1 Sujet proposé 2016 Titre : Facteurs de risque génétiques des cancers différenciés de la thyroïde : analyses de fine-mapping. Présentation du sujet : * Contexte L'incidence des cancers différentiés de la thyroïde est caractérisée par de fortes variations ethniques et géographiques dans le monde. Les taux d’incidence se situent généralement aux alentours de 10 à 20 pour 100 000 personnes-années chez les femmes et de 3 à 5 pour 100 000 chez les hommes. De forts taux d’incidence ont été observées dans les îles du Pacifique, en particulier les taux d’incidence les plus élevés (>70 /100 000) ont été observés chez les femmes mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie. Au cours des trois dernières décennies, l'incidence de ces cancers a augmenté en France et dans le monde probablement, ce qui pourrait être dû en partie à l’évolution des pratiques médicales qui permettent un meilleur dépistage de ce type de tumeur, mais aussi au mode de vie ou à des expositions environnementales particulières. Le seul facteur de risque bien établi du cancer différencié de la thyroïde est l’exposition aux radiations ionisantes durant l’enfance. Plusieurs études épidémiologiques indiquent également que le surpoids pourrait être associé à une incidence accrue de cancers thyroïdiens, ainsi que les facteurs hormonaux et reproductifs chez la femme, la consommation de tabac et d’alcool, la consommation de crucifères, ou l’exposition à différents composés chimiques ayant des effets de perturbation endocrinienne. Le cancer de la thyroïde est l’un des cancers dont la composante héréditaire est la plus importante, mais les facteurs de susceptibilité génétiques de ce cancer sont paradoxalement très mal connus. Entre 2009 et 2013, 4 études pangénomiques sur les cancers thyroïdiens ont été menées et ont identifiés 4 principaux loci de susceptibilité : 9q22.33 (FOXE1), 14q13.3 (entre les gènes PTCSC3 et NKX21 ), 2q35 (près de DIRC3 ) et sur 8p12 (près du gène TG) (Nagy & Ringel, 2015). Les variants identifiés dans les études pangénomiques sont la plupart du temps des variants intergéniques qui n’ont pas de fonction biologique connue mais qui peuvent être marqueurs de variants causaux qui restent à déterminer. La caractérisation de tels variants permettra de mieux comprendre les mécanismes biologiques impliqués dans l’étiologie du cancer différencié de la thyroïde et d’identifier des cibles thérapeutiques. Si des analyses de fine-mapping (Tcheandjieu et al. 2016) et des études fonctionnelles (He et al. 2015 ; Jendrzejewski et al. 2012) ont été récemment entreprises sur les loci 9q22 et 14q13, encore peu d’études se sont intéressées aux loci 2q35 et 8p12. * Objectif L’objectif général de la thèse sera de mieux caractériser les facteurs de risque génétiques des cancers différenciés de la thyroïde dans différentes populations (Européenne, Polynésienne, Mélanésienne et Cubaine). - Des analyses de cartographie fine (ou « fine-mapping ») de 2 régions du génome en particulier qui ont été peu étudiées dans la littérature (2q35 et 8p12) seront menées afin de prioriser les variants qui sont potentiellement causaux. Des outils d’annotations fonctionnelles de ces variants permettront de déterminer les gènes cibles pouvant jouer un rôle dans la cancérogénèse. - Des analyses d’interaction seront entreprises entre les facteurs de susceptibilité génétiques identifiés et les facteurs de risque liés au mode de vie connus ou suspectés dans les cancers thyroïdiens (indice de masse corporel, facteurs hormonaux et reproductifs, consommation d’alcool et de tabac, etc). 