La guerre c`est la paix », « La liberté c`est l`esclavage »

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COP 10 – ECO 5
Le 14 décembre 2004
-----------------------------------------------On demande un leadership européen
Voici une semaine, alors que les délégations arrivaient à Buenos-Aires, tout le
monde s’attendait à des négociations pleines d’une énergie décuplée par l’entrée en
vigueur imminente du Protocole de Kyoto. Il paraissait alors clair que l’Union
européenne allait utiliser son capital de réussite pour prendre le leadership des
négociations et des discussions informelles sur le démarrage du processus crucial de
l’architecture post-2012. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Au contraire, la
communication de l’UE a été jusqu’à présent dominée par la présidence
néerlandaise et par quelques autres pays insistant sur l’importance de réengager les
Etats-Unis dans les futures négociations, sur la base de la Convention et non du
Protocole. Quant à la plupart des autres Etats membres, ils sont restés bizarrement
silencieux. C’est pourtant bien le Protocole, et non la Convention, qui comprend les
principes de base pour s’atteler à la lutte contre le changement climatique : plafonds
d’émission contraignants et système d’observance pour les pays industrialisés. Que
l’on se comprenne bien : ramener les Etats-Unis dans le processus est un objectif
fortement approuvé par ECO – mais pas si cela doit bloquer le processus lui-même.
De manière tragique, même l’offre officieuse des Néerlandais a été ridiculisée une
fois encore par les déclarations et les actions de la délégation Bush ici à COP-10.
Il est clair que la nature globale de la menace sur le climat demande que les Etatsunis, le plus gros émetteur, reviennent dans le circuit et fassent leur devoir ! Il faut
faire pression sur ce pays sur ce pays et maintenir le dialogue en insistant sur le fait
que le changement climatique est un sujet crucial dans les affaires du monde.
Cependant, croire que quiconque puisse amener le gouvernement états-unien actuel
à rentrer dans quelque négociation que ce soit serait une erreur tragique. Tenter de
les inclure aujourd’hui sur la base de la Convention (et d’un Kyoto light ?) reviendrait
à considérer qu’ils ont eu raison de rejeter Kyoto et à remettre à George W. Bush le
contrôle du processus multilatéral.
Ce que doit faire l’UE maintenant, c’est être une force motrice poussant le Club de
Kyoto, déjà fort de 130 pays, vers l’objectif de limitation de la hausse de la
température en dessous des 2ºC par rapport à l’époque préindustrielle. Cela doit se
faire sur les bases d’un élargissement du cadre de Kyoto et en fixant des limitations
absolues et contraignantes d’émissions après 2012 pour les pays industrialisés, avec
des dispositions de surveillance et de mise en application.
L’élan apporté par l’entrée en vigueur du Protocole ne peut être conservé que si la
locomotive UE continue à tirer le train Kyoto et démontre sa crédibilité à ses
partenaires Annexe I et non Annexe I, en restant fidèle au Protocole. L’UE ne doit
pas gaspiller son capital Kyoto durement gagné, mais elle doit l’utiliser
intelligemment. Reculer sur le fait que le Protocole doive servir de base aux
négociations futures enverrait un très mauvais signal à tous.
-----------------------------------------------Pourquoi remettre à demain ce qu’on pourrait faire aujourd’hui ?
Le side-event co-organisé lundi par le ministère japonais de l’Economie, du
Commerce et de l’Industrie (le fameux MITI) a mis en scène son rapport intitulé
Sustainable Future Framework on Climate Change. Soulignons que ce rapport ne
représente que l’avis du comité consultatif auprès du ministre, et n’est pas le point de
vue du Japon sur le régime climatique futur.
Le contenu en est on ne peut plus catastrophique, puisqu’il défend un cadre
extrêmement lâche qui fixerait la 2nde période d’engagement à très long terme (20132040, ou 2030-2040)et abandonnerait des éléments fondamentaux du Protocole
comme les objectifs d’émissions absolus légalement contraignants et le régime
d’observance.
En réponse aux questions posées dans la salle, les fonctionnaires du MITI ont
précisé que pour que des politiques et mesures nationales existent, il faudrait que les
objectifs de court terme (type Kyoto) continuent. Or, c’est là où le bas blesse : rien
dans ce rapport ne conduit à une telle solution …
De plus, ils affirmèrent sans honte que s’ils proposent des engagements de long
terme, c’est parce qu’ils pensent que les énergies renouvelables et l’efficacité
énergétique ne peuvent réduire les émissions significativement. Ils ont donc laissé
entendre que selon eux, nous dépendons du nucléaire, et devrons attendre la
capture et le stockage du carbone, vers 2030-2040, pour rattraper les opportunités
perdues d’ici-là.
A ce stade, Eco ne peut que leur rétorquer que nous ne voulons pas vivre dans un
monde subissant un changement climatique dangereux, des menaces nucléaires et
des milliards de tonnes de CO2 qui n’attendent qu’une chose, s’échapper !
-----------------------------------------------2°C maximum ?
