l`autobiographie - Le français au lycée M. Dujardin

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L’AUTOBIOGRAPHIE
Introduction
Il pourrait exister deux définitions de l’autobiographie :
1. Une définition étymologique (et peut-être simpliste) :
Auto, (grec) : soi-même
Bio (grec) : vie
Graphie (< verbe grec grapheïn): écrire
Dès lors, la définition étymologique d’ « autobiographie » serait « écrire soi-même sa
vie »
2. Une définition critique et complète
C’est le critique Philippe Lejeune, mondialement reconnu et spécialiste de ce domaine, qui
tente de donner en 1970 une définition exhaustive de l’autobiographie » :
« Récit rétrospectif en prose qu’une personne fait de sa propre existence, lorsqu’elle
met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité »
Le Pacte autobiographique, 1970
Philippe Lejeune
Nous appelons autobiographie le récit rétrospectif en prose que quelqu'un fait de sa propre
existence, quand il met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa
personnalité : Cette définition met en jeu des éléments qui appartiennent à trois catégories
différentes :
1) La forme du langage : a) récit b) en prose
2) le sujet traité : a) vie individuelle b) histoire d'une personnalité
3) la situation de l'auteur : a) identité de l'auteur, du narrateur et du personnage b)
perspective rétrospective du récit
Critères plus sûrs
Le fil personnel et chronologique ne doit pas être un mode de présentation pour autre chose
(œuvre scientifique, philosophique...)
Il faut surtout : A) une volonté d'ordonner ses souvenirs, de parvenir à une histoire de la
personnalité. B) une histoire de la personnalité depuis l'enfance et l'éducation, unité et sens
d'une vie.
"Genres" voisins ne répondant pas à l'ensemble de ces principes : 1) Le journal intime : critère
3b non respecté. 2) La fiction autobiographique : critère 3a non respecté 3) Le roman-mémoires :
critère 3a non respecté 4) Les mémoires : critère 2 non respecté
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I. Les genres de l’écriture de soi
On différencie aujourd’hui l’autobiographie de :
1. les Mémoires
L’auteur s’y comporte en témoin de son temps. Il a un point de vue individuel mais
« l’objet des mémoires, ce n’est pas lui mais c’est l’Histoire »
L’autobiographie en France, 1970
Philippe Lejeune
C’est la relation écrite des événements dans la vie d’un homme, témoin des actions
d’autres hommes. Le Je n’est pas premier
Différences entre mémoires et autobiographie : Il ne peut s’agir d’un problème de point de vue
mais d’un problème de proportion entre la matière individuelle et la matière collective.
Exemples de mémoires :
- Mémoires de Saint-Simon (Chronique du siècle de Louis XIV :
l’auteur appartenait à la Cour)
- Commentaires (Iier siècle av. J. C.) : mémoires de César sur la
Guerre des Gaules
- Mémoires du Général de Gaulle (notamment dans laquelle il
raconte l’appel du 18 juin)
2. Le journal intime
Le journal intime peut s’écrire au jour le jour. Il ne va pas vers un sens mais ce sont
des éléments épars.
De même, il n’y a pas de destinataire supposé ; l’auteur se confine dans un dialogue de
soi à soi.
Exemple : - Journal d’Anne Franck (retrouvé et publié après sa disparition)
Cependant il peut avoir un but de publication
Exemple : - Journal d’André Gide
- Journal de Julien Green
3. L’autobiographie fictive
Le narrateur est le personnage qui raconte sa vie mais ils sont fictifs.
4. La Biographie fictive
Narrateur et personnage sont identiques de l’auteur mais ce dernier se cache
Narrateur je = Personnage ( = Auteur )
Exemple : - La Vie de Henry Brulard de Stendhal
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- L’Enfant de Jules Vallès (le personnage-narrateur s’appelle
Jacques Vingtras)
5. Le roman autobiographique
Dans le roman autobiographique, la fiction a pour base la vie de l’auteur :
Narrateur = / = Personnage = Auteur
Exemple : - Mort à Crédit de Louis-Ferdinand Céline
- Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline (Dans ces
deux romans, le personnage Bardamu est médecin, comme
l’auteur)
A la suite, Céline va suivre son héros et calquer sa biographie sur celle de Bardamu.
6. Les Essais de Montaigne
Le Je s’adresse à autrui mais dans une réflexion.
Les termes de « biographie intellectuelle » ou « journal d’un esprit » seraient plus
appropriés.
II. Histoire de l’autobiographie
Le mot « autobiographie » fut importé d’Angleterre vers 1800. Au cours du XIXe siècle, il se
substitue peu à peu au mot « mémoires ». A cette époque, on y voit l’émergence moderne de
l’individu et le souci de véracité et affirmation de soi
1731 Manon Lescaut Abbé Prévost
1782 Les Liaisons dangereuses Laclos
1784 Le Mariage de Figaro Beaumarchais
On observe dans ces trois œuvres la naissance et le développement de l’individualisme, souvent
cité comme cause d’une nouvelle forme où le Je s’exprime. Cette émergence est intrinsèquement
liée à la Révolution française ; désormais l’Etat n’est plus formé d’un groupe mais d’une multitude
d’individus, chacun particulier. Une revendication sociale et politique nouvelle apparaît dès 1789 :
sormais, toute vie, même modeste, vaut d’être racontée
Avant le XVIIIième siècle, on avait l’habitude de la confession ou de l’examen de
conscience, privé ou public, oral ou écrit. Ces pratiques se sont propagées avec le stoïcisme.
