Chapitre 9 ECHANGES INTERNATIONAUX ET MONDIALISATION
On peut donner plusieurs définitions de la notion de mondialisation :
La mondialisation peut se définir au sens large, comme la structure planétaire d'interdépendance et d'interpénétration des
économies nationales, comme "l'émergence d'un vaste marché mondial des biens, des services, des capitaux et de la force
de travail, s'affranchissant de plus en plus des frontières politiques des Etats, et accentuant les interdépendances entre les
pays". (Serge d'Agostino, La mondialisation, Ed. Bréal, 2002).
La mondialisation actuelle, ce «processus géohistorique d'extension progressive du capitalisme à l'échelle planétaire»,
selon la formule de Laurent Carroué, est à la fois une idéologie - le libéralisme et ses manifestations concrètes
(démantèlement des frontières physiques et réglementaires) - une monnaie - le dollar-, un système socioproductif - le
capitalisme -, un système politique - la démocratie -, une langue - l'anglais.
La mondialisation est donc un monde où les frontières sont plus « poreuses » et où la mobilité des marchandises,
des facteurs de production et des informations est beaucoup plus grande. Ceci nécessite la mise en place de nouvelles
stratégies économiques plus complexes de la part d’acteurs économiques mondialisés plus nombreux et en
concurrence (voire en conflit d’intérêt).
Dans ce chapitre, il faut s’interroger :
- sur les formes, les caractéristiques et les évolutions de la mondialisation.
- sur les conséquences de cette mondialisation ; notamment sur les liens entre la mondialisation et l’emploi, entre la
mondialisation, la croissance et le développement : en quoi le commerce international et plus particulièrement le libre
commerce (libre-échange) peuvent-il par exemple, favoriser ou non, la croissance et le développement ? La mondialisation
est-elle compatible avec le développement durable ?
- sur le rôle d'un des acteurs essentiels de ce processus, les entreprises (FMN) qui, par les stratégies qu'elles ont mises en
place, engendrent et organisent pour une bonne part la mondialisation.
manuel : chap 11 et 12 p. 285 à 335.
Sites utiles à consulter :
La revue : http://alternatives-economiques.fr/ faire une recherche sur la mondialisation
Les sites des grandes institutions économiques internationales, où l'on trouve les statistiques indispensables au suivi de la mondialisation,
ainsi que de nombreuses études techniques : www.oecd.org (l’OCDE) ; www.imf.org (le FMI) ; www.worldbank.org (la Banque Mondiale)
www.bis.org (banque des règlements internationaux) ; www.unctad.org (conférence des nations unies sur le commerce et le développement)
http://www.wto.org/indexfr.htm (site de l’OMC)
Quelques sites parmi de nombreux sites « altermondialistes » présentant des études critiques sur l'état de la planète, dont le site du Tax
Justice Network, l'ONG en pointe dans la lutte contre les paradis fiscaux :
www.attac.org ; oxfam.org ; www.jubileeresearch.org ; http://www.coordinationsud.org/Forum-Social-Mondial ; www.taxjustice.net
Quatre centres de recherche, deux français, un américain et un britannique, qui proposent de nombreux documents d'analyse et des
commentaires sur la mondialisation.www.ofce.sciences-po.fr ; www.cepii.fr ; www.levy.org ; www.voxeu.org
1 / Repérages de quelques enjeux contemporains du sujet
La crise actuelle est une grande crise planétaire d’une économie « globalisée » (= mondialisée). La globalisation croît depuis une quarantaine
d’années et l’intégration (= les liens, les interdépendances) des économies s’est renforcée en matière commerciale, productive et financière
(voir l’extrême corrélation des marchés boursiers entre eux à l’origine de la « crise des subprimes » de 2007-2008). La logique de
fonctionnement des entreprises et la conduite des politiques économiques ont été à la fois la cause et la conséquence de ces évolutions : la
mondialisation productive (l’entreprise-monde à la recherche de nouveaux marchés et de baisses de coûts), la libération des marchés
financiers (« globalisation financière »), l’ouverture des frontières (liée à des accords internationaux de libre-échange comme ceux de l’OMC
mais aussi à des évènements politiques : stratégie chinoise d’ouverture économique, chute du mur de Berlin), la mise en place de politiques
économiques libérales (Thatcher, Reagan…), tout cela a engendré de nouvelles règles du jeu pour les Firmes multinationales (les FMN qui
optimisent leur croissance et leur profit en organisant le « made in monde »), les grands acteurs financiers (banques, assurances, fonds de
pension…qui jouent la carte de la libération de la finance mondiale : « globalisation financière »), les gouvernements…mais aussi pour les
ménages : pour les consommateurs (séduits par le « made in monde »), pour les épargnants (à qui on propose des produits d’épargne de plus
en plus sophistiqués et opaques), mais surtout pour les salariés ( la grande peur des délocalisations et la pression compétitive à laquelle ils
se voient de plus en plus soumis).
