politique du gouvernement. En fait, les deux principaux partis se mettent d’accord pour la
désignation d’un gouvernement, puis influencent les élections dans un sens ou dans un autre.
B. L’oligarchie dominante, ou le blocage complet du pouvoir politique
Dans la pratique, c’est la classe politique qui se partage le pouvoir et ce n’est pas le vote
qui détermine la majorité. Les résultats sont le fruit d’une entente de 1881 entre les
responsables des deux partis principaux pour assurer le bon fonctionnement du Turno et le
changement de majorité. Par exemple, à la mort d’Alphonse XII en 1885, une entente entre
Canovas et Sagasta est conclue : c’est le Pacte du Pardo, qui donne le pouvoir aux libéraux
avec le consentement du gouvernement conservateur en place. Le Pactisme est alors le maître
mot de la politique en Espagne à cette époque.
Ainsi, c’est le ministre de l’Intérieur qui donne ses instructions pour favoriser, au niveau
local, la conclusion d’accords entre les « chefs » des partis locaux pour la désignation de
« candidats officiels ». Ces futurs députés semblent désigné d’en haut ; ce sont les
« encasillados ». Si cela ne suffit pas pour assurer de bons résultats aux élections, la pratique
de la fraude à grande échelle (achat de suffrage…) et le caractère très peu secret du vote
(urnes en verre) assurent au Turno une stabilité sans faille. Le suffrage universel accordé en
1890 n’y change rien.
Cependant, le véritable pouvoir est entre les mains des « caciques » : ce sont les
oligarques, hommes d’influence, tant au niveau local que national (on parle alors de
« prohombre »). L’indifférence de la masse à ce jeu électoral est total, l’abstention atteignant
des niveaux records. En 1907, elle prend de telles proportions que l’on décide de supprimer la
formalité de l’élection en cas de candidature unique. Cette modification de l’article 29 de la
loi électorale est un aveu de l’échec de tout le système électoral.
Les partis de la Restauration ne connaissent d’autres politiques que les affrontements
locaux. De plus, les hommes qui ont fait la Restauration disparaissent en quelques années,
Canovas d’abord, suivi de Castelar en 1899, Sagasta enfin en 1903. Leurs successeurs n’ont
pas l’autorité nécessaire pour maintenir la stabilité du système politique. Ils lui reprochent
d’empêcher toute évolution, et par suite, toute solution sérieuse aux problèmes internes de
l’Espagne.
Même si le système du Turno, initié par Canovas, semble bien fonctionné,
l’immobilisme et le conservatisme dont il fait preuve vont marquer son impuissance face à
l’apparition de nouveaux problèmes.
II) L’impuissance du Turno face à de nouveaux problèmes.
A. La chute de l’Empire colonial.
En 1870, l’Empire colonial espagnol, qui avait fait jadis la puissance du pays, se
résume aux Philippines, à Porto Rico et surtout à la « perle des Antilles », Cuba. C’est cette
dernière colonie qui va faire parler d’elle tout d’abord. Depuis des années, la révolte cubaine
s’organise, avec l’aide notamment des Etats-Unis. Dès 1895, elle devient très active et le
gouvernement espagnol, alors dirigé par un conservateur, décide de l’envoie d’une armée de
200 000 hommes pour contrer les révolutionnaires. N’obtenant pas de résultats décisifs, le
gouvernement successeur, dirigé par Sagasta (un libéral) à la faveur du Turno, décide du
rappel des militaires et propose même aux Cubains de leur accorder un statut d’autonomie.