Panégyrique de l'empereur Trajan « Quelle joie pour toutes les provinces d'être placées sous notre protection et notre domination, puisqu'il nous a été donné un prince qui, selon les circonstances et les nécessités, appelle la fécondité de la terre, soit ici, soit là, la transporte, la rapporte, en étant capable de nourrir et secourir un peuple séparé de nous par la mer, aussi bien que le peuple et la plèbe de Rome ! [. . .] Il relie l'Orient et l'Occident par des convois qui vont et viennent, si bien que tous les peuples apprennent à connaitre, alternativement, ce qu'ils produisent et ce qui leur manque et comprennent qu'il est plus avantageux de n'avoir qu'un seul maître à servir. » Pline le Jeune, Panegyrique de Trajan, 32, 100 ap. J.-C. Le traitement des esclaves Pour la nourriture des esclaves, on conservera le plus possible d'olives tombées. Mets de côté également les olives récoltées qui rendent peu d'huile, et ménage-les pour qu'elles durent plus longtemps. Quand les olives auront été consommées, donne de la saumure et du vinaigre...Comme vêtement, une tunique de trois pieds et demi et une saie (court manteau de laine relevé sur l'épaule), tous les deux ans. Quand tu fourniras une tunique ou une saie, re-prends d'abord les vieilles, pour en faire des casaques (manteau grossier à larges manches). ... Réduire la ration des esclaves malades; savoir occuper les veillées d'hiver, les jours de pluie; vendre tous les excédents de la production, les déchets: vieux chariots, vieille ferraille, esclave vieilli ou malade. (Caton, De l'Agriculture, né en 234 et décédé en 149 avant J.C.) Un combat de gladiateurs Le hasard m'avait mené à midi à l'amphithéâtre: j'attendais des jeux, des facéties, de ces intermèdes où l'oeil du spectateur se repose de voir couler le sang humain. Or, le contraire arriva: dans les combats de la matinée on avait, par comparaison, fait preuve d'humanité. En ce moment, trêve de plaisanteries: c'étaient de purs massacres. Le gladiateur n'a rien pour se couvrir; toutes les parties de son corps sont exposées aux coups, jamais un engagement sans blessure. Les spectateurs, en majorité, préfèrent ce genre de combat à celui que se livrent les couples de gladiateurs ordinaires ou supplémentaires. Et comment ne le préféreraient-ils pas? Point de casque, point de bouclier contre l'épée. Pourquoi des armes défensives? pourquoi une lutte suivant les règles? Ce ne sont que des moyens de retarder la mort. Le matin, on livre des hommes aux lions et aux ours; à midi, c'est aux spectateurs qu'on les livre. Après avoir tué, il faut se mesurer à un autre pour être tué à son tour; le vainqueur est réservé, lui aussi, à la mort. Pour les combattants, une seule issue: la mort; l'affaire se traite par le fer et le feu. Et tout cela se passe pendant l'entracte. (Sénèque, Lettres à Lucilius, VII, né en 24 avant J.C. et décédé en 65 après J.C.) La loi des douze tables Oui, prenez toutes les collections d'ouvrages de tous les philosophes réunis; à lui seul, le petit livre des XII Tables, source et fondement de nos lois, me paraît, tant par son autorité imposante que par sa féconde utilité, leur être infiniment supérieur. ... Vous goûterez encore le plaisir et la joie de reconnaître combien nos aïeux l'ont emporté en intelligence avisée sur toutes les autres nations: constatation facile, pour peu que vos compariez nos lois avec celles de leur Lycurge (Sparte), de leur Dracon (Athènes), de leur Solon (Athènes). On ne saurait croire, en effet, à quel point règne dans le droit civil, partout ailleurs que chez nous, une confusion presque ridicule; c'est ce que je ne cesse de montrer dans mes entretiens journaliers, lorsque je place la sagesse de nos hommes d'État bien au-dessus de celle dont les autres peuples ont fait preuve, notamment les Grecs. (Cicéron, De l'Orateur, I, xliv, né en 106 et décédé en 43 avant J.C.) Galère et le recensement (en 306) « Mais voici ce qui devint une calamité publique et plongea le monde entier dans un deuil commun : le cens, imposé dans leur ensemble aux provinces et aux cités. Les censiteurs répandus partout bouleversaient tout : c’était l’image du tumulte de la guerre et de l’affreuse captivité. On mesurait les champs motte par motte, on dénombrait les pieds de vigne et les arbres, on enregistrait les animaux de toute espèce, on notait individuellement les noms des hommes; dans chaque cité, on rassemblait la population de la ville et de la campagne, toutes les places étaient remplies de familles entassées en