LP 58 Quantification de l'énergie des atomes
Introduction : L'existence de raies d'émission spectrale pour un corps donné a constitué les
bases expérimentales qui ont permis d'une part de comprendre la structure interne des atomes,
d'autre part d'imposer la mécanique quantique comme le modèle d'explication des
phénomènes au niveau atomique.
Cependant, avant que la mécanique quantique ne parvienne à expliquer complètement cette
structure, un certain nombre de gles, fondées sur un modèle classique et donc par essence
erronées ainsi que sur des constats empiriques, ont été formulées et ont permis de trouver des
résultats qualitatifs exacts pour expliquer les raies d'émission et la quantification de l'énergie
des atomes.
Ce sont ces premiers pas vers une explication de la structure de l'atome que nous allons
détailler ici, tout en gardant bien entendu à l'esprit que ces images classiques ne peuvent en
aucun cas décrire la réalité physique de la structure de l'atome. Cependant, elles permettent,
dans un premier temps, de rendre compte de la structure énergétique de l'atome sans pour
autant avoir besoin d'être familier avec le formalisme de la mécanique quantique.
A) Premières quantifications de l'énergie des atomes:
1) Raies spectrales et niveaux d'énergie
En 1838, Faraday découvre que, sous l'effet d'une différence de potentiel suffisante et sous
certaines conditions de pression, un gaz contenu dans une ampoule s'illumine, et que le
spectre de ce rayonnement est constitué de raies de fréquence bien définie et caractéristique
du gaz.
En 1885, Balmer remarque que les longueurs d'onde
p
des quatre raies visibles de
l'hydrogène satisfont à la relation empirique
4
2
2
0
pp
p
, ce que Rydberg écrivit plus tard
222
0
111
4
141 pn
R
pH
p
.
On découvrit alors que l'ensemble des longueurs d'onde des raies spectrales de l'hydrogène
était obtenu en donnant aux paramètre n et p des valeurs entières.
n=1 Série de Lyman
n=2 Série de Balmer
n=3 Série de Paschein
Enfin, en 1908, Ritz proposa une formule généralisant la formule de Balmer :
 
pn
np
TT
1
Cette loi permis à Bohr de comprendre ce que constituaient les raies d'émission des
atomes. En effet, si on suppose que le rayonnement électromagnétique est constitué de
photons d'énergie
h
, et que chacun d'entre eux est émis par un seul atome, on voit que lors
de l'émission de lumière dans une raie spectrale donnée, l'atome perd une énergie
 
pnnpif TThchEEE
. On est alors naturellement amené à poser, comme les
énergies de liaison sont négatives,
pi hcTE
et
nf hcTE
.
On en conclut donc que les énergies de liaison de l'atome constituent un spectre d'énergie
, de valeurs quantifiées.
Il s'agissait alors d'interpréter ce phénomène.
2) Le modèle de Bohr:
Le modèle de Bohr est un modèle classique (orbital) de l'électron dans l'atome
d'hydrogène. Il est fondé sur les hypothèses suivantes:
- l'électrons décrit autour du noyau une orbite circulaire de rayon r. Conformément à
cela, on reprend l'expression classique de son énergie et de sa vitesse données par
r
e
vE 2
2
2
1
et
2
22
r
e
r
v
- par ailleurs, Bohr pose une règle de quantification inspirée des résultats expérimentaux
sur les raies, soit
nvr .
, où n est un entier positif, appelé nombre quantique
principal.
On voit déjà le vice de ce modèle. En effet, l'électromagnétisme de Maxwell nous dit que
toute particule chargée et accélérée rayonne de l'énergie, et un petite estimation de l'énergie
perdue montre que l'atome d'hydrogène, dans ce modèle, est instable et que sa durée de vie est
de l'ordre d'un dixième de nanoseconde.
Malgré cette objection que Bohr n'explique pas, mais qui semble résolue par la règle de
quantification, on trouve:
22
4
2
2
2
2
2
22
1
2
.
n
e
E
n
ev
e
r
n
e
rv
e
v
n
On voit alors que le modèle de Bohr retrouve la loi de Balmer pour l'atome d'hydrogène, et
que la constante de Rydberg vaut, comme
2
n
R
hchcTE H
nn
,
3
42
2ch
me
RH
.
Ce modèle connaît alors un énorme succès. En effet:
- il explique l'existence des raies de l'hydrogène et retrouve les valeurs des longueurs
d'ondes associées
- il retrouve l'énergie d'ionisation de l'hydrogène qui vaut
eVE6,13
1
- il permet un nouveau calcul de la constante de Planck connaissant la valeur
expérimentale de la constante de Rydberg.
3) Le nombre quantique orbital:
S'inspirant du modèle de Bohr, on peut dire que les niveaux d'énergie des atomes sont
quantifiées et que l'énergie de ces niveaux dépend d'un nombre quantique, appelé nombre
quantique principal n.
Dans le modèle classique, la trajectoire d'un électron atomique dans un état lié est une
ellipse (qui devient un cercle dans le cas limite de l'hydrogène). Sommerfeld a alors montré
que les caractéristiques de cette ellipse sont données par la valeur du moment cinétique de
l'électron par rapport au noyau, de telle sorte que, pour chacun des états d'énergie
n
E
déjà
quantifiés par Bohr, le carré de ce moment cinétique orbital
l
est lui aussi quantifié
conformément à la règle:
 
