1 D'aussi loin que l'on se souvienne !
Définition actuelle
Actuellement, le dopage se définit comme l'utilisation de produits et de
méthodes destinés à augmenter artificiellement la performance et dont les
effets présentent des dangers supposés ou montrés sur la santé des
personnes.
Améliorer la performance humaine
Si l'on définit le dopage comme la prise de produits à des fins
d'amélioration de la capacité de performance, autant dire qu'il est, sans
aucun doute possible, bien antérieur aux sources d'informations dont nous
pouvons disposer.
En l'absence d'études faites sur les premiers hominidés connus, les primes
représentations directes montrant l'ingestion de produits destinés à
augmenter les capacités de l'organisme remontent à près de 5000 ans. A
l'époque, les vertus anti-fatigue de plantes comme l'éphédra (plante
contenant un stimulant réputé : l'éphédrine) étaient parfaitement connues
de plusieurs civilisations.
Au 7ème-6ème siècle avant notre ère, la prise de produits, à des fins de
performance, connue certainement un essor considérable.
En 776 avant Jésus-Christ, les premiers rassemblements de sportifs,
chanteurs, poètes… voient le jour à Olympie. Depuis cette date, les Jeux
d'Olympie se succédèrent pendant des siècles tous les 4 ans. Dans
l'intervalle de temps se déroulaient d'autres rassemblements compétitifs
comme les jeux Delphiques ou Corinthiens. Chaque "période de rencontres"
était un événement tel que tout s'arrêtait dans le pays. Même les guerres
marquaient une trêve sacrée. La majorité de la population était concernée.
Les athlètes étaient déjà des "professionnels". Outre la couronne de
laurier et l'huile sacrée, la victoire d'un athlète était accompagnée
d'honneurs d'autant plus grands qu'ils rejaillissaient sur toute la
province d'où il était originaire.
Dans ce contexte, la recherche d'un accroissement des performances était le
lot de tous ces "spécialistes".
2 19ème siècle : les premiers pas de l'industrie du sport
Au 19ème siècle, dans la société industrielle anglaise, le mouvement
sportif prend son essor. L'époque est aux paris. Pour les sportifs, la
seule règle qui prévale consiste à être le meilleur à n'importe quel prix.
La recherche de produits alimentaires améliorant la performance fait partie
des procédés indispensables.
A 10 km de l'arrivée du marathon olympique de 1904, le coureur de tête -
Thomas Hicks - connaît une défaillance. Aussitôt, son entraîneur, décide de
lui injecter de la strychnine et de lui donner une rasade de cognac. 5
kilomètres plus loin, Thomas connaît un nouveau passage à vide. Nouvelle
injection qui, selon son entraîneur, lui permet de reprendre un semblant de
rythme jusqu'à l'arrivée victorieuse.
Loin de susciter l'indignation, cette pratique est alors saluée comme la
preuve de l'utilité des drogues prises en cours d'épreuve.
A cette époque, les substances isolées étaient destinées à limiter la
sensation de fatigue et provoquer un effet euphorisant.
Les sportifs d'endurance notamment n'hésitaient pas à absorber de la
strychnine (une des vedettes du moment) en mélange avec de la cocaïne et de
l'alcool.
D'autres substances ont également l'honneur des pelotons. L'éther, utilisé
en thérapeutique depuis 1860, est absorbé par les cyclistes, mélangé à de
l'alcool à 90°, sur un sucre ou en injections. L'arsenic et la morphine
sont ingérés à des doses infiniment supérieures à celles préconisées dans
le milieu médical.
A chaque fois, l'objectif est de limiter la fatigue ressentie et de donner
un coup de fouet avant et pendant l'épreuve.
Une catégorie de substances va remplir ces fonctions "à merveille" pendant
toute la durée du siècle qui se prépare : la classe des amphétamines (page
suivante).
3 20ème siècle : la course aux amphétamines
A lépoque : le mot doping s'applique à tout moyen qui peut servir à
améliorer les performances sportives. Tout étant permis en matière
d'ingestions de produits, ce mot ne renvoie à aucune connotation de type
légale. Il s'applique à tous les produits pharmaceutiques comme l'héroïne,
la cocaïne, la caféine mais également aux préparations diététiques à base
de vitamines, sels minéraux habituellement consommés avec la nourriture.