troupeaux; tous étaient présents avec leurs enfants et leurs esclaves; instruments de torture et verges ne cessaient de résonner, on suspendait les fils pour les faire témoigner contre leurs parents, les serviteurs les plus fidèles étaient mis è la question contre leurs ma^tires, les époues contre leur mari. Quand tout avait échoué, on suppliciait les gens pour qu’ils se dénonçassent eux-mêmes et, quand la douleur les avait vaincus, on leur assignait des biens qu’ils n’avaient pas. Ni l’âge, ni la maladie n’étaient une excuse. On faisait comparaître des malades et des infirmes, on estimait l’âge de chacun, ajoutant des années aux enfants, en retranchant aux vieillards. Ce n’était partout que deuil et tristesse. Ce que nos aïeux avaient accompli contre es ennemis vaincus en vertu du droit de la guerre, cet homme osa le faire contre les Romains et les sujets des Romains parce ses ancêtres avaient été soumis au cens imposé aux Daces par Trajan vainqueur, pour châtier leurs incessantes rebellions. On payait donc pour sa tête, on payait pour sa vie. Les autorités ne faisaient pourtant pas confiance aux mêmes censiteurs, mais en envoyaient sans cesse de nouveaux, dans l’espoir qu’ils trouveraient davantage. Et les taxes étaient toujours doublées, même s’ils ne découvraient rien; car ils ajoutaient selon leur bon plaisir, pour que leur mission ne parût point inutile. Pendant ce temps, le cheptel diminuait et les hommes mouraient : on n’en payait pas moins l’impôt pour les morts : on ne pouvait plus vivre ni même mourir gratis. Restaient les mendiants, les seuls de qui on ne pût rien exiger, leur misère et leur malheur les mettant à l’abri de n’importe quelle violence. Au moins ce bon apôtre eut-il pitié d’eux et fit-il en sorte qu’ils ne manquassent de rien. Il donna l’ordre de les rassembler tous, de les embarquer sur des navires, et de les jeter à la mer. Quel homme miséricordieux, qui prit soin que sous son règne, il n’y eût aucun pauvre! Ainsi, en veillant à ce que personne, en simulant la mendicité, n’échappât au cens, il fit périr, contre tous les droits de l’humanité, une foule de vrais pauvres. » Lactance, De la mort des persécuteurs, XXIII. Trad. J. Moreau, coll. Sources chrétiennes, 39, Paris, Cerf, 1954. Romanisation Afin que ces hommes dispersé, sauvages, et par là même toujours prêts à la guerre, s’accoutumassent, par les plaisirs, au repos et à la tranquillité, Agricola les exhorte en son nom particulier, les aide des deniers publics à construire des temples, des forums, des maisons; il loue l’activité, aiguillonne la lenteur et l’émulation qu’il excite tient lieu de contrainte. Cependant, il faisait instruire les enfants des chefs dans les beaux-arts et affectait de préférer l’esprit naturel des Bretons aux talents acquis des Gaulois; de sorte que ces peuples, qui naguère dédaignaient la langue des Romains, se passionnèrent bientôt pour leur éloquence. Notre habit même fut mis en honneur, et la toge devint à la mode. Peu à peu on se laissa tenter aux séductions de nos vices : on connut les portiques, les bains, l’élégance des repas; et ces hommes sans expérience appelaient civilisations ce qui était une partie de leur servitude. (Tacite, Vie de Cn. Agricola, XXI, né en 55 et décédé en 117) Les thermes et les bruits de la ville Imagine toutes les sortes de voix...Pendant que les sportifs s'exercent et travaillent aux haltères, tandis qu'ils font tous leurs efforts, ou s'en donnent l'air, j'entends des gémissements; chaque fois qu'ils reprennent leur souffle, c'est un sifflement et une respiration aiguë. Lorsqu'il se rencontre un paresseux et quelqu'un qui se contente d'une friction à bon marché, j'entends le claquement de la main sur les épaules, et selon qu'elle frappe à plat ou en creux, elle rend un son différent. S'il survient par-dessus le marché un joueur de balle qui se met à compter les coups, tout est fini! Ajoute à cela le querelleur, et le voleur pris sur le fait, et l'homme qui se complaît à entendre sa voix pendant son bain. Ajoute à tout cela des gens qui sautent dans la piscine au milieu d'un fracas d'eau éclaboussée. Mais tous ces gens-là ont du moins une voix normale. Imagine vraiment la voix aiguë et aigre des épileurs...qui poussent tout d'un coup des cris, sans jamais se taire, sinon lorsqu'ils épilent des aisselles et alors font crier les autres à leur place. Il y a encore les cris variés du pâtissier, le marchand de saucisses, le vendeur de petits pâtés et tous les garçons de taverne qui annoncent leur marchandise avec