Puis le catholicisme a perdu ces pratiques. Ces dernières réapparaissent avec La Réforme : les
religions sans grâce reposent la question de l’individualité. Et ce phénomène social ayant une
essence religieuse ouvre la voie à une littérature du Je.
Selon Lejeune, l’autobiographie est propre à la culture occidentale et héritière des
traditions gréco-latine et chrétienne. Selon le critique, s’érige une véritable « culture du regard
sur soi »
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Siècle
Analyse
Auteurs
Antiquité
« Connais-toi toi-même » (Sur le temple
d’Apollon à Delphes, en Grèce antique)
XVI
« Le moi est haïssable » (Pascal)
# Essais de Montaigne
XVI-XVII
Religion : Schisme de la Réforme
XVIII
Naissance de l’individualité :
- Révolution française
- Religions sans grâce
Les Confessions, (première
autobiographie moderne),
Rousseau (protestant)
XIX
La pensée (psyché) est mise à nu
Le Romantisme célèbre l’individu et ses
émotions
Les Confessions d’un enfant du
siècle, Musset
Mémoires d’outre-tombe,
Chateaubriand
XX
Lecture et écriture se personnalisent
toujours plus
Côté « exhibitionniste » de l’autobiographie :
l’influence de Freud sera à cet égard
déterminante
Vers 1920, on distingue Roman et
Autobiographie
Autobiographie directe
Puis
« Nouvelle autobiographie » (1987)
Gide
Les Mots,1963, Sartre
Enfance, 1983, Sarraute
Alain Robbe-Grillet
L’Amant, 1984,M. Duras
Ainsi Rousseau est calviniste : les Protestants confessent une faute devant une
communauté d’égaux. La singularité personnelle tend à devenir un thème dominant
Etre soi est ridicule au XVIIième siècle. De négatif, le personnage va devenir positif chez
Rousseau.
L’engagement de vérité et de sincérité du XVIIIième siècle va s’amplifier au XIXième siècle : il
faut mettre à nu son cœur, mettre à nu sa psyché :
René, Chateaubriand
Confessions d’un enfant du siècle, Alfred de Musset
Au XIXième siècle, l’autobiographie n’est pas encore un genre employé.
Au XXième siècle prédomine l’autobiographie directe :
Si le Grain ne meurt, André Gide
Les Mots, 1963, Jean-Paul Sartre
Enfance, 1983, Nathalie Sarraute
Le Miroir qui revient, Alain Robbe-Grillet
Apparaît également au XXième siècle l’autofiction : tout récit par lequel la vie devient un roman
et par lequel l’auteur devient personnage (sorte d’autobiographie onirique)
Narrateur = Personnage = Auteur
Dans une fiction
Le Fils, 1977, Serge Doubrovsky
Un amour de soi, 1982, Serge Doubrovsky
Le Livre brisé, 1989, Serge Doubrovsky
L’après vivre, 1994, Serge Doubrovsky
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III. Les enjeux de l’autobiographie : « Pourquoi écrire sur soi ? »
1. Pour laisser un témoignage de sa vie, intime et/ou historique
- Ex. : Chateaubriand
2. Pour témoigner d’une expérience vécue, afin d’éviter qu’elle ne s’efface :
- Ex. : « Ecriture des camps » « Dire l’indicible » : Primo
Lévi, Jorge Semprun, Geneviève de Gaulle-Anthonioz
3. Pour chercher à apaiser une souffrance, exorciser ses peines, et les mettre
à distance - Ex. : Annie Ernaux
4. Se libérer (Catharsis)
- Ex. :
5. Pour se justifier auprès des autres hommes ou démentir des propos jugés
mensongers : désir d’auto-justification/Quête de la transparence
- Ex. : Rousseau
6. Quête d’identité
7. Nécessité de se connaître
8. Se confesser - Ex. : Rousseau
IV. La problématique spécifique à l’autobiographie
Chaque autobiographe va vouloir présenter son autobiographie comme véritable et
sincère. Pour cela, il va poser dans son œuvre un PACTE AUTOBIOGRAPHIQUE :
AUTEUR = NARRATEUR = PERSONNAGE
Ce pacte autobiographique est une ultime garantie : l’auteur, avec sa parole, s’engage lui-même
envers le lecteur.
L’authenticité peut-être garantie par :
- l’identité des noms : nom de l’auteur en première de couverture
= nom du personnage
- Identité des faits narrés / faits réels : date de naissance
donnée et vérifiable, etc…
Mais cela peut poser des problèmes. En ce sens, Sartre s’engage mais à la fin de son
autobiographie Les Mots.
Une deuxième close de l’autobiographie est l’exemplarité. L’auteur écrit car il se
considère comme un exemple.
Cependant Sartre affirme lui qu’il n’est pas exemplaire mais singulier, ce qui justifie son
autobiographie :
« Tout un homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui »
Fin des Mots
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