n’est donc abordée que sous l’angle méthodologique. Paradoxalement, ce sont les coups de boutoir
de l’historiographie « révisionniste » (Furet, 1978), dans le contexte de l’effondrement du
communisme réel, donc du renoncement de la connexion entre jacobinisme et bolchevisme, qui ont
favorisé le retour aux textes de Marx sur la Révolution française (Furet, 1986).
(…)François Furet s’en tient principalement à la part la plus critique de l’analyse de la Révolution
française chez le jeune Marx, c’est-à-dire à tout ce qui concerne le jacobinisme comme « illusion du
politique ». Il souligne ainsi le caractère autoréférentiel et abstrait du discours jacobin, sa
déconnexion par rapport à la société civile dans sa tendance à l’hypertrophie du politique. (…) Dans
cette perspective critique, le jacobinisme est rapporté plus raisonnablement à un groupe social, la
bourgeoisie, véritable « idéaliste politique » (Marx), et à des notions (liberté, égalité, nation, etc.)
qui sont autant d’idéalités politiques, d’êtres imaginaires de discours pris dans la dramaturgie de
l’illusion de la démocratie antique. Mona Ozouf (1989) et Lucien Jaume (1989) définissent alors,
dans la voie ouverte par François Furet, le discours jacobin comme « un discours imaginaire de la
Révolution sur elle-même », sans lui dénier pour autant son caractère démocratique. Selon Lucien
Jaume, l’art politique jacobin retravaille en permanence les catégories héritées de 1789,
principalement celles d’individu, de citoyen, de souveraineté et de représentation, associant des
« éléments archaïques » hérités de la monarchie et des « traits novateurs » à valeur émancipatrice.
Furet, François (1975), Penser la Révolution française, Paris: Gallimard.
Furet, François (1986), avec la collaboration de Lucien Calvié, Marx et la Révolution française,
Paris: Flammarion.
Guilhaumou, Jacques, (2002), Sieyès et l’ordre de la langue. L’invention de la langue politique
moderne, Paris : Kimé.
Guilhaumou Jacques, (1999), ‘Marx, Sieyès et le moment constituant (1789)’, Actuel Marx, 26:
173-188.
Jaume Lucien, (1989), Le discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard.
Ozouf, Mona (1989), L’homme régénéré. Essais sur la Révolution française, Paris: Gallimard.
Pasquino, Pascale (1998), Sieyès et l’invention de la Constitution, Paris: Odile Jacob.
Jacobinisme et marxisme. Le libéralisme politique en débat. – Notions par Jacques Guilhaumou,
CNRS/UMR Triangle, ENS-LSH Lyon, http://revolution-francaise.net/2006/10/01/68-jacobinisme-
et-marxisme-le-liberalisme-politique-en-debat.
La Révolution française est une révolution de grands esprits sans côté pragmatique, une révolution
d’intellectuels, des théoriciens déconnectés de la réalité. Selon Furet emboîtant le pas à Tocqueville
les intellectuels français ont ainsi animé la révolution avec des idéaux utopiques irréalisables. La
révolution est avant tout une révolution des esprits, mais pas forcément une révolution politique
efficace pour atteindre la démocratie souhaitée à la différence de la Révolution américaine
pragmatique dans ses fins comme dans sa réalisation ou dans ses concepteurs.
« Ce qui arrive dans le monde intellectuel n'est pas moins déplorable.
Gênée dans sa marche ou abandonnée sans appui à ses passions désordonnées, la démocratie de
France a renversé tout ce qui se rencontrait sur son passage, ébranlant ce qu'elle ne détruisait pas.
On ne l'a point vue s'emparer peu à peu de la société, afin d'y établir paisiblement son empire; elle
n'a cessé, de marcher au milieu des désordres et de l'agitation d'un combat. Animé par la chaleur de
la lutte, poussé au-delà des limites naturelles de son opinion par les opinions et les excès de ses
adversaires, chacun perd de vue l'objet même de ses poursuites et tient un langage qui répond mal à
ses vrais sentiments et à ses instincts secrets ». Tocqueville Introduction démocratie en Amérique L
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Puisque de la monarchie absolue on est passé à la démocratie représentative fondée sur un nouvel
espace public fragmenté, il faut donc produire de « l'opium des peuples », de la croyance, ce qui
fait exister sociologiquement la communauté de citoyens animés par le fantasme de la démocratie