C'est vrai à l'échelle des pays. Et singulièrement, on l'observe tous les jours, entre pays émergents et pays développés. La faiblesse des coûts
de transport par rapport aux coûts de production explique la mise en place d'une nouvelle division internationale du travail puisqu'il peut être
rentable de faire fabriquer un bien dans un pays et de le vendre dans un autre. Ceci est vrai dans le domaine industriel. Ceci l'est aussi dans
les services qui, longtemps considérés comme de nature locale, peuvent désormais être fournis par-delà les frontières. La division
internationale du travail en est toute chamboulée.
Des recherches récentes montrent ainsi que, dans la zone OCDE, près d'un salarié sur cinq réalise des prestations qui peuvent désormais être
effectuées depuis l'étranger. Donc potentiellement délocalisables. Par ailleurs, la plupart des travailleurs de l'industrie, soit 16 % des salariés
dans la zone OCDE, produisent des biens qui pourraient être importés. Les pays en développement que sont les BRIC (Brésil, Russie, Inde et
Chine) disposent de 45 % de la main-d’œuvre mondiale contre 20 % pour les 30 pays de l'OCDE. « La plupart des entreprises et des
travailleurs se trouvent directement ou indirectement en situation de concurrence dans l'économie mondiale d'aujourd'hui » rappellent les
experts de l'OCDE. Comment dès lors ne pas comprendre la grande peur des pays développés : une accélération des transferts de capacités de
production et d'emplois vers les pays émergents.
Le bouleversement de la « hiérarchie des places » touche aussi pratiquement chaque citoyen du monde. Un monde où l'on voit se dessiner
peu à peu la nouvelle géographie des gagnants et des perdants. Notamment, la globalisation impacte fortement les marchés du travail. Certes,
les experts de l'OCDE estiment que « l'ouverture aux échanges n'a pas nui à l'emploi total » parce que les pays émergents constituent pour les
pays développés autant de marchés à l'exportation à conquérir. Des marchés en forte expansion. Voilà pour la demande. Quant à l'offre, ils
affirment que l'ouverture favorise aussi, in fine, une augmentation de la production et de l'emploi pour les raisons évoquées plus haut (chasse
aux sources d'inefficacité, spécialisations plus efficaces, économies d'échelle, investissements dans l'innovation pour soutenir la concurrence
sur leurs propres marchés). En outre, « l'exposition accrue des emplois à la concurrence réduit les pressions salariales pour un niveau
d'emploi donné, phénomène qui contribue à réduire le chômage », ajoutent-ils. Enfin, ils soulignent, non sans susciter la controverse, qu'« en
dépit des craintes de délocalisation, les données ne montrent pas de lien systématique entre l'investissement à l'étranger et la contraction de
l'emploi intérieur »...
Patrick ARTUS et Marie-Paule VIRARD : « On comprend mieux le monde à travers l'économie » Ed. Les Echos – 2008.
Q 9 : Repérez dans ce passage, une autre conséquence de la mondialisation et de nouveaux arguments
quant à ses avantages et ses dangers.
Document 7 : Chut ! la Chine devient la deuxième puissance économique mondiale
Libération - 15/02/2011 Par PHILIPPE GRANGEREAU De notre correspondant à Pékin
Craignant les revendications sociales, Pékin prend acte sans bruit des chiffres publiés hier par Tokyo.
Ce que prédisaient les experts est désormais confirmé : l’économie chinoise est devenue la deuxième du monde, après celle des Etats-Unis.
L’annonce officielle est venue du Japon, qui occupait ce rang depuis 1967. Tokyo a publié hier les chiffres en berne de son économie, dont la
valeur a atteint 4 025 milliards d’euros fin 2010 contre 4 264 milliards d’euros à son voisin chinois. C’est toutefois sans le moindre coup de
gong que la Chine a accueilli cette immense nouvelle. «Ces résultats ont été obtenus grâce au leadership du parti communiste, à notre esprit
de sacrifice, et à la politique d’ouverture sur l’étranger», a salué Ma Jiantang, directeur du Bureau national des statistiques, avant de mettre
en garde contre tout triomphalisme : «Il faut toutefois jeter un regard froid sur ces chiffres. Certes notre PIB global est imposant, mais notre
population reste trop nombreuse ce qui fait que notre PIB par habitant n’arrive même pas à la centième place dans le classement
international. C’est ça la réalité objective.»
