Situation du Mont Blanc – Michel Fourcade

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Comité Français de l’UICN
Commission des aires protégées
Michel Fourcade
23 septembre 2014
Note de situation sur la protection du massif du Mont-Blanc
Introduction :
La dernière note de situation concernant la protection du massif du Mont-Blanc adressée au Comité
français de l’UICN le 20.02.2013 avait pour objet de l’informer au terme du programme européen de
coopération transfrontalière ALCOTRA (2006-2012) .
Ce programme comportait un Plan Intégré de Territoire (PIT) pour l’Espace Mont-Blanc (EMB – le
massif proprement dit et ses territoires périphériques : 34 communes – trois pays). Ce PIT avait , à la
suite du Schéma de Développement Durable (SDD) de l’EMB adopté en 2006 par la Conférence
Transfrontalière Mont-Blanc (la CTMB, créée par les trois Etats en 1991), retenu , dans un Plan de
Gestion, le projet d’inscription du massif du Mont-Blanc au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Ce plan
de gestion n’ayant pas été réalisé au terme du programme ALCOTRA, un projet de développement
durable de l’EMB, plus global, intitulé « Stratégie d’avenir du Mont-Blanc », placé comme le PIT sous
la tutelle de la CTMB, lui avait succédé (présenté aux associations le 7.02.2013).
Dans la mesure où le projet d’inscription du massif à l’UNESCO, soutenu depuis 2003 par le Comité
français, n’était plus conservé comme projet structurant dans la Stratégie d’avenir du Mont-Blanc, le
Comité français a accepté la proposition de centrer désormais son action pour la protection du
massif sur ses aires protégées, les Réserves naturelles et le Site classé du Mont-Blanc. Celles-ci en
effet, situées presque en totalité en altitude, bénéficient d’un statut spécifique reconnu
juridiquement (plan de gestion pour les Réserves naturelles, loi de 1930 sur les sites classés ou
inscrits pour le site classé du Mont-Blanc) qui permet d’y appliquer des mesures de protection plus
concrètement et rapidement que dans les vallées de l’Espace Mont-Blanc, sans statut particulier et
soumises aux pressions d’un urbanisme en expansion et au tourisme de masse.
La présente note se propose, après avoir donné un aperçu sur la situation générale qui caractérise,
à ce jour, selon l’auteur de la note, la protection de la montagne dans les Alpes, de présenter pour le
massif du Mont-Blanc (élargi) et de manière plus explicite, les actions menées au cours de la période
2013 – 2014 principalement dans le cadre des groupes de travail de la Stratégie d’avenir du MontBlanc.
Situation générale
La protection de la montagne dans les Alpes, de façon générale, que ce soit en France ou dans les
autres pays alpins, s’inscrit de plus en plus dans un contexte très contrasté, caractérisé par :
D’une part, une plus grande volonté des pouvoirs publics et des élus, aux niveaux régional et local,
pour mettre en œuvre des politiques, pour certaines d’entre elles déjà programmées et/ou réalisées
en partie, destinées à renforcer la protection de l’environnement en altitude mais surtout dans les
vallées, celles-ci connaissant de plus en plus des problématiques de type urbain ou néo-urbain, avec
l’application de mesures concernant la préservation des paysages et de la biodiversité, la qualité de
l’air, la transition énergétique , les transports…
D’autre part, la création , le plus souvent par les sociétés de remontées mécaniques, dans les
espaces d’altitude accueillant les touristes, en été et/ou en hiver, de nouvelles remontées plus
performantes en termes de capacité et de fréquence ainsi que différentes installations destinées à
« l’animation » de ces espaces (musique techno sur les pistes de ski, panneaux d’affichage très
agressifs, parcours de « découvertes et d’aventures » …). Les impacts de ces nouveaux
aménagements en augmentant l’artificialisation de la haute montagne avec ses effets sur les
paysages, la flore et la faune, y compris dans les aires protégées limitrophes des espaces concernés,
vont ainsi à l’encontre, et de manière paradoxale, aux objectifs de protection précités.
Situation dans le massif du Mont-Blanc, élargi à l’Espace Mont-Blanc
L’Espace Mont-Blanc présente une situation contrastée identique entre aménagement et protection.
L’aménagement :
Il faut noter l’importance des chantiers entrepris par la Compagnie du Mont-Blanc qui vient de signer
avec la Municipalité de Chamonix un nouveau contrat, d’une durée de 40 ans, de délégation de
service public des domaines skiables.
Ces chantiers, situés pratiquement en totalité dans le Site classé du Mont-Blanc font partie d’un
programme de requalification des sites qui a été approuvé, bien qu’avec quelques réserves pour
certains, par la Commission Supérieure des Sites, Perspectives et Paysages (CSSPP) :
 En 2011, pour l’Aiguille du Midi
 En 2012, pour le domaine skiable des Grands-Montets
 En 2013, pour le site du Montenvers (revalorisation, accès à la Mer de Glace).
