M.Bouklila/ Philosophie/ LE DEVOIR/ Lycée J.J. Rousseau/ Octobre 2013
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Chapitre 2: Le devoir
Préambule : pourquoi se poser la question du devoir ?
Extrait de La critique de la raison pratique (fin) de Kant
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Pour l’opinion commune, la morale est associée au « permis » et au « défendu »
tels qu’ils sont conçus au sein d’une culture donnée. Une telle conception entraîne
généralement un corollaire immédiat, à savoir la diversité et donc la relativité des
prescriptions culturelles et par là même des prescriptions morales.
Précisons cependant que le « permis » et le « défendu » en question sont davantage
d’ordre privé que d’ordre public. Il ne s’agit pas des lois ou des règles sociales qui
s’imposent à tous mais des comportements que tout membre de la société est invité à
observer à titre privé afin d’être perçu par cette société comme un de ses membres
digne de considération.
Ces actes relèvent de ce qu’on appelle la morale, même si les prescriptions relevant de
cette dernière peuvent permettre également de juger les règles de l’organisation sociale.
En d’autres termes, les exigences morales ont une existence d’autant plus distincte des
lois sociales qu’un espace privé se dégage nettement de l’espace public.
Ce phénomène est lui-même lié à l’émergence de la notion de personne comme valeur
absolu et à l’autonomie grandissante de l’individu au de la collectivité.
On comprend dès lors que la distinction entre la morale et la politique soit de plus en
plus marquée et notamment que la question morale prenne une importance
grandissante avec l’expansion du christianisme qui sacralise la personne humaine alors
que la Cité grecque a tendance à ne pas opérer une distinction nette entre
comportements privés et comportements publics, entre bien privé et bien public.
La question qui se pose alors au vu de cette première approche est la suivante : au nom
de quoi demande-t-on à un individu d’observer à titre personnel telle ou telle
prescription ? Autrement dit pourquoi être moral et faire son devoir ?
C’est bien évidemment au nom de normes, au nom d’une certaine idée de ce qui doit se
faire afin d’être véritablement digne d’appartenir à une communauté donnée. Ces
normes définissent donc ce qui est important aux yeux de cette communauté en matière
de comportement, ce qui vaut la peine qu’on lui sacrifie éventuellement nos intérêts
égoïstes, bref ces normes incarnent ce qu’on appelle ordinairement des valeurs. Ces
valeurs sont transmises par l’éducation et la plupart du temps sont intériorisées par les
sujets, c’est-à-dire cues comme faisant partie intégrante d’eux-mêmes, tout
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manquement étant considéré alors comme une faute, une trahison vis-à-vis de soi-
même. Selon le degré d’intériorisation de ces valeurs par le sujet, l’obéissance à ces
dernières est vécue comme un ordre intérieur que le sujet se donne à lui-même,
autrement dit comme une obligation ou bien, dans le cas le sujet n’y obéit que pour
faire bonne figure, pour éviter la sanction sociale ou le regard défavorable d’autrui,
comme une contrainte, comme une pression sociale qui s’impose de l’extérieur à sa
volonté.
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INTRODUCTION :
Entrée : Corneille dans Le Cid (acte I, scène 4) fait dire un mot chargé
philosophiquement de sens à Chimène : « Je ne consulte point pour faire mon devoir ».
La forme du devoir, ici venger son père en tuant son meurtrier (ici Rodrigue qui s’avère
être aussi son amant) apparait comme une évidence.
Résultat : le caractère évident, intuitif, non intellectuel du devoir
Expressions communes à travailler : « faire son devoir/ avoir des devoirs/ être tenu
de / tu n’aurais pas dû / la conscience morale/ être rongé par le remord… etc »
Repères philosophiques à mobiliser : les distinctions absolu/relatif,
particulier/universel , obligation/contrainte, ainsi que les distinctions conceptuelles
entre bien / mal et bon / mauvais
Observation générale : La morale définie ainsi est un fait universel en ce sens
qu’aucune société n’ignore la distinction entre le bien et le mal. En tant qu’être vivant,
l’homme est soumis à la nécessité ( par exemple il sait qu’il doit mourir car c’est
nécessité biologique), mais en tant qu’être moral, il a la faculté de s’imposer des normes
et de les suivre ou non. Le devoir possède un double sens :
_s.1 : nécessité vitale, conditionnelle
_s. 2 : concept d’obligation
Le devoir désigne l’obligation morale ( ex. je dois dire la vérité). On ne peut se
soustraire à la nécessité (nul n’est immortel), en revanche on peut se soustraire à une
obligation.
Problématique : Si le devoir n’a aucune teneure nécessaire, comment peut-on
concevoir et fonder une morale universelle ? La forme de l’obligation (seulement
facultative) ne conduit-elle pas à un risque d’effondrement de la notion (sur le
plan conceptuel) et à une privation de réalité (sur le plan de l’agir) ? A l’inverse :
une morale universelle et l’acte moral sont-ils concevables en pensée et
vérifiables dans l’expérience ? Si oui comment ? A défaut pourquoi une telle
impossibilité ? (enjeu du relativisme et du nihilisme)
Plan :
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I. Que dois-je faire ? Exploration du concept d’obligation morale
II. Quid du fondement de la morale ?
III. Qu’appelle-t-on un acte moral ? Celui-ci est-il possible ?
I. Le devoir comme sphère pratique de l’agir : Que dois-je faire ?
A. Obligation et nécessité :
Les deux s’’exprimer par le verbe « je dois »
La nécessité, c’est ce qui ne dépend pas de moi ou ce qui ne me laisse pas le choix. On
opposera donc le nécessaire au possible.
Néanmoins ° entre :
Nécessité absolue : inconditionnelle (mourir)
Nécessité relative : conditionnelle (se nourrir pour se maintenir en vie)
Il y a donc des degrés dans le nécessité.
L’obligation c’est ce qui s’impose à ma volonté, tout en me laissant la possibilité de m’y
soustraire : donc elle implique volonté et liberté.
Ex. historique : les procès de Nuremberg montrent comment on peut invoquer la
nécessité en lieu et place de l’obligation, ie convertir l’obligation en cessité ( « je ne
pouvais faire autrement »). Eichmann déclare lorsqu’il est jugé : « ma culpabiliest
mon obéissance ».
Mais le devoir n’a pas valeur d’excuse (« je n’ai fait qu’obéir »).
B. Devoir et contrainte
L’obligation m’est imposée par moi-même ( contrainte imposée par autrui).
Une contrainte n’est qu’une force s’imposant à moi contre ma volonté. Mais cette
contrainte me force sans m’obliger puisqu’elle n’a d’autre justification que la force
dont elle dispose pour s’exercer.
Rousseau,( CS,I, 3) : « S’il faut obéir par force, on pas besoin d’obéir par devoir ».
La contrainte ne m’oblige pas, dans la mesure je ne reconnais pas la valeur de cette
contrainte. Inversement, une obligation correspond à un acte de la volonté telle qu’elle
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