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Nous  rencontrons  donc  des  problèmes  réels  dans  nos  efforts  pour  reconstituer  les  configurations 
génétiques du passé sur la base des ADN actuels que nous recueillons [9]. » 
 
Ce qui est cependant tout  aussi important, c’est que  nous  devons comprendre correctement ce que la 
science nous dit. Dans le cas de l’ « Ève génétique », ce que l’homme de la rue comprend, c’est que l’on 
a pu faire remonter l’humanité à une seule femme, d’où le nom « Ève ». Comme dans le travail fait par 
Murphy, cette conclusion ne provient pas de ceux qui ont fait la recherche à l’origine, mais de gens qui 
ont  lu  ces  recherches  et  en  ont  tiré  des  conclusions  spectaculaires  (et  non  justifiées).  La  réalité 
scientifique est légèrement différente. Au lieu de l’image de cet ancêtre unique de l’humanité, nous avons 
l’ancêtre  unique  d’une  lignée survivante  d’ADN  mitochondrial.  C’est  une différence  qui  peut  facilement 
échapper au non-professionnel. Le Dr Stephen Oppenheimer a fait ce commentaire sur cette perception 
erronée  de  ce  que  ce  domaine  de  la  recherche  génétique  peut  faire  dans  le  contexte  de  l’  « Ève 
génétique ». 
 
« L’erreur  provient  de  ce  que  l’on  considère  que  les  lignées  génétiques  représentent  littéralement des 
êtres  humains  déterminés.  Ce  que  l’on  a  appelé  l’  « Ève  génétique »  était  la  lignée  génétique 
mitochondriale ancestrale pour tous les humains vivants modernes. De toute évidence, elle a été portée 
initialement par une femme qui a réellement existé il  y  a  150  000  ans.  Mais  elle  n’était  que  l’ancêtre 
commun de l’ADN mitochondrial. Elle ne portait pas tout le reste de nos gènes ancestraux. Nous avons 
30 000 gènes actifs et chacun d’eux pourrait avoir un ancêtre individuel différent, vivant à une époque 
donnée dans un endroit donné. » 
 
« L’Ève mitochondriale était donc une femme parmi les milliers qui vivaient il y a plus de 150 000 ans. 
Nos autres  gènes proviennent  de ceux  d’entre nous  qui  sont membres  de  cette population ancestrale. 
L’importance véritable de l’arbre génétique mitochondrial est qu’il donne une lignée claire qui peut être 
utilisée  comme  repère  de  notre  diffusion  autour  du  monde.  Mais  ce  n’est  qu’une  partie  minime 
déterminée de notre immense génome humain [10]. » 
 
L’utilisation scientifique de la génétique historique retrace la diffusion de l’humanité à travers le monde. 
On peut s’en servir pour étudier les flux de populations, mais pas la définition complète des populations. 
On peut se  servir  de  l’ « Ève génétique » pour étudier la direction des migrations humaines, mais pas 
pour poser comme postulat un ancêtre féminin unique. Comme le fait observer le Dr Oppenheimer, il y 
avait  des  milliers  d’autres  femmes  qui  vivaient  en  même  temps  que  cette  « Ève »  dont  la  lignée 
mitochondriale est la seule qui ait survécu jusqu’à nos jours. Le problème inhérent au traçage des lignées 
historiques,  c’est  qu’il  ne  peut  retrouver  que  les  renseignements  qui  survivent.  Le  Dr  Woodward  a 
justement bien fait ressortir cette idée lors de son exposé à la Conférence de FAIR en août 2001 : 
 
« Quand vous regardez un arbre généalogique tel que vous le construiriez, les hommes sont en principe 
en haut et les femmes en bas. Vous pouvez voir la lignée des chromosomes Y tout le long du haut de la 
page. Nous pouvons identifier les hommes de cette lignée sur la base de votre chromosome Y, parce 
qu’il sera le même pour tous. De la même façon, nous pouvons identifier toutes  les femmes sur la lignée 
mitochondriale  qui  longe  le  bas,  parce  qu’elles  seront  toutes  les  mêmes.  Mais  à  ce  niveau  de  16 
personnes, nous n’en avons identifié que deux sur les 16 et nous n’avons analysé que les apports du 1/8 
des ancêtres de cette personne en regardant le chromosome Y et l’ADN mitochondrial. Il faut bien garder 
cela à l’esprit quand on lit et qu’on voit toutes les études que l’on a faites sur l’ADN mitochondrial ou sur 
l’ADN chromosomal Y. Comprenez bien que l’image que vous obtenez rien qu’avec cela est une toute 
petite partie de l’image totale. Parce qu’à la génération suivante… c’est le 1/16. À celle qui suit, c’est 1/32 
de l’information que vous avez [11]. » 
 
Les recherches génétiques sont, de par leur nature, forcément réductrices. Pour faire remonter quelque 
chose dans le passé, on ne peut assortir que les renseignements qui survivent et ceux qui permettent la 
reconstitution dans le passé deviennent de plus en plus petits. Il y a un parallèle dans le monde de la 
linguistique  historique  qui  travaille,  lui  aussi,  sur  des  données  actuelles  pour  reconstituer  des 
renseignements historiques.