Pour les remontées mécaniques, le programme a souligné que plusieurs installations existantes
étaient supprimées et étaient remplacées par de nouvelles plus performantes par l’augmentation de
leur capacité et de leur fréquence. Bien que la Commission ait suivi le rapport de l’inspectrice de la
DREAL qui ne reconnait pas d’impact de ces nouvelles installations sur le paysage, il faut reconnaître
que celui-ci sera malgré tout atteint en raison du volume des nouvelles gares de départ et d’arrivée.
Quant à l’ « animation » des sites , la compagnie du Mont-Blanc est très engagée dans ce domaine
avec la diffusion de musique et la mise en place de nombreux panneaux d’affichage en altitude. De
même, à l’Aiguille du Midi, une cinquantaine de chantiers sont ouverts à cet effet. Comme le déclare
le président directeur général de la Compagnie du Mont-Blanc « Notre philosophie : c’est sensation,
émotion et esprit » !
La protection :
Les initiatives des élus :
La municipalité de Chamonix a pris, au cours de la période, plusieurs initiatives pour renforcer son
image de station faisant la promotion de l’écotourisme :
La création d’une maison de village à Argentière hébergeant un pôle environnement comprenant
une antenne d’ASTERS (Conservatoire d’espaces naturels, gestionnaire des réserves naturelles de
Haute-Savoie dont celles de l’Espace Mont-Blanc, les Contamines-Montjoie, Aiguilles Rouges ,
Carlaveyron, Vallon de Bérard) et un point d’information de la Convention Alpine.
La nomination de Chamonix « Ville des Alpes de l’année 2015 » pour son engagement dans la mise
en œuvre de la Convention Alpine notamment dans le domaine de l’énergie et des mobilités
(application des Plans Energie Climat et Protection de l’Atmosphère, Rénovation de la ligne
ferroviaire St-Gervais - Martigny , le Mont-Blanc Express).
La transition énergétique appliquée dans les refuges, au mois de septembre, la Ministre de l’Ecologie
a inauguré le nouveau refuge du Goûter, bâtiment à haute qualité environnementale et le Président
de la région Rhône-Alpes une micro centrale hydro-électrique au refuge du Lac Blanc lui assurant son
autonomie énergétique. Les élus et les représentants des pouvoirs publics ont marqué leur intérêt et
leur soutien à ce type de réalisation à généraliser dans les bâtiments d’altitude.
La Stratégie d’avenir du Mont-Blanc :
Présentation : La Stratégie d’avenir du Mont-Blanc qui a succédé, à partir de mars 2013, au Plan de
gestion du Plan Intégré Transfrontalier du dernier programme de coopération transfrontalière
ALCOTRA (2006-2012) (voir introduction) se propose de faire de l’Espace Mont-Blanc « un territoire
exemplaire pour la préservation des ressources naturelles et leur valorisation au profit des
populations » avec comme objectifs prioritaires « la préservation de la Biodiversité, la prise en
compte des effets du réchauffement climatique, le développement d’activités porteuses de valeur
ajoutée pour les acteurs du territoire, un tourisme éco responsable , la création d’un GECT
(Groupement Européen de Coopération Territoriale) en vue d’obtenir pour l’Espace Mont-Blanc un
budget et une capacité juridique propres ».
Pour définir les actions à mener, soit en commun dans les trois Territoires nationaux concernés
(Haute-Savoie et Savoie, Val d’Aoste, Valais), soit séparément dans chacun d’eux, et les traduire en
projets destinés à l’approbation de la Commission européenne en vue de sa participation à leur
financement, six groupes de travail thématiques ont été constitués :
Espace aérien, Espaces Naturels, Gestion de la fréquentation, Réchauffement climatique,
Prospective socio-économique, Stratégie foncière.
Les travaux des groupes porteront sur les questions spécifiques à chacun des deux grands
ensembles (dynamiques territoriales) considérés : les espaces d’altitude et les espaces valléens et
urbanisés.
La participation des associations : L’engagement des associations dans la stratégie d’avenir s’est
porté dans les quatre premiers groupes et pour le Comité français de l’UICN en priorité dans
le groupe « Espaces naturels et Biodiversité » en étroite collaboration avec ASTERS (conservatoire
des Espaces naturels de Haute-Savoie, membre du Comité) tout en se tenant informé des travaux
des trois autres groupes.
Ces groupes se sont réunis en 2014, une année après le lancement de la Stratégie d’avenir :
Le groupe Espaces Naturels : Le 11 mars et le 26 mai, des sous-groupes thématiques ayant été
constitués , ASTERS a animé le sous-groupe « Gestion des Espaces naturels et Biodiversité » qui a
retenu plusieurs actions à mener dont le renforcement des échanges et connaissances entre les trois
territoires nationaux (importance soulignée de la cartographie) et le développement de la
coopération pour la mise en œuvre des « corridors transfrontaliers ».
