Les Caprices de Marianne, une aventure télévisuelle
Ou comment un spectacle de théâtre devient un téléfilm.
«On ne pense alors plus avec sa tête, mais avec l’émotionnel.
Là, on arrive à la fusion du théâtre et du cinéma.»
Réalisatrice passionnée de théâtre, Elena Hazanov (La traductrice) a eu l’audace d’adapter pour la
télévision la pièce de Musset mise en scène par Jean Liermier l’année dernière à Vidy. Loin des
habituelles captations visibles sur le petit écran, elle propose une vision innovante du théâtre filmé en
tournant en décors réels – Carouge aujourd’hui – les émois d’Octave et consorts. Diffusé sur la TSR
fin 2008, le film, coréalisé avec Jean Liermier, sortira en DVD à l’occasion de la reprise de la pièce au
théâtre de Carouge en mai prochain. Entretien
Comment vous est venue l’envie d’adapter Les caprices de Marianne à la télévision ?
J’étais en Pologne, il y a deux ans, pour une master class avec Andrzej Wajda. C’est là que j’ai vu, à
la télévision polonaise, que l’on pouvait adapter des pièces de théâtre en décors naturels et que ça
marchait. J’ai proposé à Jean Liermier de reprendre cette idée à Carouge et ça lui a plu. Ensemble,
nous sommes allés voir Philippe Berthet (responsable du département des fictions, ndlr) à la TSR qui,
à son tour, a été convaincu. Grâce à son soutien, tous les financements ont suivi assez rapidement.
C’est très rare pour un film. Vous êtes avant tout une réalisatrice de cinéma.
D’où vient votre intérêt pour le théâtre ?
C’est vrai que j’ai fait principalement de la fiction au cinéma, mais les deux documentaires que j’ai faits
étaient sur le théâtre. C’est un monde qui m’attire. Je vais beaucoup au théâtre, ma maman était
comédienne, j’en ai fait adolescente. Le théâtre fait partie de ma vie. Ça m’intéressait donc de
chercher une sorte de fusion entre les genres, une forme d’expression qui mêle théâtre, cinéma et
télévision. Le texte classique de Musset est placé ici dans un contexte familier et, avec la caméra, je
peux aller près des visages, chercher les gestes des comédiens, m’approcher.
C’est une démarche inédite en Suisse et pour le moins audacieuse. N’est-elle pas également
risquée ?
Je préfère, à l’inverse, parler de défi. En l’occurrence, de rendre cela intéressant aussi pour les
jeunes, les adolescents. Qu’ils soient interpellés, touchés par ce texte classique dans un contexte qui
leur est proche. Faire redécouvrir un vocabulaire et prouver qu’il peut être utilisé encore aujourd’hui.
Que les mots de Musset ont une cohérence. Cet aspect est une des spécificités du film, il influence
évidemment aussi le jeu des comédiens.
Ne trouvez-vous pas étonnant que ce soit une cinéaste d’origine russe qui se soucie ainsi de
mettre en lumière la langue française ?
Vu comme ça, oui ! Mais je pourrais le faire en russe aussi. Quelle que soit la langue, c’est un pari
intéressant. Les langues évoluent, sont chamboulées, mais il ne faut pas pour autant perdre leurs
mots. Et le français est devenu ma deuxième langue maternelle, vous savez…
Comment avez-vous scénarisé le texte de Musset pour la télévision ?
Jean et moi avons fait une adaptation. Nous n’avons pas changé les mots, nous en avons juste coupé
une partie. Nous avons changé les didascalies en ajoutant de l’action et des situations imaginées en