La mondialisation n’est donc pas qu’un problème théorique et économique, c’est aussi une question sociale et politique qui structure les
grands enjeux du monde contemporain et concerne le quotidien de chacun d’entre nous.
Des citoyens ne s’y sont d’ailleurs pas trompés qui s’organisent pour définir les règles de ce que devrait être une mondialisation respectueuse
de certains principes éthiques et solidaires (« altermondialistes ») et pas seulement fondée sur une compétition déréglementée
mondialisation libérale »).
Travail sur documents :
A / Une mondialisation multiforme :
Document 1 : « Le niveau de vie global s'élève avec l'ouverture des échanges internationaux. L'échange crée la croissance. Il favorise la
division du travail puisque les pays ont tendance à se spécialiser dans les domaines où ils ont un avantage comparatif. Même s'il s'agit moins
désormais d'une spécialisation sectorielle que d'une spécialisation sur la chaîne de valeur pour un produit donné. À l'image du célèbre
exemple de la poupée Barbie : la matière première - le plastique et les cheveux - vient de Taiwan et du japon, l'assemblage se fait en
Indonésie ou en Chine, les moules proviennent des États-Unis tout comme la dernière touche de peinture... Par ailleurs, l'intégration des
marchés permet aux producteurs et aux consommateurs de bénéficier des économies d'échelle. Enfin, une pression concurrentielle accrue
incite les premiers à s'attaquer aux sources d'inefficacité et à investir dans l'innovation d'où la baisse des prix et l’augmentation de la
production et de l'emploi. Comme le soulignent les experts de l'OCDE, « de nombreuses données empiriques démontrent que l’effet global
du commerce international sur la croissance est à la fois positif et important ». De même, l'ouverture aux entrées et sorties de capitaux
favorise les gains de productivité (bénéfice des meilleures pratiques mondiales en matière d'intermédiation financière, accélération du rythme
de diffusion de l'innovation, financement des délocalisations).
(…) les prix des biens dont la croissance dans la consommation est la plus rapide (à commencer par les ordinateurs et les logiciels) ainsi que
les produits de consommation courante fabriqués dans les pays émergents - et ils sont légion (vêtements, chaussures, petits électroménagers,
etc.) - n'ont cessé de baisser. Celui d'un écran plat LCD, par exemple, a diminué de 87 % entre 2001 et 2007, un appareil photo compact
numérique de près de 70 %, un PC portable de 57 % et 2 minutes de téléphone fixe vers un mobile en heures pleines de près de 35 %!
(…) Depuis une bonne dizaine d'années, la globalisation a provoqué les effets économiques attendus : on a observé le transfert d'activités
productives vers les pays émergents tandis que les grands pays développés perdaient des emplois industriels chez eux (depuis 1995, le
Royaume-Uni a perdu plus de 25 % de ses emplois industriels, les États-Unis et le Japon près de 20 %, la zone euro environ 8 %) ainsi que
des parts de marché dans la bataille commerciale avec les pays émergents, aussi bien à l'exportation qu'à l'importation. En 1995, les pays
émergents (hors OPEP et Russie) pesaient à peine 20 % des exportations mondiales, ils en représentent désormais un gros quart.
Symétriquement, la part des importations en provenance de ces pays dans la demande intérieure des pays développés ne cesse de progresser.
