directives pour la meilleure conduite possible et ce, pour le bien et le respect de la personne humaine. Cependant les directives de l’éthique ne sont pas inamovibles comme celles de la morale. Elles sont plutôt adaptées à chaque situation avec Les particularités du développement scientifique. Il s’agit donc, plutôt d’une réflexion qui permet à la fois la protection et la promotion des droits humains en rapport avec le développement de la médecine, et pour lesquels, il n’existe de réponse ni dans la déontologie, ni dans le droit. La réflexion s’avise essentiellement à devancer les risques et de prévenir les dérives plutôt que d’avoir à les condamner ultérieurement. L’éthique est donc l’anticipation du préjudice. C’est ainsi qu’elle se distingue de la déontologie qui règle elle, l’ensemble des problèmes de la profession, elle se distingue aussi plus ou moins de la 1 morale, qui est elle inflexible, inconditionnelle et obéit à l’idéologie philosophique. Elle se distingue aussi le droit qui obéit à des lois. Pourquoi cet intérêt pour l’éthique médicale, qui est de plus en plus l’ordre du jour au niveau des médias et de l’opinion médicale. Pourquoi les processus éducatifs cherchent-ils à l’intégrer dans le cadre de l’enseignement de diverses disciplines en particulier, la médecine ? La justification, en est, l’évolution des sciences et des technologies biologiques et médicales qui sont le siège de grands bouleversements et où l’on commence à connaître le secret de la vie et à apprendre le langage génétique. Les acquisitions récentes et vertigineuses dans plusieurs domaines, la recherche, les investigations, les soins préventifs, prédictifs, curatifs, alimentent des interrogations, créent des dilemmes pour lesquels les praticiens n’ont pas de réponse toute prête alors qu’ils ont besoin d’une réponse réfléchie et qui contenterait à la fois les exigences scientifiques, celles de la personne humaine, de la morale, de la culture et des intérêts de la communauté. L’on sait que la palette des pouvoirs de la médecine, s’enrichit tous les jours et à tendance même à se banaliser. Cependant pousser très loin certaines exigences du progrès pourraient porter préjudice, à l’intégrité de l’homme et à sa dignité, d’où, le souci de réfléchir, à nos tendances les plus profondes, à nos comportements envers le malade, doit-il être constamment présent. C’est delà qu’est venue l’exigence d’une éthique médicale : le respect de l’humanisme et le respect le progrès médical. Comme vous le savez, la première réflexion éthique de notre société contemporaine date de la fin de la 2 ère Guerre Mondiale à la suite de la révélation d’expérimentations à portée de recherches exclusivement scientifiques et sans aucun bénéfice sur les sujets objets 2 d’expérimentation. Un Code International : le Code de Nuremberg a été élaboré et a énoncé des principes fondamentaux pour satisfaire aux concepts moraux, éthiques et légaux : Le consentement éclairé ; La non nocivité probable ; L’utilité potentielle ; La qualification de la prise en charge. Les principes du Code de Nuremberg concernent essentiellement l’expérimentation sur l’homme, c’était la première réflexion éthique. Mais comme la science ne progresse que par l’expérience, l’homme a été et est encore aujourd’hui l’objet d’expériences dans la recherche d’un intérêt scientifique pour l’humanité. A cet effet, l’on peut citer la déclaration de Charles Nicolle (1934) « la conscience humaine, les lois condamnent l’expérimentation sur l’homme, mais elle s’est toujours faite, se fait et se fera parce qu’elle est indispensable au progrès de la science médicale pour le grand bien de l’humanité », et la déclaration de Jean Bernard : « les essais médicamenteux sont moralement nécessaires, car, il n’est pas possible d’autoriser une thérapeutique nouvelle, sans de très sérieuses études préalables mais ils sont nécessairement immoraux puisque la randomisation conduit à traiter un malade, non dans son seul intérêt, mais en pensant aux futurs malades de la communauté ». Si l’expérimentation a été le premier réflexe éthique, celui-ci, en raison de l’évolution de la technologie contemporaine, s’est étendu à l’éthique des sciences du vivant, la Bioéthique, qui est l’objet d’un large débat, philosophique moral, politique, sociologique et culturel. En effet, les progrès spectaculaires de la biologie moléculaire, de la génétique, 3 permettent aujourd’hui à l’homme de mieux connaître le processus de sa programmation, ce qui n’a pas manqué de poser questions et interrogations aux médecins, aux juristes et à la société. Il est heureux de constater que la Société Tunisienne des Sciences Médicales, a inscrit à son programme d’aujourd’hui : ETUDE CLINIQUE : ETHIQUE MEDICALE. Je pense que c’est une incitation à l’intégration de l’enseignement de l’éthique dans le cursus universitaire ou dans l’enseignement post-universitaire. Cet enseignement, qu’il soit théorique ou pratique, il sera l’occasion de rappeler la dignité, de l’homme, sa sécurité somatique et mentale, sa manière de naître, de vivre et de mourir. L’on sait que si nous sommes dotés aujourd’hui d’outils exceptionnels d’investigation et de soins efficaces, ils sont l’objet de lourdes conséquences. D’où la nécessité d’une réflexion éthique permanente pour prévenir les excès et les dérives. Aussi , des principes rigoureux sont-ils nécessaires pour guider nos décisions, c’est-à-dire l’éthique. Celle-ci s’imposera de plus en plus dans nos actions et s’intègrera de plus en plus dans l’art et l’enseignement de la médecine en raison du formidable progrès actuel et à venir. Mais l’éthique ne peut être sauvegardée, que si nous-mêmes, professionnels de la santé sommes interrogées sur nos actes et par nos actes, et si nous savons reconnaître les limites de notre savoir, prendre le temps de la méditation, nous poser la question du pourquoi. C’est de cette manière que nous saurons éviter les décisions judiciaires qui introduisent la méfiance, alors que devrait s’installer la confiance. Le médecin ressent, devant le bouleversement de la science et ses implications sur le vivant, de ne plus être seul à porter la responsabilité de tous les problèmes éthiques qu’impliquent ses actes. 4 Aussi, a-t-il besoin que des balises claires soient établies à ses actes et de faire alors appel au législateur. Pour conclure, je dirais que si la bioéthique ou étymologiquement « morale du vivant », a occupé pendant longtemps l’espace philosophique, elle s’introduit de plus en plus dans le langage médical, juridique, social, économique et politique et que si elle est restée longtemps occultée, c’est en raison du retard de la technologie à se faire entendre. C’est parce qu’elle évoque l’ensemble des problèmes d’éthique concernant le monde du vivant, qu’elle oriente son attention sur les progrès de la médecine et de la biologie contemporaine qui ont modifié les repères moraux habituels. Ainsi est-elle aujourd’hui, une branche multidisciplinaire, rénovée et actualisée à la lumière du progrès scientifique. Elle est aussi aujourd’hui l’objet de questions, d’interrogations dont se sont saisies, les familles spirituelles, les courants de pensée, philosophes, sociologues, juristes, et médecins … L’opinion publique, les décideurs, ne sont pas restés insensibles aux incidences sociales et à l’impact potentiel de ce nouveau pouvoir bioéthique. Ainsi l’inscription à votre programme de l’éthique face aux essais cliniques qui subissent les bouleversements de la science, est-elle largement justifiée. 5