1
122
nl
naturelllll
A chacune des valeurs de l possibles conformément à cette règle, on associe une lettre, qui
désigne en même temps le type d'orbite correspondant:
l
0
1
2
3
4
5
Etc
Etat
s
p
d
f
g
h
etc
Le spectre en énergie, ou en niveau, apparaît donc ainsi:
On remarque qu'alors pour une valeur de l'énergie donnée
par n, il existe plusieurs valeurs de l et donc des états différents.
On dit alors que cette valeur de l'énergie est dégénérée.
Cependant, la mécanique quantique montre que cette
dégénérescence n'apparaît que dans l'atome d'hydrogène et que
de manière générale on a
ln
EE ,
.
On voit donc ici se dessiner petit à petit la structure
énergétique de l'atome, structure qui sera confirmée par la
mécanique quantique, bien que, on ne le répètera pas assez, ces
résultats proviennent d'une analyse qui ne peut être que
fondamentalement fausse en raison du caractère non classique des électrons atomiques.
B) Les effets magnétiques:
1) Quelques rappels classiques:
On sait qu'une charge possédant un moment cinétique, c'est-à-dire crivant une boucle,
est équivalent à une boucle de courant. Par ailleurs, cette boucle de courant est, conformément
aux résultats d'électromagnétisme, équivalente à un moment magnétique qui est lié au
moment cinétique par la relation
lM
.
est appelé rapport gyromagnétique.
De manière plus générale, on montre que le moment magnétique d'un atome est relié au
moment cinétique total de cet atome
J
qui résulte du couplage vectoriel de tous les moments
cinétiques de ces constituants de telle sorte que
JgM .
, g est appelé le facteur de
Landé, et est caractéristique du couplage particulier réalisé dans un état atomique déterminé.
n
l=1
l=2
l=4
l=3
1s
3s
2s
4p
4s
3p
3d
2p
4d
4f
Rappelons pour finir qu'un moment magnétique plongé dans un champ magnétique
B
possède une énergie potentielle
BM .
.
2) L'effet Zeeman:
L'effet Zeeman est un effet observé en 1896 qui montre que lorsqu'un atome est plongé
dans un champ magnétique, on constate l'apparition de nouvelles raies d'émission spectrale.
Or un niveau d'énergie plongé dans un champ magnétique va acquérir une nouvelle énergie
donnée par
znlnlnl BlEBMEWEE
.
, si on désigne par z la direction du champ
magnétique.
On voit alors que l'apparition de nouvelles raies implique que:
- un niveau d'énergie en champ nul
nl
E
va se scinder en plusieurs autres niveaux lorsque
l'atome va être plongé dans un champ magnétique
- que l'énergie supplémentaire apportée va être quantifiée.
Or
B
et
sont des grandeurs fixées, et donc la seule chose qui peut être quantifiée est la
projection du moment cinétique sur la direction du champ magnétique, c'est-à-dire la seule
direction privilégiée du problème.
On en a alors tiré les règles de quantification d'un moment cinétique
J
:
 