L'éphédra est un petit arbre à fleurs jaunes et aux baies rouges
comestibles. Depuis plusieurs siècles, sa consommation était réputée
faciliter l'exercice physique et supprimer la fatigue. S'il en est ainsi,
c'est que l'éphédra renferme une substance appelée éphédrine qui a pour
propriétés de : dilater les bronches, exciter les muscles, augmenter le
taux de sucre dans le sang, repousser la sensation de fatigue.
->création de la benzédrine(une amphé)
Très vite, les amphétamines et leurs dérivés vont devenir les stars du
dopage pour longtemps. Déjà répandues dans le milieu sportif, leur
réputation va être assise lors de la seconde guerre mondiale. Durant le
conflit, 72 millions de comprimés de benzédrine (amphétamine) seront
distribués aux contingents britanniques et notamment aux pilotes de la
Royal Air Force pour les aider à lutter contre la fatigue. Les utilisateurs
déclarent alors ne pas ressentir de fatigue et avoir une volonté intacte
quelques soient les situations.
Pour comprendre comment ces effets peuvent intervenir, pénétrons au cœur de
l'organisme humain.
Comment ça marche ?
Les amphétamines agissent au niveau du système nerveux central. Dans notre
cerveau sont libérés en permanence plusieurs dizaines de transmetteurs
différents. Chacune de ces substances à des effets plus ou moins définis.
Les amphétamines ont une configuration proche de deux de ces transmetteurs
: la noradrénaline et la dopamine. Le premier composé intervient dans
l'éveil, la préparation aux agressions ; le second provoque un sentiment
d'apaisement et de plaisir. La présence d'amphétamines dans le cerveau
engendre une augmentation de la quantité de transmetteurs disponibles et
induit, par-là même, les effets comportementaux cités.
La connivence
Dans la première moitié du siècle, la grande majorité - pour ne pas dire la
quasi-totalité - des athlètes de haut-niveau ayant à supporter les efforts
difficiles et prolongés ont absorbé des amphétamines. Cela ne posait aucun
problème puisque, après avoir été recommandées puis délivrées (guerre), ces
dernières sont restées en vente libre en France jusqu'en 1955.
Le sport n'est pas le seul secteur touché. Après la guerre, les
amphétamines sont utilisées dans tous les corps de métiers, à chaque fois
qu'une fatigue doit être endurée, à chaque fois qu'un travail physique ou
intellectuel important doit être accompli. Les étudiants, professions
libérales, ouvriers utilisent ces produits de manière plus ou moins
prolongée.
Indétectables ?
Dans le milieu sportif français, la première loi anti-dopage de 1965,
notifie explicitement les amphétamines parmi les produits interdits. Dès
lors, les sportifs et leur entourage vont mener une véritable course pour
éviter d'être pris aux contrôles.
La première année (1966), un contrôle sur trois est positif. L'année
suivante, ce taux est guère supérieur à 10%. Cela ne signifie nullement que
moins d'athlètes se dopent mais simplement qu'ils ont su déployer des
astuces leur permettant de passer au travers des contrôles. Nous
reviendrons sur les techniques permettant de s'assurer de n'être pas pris
Les risques
->voir + haut
Eté 1967, 13ème étape du tour de France entre Marseille et Carpentras. Il
est 17h, la température avoisine les 45°C à l'ombre. Sur les pentes du Mont
Ventoux, à 2 kilomètres du sommet, un coureur s'effondre. L'Anglais Tom
Simpson est en train de succomber aux effets combinés des amphétamines et
d'une déshydratation prononcée. En dépit des secours apportés, à 17h40 la
mort intervient officiellement.
L'action des amphétamines permet de comprendre comment un sportif peut en
arriver à de telles extrémités.
