quelque peu illusoire puisque, à la limite, il n’a pas pu exister de banques vraiment
résistantes [...]. On peut pourtant s’interroger sur la marge de manœuvre qu’elle avait
de refuser d’apporter aux Allemands le concours qu’ils attendaient »
– et nous
n’évoquerons pas le cas des banquiers actifs dans les zones rattachées en direct à la
gestion allemande, comme le Nord
.
1. Des banquiers condamnés par l’Histoire
Dans l’historiographie concernant l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale, il
semble clairement établi que le monde des affaires
, et plus précisément celui de la
banque, a été compromis dans le système de Collaboration : la logique « business as
usual » l’a emporté sur toutes considérations géopolitiques, patriotiques et civico-
morales. Les publications sans complaisance de notre collègue Annie Lacroix-Riz
ont
ouvert la voie à la constitution d’un corpus critique, que des études ultérieures ont
plutôt confirmé. Les grandes banques
ont été engagées dans le processus de
Collaboration économique en finançant le commerce avec l’Europe allemande
, en
participant à des co-entreprises avec des sociétés allemandes, en finançant des
entreprises françaises impliquées dans la machine de guerre nazie
– même si leur
implication n’a pas atteint bien entendu l’ampleur de celle de leurs consœurs
allemandes
–, enfin en étant associées au processus d’aryanisation des entreprises
.
Alain Plessis & Philippe Verheyde, « Le Crédit lyonnais sous l’Occupation », in Bernard Desjardins,
Michel Lescure, Roger Nougaret, Alain Plessis & André Straus (dir.), Le Crédit lyonnais, 1863-1986,
Genève, Droz, 2003, p. 914.
H. Bonin (et alii), Histoire de banques. Crédit du Nord, 1848-2003, Paris, Hervas, 1998 et 2004
(réédition actualisée).
Jean-Paul Thuillier, « Occupation, économie dirigée et positions d’entreprises dans le Nord-Pas-de-
Calais », Revue du Nord, 1987, n°spécial L’Occupation en France & en Belgique, 1940-1944, tome 1, pp.
449-469. Texte republié dans : Alain Beltran, Robert Frank & Henri Rousso (dir.), La vie des entreprises
sous l’Occupation, Belin, 1994, pp. 211-235. Jean-Paul Thuillier, « Aspects de la crise industrielle dans la
région Nord-Pas-de-Calais sous occupation allemande », Revue du Nord, 1987, n°spécial L’Occupation
en France & en Belgique, 1940-1944, tome 1, pp. 419-448. Renaud de Rochebrune & Jean-Claude
Hazéra, Les patrons sous l’Occupation, Paris, Odile Jacob, 1995 et 1997. Olivier Dard, Jean-Claude
Daumas & François Marcot (dir.), L’Occupation, l’État et les entreprises, Paris, ADHE Éditions, 2000.
« Les cadres patronaux » ; « Capitaines d’industrie » dans Philippe Burrin, La France à l’heure
allemande, 1940-1944, Paris, Seuil, 1995.
Annie Lacroix-Riz, « Les grandes banques françaises de la Collaboration à l’épuration, 1940-1950. I. La
collaboration bancaire » ; « II. La non-épuration bancaire », Revue d’histoire de la Seconde Guerre
mondiale, 1986, n°141, pp. 3-44 ; n°142, pp. 81-101. Notre collègue a utilisé les dossiers F12 de la
Commission nationale interprofessionnelle d’épuration et des cartons AJ41 de la Commission d’armistice
de Wiesbaden. Annie Lacroix-Riz, Industriels et banquiers sous l’Occupation. La Collaboration
économique avec le Reich et Vichy, Paris, Armand Colin, 1999. Si les études ultérieures des collègues ont
conduit à des ajustements parfois sensibles de ses analyses, A. Lacroix-Riz a le mérite d’avoir fourni un
levier stimulant aux recherches sur ces thèmes controversés et d’attirer l’attention sur des fonds
d’archives négligés, bien qu’elle ait tendance à trancher sans nuances et à dénoncer globalement la
grande bourgeoisie et les élites, au nom d’une « analyse de classe » rudoyante, comme dans : A. Lacroix-
Riz, « Les élites françaises et la collaboration économique : la banque, l’industrie, Vichy et le Reich »,
Revue d’histoire de la Shoah, le monde juif, n°159, janvier-avril 1997.
Cf. Alain Plessis, « Les grandes banques de dépôts et l’Occupation », in Michel Margairaz (dir.),
Banques, Banque de France et Seconde Guerre mondiale, Paris, Albin Michel, 2002, pp. 15-36.
Cf. « Chapitre 17. Manieurs d’argent », dans Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-
1944, Paris, Seuil, 1995, pp. 267-282.
Cf. Alan Milward, The New Order and the French Economy, Oxford, Clarendon Press, 1970.
Harold James, The Deutsche Bank and the Nazi Economic War against the Jews, Cambridge
University Press, 2001. Cf. aussi: Gerald Feldman, Allianz and the German Insurance Business, 1933-
1945, Cambridge University Press, 2001. A propos des banques suisses: Marc Perrenoud, Rodrigo Lopez,
Florian Adank, Jan Baumann, Alain Cortat & Suzanne Peters, La place financière et les banques suisses