Le groupe Espace aérien : s’est prononcé pour la limitation de l’usage de l’hélicoptère, notamment
pour les vols de découverte (tourisme). A ce sujet, il faut noter l’action du collectif pro Mont-Blanc et
celle de Mountain Wilderness France en vue de diminuer les nuisances causées par le survol du
massif, notamment sonores, en proposant la mise en place d’une réglementation transfrontalière
harmonisée : vols à moins de 1000 mètres d’altitude réservés aux seules missions de service public.
Le groupe Gestion de la fréquentation : s’est réuni à plusieurs reprises, avec la participation des élus
locaux et des représentants des pouvoirs publics (préfecture) , la gestion de la fréquentation des
alpinistes en particulier des candidats à l’ascension du Mont-Blanc, constitue une question de la
première importance. Aucune décision n’a encore été prise pour trouver un compromis entre le
maintien du principe de liberté pour les alpinistes et la nécessité de mieux maitriser l’accès au MontBlanc pour limiter les conséquences (sécurité, pollution, incivilités …) de cette fréquentation de
masse.
Le groupe Réchauffement climatique : le 9.09.2014, une réunion a été organisée en Val d’Aoste
portant sur la « Gestion des voies d’accès aux refuges et cabanes de haute-montagne suite aux
changement climatique » regroupant 40 participants dont 4 membres du collectif pro Mont-Blanc. Le
changement climatique, observé notamment avec le recul des glaciers, a des effets sur
« l’accessibilité, la vulnérabilité, l’économie ». Cette question est préoccupante et devra faire l’objet
d’une attention soutenue et se traduire par des actions communes dans les trois territoires.
Le CREA, le Centre de Recherches sur les Ecosystèmes d’Altitude, implanté à Chamonix, à
l’Observatoire Vallot, participe notablement également à la protection du massif par ses recherches
sur la Biodiversité Alpine et l’évolution de celle-ci face au changement climatique. Son projet
Phenoclim observe l’évolution des cycles de végétation pour analyser l’impact du changement
climatique.
L’ATLAS scientifique du Mont-Blanc (www.atlasmontblanc.org) en cours d’élaboration constitue l’un
des projets majeurs du centre. Déjà intégré dans le dernier programme européen ALCOTRA, il
continuera à l’être dans le prochain programme. L’axe principal de travail de l’Atlas est l’évolution du
massif au cours du temps, pour le climat, les écosystèmes, les glaciers, avec le développement de
modèles de l’évolution du climat et de la flore jusqu’en 2100.
Le Comité français de l’UICN entretient des relations étroites avec le CREA (Commission des
écosystèmes - groupe montagne). Le Comité a participé en 2013 à la campagne de soutien au CREA
qui a réussi à maintenir le centre à l’Observatoire Vallot, dont le terrain avait fait l’objet d’un projet
de vente par l’Etat.
Conclusions :
Au cours de la période, comme on l’a vu, des initiatives pour la protection du massif et de l’Espace
Mont-Blanc ont été prises :
D’une part, par les Collectivités territoriales dans les domaines de la qualité de l’air, de la transition
énergétique et des transports en raison principalement de leurs effets sur la vie des populations
résidantes.
D’autre part, par les associations, qui se sont engagées dans les groupes de travail de la Stratégie
d’avenir du Mont-Blanc en donnant la priorité à des actions concernant les effets du changement
climatique et de la fréquentation.
Il reste cependant à constater que, comme par le passé, très peu d’actions concrètes visant à la
protection, stricto sensu, des milieux montagnards de l’Espace Mont-Blanc n’ont encore été mises
en œuvre, la Conférence Transfrontalière Mont-Blanc, 23 ans après sa création, ne semblant pas
porter une attention prioritaire aux enjeux de protection.
Ce constat conforte la décision du Comité français de l’UICN, prise en 2013, de soutenir les actions
menées dans les aires protégées de la partie française de l’Espace Mont-Blanc, les Réserves
naturelles et le Site classé du Mont-Blanc.
Ainsi, les Réserves naturelles, gérées par ASTERS, offrent-elles un refuge unique pour la flore et la
faune et un territoire de « tranquillité » pour les randonneurs en été et en hiver, les mesures
adéquates pour ce faire étant regroupées dans le plan de gestion de chaque Réserve.
Pour le Site classé, soumis aux chantiers de construction/rénovation de la Compagnie du Mont-Blanc,
un contact étroit a été maintenu avec les représentants des associations qui siègent dans les
Commissions départementale (74) et supérieure des sites dont les décisions conditionnent la
réalisation des travaux. La connaissance des dossiers de chacun des projets, qui nous sont adressés,
permet de mieux en contrôler la réalisation. A cet égard les observations sur le terrain menées en
liaison avec les représentants des associations avec lesquels nous collaborons sont indispensables.
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