Ordinateurs portables, écrans à cristaux liquides, textiles, prêt-à-porter, composants électroniques, téléphones portables, automobiles, sans
oublier tous ces articles divers dont débordent nos magasins de décoration et autres jardineries, et une pléthore de services, des plus frustes
au plus sophistiqués... La liste est quasi infinie et marque l'ascension irrésistible des pays émergents, notamment asiatiques, et l'impact
considérable que celle-ci a sur l'emploi et la production en Occident. Les consommateurs de nos pays trouvent désormais normal d'acheter un
jean ou une paire de baskets pour 10 euros ou 10 dollars, mais le prix à payer est élevé en termes d'emplois et par conséquent, finalement
aussi, de pouvoir d'achat, au moins pour ceux qui sont touchés par les délocalisations et le chômage. D'où, pour les pays avancés,
l'impérieuse nécessité de repositionner leur industrie, de réfléchir au rôle des services. Bref, de repenser leur modèle économique.
Patrick ARTUS et Marie-Paule VIRARD : « On comprend mieux le monde à travers l'économie » Ed. Les Echos 2008.
Q1 / Repérez dans ce document les différentes formes de mondialisation dont il est question.
Q2 / Quelles conséquences de la mondialisation apparaissent ici ?
Document 2 : Associée à la mondialisation accélérée de l'épargne - désormais l'argent n'a plus de frontières et peut s'investir à tout
moment d'un coin à l'autre de la planète -, cette désinflation a provoqué la baisse irrésistible des taux d'intérêt nominaux et réels, autrement
dit du prix de l'argent. En effet, les banques centrales peuvent se laisser aller à mener des politiques monétaires accommodantes dès lors
qu'elles ne redoutent plus le retour de pressions inflationnistes. Avec à la clé la multiplication des bulles : actions (1998-2000), obligataire
(mi-2000, mi-2005), immobilière (2002-2006), matières premières (depuis 2005). Car lorsqu'il est possible de s'endetter pour presque rien et
que les prix des actifs semblent vouloir monter jusqu'au ciel, il n'y a plus de limites à cette prolifération.
Patrick ARTUS et Marie-Paule VIRARD : « On comprend mieux le monde à travers l'économie » Ed. Les Echos 2008.
Q3 / Expliquez les passages soulignés
Q4 / Repérez dans ce document, les conséquences financières de la mondialisation
B / Des déséquilibres et des interdépendances :
Document 3 : La mondialisation financière produit même des phénomènes totalement inédits. Ainsi, par exemple, dans le « monde
d'avant », il aurait été inimaginable que les déficits commerciaux américains avec la Chine, nichés dans les réserves de la Banque centrale
chinoise qui investit notamment en obligations gouvernementales américaines, soient à l’origine de la pression à la baisse exercée sur les
taux longs et donc du boom immobilier américain avec toutes les conséquences que l'on sait. Un exemple parmi d'autres des surprises de la
globalisation financière !
Document 4a : Part de la consommation des ménages
dans le PIB, en%
Q5 : Expliquez ce schéma en
choisissant le point de départ et en
expliquant les termes et les
enchaînements.
Q6 : Faites le lien entre le schéma et
les documents 4a et 4b, et montrez
l’existence de plusieurs interdépendances
(économiques et financières) entre la
Chine et les E-U. Conséquences ?
Document 4b : Soldes des balances des
paiements, en % du PIB
Document 5 : Fragilités et déséquilibres en 2010...
La reprise mondiale est menacée par les disparités économiques
La fragilité du système bancaire et la rigueur budgétaire pourraient enrayer la croissance
Après une récession historique en 2009 - le produit intérieur brut (PIB) des pays développés avait reculé de 3,2 % et celui de la planète de 0,6
%-, la croissance mondiale est repartie en 2010.
Mais cette reprise, qui s'est effectuée à un rythme très modéré dans les pays développés, pourrait globalement s'affaiblir en 2011. De surcroît,
de nombreux risques continuent de peser et de nouveaux accidents ne sont pas à exclure.