2 - Enfin, nous déterminerons également si la fréquence de l’ensemble des polymorphismes nucléotidiques (SNPs) associés aux cancers différenciés de la thyroïde varie entre les différentes populations étudiées. Des risques attribuables relatifs seront calculés pour déterminer dans quelle mesure la différence de prévalence des SNPs entre les populations pourraient expliquer les différences d’incidence de cancers thyroïdiens observées. Méthode Populations étudiées Ce projet de thèse s’appuiera sur les données du réseau EPITHYR. Il est constitué d'un ensemble d’études cas-témoins, réalisées de manière homogène et coordonnée dans des populations contrastées, tant sur le plan génétique que sur le plan de l’environnement et du mode de vie: France métropolitaine (1650 cas, 1650 témoins), Polynésie Française (220 cas, 270 témoins), Nouvelle-Calédonie (230 cas, 270 témoins), Cuba (200 cas, 200 témoins). Ainsi constitué, EPITHYR est actuellement la plus grande étude cas-témoins réalisée sur le cancer différencié de la thyroïde. Données génétiques Les sujets de ces études sont actuellement en cours de génotypage à l’aide de la puce Onco-Array qui a été développée en 2014 et qui intègre environ 570 000 SNPs d’intérêt pour les cancers les plus fréquents (cancer du sein, de la prostate, de l’ovaire, du côlon et du poumon). Environ 11 000 SNPs supplémentaires liés aux cancers de la thyroïde ou au métabolisme des hormones thyroïdiennes ont été sélectionnés par le groupe EPITHYR et intégrés dans la puce pour génotyper les 5000 sujets inclus dans le projet. Méthodes statistiques Des méthodes classiques de régression conditionnelles ainsi que des méthodes bayésiennes plus récentes (Spain & Barrett, 2015) seront utilisées pour prioriser un groupe de SNPs potentiellement causaux dans chaque région chromosomique étudiée. Nous utiliserons également des méthodes spécifiques telles que MANTRA (Morris AP, 2011) pour prendre en compte l’aspect multiethnique de la population dans les analyses. Résultat attendu Du fait de la forte composante héréditaire mise en évidence dans le risque de cancers de la thyroïde et du petit nombre de variants délétères identifiés à ce jour pour ce cancer, l’identification de nouveaux gènes impliqués dans l’étiologie de ce cancer permettra de mieux comprendre les mécanismes biologiques impliqués dans la cancérogenèse thyroïdienne. De plus, l’identification de SNPs spécifiques aux différentes populations aidera à comprendre les fortes variations ethniques observées dans l'incidence de la DTC et d’identifier les populations à risque Références bibliographiques He H, Li W, Liyanarachchi S, et al. Genetic pre- disposition to papillary thyroid carcinoma: involvement of FOXE1, TSHR and a novel lincRNA gene, PTCSC2. J Clin Endocrinol Metab 2015;100:E164–72. Jendrzejewski J, He H, Radomska HS, et al. The polymorphism rs944289 predisposes to papillary thyroid carcinoma through a large intergenic noncoding RNA gene of tumor suppressor type. Proc Natl Acad Sci USA 2012;109:8646–51 Morris, AP. Transethnic meta-analysis of genomewide association studies. Genet. Epidemiol. 2011 35, 809–822 3 Nagy, R. & Ringel, M.D., 2015. Genetic Predisposition for Nonmedullary Thyroid Cancer. Hormones and Cancer, 6, pp.13–20. Spain SL and Barrett JC. Strategies for fine-mapping complex trait. Hum Mol Genet. 2015 Oct 15; 24(R1): R111–R119. Tcheandjieu C, Lesueur F, Sanchez M, Baron-Dubourdieu D, Guizard AV, Mulot C, Laurent-Puig P, Schvartz C, Truong T, Guenel P. Fine-Mapping of two differentiated thyroid carcinoma susceptibility loci at 9q22.33 and 14q13.3 detects novel candidate functional SNPs in Europeans from metropolitan France and Melanesians from New Caledonia. Int J Cancer. 2016 Mar 16. Profil souhaité du candidat Formation en épidémiologie, statistique ou génétique nécessaire (niveau M2 minimum). Des connaissances en bioinformatique et en génomique seraient un plus. Maîtrise des logiciels d’analyse statistique de données : R, SAS ou STATA Bonne maîtrise de l’anglais (lecture d’articles scientifiques et rédaction d’articles en anglais) Cadre de la thèse Ecole Doctorale : EDSP Etablissement de préparation de la thèse : Université Paris Sud Spécialité : santé publique - épidémiologie Unité de recherche : Institut Curie – Inserm U900 CESP - Inserm U1018 – Equipe Epidémiologie des cancers : gènes et environnement Directeur de thèse : Fabienne Lesueur Coencadrement : Thérèse Truong La thèse sera co-encadrée par Fabienne Lesueur (U900) et Thérèse Truong (U1018). Le lieu de travail sera principalement dans les locaux du CESP à l’hôpital Paul Brousse, Villejuif. Des réunions régulières seront organisées à l’institut Curie ou au CESP avec Fabienne Lesueur. Candidature par mail à : [email protected] [email protected]