Nous avons dit que ces substances suppriment la sensation de fatigue. Or,
les conséquences de cette dernière sont belles et bien présentes. Si le
corps ne perçoit plus la douleur, ces capacités physiques, elles n'ont pas
changé. Le sportif est alors comme un conducteur qui ne verrait pas
s'allumer un à un les voyants de son tableau de bord. Il continue à se
donner, ne reçoit pas les signaux de la fatigue, d'un coup de chaleur… Il
peut ainsi continuer jusqu'à la défaillance, jusqu'à la mort par épuisement
(collapsus, désamorçage cardiaque, déshydratation…). Mort pour ne pas être
parvenu à prendre en compte ses propres douleurs. Le "coup de fouet"
attendu se paye parfois au prix fort.
Si les amphétamines ont des effets psychiques marqués sur l'organisme, leur
portée physique est trop limitée pour satisfaire les sportifs en mal de
performances. D'autres substances doivent se charger de ce versant de la
performance.
4 Un siècle d'anabolisants
4.1 Les hormones anabolisantes
En fonction de leur formule chimique, de leur mode d'action ou encore de
leur lieu de synthèse, il est possible de distinguer plusieurs catégories
d'hormones anabolisantes. En ce qui nous concerne nous retiendrons :
- les hormones stéroïdes solubles dans les graisses. Elles proviennent de
la transformation du cholestérol dans certaines glandes endocrines. La plus
représentative est l'hormone mâle appelée aussi testostérone.
- les bêta-agonistes dont nous allons détailler le mode d'action
- les hormones peptidiques parmi lesquelles se trouvent la fameuse hormone
de croissance, l'insuline… et de futures stars des médias comme les
facteurs de croissances (IGF-1).
Pour comprendre plus finement le mode d'action de ces hormones, prenons le
cas des bêta-agonistes.
Les bêta-agonistes ou bêta-stimulants sont des substances qui agissent
principalement sur le système nerveux autonome. Ce réseau nerveux comprend
:
- des voies de circulation (les fibres) qui partent du cerveau
(hypothalamus) et descendent par la moelle épinière pour ensuite se
distribuer à tous les étages du corps
- des aires de repos et de ravitaillement (les ganglions)
- des éléments cibles qui sont en fait tous les organes et viscères du
corps
- des transporteurs qui assurent la liaison entre les voies de circulation
et les organes
Son rôle est d'assurer le maintien du milieu intérieur de l'organisme dans
des limites compatibles avec la vie et ceci en dépit des variations de
l'environnement. Pour ce faire, il dispose d'un double système de commandes
contradictoires : le système parasympathique (calmant) et le système
orthosympathique (excitant). Dans le second cas, le messager s'appelle
l'acétylcholine, dans le premier l'adrénaline. C'est à ce transmetteur que
nous allons nous intéresser.
L'adrénaline est donc l'hormone du système permettant d'activer
l'organisme. Elle est la clé qui assure l'ouverture des petits verrous
appelés récepteurs bêta qui sont présents sous des formes différentes à
plusieurs endroits stratégiques de l'organisme (cœur, artères, bronches,
muscles…). La libération d'adrénaline met l'organisme en état de
préparation à l'action. Elle active les grands systèmes fonctionnels
(respiration, circulation), joue sur les émotions et la pensée. Mieux
encore, elle renforce l'organisme pour d'éventuelles actions à venir
(synthèses protéiques).
Or, les bêta agonistes viennent se placer sur les récepteurs à adrénaline
provoquant les mêmes réactions que cette dernière. A terme, ils permettent
un gain considérable de masse musculaire et une diminution non moins
importante des graisses corporelles.
A présent que nous avons entrevu le mode d'action des hormones
anabolisantes, voyons comme elles ont pénétré le secteur sportif.
Déjà dans les années d'avant guerre, puis dans les années 50, les rumeurs
font état d'utilisation de stéroïdes anabolisants par les athlètes
soviétiques. Après confirmation auprès de leurs homologues russes, les
coaches américains suivent la tendance.
Dans les années 60, les records, dans les disciplines de force comme les
lancers, s'envolent. Les athlètes acquièrent une nouvelle stature ; des
gabarits "jamais vus" investissent les stades. Si l'effet sur les sportifs
hommes est important, nous verrons qu'en ce qui concerne les femmes, il est
déconcertant.
La testostérone fait grossir. Cependant en cas de prise de testostérone
couplée avec un régime pauvre en lipides et en protéines, le poids reste
stable.