La fragilité du système bancaire, le risque d'éclatement des bulles financières, la crise des dettes publiques - notamment au sein de la zone
euro-, la divergence entre les économies émergentes et les économies développées, et enfin les déséquilibres monétaires et commerciaux
internationaux continuent de planer comme autant d'épées de Damoclès.
En 2010, le PIB mondial a rebondi de 4,8 % et devrait progresser de 4,2 % en 2011, selon les projections publiées par le Fonds monétaire
international (FMI) en octobre qui, dans le même temps, prévenait que« ces prévisions ont plus de chances d'être révisées à la baisse qu'à la
hausse ». Aux Etats-Unis, cependant, les mesures de soutien supplémentaires prises entre-temps devraient permettre -sauf accident - de se
rapprocher des 3% de croissance en 2011 (contre 2,3 % initialement prévus par le FMI en octobre), soit environ le double de la croissance
prévue pour la zone euro et pour la France.
Mais le Fonds précisait en même temps qu'« une reprise durable et saine repose sur deux rééquilibrages »: d'abord, un rebond de la
demande privée dans les pays développés lié à un surcroît de recettes d'exportations et, corollairement, une augmentation de la demande pour
les produits étrangers dans les pays qui connaissent de forts excédents comme la Chine. Or, les déséquilibres restent profonds. Selon Natixis,
le taux d'épargne privé est passé de 29 % à 32 % du PIB de la planète entre 2007 et 2010, signe que les réserves s'accumulent toujours en
Asie ou dans les pays pétroliers.
Grâce à l'endettement public, les Etats-Unis ont continué à soutenir la consommation pour ranimer la croissance. Ils n'ont pas eu d'autre
choix jusqu'ici. Dans une étude publiée le 27 juillet, « Comment il a été mis fin à la Grande Dépression », Alan Blinder, professeur à la
Princeton University, et Mark Zandi, chef économiste de l'agence de notation Moody's, estimaient ainsi que sans la réponse des pouvoirs
publics le PIB américain aurait été inférieur de 11,5 % en 2010, que 8 millions et demi d'emplois supplémentaires auraient été détruits et que
le pays serait entré en dépression. Corroborant les estimations du Congrès et de l'administration américaine, ils jugeaient que la politique
budgétaire seule avait sauvé environ 2,7 millions d'emplois.
Mais cette politique ne produit pas seulement des déficits budgétaires gigantesques, de l'ordre de 11 % du PIB en 2010. Elle nécessite de
faire appel aux capitaux extérieurs - en particulier chinois - pour financer l’économie et l’Etat. Le déficit de la balance des paiements
courants américaine devait atteindre 466,5 milliards de dollars (344,8 milliards d'euros) en 2010, selon les prévisions du FMI, contre 378,4
milliards de dollars en 2009 (276,2 milliards d'euros).
De son côté, la Chine affiche sa volonté de faire monter en gamme son économie et d'améliorer la situation des ménages- ce qui leur per-
mettrait de consommer des produits importés. Des hausses du salaire minimum ont été consenties en 2010. Mais le pays reste encore dans
une situation paradoxale. En dépit d'une croissance à deux chiffres, la part de la consommation des ménages dans le PIB chinois, 35 % en
2009, a reculé de près de 10 points en huit ans. Le gigantesque plan de relance a davantage déséquilibré la structure économique en faveur de
l'investissement - et a également produit une dangereuse bulle immobilière.
En 2010, l'excédent de la balance des paiements courants chinoise devrait rester très élevé : 269,9 milliards de dollars (297,1 milliards en
2009), selon le FMI. Les réserves de change continuent de s'accumuler, dépassant les 2 600 milliards de dollars (1898 milliards d'euros), le
plus haut niveau du monde.
Dans le monde régulé par les accords de Bretton Woods - la conférence qui après-guerre avait fixé les règles du jeu monétaire - les pays
excédentaires devaient réévaluer leur monnaie pour réduire de tels déséquilibres. Jusqu'en 1971, cet ordre monétaire était garanti par la
convertibilité du dollar en or.