«Inéquitable». La pudeur de Pékin est inattendue.«Lorsque la Chine a dépassé l’Allemagne en 2007, rappelle Chen, un expert du magazine
économique Caijing,le gouvernement chinois a battu le tambour et sonné les trompettes.» Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. Ce
changement d’attitude, estime-t-il, est étroitement lié à la crainte de voir éclater des troubles sociaux. «Beaucoup de gens se demandent déjà
sur les forums internet pourquoi leurs revenus stagnent et pourquoi le système de protection sociale ne s’améliore pas, alors même que
l’économie croît à des taux fabuleux. Si le gouvernement fanfaronnait, ces revendications grossiraient.» Les Chinois, juge pour sa part
Richard Zhang, responsable des relations avec les investisseurs de Suntech, une grande entreprise privée, «n’attachent pas d’importance au
PIB global. Pour eux, et ils ont raison, ce qui compte c’est le PIB annuel par habitant, qui reste très en deçà de ce qu’on pourrait espérer».
Le revenu moyen par habitant et par an est de 3 308 euros en Chine, contre 29 411 euros au Japon. «Les gens s’inquiètent surtout de la
distribution de plus en plus inéquitable des revenus», poursuit Zhang. Le ministère des Affaires sociales reconnaissait récemment que les
écarts de revenu ne cessent de grandir : les citadins gagnent trois fois plus que les ruraux, et d’une manière générale, les 10% de plus hauts
revenus sont vingt fois plus élevés que les 10% du bas de l’échelle. La Chine profonde reste un tiers-monde. «Comment se fait-il que dans la
seconde économie mondiale - la Chine -, il y ait tant d’enfants mendiant dans les rues», ironise Han Han, le plus célèbre des blogueurs du
pays, suivi par des dizaines de millions d’internautes. «Depuis quelques années, de plus en plus de Chinois ont l’impression de travailler plus
et de gagner moins», renchérit Chen du magazine Caijing.
Si le modèle chinois basé sur l’exportation affiche depuis trente ans un taux de croissance à faire pâlir tous les autres pays, il doit désormais
faire face à des choix complexes. Sa structure économique demeure «irrationnelle», comme le reconnaissait hier Ma Jiantang, en soulignant
l’inefficacité d’une économie qui «gaspille trop d’eau, d’énergie et de ressources naturelles». Le capitalisme d’Etat à la chinoise est peut-être
en train de se laisser happer par le bureaucratisme, suggèrent plusieurs économistes. Alimentées par des lignes de crédit presque illimitées
accordées par un secteur bancaire contrôlé par Pékin, les 129 plus grandes entreprises d’Etat chinoises, qui tirent souvent bénéfice d’un
monopole dans leurs domaines respectifs, ne sont pas connues pour leur efficacité économique. Les avoirs de ces «yangqi» («entreprises
centrales») représentent 61,7% du produit intérieur brut du pays, soit près de 3 000 milliards d’euros. Or, ce conglomérat, véritable «Etat
dans l’Etat», très souvent dirigé par des enfants et proches de hauts dirigeants, marginalise de plus en plus le secteur privé.
Pékin est conscient du problème : le dernier plan quinquennal (2005-2010) préconisait une réduction du poids économique des entreprises
d’Etat. A l’inverse, «celui-ci a grandi et le secteur privé a rétréci», constate l’économiste Shen Jianguang. L’index américain «Fortune 500»
compte 30 entreprises d’Etat chinoises… mais une seule privée. Ainsi, les recettes fiscales du gouvernement progressent plus vite que
l’augmentation du PIB, qui lui-même augmente plus vite que les revenus de la population. Cette équation singulière terrorise les économistes
car elle signifie que plus le PIB augmente, plus le gouvernement empoche d’argent, et plus le pouvoir d’achat des gens diminue.
Q 10 : Repérez les grands problèmes du développement chinois
D / Une nouvelle logique de croissance
Document 8 : La mondialisation une menace et une opportunité...
La mondialisation est aujourd'hui perçue plus comme une menace que comme une opportunité...
Rappelons tout d'abord que ses effets sont loin d'être tous négatifs. La mondialisation a été porteuse de croissance, en particulier pour les
pays émergents. La Chine d'aujourd'hui n'a que peu de rapports avec ce qu'elle était hier, et sa croissance tient pour une large part à sa