Les analyses keynésienne et classique du chômage sont-elles
compatibles ?
dimanche 19 mars 2006.
L’analyse économique du chômage en débat : la théorie du déséquilibre et le chômage
d’équilibre.
Il peut sembler curieux de rapprocher la présentation de la théorie du déséquilibre, des
analyses traitant de l’existence d’un taux de chômage d’équilibre. Le paradoxe peut être levé
facilement. Dans les deux cas la démarche des économistes s’inscrit dans la même
perspective : éliminer le problème du passage d’une analyse microéconomique à l’analyse
macroéconomique. [1] La recherche des fondements microéconomiques de la macroéconomie
keynésienne constituait le programme de recherche des économistes qui sont à l’origine des
théories dites des équilibres avec rationnements, ou équilibres non-walrasiens. Le concept de
taux de chômage d’équilibre fait partie des outils de l’analyse économique contemporaine
depuis que le modèle keynésien est interprété en intégrant des relations entre d’une part la
formation des prix, des salaires et le taux de chômage, et d’autre part, le taux de chômage et le
taux de chômage, l’emploi et la production. Cette démarche conduit au remplacement du
modèle IS-LM par le modèle AS-AD (ou modèle Offre et Demande agrégées, Agregate
Supply, Agregate Demand). Le courant de "la synthèse" correspond au modèle IS-LM, alors
que le courant de la "nouvelle synthèse" correspond au mdèle AS-AD.
La théorie du déséquilibre : chômage keynésien et chômage classique
L’analyse dite de la théorie du déséquilibre (ou des équilibres avec rationnements) est
conduite en acceptant l’idée qu’il y a des marchés pour le travail et pour les produits [2]
L’idée que les marchés sont interdépendants est présente à la fois dans l’analyse classique et
dans l’analyse keynésienne. Dans le schéma classique, l’interdépendance se manifeste dans la
réalisation de l’équilibre général. Dans le schéma keynésien elle apparaît dans le principe de
la demande effective, puisque la demande de travail dépend de la demande anticipée de
produits et des coûts anticipés (intégrant le coût du travail).
Si le marché du travail existe, le chômage keynésien est le résultat d’un déséquilibre du
marché des biens (demande de produits insuffisante pour que l’offre augmente assez pour
entraîner une augmentation de la demande de travail susceptible d’absorber l’offre exogène de
travail), le chômage classique est le résultat d’un déséquilibre du marché du travail (coût du
travail excessif relativement à la productivité marginale du travail).
De nombreux chercheurs souhaitaient dépasser ce clivage et ont tenté la “synthèse”. A la fin
des années 60, des économistes américains, vont proposer une recherche des fondements
microéconomiques de la macroéconomie keynésienne. Plus tard, Edmond Malinvaud (1976
et 1977) appliquera cette recherche au marché du travail. L’analyse repose sur le rejet de
l’hypothèse permettant d’équilibrer le mécanisme du marché. En effet, l’équilibre est obtenu
par des ajustements successifs du prix avant l’échange, les mouvements du prix sont proposés
par un “commissaire priseur” qui sert d’intermédiaire et enregistre les réactions des
intervenants. Si cet agent disparaît, il n’y a plus de possibilité d’ajustement avant l’échange.
L’échange intervient au prix affiché sur le marché, et il n’y a pas de raison pour que ce prix
corresponde au prix d’équilibre. L’ajustement se fait par les quantités et non par les prix.
Les marchés sont des mécanismes de détermination
des quantités échangées pour un prix donné. Lorsque
le prix p1 est inférieur au prix p* d’équilibre (qui
s’établirait si le marché fonctionnait avec ajustement
des prix), la quantité échangée est la quantité offerte
O1. Lorsque c’est le prix p2 supérieur au prix
d’équilibre p*, alors la quantité échangée est D2. Dans
le premier cas la demande est contrainte, dans le
second c’est l’offre. Les échanges se font avec
rationnement de l’offre ou de la demande. Les courbes
de demande et d’offre ne sont réelles qu’en partie (la
partie OED’). Les parties correspondant à DEO’ sont
virtuelles : elles expriment une relation du type
quantité - prix, mais elles ne peuvent pas se concrétiser
par un échange.
Dans une économie très simplifiée dans laquelle il n’existe que deux marchés, un marché des
produits et un marché du travail, le “déséquilibre” qui est en réalité un équilibre avec
rationnement (de l’offre ou de la demande) observé sur un marché peut se transmettre à
l’autre.
Si le marché des produits est caractérisé par une insuffisance de la demande (offre
contrainte), les producteurs ne pouvant écouler toute la production vont réduire la demande de
travail. Cela se traduit par un excès d’offre sur le marché du travail (demande insuffisante
donc offre contrainte). On se trouve dans le cas type d’un chômage keynésien.
Si le chômage est le résultat du coût excessif du travail (demande de travail insuffisante
donc offre contrainte), sur le marché des produits l’offre est insuffisante (elle pourrait être
plus élevée mais le coût du travail l’interdit), la demande est contrainte. Il s’agit alors d’une
situation de chômage classique.