Depuis, c'est le minimum de concertation qui s'impose. En 2010, les pays du G20 n'ont pas réussi à convaincre la Chine de procéder à
davantage qu'un ajustement à la marge du taux de change du yuan. Le rééquilibrage de la croissance mondiale sera une longue marche
Adrien de Tricornot Le Monde Bilan 2011
Q 7 : Repérez les aspects quantitatifs des déséquilibres évoquées dans le texte
Q 8 : Quelles sont les solutions de rééquilibrage envisageables et leurs limites
C / Une nouvelle carte économique mondiale
Document 6a : « Made in China » : leader en 2017 :Part dans la production mondiale de biens
manufacturés en % (prévisions à partir de 2010) (Le Monde Bilan 2011)
Document 6b : La globalisation remet en cause ce que l'on pourrait appeler la « hiérarchie des places ». Un maelström pays et
individus sont secoués comme dans un immense shaker. De ce point de vue, à ceux qui soutiennent que la terre est plate, on pourrait à coup
sûr opposer une vision nettement plus accidentée !
C'est vrai à l'échelle des pays. Et singulièrement, on l'observe tous les jours, entre pays émergents et pays développés. La faiblesse des coûts
de transport par rapport aux coûts de production explique la mise en place d'une nouvelle division internationale du travail puisqu'il peut être
rentable de faire fabriquer un bien dans un pays et de le vendre dans un autre. Ceci est vrai dans le domaine industriel. Ceci l'est aussi dans
les services qui, longtemps considérés comme de nature locale, peuvent désormais être fournis par-delà les frontières. La division
internationale du travail en est toute chamboulée.
Des recherches récentes montrent ainsi que, dans la zone OCDE, près d'un salarié sur cinq réalise des prestations qui peuvent désormais être
effectuées depuis l'étranger. Donc potentiellement délocalisables. Par ailleurs, la plupart des travailleurs de l'industrie, soit 16 % des salariés
dans la zone OCDE, produisent des biens qui pourraient être importés. Les pays en développement que sont les BRIC (Brésil, Russie, Inde et
Chine) disposent de 45 % de la main-d’œuvre mondiale contre 20 % pour les 30 pays de l'OCDE. « La plupart des entreprises et des
travailleurs se trouvent directement ou indirectement en situation de concurrence dans l'économie mondiale d'aujourd'hui » rappellent les
experts de l'OCDE. Comment dès lors ne pas comprendre la grande peur des pays développés : une accélération des transferts de capacités de
production et d'emplois vers les pays émergents.
Le bouleversement de la « hiérarchie des places » touche aussi pratiquement chaque citoyen du monde. Un monde l'on voit se dessiner
peu à peu la nouvelle géographie des gagnants et des perdants. Notamment, la globalisation impacte fortement les marchés du travail. Certes,
les experts de l'OCDE estiment que « l'ouverture aux échanges n'a pas nui à l'emploi total » parce que les pays émergents constituent pour les
pays développés autant de marchés à l'exportation à conquérir. Des marchés en forte expansion. Voilà pour la demande. Quant à l'offre, ils
affirment que l'ouverture favorise aussi, in fine, une augmentation de la production et de l'emploi pour les raisons évoquées plus haut (chasse
aux sources d'inefficacité, spécialisations plus efficaces, économies d'échelle, investissements dans l'innovation pour soutenir la concurrence
sur leurs propres marchés). En outre, « l'exposition accrue des emplois à la concurrence réduit les pressions salariales pour un niveau
d'emploi donné, phénomène qui contribue à réduire le chômage », ajoutent-ils. Enfin, ils soulignent, non sans susciter la controverse, qu'« en
dépit des craintes de délocalisation, les données ne montrent pas de lien systématique entre l'investissement à l'étranger et la contraction de
l'emploi intérieur »...
Patrick ARTUS et Marie-Paule VIRARD : « On comprend mieux le monde à travers l'économie » Ed. Les Echos 2008.
Q 9 : Repérez dans ce passage, une autre conséquence de la mondialisation et de nouveaux arguments
quant à ses avantages et ses dangers.
Document 7 : Chut ! la Chine devient la deuxième puissance économique mondiale
Libération - 15/02/2011 Par PHILIPPE GRANGEREAU De notre correspondant à Pékin
Craignant les revendications sociales, Pékin prend acte sans bruit des chiffres publiés hier par Tokyo.
