
seconde moitié des années 1990 s'explique largement [...] par les nouvelles technologies de
l'information [et de la communication - NTIC] telles que l'Internet. »
Robert H. Frank et Ben S. Bernanke, Principes d'économie, Économica, 2009.
A / Le progrès technique et les innovations : un processus de destruction créatrice
Livre p .50
Quelle sera la prochaine victime du téléphone mobile ? Après avoir relégué aux oubliettes l'assistant numérique personnel
(PDA), très en vogue au début des années 2000, le petit appareil s'attaque maintenant au téléphone fixe, à l'appareil photo
numérique, à l'iPod, voire à la montre. Il est l'illustration même de la "destruction créatrice" définie par l'économiste
autrichien Joseph Aloïs Schumpeter. Et c'est loin d'être fini...
Les investisseurs auraient intérêt à se pencher sur les puissantes capacités schumpétériennes du téléphone portable. Au
tout début de ce nouveau siècle, les banquiers s'échangeaient des informations via les rayons infrarouges d'un Palm Pilot
désormais désuet. La société Palm arborait avec fierté une capitalisation de 92 milliards de dollars. Sa métamorphose dans les
téléphones mobiles lui a coûté 97 % de sa valeur.
Le téléphone classique est la prochaine cible la plus évidente. Il a déjà disparu dans près d'un quart des foyers
américains. Un vrai drame pour AT & T ou Verizon, qui doivent continuer d'entretenir à grands frais des infrastructures. Il
n'est pas jusqu'à l'iPod qui n'ait pris un petit coup de vieux. Les ventes baissent. Apple ne s'en émeut guère : les clients
écoutent leur musique sur un iPhone qu'ils ont payé plus cher.
Ne parlons pas du malheureux fabricant de montres. La plupart des adolescents consultent leur téléphone portable pour
donner l'heure. Les concepteurs de gadgets sophistiqués qui mesurent le rythme cardiaque ne sont pas non plus à l'abri : il
existe maintenant des applications sur téléphone mobile qui offrent le même service. C'est encore pire pour les systèmes GPS,
les appareils photo et les détecteurs de radars. Pour donner une idée de l'ampleur des dégâts, lorsque Google a ouvert il y a
peu une application de navigation gratuite, les titres Garmin et Tom-Tom se sont respectivement effondrés de 16 % et 23 %
en Bourse. Comme Palm, Garmin espère s'en sortir en lançant son propre téléphone portable.
La destruction créatrice chère à Schumpeter fera aussi le bonheur de certains. Apple, Google et Facebook veulent bourrer
les téléphones mobiles d'informations, de logiciels et de publicité. Une pléiade d'entreprises naîtra pour inventer de nouveaux
produits. Il est moins facile de prévoir la direction que la tornade du téléphone prendra ensuite. Disons qu'il y a de bonnes
chances que cela ait un rapport avec tout ce que l'on peut avoir dans les poches ou dans le sac à main. Cartes de crédit, argent
liquide, clefs, papiers d'identité, livres, journaux, tickets et cartes d'embarquement pour le transport aérien constituent autant
d'objets qui pourraient devenir électroniques. Alors, la dynamique de l'innovation récompensera les esprits créatifs et
entreprenants, et laissera couler les autres. Face à la plainte portée par le premier fabricant finlandais de téléphones mobiles
Nokia pour violations de brevets, la marque à la pomme riposte et poursuit à son tour le leader mondial.
(Source : Robert Cyran et Rob Cox, Le Monde du 04 janvier 2010)
Qu’est-ce que la « destruction créatrice » selon Schumpeter ?
Innovation de procédé
exemples
- Chaîne de montage avec convoyeur
- Traitement informatique de données
- Transport par conteneur
Schumpeter citait entre autres l’usine mécanisée, l’usine électrifiée, les
fusions de sociétés, les nouvelles routes commerciales.
Innovation de produit
exemples
- NTIC : DVD, MP3, écran à cristaux liquides
- Énergie : bioéthanol, solaire
- Santé : scanner, thérapies géniques, carte Vitale
Le progrès technique (plus précisément, les innovations) transforme les conditions de production et de consommation en
agissant de façon différenciée sur la productivité et les prix des différents secteurs et en faisant disparaître des activités
anciennes et apparaître des activités nouvelles : c’est ce que Schumpeter a appelé le mécanisme de « destruction créatrice ».
Il est nécessaire, pour la survie du capitalisme que les entreprises les moins rentables et/ou fabriquant des produits dépassés
disparaissent : en effet, dans ces entreprises, les facteurs de production (capital et travail) sont utilisés moins efficacement
qu'ils pourraient l'être ailleurs.
Le progrès technique imprime un rythme cyclique à la croissance économique.
Schumpeter a aussi beaucoup insisté sur cet aspect. Les innovations ne surviennent pas
régulièrement. Il montre que les périodes d'expansion du capitalisme correspondent à
l'apparition de grappes d'innovations et de groupes d'entrepreneurs. L'arrivée d'entrepreneurs
porteurs d'innovation n'est pas un phénomène continu mais un phénomène discontinu qui se traduit
par des fluctuations dans la croissance économique et l’apparition de cycles longs. La croissance
économique au 19ème siècle n'a pas été linéaire. Elle a été jalonnée de périodes d'expansion et de
récession, de cycles économiques. Schumpeter explique ces cycles par le rôle des innovations. Et
l'investissement que requiert l'innovation se distingue de l'investissement de routine, car il ne s'agit pas
de renouveler ou d'accroître les capacités de production, mais bien d'introduire un changement
profond.