Dans quelle mesure les écosystèmes sont-ils capables de supporter le
réchauffement global ? Un nouveau rapport1 présenté aujourd’hui à la Rural montre
que l’environnement doit déjà s’adapter pour contrer les effets des phénomènes
météorologiques extrêmes. Mais ce document apporte de nouveaux éléments : il
analyse l’impact des phénomènes météorologiques extrêmes sur les écosystèmes. Il
constate que la combinaison d’une hausse de la température moyenne planétaire
avec une plus grande variabilité des évènements clmatiques extrêmes met le
couteau sous la gorge à bien des espèces et des écosystèmes !
Pour éviter des impacts encore plus néfastes, l’UE s’est déjà positionnée pour limiter
la hausse de la température moyenne sous la barre des 2ºC. Mais aujourd’hui, les
auteurs du rapport affirment qu’il faudrati rabaisser cette limite à 1.5ºC, confirmant
qu’il est nécessaire dès aujourd’hui de réduire massivement les émissions de gaz à
effet de serre !
Fossile du jour
1
EXTREME WEATHER - Does Nature Keep Up?, www.panda.org
1ère place pour les Pays-Bas, à la présidence de l’UE, pour avoir semé la confusion
concernant la position de l’UE sur les séminaires du Post-2012 et avoir cherché à
engager les Etats-Unis dans la négociation ici et maintenant alors que leurs propos
sont plus que transparents: il n’est pas question de discuter de futures actions sur le
climat, car trop prématuré. L’UE devrait plutôt se diriger vers de plus strictes
réductions d'émissions, en tant que véritable leadership au lieu de faire des
courbettes à l'Administration Bush.
2ème place pour les Etats-Unis pour leur «projet de texte relatif à la décision des
séminaires » qu’ils trouveraient acceptables. Cette propositon est la plus vide encore
jamais proposée par un gouvernement sur les futures étapes d'un traité multilatéral
majeur ! L’Administration Bush propose ainsi un side-event d’une seule journée
permettant un échange informel d’idées sur les politiques nationales déjà existantes
tout en refusant toute discussion constructive au processus engagé.
3ème place pour les Etats-Unis. Dans 1984 de George Orwell, où la société est
dominée par des slogans tels que « La guerre c’est la paix », « La liberté c’est
l’esclavage » ou « L'ignorance c'est la force », la langue officielle est la Novlangue.
La délégation américaine semble avoir fait de 1984 son livre de chevet, sans en avoir
compris le sens. Selon le bulletin ENB d’hier, lors du groupe sur le transfert de
technologie, les Etats-Unis ont déclaré que « certaines des Parties prenaient le
processus en otage ». Comme c’est à peut près ce que tous les gens pensent du
comportement de l’Administration Bush, ne devons-nous pas en conclure que la
Novlangue est devenue la langue officielle de ce gouvernement?
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Mafalda
Pas effrayée par les nouvelles technologies, Mafalda s’est connectée en wifi sur
Internet pour télécharger une tribune parue dans le journal français Le Monde, le 11
décembre dernier. Le président des ciments Lafarge, Bertrand Collomb, et celui de la
direction générale d’Arcelor, Guy Dollé, y allaient de leur analyse du Protocole de
Kyoto et de la directive européenne sur les permis négociables. Lisant la première
phrase de l’article, Mafalda crut qu’à trop s’avancer vers le « hi-tech », elle était
tombée dans une faille spacio-temporelle, puisque nos illustres dirigeants nous
annonçaient tout bonnement que nous étions « douze ans après le sommet de
Kyoto ». Mafalda se souvient pourtant qu’elle était déjà née à l’époque de COP 3 !
En tout cas, les arguments avancés par nos duettistes pour critiquer la pourtant
modeste politique climatique européenne la laissent bien interloquée. Ils reprochent
à l’Europe de ne pas s’attaquer aux émissions des transports et des bâtiments ?
Alors pourquoi, à quelques exceptions près, les industriels s’opposent-ils à la mise
en place de réglementation des consommations énergétiques des voitures, camions,
appareils électriques et chaudières dans l’Union européenne ? Pourquoi ne
s’expriment-ils pas pour que deviennent obligatoires les Plans de déplacement
d’entreprise, à l’image de celui – bien isolé – mis en place par ST-Microelectronics à
Grenoble ?
L’autre argument qu’ils mettent en avant pour critiquer les initiatives européennes
(« il faut responsabiliser les USA ») n’est qu’un prétexte pour éviter toute politique de
réduction des émissions de gaz à effet de serre. De telles multinationales sont
suffisamment bien renseignées pour savoir qu’il seraient parfaitement naïf de penser
que l’administration Bush négocie quoi que ce soit qui permette de lutter contre le
changement climatique. Si MM. Collomb et Dollé ne sont pas au courant, Mafalda
veut bien leur donner l’adresse de sa correspondante aux Etats-Unis, qui, bien
qu’âgée de douze ans parce que née à l’époque du sommet de Rio (qu’elle ne
confond pas avec celui de Kyoto, elle), le sait bien.
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