C'est tout bénéfice pour les sportifs d'endurance qui peuvent bénéficier de
tous les autres effets des anabolisants stéroïdiens sans augmenter leur
poids. Parmi les avantages recherchés citons la limitation des effets de la
fatigue, l'accélération de la vitesse de récupération donc la possibilité
de s'entraîner davantage, l'augmentation de la volonté et de la confiance
en soi.
Les risques
La prise de testostérone peut provoquer des intoxications avec lésions de
cellules du foie, augmenter le risque de cancers et d'accidents cardio-
vasculaires.
Chez l'homme l'injection de testostérone inhibe la production de cette
hormone par l'organisme et peut conduire à des atrophies des testicules.
Enfin, une partie des hormones stéroïdes est susceptible de se transformer
en œstrogène (hormone féminine) et engendrer la formation de seins chez des
sujets masculins. Mais dans l'ensemble, l'effet des stéroïdes anabolisants
sur les caractères secondaires sexuels se fait plutôt sentir dans le sens
inverse.
Etant une hormone masculinisante, la testostérone provoque, chez la femme,
la survenue de caractères masculins. En moins d'un mois, le visage et le
dos se couvrent d'acné dans plus d'un cas sur deux ; les secrétions de
sébum gras augmentent au niveau de la peau et des cheveux (récepteurs
cutanés). La libido est souvent exacerbée. En quelques mois, la voix
devient rauque (les cordes vocales s'épaississent), les cheveux deviennent
plus fins et moins long, leur chute s'accroît. Une calvitie précoce peut
apparaître au niveau des lobes frontaux. En revanche, le menton et le
dessus de la lèvre supérieure se couvrent de poils. La toison pubienne
s'agrandie vers le bas. La face interne des cuisses, le tour des mamelons
et la région située entre les seins se couvrent d'une pilosité typiquement
masculine. Les règles sont stoppées, le clitoris et les grandes lèvres ont
tendance à grandir, les seins s'atrophient, le bassin s'affine tandis que
les épaules s'élargissent. Selon le régime alimentaire, les muscles peuvent
grossir, leur relief s'accroît. Les comportements tendent vers une
recherche effrénée de plaisir et une agressivité décuplée.
Bien qu'impressionnants, ces symptômes ne semblent pas constituer un
facteur limitant la prise de stéroïdes anabolisants. Depuis que les
premières lois anti-dopages ont été promulguées, la seule chose qui
paraisse stopper la prise d'un produit c'est son caractère détectable.
Finalement, ce qui a pu limiter la prise de stéroïdes c'est l'arrivée sur
le marché d'anabolisants plus efficaces et encore moins risqués.
4.2 Au-delà de la testostérone : les bêta-agonistes
Dans les années 1980, les bêta-stimulants tendent à remplacer les stéroïdes
anabolisants. Les effets recherchés sont les mêmes que ceux engendrés par
la testostérone. Cependant, le gain de muscles peut être deux fois plus
grand. Par ailleurs, la prise de poids peut être limitée du fait d'une
baisse importante des graisses corporelles. En ce qui concerne les
spécialistes de sports d'endurance, l'amélioration de la fonction
respiratoire, l'augmentation des charges de travail, la diminution des
temps de récupération, la stimulation de la volonté sont les principaux
effets attendus.
Tout semble concourir à l'utilisation de ces substances. Leur formule est
facile à copier, elles sont présentent dans de nombreux médicaments, leur
temps de vie dans le sang est réduit (quelques jours au plus) tandis que
leurs effets sont durables. Enfin, de nombreux produits sont capables de
les masquer ; le risque de se faire prendre est donc très faibleCompte tenu
de ces avantages, tous les sports sont touchés. Les disciplines de force et
de vitesse bien sûr mais également l'ensemble des disciplines d'endurance
dont les sportifs semblent adeptes du Salbutamol.
Ainsi, il semblerait que, suite à une utilisation de bêta-stimulants, les
fibres musculaires tendent à être remplacées par du tissus conjonctif. Le
risque d'arrêt cardiaque est évident. Autres désagréments entrevus :
tremblements, maux de têtes, soupçons quant à l'élévation des risques de
cancers…
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