quotidiens et peut traiter les différends entre sociétés étrangères et chinoises. La seconde, maîtrisée
par le pouvoir, se fonde sur la Raison d'État, la protection de la sécurité de l'État, le secret et les
arguments nationalistes. Elle n'offre aucune garantie au justiciable, car ni les médias ni la justice ne
sont indépendants.
Comme tous les régimes communistes, la Chine est une grande adepte de statistiques. Chaque
année, en mars, lors de la session de l'Assemblée nationale populaire, la Cour populaire suprême et
le Parquet populaire suprême produisent un rapport d'activité. Y sont détaillés le nombre de cas
traités, les types de litiges, etc. Depuis 2005, on y trouve le nombre de condamnations pour atteinte
à la sécurité de l'État. Ce nombre ne cesse d'augmenter, alors qu'on s'attendrait à la voir diminuer en
raison d'une professionnalisation croissance de la justice. Il y a eu un millier de cas en 2012, d’après
l’ONG Dui Hua basée entre Hong Kong et la Californie. Dans ces cas, le nombre d'affaires relatives
aux transactions et au business est en déclin. En revanche, les affaires d'ordre politique portent sur
la dissidence, le terrorisme d'État ou les actions qualifiées comme telles. Sont poursuivies en grande
majorité des personnes du Xinjiang, du Tibet et autres foyers de « dissidence ».
La Chine possède la justice émergente d'un pays émergent. Cela peut paraître étonnant, compte tenu
de la longueur et de « l'épaisseur » de la civilisation chinoise, ainsi que de la culture juridique
antérieure au 20e siècle. Aucun pays de la dimension de la Chine ne construit aujourd'hui tout un
nouveau système juridique et judiciaire. La profession d'avocat, par exemple, est nouvelle. Elle n'a
pas d'histoire et se construit selon des codes empruntés à l'étranger.
Un agenda législatif imposant
Depuis trente ans, et plus encore depuis l'entrée de la Chine à l'OMC, au début du 21e siècle,
l'agenda législatif du pays est considérable : lois sur les professions juridiques et judiciaires (2002),
sur les sociétés (2006), sur les fusions-acquisitions (2006), sur la propriété (2007), lois du travail et
sur les contrats de travail (2008), sur les monopoles et la concurrence (2008-2010), la sécurité
sociale (2012), sur les investissements stratégiques, sur la propriété intellectuelle… Ces lois sont
régulièrement amendées. On ne peut pas dire que la norme juridique soit négligeable. Il y a aussi
des lois sur la propriété intellectuelle, les marques, la contrefaçon, etc (cf. S. Balme, World Bank
Legal Review, décembre 2012).
Depuis 2002, les personnes souhaitant devenir juge, avocat, procureur doivent passer l'examen
national des professions juridiques et judiciaires. Elles ne sont pas forcément formées au droit à
l'origine – il y a beaucoup d'autodidactes – mais, une fois réussi le concours, elles ont droit à une
formation. Le niveau de professionnalisation s'accroît.
De 1979 à 2005, le nombre de règlements administratifs (+14,4% par an) et locaux (+33,1% par an)
n'a cessé d'augmenter. C'est une des raisons pour lesquelles la sécurité juridique est relative. Les
normes existent ; elles sont difficilement appliquées, parfois difficilement applicables. Et il y a un
vrai problème de hiérarchie des normes.
Cette hiérarchie est totalement inversée. La norme juridique nationale devrait être essentielle.
Finalement, la norme locale est la plus importante. Elle crée des conditions spécifiques, sans
qu’aucune institution, aucune cour puisse régler cette hiérarchie des normes. Le système se gère –
mal – de deux manières. D'abord par l'Assemblée nationale populaire, qui vote les lois et les
amendes si elle les juge peu ou non applicables. Ce sont le Parti et les lobbies en son sein qui