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Le cas atypique du bouddhisme
…une spiritualité non-théiste qui ouvre des portes entre la laïcité et les religions…
Conférence « Laïcité et Religions », 27-29 August 2008, European Parliament, Brussels
Une guerre froide
Une guerre froide, émaillée de nombreux conflits, a duré très longtemps entre la laïcité et les
religions. Personne ne l’ignore ! Une des résultantes de la trêve conclue au niveau européen est
le concordat entre l’Eglise et l’Etat datant de la période napoléonienne. Sans doute reste-t’il, de
ci de là dans le monde, des foyers d’animosité ou de tension, parfois importants. C’est au prix de
la vie de nombreux hommes et de nombreuses femmes que l’Occident arrive petit à petit à
envisager « la fin de l’utilisation destructrice de la religion », comme l’exprime Eugen
Drewermann. Pourtant, me direz-vous, il y a quand-même depuis peu cette charge athéiste assez
puissante qui considère l’enseignement de la religion comme un abus vis-à-vis de la jeunesse et
la religion comme un virus… comme si le fondamentalisme religieux américain avait trouvé ses
compères dans cette faction antireligieuse (note 1).
La question de Rik Torfs « Est-ce que les gens religieux sont fanatiques ? Ou est-ce que les
fanatiques sont religieux ? » a donc tout lieu d’être. On oublie en effet trop facilement que ceux
qui instrumentalisent la religion risquent de glisser vers des fanatismes de tout acabit.
Il n’empêche que, malgré tout, nous entrons dans une ère tout à fait nouvelle parce que, sans
qu’on s’en soit aperçu, une majorité de gens souhaitent de plus en plus se libérer de toutes les
structures, de quelque religion ou philosophie qu’elles viennent, qui seraient de nature à leur
faire courber la tête ou renier ce qui leur paraît précieux. On se débarrasse de la chape de plomb
de la culpabilité ou de la mauvaise conscience. Tout ce qui assujettit l’homme, tout ce qui écrase
les peuples, les discours qui visent à dresser les communautés les unes contre les autres… on
n’en veut plus ! On a compris que diaboliser l’autre, l’oublier ou le convertir sont autant
d’attitudes d’exclusion. Elles ne peuvent qu’être sources de détresse et de conflits. Comme nous
le rappelle cette parole du Bouddha, « Toute victoire attise la haine, toute défaite, la détresse. Le
sage ne cherche ni la victoire, ni la défaite. » La « force du dialogue désarmé » (selon l’heureuse
formule de Pierre de Béthune) , voilà ce à quoi on aspire !
Certains expliquent le soi-disant succès du bouddhisme en Occident, de cette manière (note 2).
Nous vivons une époque de brassage des cultures et des convictions… un avantage pour des
personnes stables, équilibrées et qui disposent aussi bien d’un enracinement très sain dans leur
propre tradition que d’une ouverture d’esprit. Un avantage aussi dans d’autres domaines : l’une
des grandes qualités du « new leadership » dans les entreprises commerciales se situe dans la
souplesse qui permet de s’adapter aux fluctuations imprévisibles et permanentes du marché, sans
quitter les termes de la mission de son entreprise.
Voici, pour illustrer l’aspect multiculturel de nos sociétés, comment se présente le célèbre
théologien Raimon Panikkar: « Je suis « parti » chrétien, je me suis « trouvé » hindou, et je suis
« revenu » bouddhiste, sans avoir jamais cessé d'être chrétien". Pourquoi, croyants et non-
croyants ne pourraient-ils pas s’entendre à une telle époque ?
Le relativisme culturel prône le fait que toute attitude, quelle qu’elle soit, est par principe
acceptable. À l’extrême opposé, se trouve la conviction selon laquelle seul ce qui nous plaît,
seul ce que nous connaissons, devrait être envisageable.
Il existe certainement une voie du milieu… Le bouddhisme peut-il la suggérer conjointement à
d’autres approches ? (note 3)