On peut retrouver ces résultats graphiquement.
Si le chômage est le résultat du coût excessif du travail (sur le graphique, SR est élevé à cause
d’une rigidité salariale, la demande de travail est très inférieure à l’offre supposée ici
indépendante du salaire et égale à NPE qui est la population active disponible).
Sur le marché des produits l’offre proposée est insuffisante (elle pourrait être plus
élevée mais le coût du travail l’interdit), relativement à la demande qui correspond à
l’utilisation optimale des capacités de production (B). Cette demande potentielle (B)
est supérieure à l’offre proposée (A). La demande est contrainte ou rationnée.
La solution c’est une baisse du salaire réel qui permettrait d’augmenter l’offre
rentable.
Le cas symétrique peut être analysé de la même manière. Cette fois le rationnement se
manifeste sur le marché des biens.
La demande de produits est insuffisante relativement à l’offre potentielle à cause des
rigidités de prix. (le pouvoir d’achat est insuffisant pour permettre aux consommateurs
d’acheter toute la production pouvant être réalisée de manière rentable).
Sur le marché du travail, les producteurs qui ne peuvent écouler toute leur production
rentable (compte tenu des conditions de production et de vente) doivent réduire leur
embauche et font naître un chômage de type keynésien. Ce chômage provient d’une
insuffisance de la demande de biens.
La solution pour le réduire ne passe pas par une baisse du salaire réel qui ne ferait
qu’affaiblir un peu plus la demande de produits. Il faut augmenter la demande
adressée aux entreprises de manière exogène - c’est le rôle des pouvoirs publics et de
la politique économique de relance.
L’intérêt de cette analyse est évident puisqu’elle permet d’expliquer à la fois le chômage
classique et le chômage keynésien à partir d’une même référence. Elle montre en plus que des
régimes différents peuvent coexister dès que l’idée d’une pluralité des marchés du travail est
acceptée.
Les régimes possibles dans une économie avec deux marchés (produits et travail) sont
traditionnellement présentés de la manière suivante :
Marché des produits
Excès d’offre
>Excès de
demande
Marché du
travail
Excès d’offre
Chômage
keynésien
Chômage
classique
Excès de
demande
Inflation
contenue
Le modèle décrit ci-dessus montre que la qualité du diagnostic est essentielle pour tenter de
résorber le chômage. Une erreur d’appréciation conduirait à aggraver les déséquilibres. On
peut essayer de représenter les situations à partir de deux variables centrales. Le niveau de la
demande autonome, c’est-à-dire la demande qui ne dépend pas directement de la production,
ou encore, celle sur laquelle on peut agir de l’extérieur, et le niveau du salaire réel.
Les politiques économiques sont repérées ici. En
chômage keynésien (I) il faut stimuler l’activité en
élevant la demande autonome. La demande de travail
suivra et le salaire va augmenter. En inflation
contenue, il faut refroidir l’activité en réduisant la
demande autonome. La stabilisation de la conjoncture
s’accompagnera d’une augmentation du salaire réel
(sous l’effet de la baisse des prix). En chômage
classique (III) il faut réduire le coût du travail, la
demande autonome va se réduire pour laisser la place à
une demande provoquée par la distribution de revenus
liée à la croissance de la production autorisée par le
rétablissement de la rentabilité. En chômage mixte
avec chômage keynésien dominant (IVK) il faut surtout
agir par la hausse de la demande autonome, mais avec
une réduction du coût du travail (rigueur salariale pour
les producteurs en place et dépenses de grands travaux).
En chômage mixte avec chômage classique dominant il
faut réduire le coût du travail bien entendu mais avec
une politique d’accompagnement pour stimuler
l’activité.
Une autre approche permet de montrer comment le chômage apparaît dans les hypothèses plus
précises d’un salaire nominal rigide et de prix flexibles à la hausse mais rigides à la baisse
(hypothèses assez réalistes dans les pays développés depuis le début des années 60).
Comme les prix sont flexibles à la hausse, l’inflation réduisant l’excès de demande éventuel,
les ménages ne peuvent être contraints par une offre insuffisante. Ainsi la production réalisée
sera forcément égale à la demande et déterminée par les composantes autonomes de la
demande. La demande est une fonction décroissante du prix. La production rentable est une
fonction décroissante du salaire réel donc c’est une fonction croissante des prix.
Comme les prix sont rides à la baisse il y a un
niveau minimum de prix possible ce qui veut dire
qu’à partir de ce prix p* l’offre est indépendante du
prix. De la même manière, le plein emploi limite le
niveau de la production à la borne Q(N*). Le point
A est caractéristique d’une situation de demande
trop faible conduisant au chômage keynésien strict :
une politique de relance augmente la production et
l’emploi sans modifier les prix (pas d’inflation). Le
point B correspond à une position d’équilibre du
marché des biens, l’offre est égale à la demande,
mais en régime de sous emploi. C’est le chômage
décrit par Keynes dans la “Théorie générale” . Il est
caractérisé à la fois par une insuffisance de la
demande de biens relativement à celle qui permet le
plein emploi et par un salaire réel trop élevé
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