Ce que prédisaient les experts est désormais confirmé : l’économie chinoise est devenue la deuxième du monde, après celle des Etats-Unis.
L’annonce officielle est venue du Japon, qui occupait ce rang depuis 1967. Tokyo a publié hier les chiffres en berne de son économie, dont la
valeur a atteint 4 025 milliards d’euros fin 2010 contre 4 264 milliards d’euros à son voisin chinois. C’est toutefois sans le moindre coup de
gong que la Chine a accueilli cette immense nouvelle. «Ces résultats ont été obtenus grâce au leadership du parti communiste, à notre esprit
de sacrifice, et à la politique d’ouverture sur l’étranger», a salué Ma Jiantang, directeur du Bureau national des statistiques, avant de mettre
en garde contre tout triomphalisme : «Il faut toutefois jeter un regard froid sur ces chiffres. Certes notre PIB global est imposant, mais notre
population reste trop nombreuse ce qui fait que notre PIB par habitant n’arrive même pas à la centième place dans le classement
international. C’est ça la réalité objective.»
«Inéquitable». La pudeur de Pékin est inattendue.«Lorsque la Chine a dépassé l’Allemagne en 2007, rappelle Chen, un expert du magazine
économique Caijing,le gouvernement chinois a battu le tambour et sonné les trompettes.» Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. Ce
changement d’attitude, estime-t-il, est étroitement lié à la crainte de voir éclater des troubles sociaux. «Beaucoup de gens se demandent déjà
sur les forums internet pourquoi leurs revenus stagnent et pourquoi le système de protection sociale ne s’améliore pas, alors même que
l’économie croît à des taux fabuleux. Si le gouvernement fanfaronnait, ces revendications grossiraient.» Les Chinois, juge pour sa part
Richard Zhang, responsable des relations avec les investisseurs de Suntech, une grande entreprise privée, «n’attachent pas d’importance au
PIB global. Pour eux, et ils ont raison, ce qui compte c’est le PIB annuel par habitant, qui reste très en deçà de ce qu’on pourrait espérer».
Le revenu moyen par habitant et par an est de 3 308 euros en Chine, contre 29 411 euros au Japon. «Les gens s’inquiètent surtout de la
distribution de plus en plus inéquitable des revenus», poursuit Zhang. Le ministère des Affaires sociales reconnaissait récemment que les
écarts de revenu ne cessent de grandir : les citadins gagnent trois fois plus que les ruraux, et d’une manière générale, les 10% de plus hauts
revenus sont vingt fois plus élevés que les 10% du bas de l’échelle. La Chine profonde reste un tiers-monde. «Comment se fait-il que dans la
seconde économie mondiale - la Chine -, il y ait tant d’enfants mendiant dans les rues», ironise Han Han, le plus célèbre des blogueurs du
pays, suivi par des dizaines de millions d’internautes. «Depuis quelques années, de plus en plus de Chinois ont l’impression de travailler plus
et de gagner moins», renchérit Chen du magazine Caijing.
Si le modèle chinois basé sur l’exportation affiche depuis trente ans un taux de croissance à faire pâlir tous les autres pays, il doit désormais
faire face à des choix complexes. Sa structure économique demeure «irrationnelle», comme le reconnaissait hier Ma Jiantang, en soulignant
l’inefficacité d’une économie qui «gaspille trop d’eau, d’énergie et de ressources naturelles». Le capitalisme d’Etat à la chinoise est peut-être
en train de se laisser happer par le bureaucratisme, suggèrent plusieurs économistes. Alimentées par des lignes de crédit presque illimitées
accordées par un secteur bancaire contrôlé par Pékin, les 129 plus grandes entreprises d’Etat chinoises, qui tirent souvent bénéfice d’un
monopole dans leurs domaines respectifs, ne sont pas connues pour leur efficacité économique. Les avoirs de ces «yangqi» («entreprises
centrales») représentent 61,7% du produit intérieur brut du pays, soit près de 3 000 milliards d’euros. Or, ce conglomérat, véritable «Etat
dans l’Etat», très souvent dirigé par des enfants et proches de hauts dirigeants, marginalise de plus en plus le secteur privé.