une mélopée caractéristique. (Sénèque, Sur la brièveté de la vie, né en 24 avant J.C. et décédé en 65 après J.C.) Une course enlevante On entendait soudain craquer les verrous; toutes les barrières s’ouvraient au même instant, les chars s’élançaient dans l’hippodrome et d’immenses clameurs s’élevant de tous côtés remplissaient l’air. Bientôt un épais nuage de poussière enveloppait les chars lancés…les conducteurs, le corps fortement penché en avant, excitaient leurs chevaux par des cris…Plus la course approchait de son terme plus on voyait croître l’anxiété, les craintes ou la rage, se manifester la jubilation ou éclater la pétulance du public. Ne perdant pas un moment les chars des yeux, les spectateurs battaient des mains et criaient à tue-tête, bondissaient sur leurs sièges, se penchaient en avant, agitaient leurs mouchoirs et leurs vêtements, excitaient les chevaux de leur parti par des clameurs, étendaient en gesticulant les bras vers la lice, grinçaient des dents, menaçaient de la mine et du geste, se querellaient, proféraient des invectives ou se délectaient dans la jouissance de leur triomphe. Le premier char atteignait-il enfin le but, la jubilation des gagnants, à laquelle se mêlaient les jurons et les imprécations des perdants, retentissait au loin comme un tonnerre sur les rues désertes de Rome. (Tertullien, né en 155 et décédé en 220). Le triomphe de l’empereur Aurélien (274) « Il n’est pas hors de propos de savoir comment se déroula le triomphe d’Aurélien : il fut en effet particulièrement somptueux. Il y avait trois chars royaux : le premier, celui d’Odenath, était d’un beau travail et rehaussé d’argent, d’or et de pierreries; le second, que le roi des Perses avait offert à Aurélien, était d’une facture tout aussi ouvragée; le troisième était celui que Zénobie s’était fait fabriquer avec l’espoir de l’utiliser pour voir la ville de Rome. Cet espoir ne fut d’ailleurs pas déçu puisqu’elle fit bien son entrée dans la ville, mais vaincue et traînée en triomphe. Il y avait un autre char, tiré par quatre certs, qui passe pour avoir appartenu au roi des Goths. C’est sur ce dernier, comme beaucoup d’auteurs l’ont rapporté, qu’Aurélien monta au Capitole pour y immoler les certs qu’il avait, dit-on voués à Jupiter Très Bon Très Grand lorsqu’il les avait capturés en même temps que le char. Ouvraient la marche vingt éléphants, des fauves de Libye apprivoisés et deux cents animaux variés de Palestine, dont Aurélien fit aussitôt présent à des particuliers pour ne pas alourdir le fisc du coût de leur entretien; suivaient, rangés par espèces, quatre tigres, des girafes, des élans et autres bêtes du même genre; hit cents paires de gladiateurs, sans parler des prisonniers originaires des pays barbares : Blemmyes, Axoumites, gens de l’Arabie heureuse, Indiens,Bactriens, Ibères, Sarrasins et Perses portant chacun leurs présents, Goths, Alains, Roxolans, Sarmates, Francs, Suèves, Vandales, Germains, les mains liées puisqu’ils étaient prisonniers. Dans ce groupe de tête figuraient également les notables de Palmyre qui avaient survécu et des Égyptiens pour les punir de leur rébellion. On fit défiler également dix femmes qu’Aurélien avait captuéres tandis qu’elles combattaient, en vêtmeent d’homme, au milieu des Goths. Beaucoup d’autres avaient été tuées. Une pancarte les présentait comme descendantes des Amazones; on portait en effet devant les prisonniers des pancartes indiquant le nom de la peuplade à laquelle ils appartenaient. Au milieu du cortège figurait Tétricus, revêtu d’une chlamyde écarlate, d’une tunique jaune et de braies gauloises, et flanqué de son fils qu’il avait proclamé empereur en Gaule. Puis s’avançait Zénobie, parée de joyaux et chargée de chaînes d’or, dont d’autres soutenaient le poids. On présentait chaque cité une couronne d’or surmontée d’une pancarte qui en précisait le nom. Le peuple romain lui-même, les étendards des corporations et des camps, les cavaliers cuirassés, les trésors royaux, l’armée entière et le Sénat – ce dernier, à vrai dire, assez affecté de voir qu’il y avait des sénateurs traînés en triomphe – augmentaient considérablement l’apparat du cortège. Ce n’est finalement que vers la neuvième heure que l’on parvint au Capitole et plus tard encore au palais. Les jours suivants furent donnés, pour divertir le peuple,d es représentations théâtrales, des jeux du cirque, des chasses, des combats de gladiateurs, des naumachies. » Histoire auguste, Vie d’Aurélien, 33-34. trad. A. Chastagnol, Paris, Bouquins, 1994.