 
JJm
mJ
JJJ
J
Jz
,
122
Ces règles sont valables pour n'importe quel moment cinétique, en particulier pour le
moment cinétique orbital
l
et on a alors, pour une valeur de l donnée, 2l+1 états, chacun étant
caractérisé par une valeur de
l
m
, appelé nombre quantique magnétique.
Ceci rend bien compte de l'apparition de nouvelles raies. Par exemple, pour un niveau l=1,
c'est-à-dire un niveau p, vont apparaître trois nouveaux niveaux d'énergies respectives:
BEm
Em
BEm
nll
nll
nll
.1
0
1
. On définit alors la grandeur
.
B
, appelée magnéton de Bohr, et
caractéristique du déplacement en énergie des niveaux par effet Zeeman.
Il apparaît alors qu'un état d'énergie est plus dégénéré qu'il n'y paraissait avant
l'introduction de ce nombre quantique magnétique. Sa dégénérescence s'écrit:
   
2
1
021
212 nn
nn
lg n
l
nlml
. On voit alors qu'elle ne dépend que ne n. En réalité,
cette valeur n'est pas définitive, étant donné qu'un quatrième nombre quantique va intervenir,
ce que nous verrons plus tard.
3) Premières règles de sélection:
A chacune des nouvelles raies correspond l'émission d'un photon. Or il apparaît que non
seulement le photon est une particule dotée d'une énergie et d'une impulsion, mais aussi d'une
sorte de moment angulaire intrinsèque appelé son spin, dont la projection sur l'axe z ne peut
prendre que deux valeurs
. Par ailleurs, dans une transition d'un niveau d'énergie à un
autre, avec émission (pour aller vers une énergie plus haute) ou absorption (pour aller vers
une énergie plus basse) d'un photon, il y a non seulement conservation de l'énergie et de
l'impulsion totale, mais également de la composante selon z du moment angulaire total.
Celui-ci vaut
- avant l'émission
izz lj ,
- après l'émission
zfzz slj ,
On a donc
zz sl
, et donc seulement deux transitions sont permises, celles qui
correspondent à
z
l
, selon le spin du photon émis, soit
1l
m
. En fait, la mécanique
quantique montre que cette condition sur
l
m
est moins restrictive, c'est-à-dire que
1,0,1 l
m
, mais qu'il existe une condition
supplémentaire qui est
1l
. Ces conditions constituent
ce que l'on appelle les règles de sélection.
On peut donc alors interpréter par exemple l'apparition de
trois raies Zeeman, et seulement trois, dans une transition
1l
.
En effet, l'intervalle d'énergie qui sépare les sous niveaux
Zeeman a la même valeur quelque soit le niveau considéré
BE BZ .
, et donc certaines transitions apparemment
distinctes, correspondent à la même différence d'énergie et
donc à une seule et même raie. C'est le cas de toutes les transitions ayant le même
l
m
.
C) Le spin de l'électron:
1) La raie double du sodium:
L'atome de sodium possède onze électrons, mais ces propriétés chimiques sont semblables
à celles de l'hydrogène. En effet, ces dix premiers électrons, appelés électrons de cœur,
constituent une sorte se structure rigide sans moment angulaire résultant. Les premiers états
disponibles pour le onzième électron sont les états 3s et 3p entre lesquels la transition devrait
engendrer une seule raie, notée D. Or on observe l'existence de deux raies jaunes, la première
à
o
A5896
1
, la seconde à
o
A5890
2
. Plus généralement, on constate ce dédoublement
pour tous les alcalins pour lesquels
0l
.
Pour expliquer ces phénomènes, Uhlenbeck et Goudsmit on supposé en 1925 que l'électron
possédait une sorte de moment angulaire intrinsèque, appelé son spin et un moment
magnétique correspondant
sM SS
, avec
.2
S
. Ce moment magnétique interagit avec
le champ moyen interne
H
avec une énergie
HSS HsHM
.
. Pour pouvoir expliquer le
dédoublement de la raie, il faut que le nombre quantique
S
m
, associé à
z
s
ne puisse prendre
que deux valeurs, c'est-à-dire qu'il faut
212 s
, soit
2
1
s
et
2
1
S
m
, conformément aux
règles de quantification des moments cinétiques.
L'intervalle en énergie du sodium se déduit alors par
12
11
hcHW S
.
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