Pékin est conscient du problème : le dernier plan quinquennal (2005-2010) préconisait une réduction du poids économique des entreprises
d’Etat. A l’inverse, «celui-ci a grandi et le secteur privé a rétréci», constate l’économiste Shen Jianguang. L’index américain «Fortune 500»
compte 30 entreprises d’Etat chinoises… mais une seule privée. Ainsi, les recettes fiscales du gouvernement progressent plus vite que
l’augmentation du PIB, qui lui-même augmente plus vite que les revenus de la population. Cette équation singulière terrorise les économistes
car elle signifie que plus le PIB augmente, plus le gouvernement empoche d’argent, et plus le pouvoir d’achat des gens diminue.
Q 10 : Repérez les grands problèmes du développement chinois
D / Une nouvelle logique de croissance
Document 8 : La mondialisation une menace et une opportunité...
La mondialisation est aujourd'hui perçue plus comme une menace que comme une opportunité...
Rappelons tout d'abord que ses effets sont loin d'être tous négatifs. La mondialisation a été porteuse de croissance, en particulier pour les
pays émergents. La Chine d'aujourd'hui n'a que peu de rapports avec ce qu'elle était hier, et sa croissance tient pour une large part à sa
capacité à accéder aux marchés étrangers. Par ailleurs, on attribue trop souvent les effets de la mutation globale du capitalisme que nous
connaissons aujourd'hui au seul commerce avec les pays émergents. La mondialisation n'est en effet qu'un des éléments d'une
transformation plus large qui se caractérise par la recherche de nouveaux gains de productivité répondant à l'essoufflement du
fordisme. Elle se caractérise par la révolution technologique, notamment liée à l'Internet, qui conduit à repenser l’organisation de la
production. La révolution financière qui s'est développée depuis les années 80 et qui a donné naissance à un nouveau capitalisme action-
narial joue également un rôle déterminant. (…)
Toutes ces mutations sont liées. Et si la mondialisation joue un rôle dans leur dynamique, chacune d'entre elles produit ses propres effets.
Ainsi, la désindustrialisation observée en France depuis trente ans est avant tout due aux gains de productivité : grâce aux progrès de la
mécanisation et aux nouvelles organisations du travail, les besoins de main-d'œuvrecessaire pour produire des biens ont fortement baissé.
Si le nombre d'emplois industriels s'est réduit d'un tiers en France au cours de chacune des dernières décennies, c'est avant tout pour cette
raison. (…)
Nous sommes aujourd'hui dans un système qui produit des gagnants et des perdants, et il est de la responsabilité des politiques d'assurer
la redistribution entre les uns et les autres de la richesse produite par ce même système. Car la solution n'est pas un retour au protectionnisme.
Ce ne serait une bonne chose ni pour nous, les pays riches, ni pour les pays en développement.
Daniel Cohen, professeur de sciences économiques à l’Ecole normale supérieure -Alternatives Economiques - Hors-série pratique n° 28 -
mars 2007
La mondialisation n’est donc qu’un élément (important) ainsi qu’une conséquence des transformations
économiques des 25 dernières années : essoufflement du fordisme, développement des NPI, crise des matières
premières, transformations technologiques (transports, télécoms, informatique, internet, etc) idéologie et
politiques libérales, concentration des entreprises et transformations de leur stratégies et de leur mode de gestion
(capitalisme actionnarial).
Document 9 : la douloureuse compétition de l’excellence et de l’effort
En résumé, nous sommes en train de changer de monde : c'était jusquà présent la demande américaine qui stimulait les
exportations des pays émergents et favorisait le rattrapage de leurs économies ; demain c'est la demande des pays émergents
qui sera le moteur de la croissance des pays riches. Bref, le consommateur va changer de camp : il sera chinois, et non plus
américain. Le destin des pays avancés va dépendre de leur capacité à innover et à exporter. Sans un effort colossal de
recherche, les pays industrialisés ne pourront pas augmenter leurs ventes sur les marchés émergents.
Ce modèle de croissance fondé sur l'investissement et l'innovation... se caractérise par une profitabilité des entreprises
fondée non pas sur l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés et de la demande des ménages, comme à l'époque de la
Ford T, mais sur la compression des coûts et la conquête de nouveaux marchés grâce à l'innovation et à l'amélioration de la
productivité. On peut aussi le baptiser «modèle anti-fordiste». C'est le modèle que les Japonais et les Allemands ont mis en
place, avec des variantes, depuis le début de la décennie. Bien sûr, il faudra le doser, notamment en arrêtant de comprimer les
coûts salariaux au-delà d'une certaine limite une fois que la compétitivité des entreprises se sera redressée. Mais, je le répète,
c'est désormais le seul moyen de «fabriquer» de la croissance et de l’emploi dans les pays riches. Les emplois de services se
développent en effet, en grand nombre dans les économies où la production industrielle à forte valeur ajoutée est importante
et apporte des revenus souvent confortables à la classe moyenne. Les grands pays qui ne produisent pas de biens
manufacturés créeront donc moins d'emplois de services que les autres, et ils seront en outre inévitablement confrontés à un
problème de financement de leur déficit extérieur. Avec le déclin économique au bout du chemin.
Une voie difficile
La recherche, l'innovation et les nouvelles technologies sont sans doute nécessaires, mais pas suffisantes. On le voit avec les
Etats-Unis qui, leader dans ces domaines, affichent pourtant un déficit commercial abyssal...Toutefois les apparences sont
trompeuses : aux Etats-Unis, l'effort de recherche ne porte pas sur l'ensemble des activités industrielles. Si l'Amérique est
leader mondial des hautes technologies (elles représentent 6% de son PIB), elle souffre d'un manque de recherche et
d'innovation dans beaucoup de secteurs traditionnels. La part de son industrie dans le PIB est ainsi passée de 30 à 14 % en
trente ans. Toutes proportions gardées, la France est un peu dans le même cas : son effort d'innovation est de qualité, mais il
est concentré sur un nombre restreint de secteurs : aéronautique, nucléaire... Pour maintenir durablement un bon niveau de
croissance, cette logique de niche ne suffit pas. L'exemple américain prouve qu'une économie se contentant d'atteindre
l'excellence dans les nouvelles technologies et les services associés ne peut espérer créer suffisamment de richesses.
D'ailleurs, l'excédent commercial américain dans le high-tech ne représente qu'un demi-point de PIB (70 milliards de dollars),
à comparer aux sept points de PIB de déficit commercial (près de 1000 milliards de dollars) sur tous les biens manufacturés.
La France doit investir dans la recherche si elle veut redevenir compétitive
Le vrai moteur de la croissance, ce n'est pas la consommation, ce sont les gains de productivité. Pour créer des
richesses, il faut avoir quelque chose à vendre et le produire de manière efficace ! Après s'être illusionnée, la France
redécouvre aujourd'hui cette vérité. Mais la dynamique de la mondialisation lui laisse peu d'espoir de se réindustrialiser. De
plus, la crise force les entreprises à baisser leurs coûts, ce qui provoque un ralentissement de l'investissement. Et elle fait
renaître l'aversion au risque des banques, ce qui augmente le coût du capital.
Depuis 2000, notre compétitivité est en chute libre. La France a perdu l'avantage prix qu'avaient ses produits industriels.
Ceux-ci ne résistent plus à la concurrence allemande sur les marchés extérieurs, y compris en Europe. Que faire alors ?
Idéalement, il faudrait mettre en place un «compromis social de crise», comme l'a fait l'Allemagne. C'est-à-dire organiser la
baisse du coût du travail dans le cadre d'accords où les syndicats acceptent des délocalisations «cogérées», sans
licenciements. Mais la défiance des salariés français rendra difficile une telle initiative. Par ailleurs, nous devons investir
massivement dans la R & D pour monter en gamme et améliorer notre spécialisation industrielle. Mais ne nous faisons pas
d'illusions, les progrès seront dans ce domaine très lents...
D’après Capital Hors-série - Décembre 2008 (Patrick Artus et Elie Cohen)
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