PARIS : ARCHITECTURE DES MUSÉES ET VILLE-MUSÉE
Je viens de Paris, France. Du centre de Paris. J'y vis et j'y enseigne l'histoire de l'architecture à
l'école du Louvre, au Centre des Hautes Études de Chaillot et dans une école nationale supérieure
d'architecture dont je suis le Président du Conseil d'administration : l'école de Paris-Belleville. Je
m'intéresse plus particulièrement aux bâtiments et aux morceaux de ville construits depuis le XIXe siècle,
qu'ils soient érigés à l'aide de techniques traditionnelles, ou bien industrielles comme c'est le cas
systématiquement depuis la fin des années 1940. Si l'on excepte quelques quartiers peu nombreux où l'on
a construit dans les années 1960 et au début des années 1970 (des barres et des tours sur dalle), les
dizaines de milliers d'immeubles anciens ou récents de Paris forment au long des rues, en bordure des
places et des jardins publics, des ensembles homogènes qui donnent l'image d'une ville d'exception,
comparable à nulle autre. Grâce à cette image de carte postale, la destination "Paris" se vend dans le
monde entier comme la ville où il fait bon vivre, où il fait bon manger, dont on doit visiter les monuments
qu'il faut découvrir tout en faisant du shopping dans les magasins de luxe. Au centre de l'échange
touristique se trouve la rivière, la Seine avec à proximité immédiate la Tour Eiffel, l'ancienne gare
d'Orsay, le palais du Louvre, la cathédrale de Paris, les quartiers historiques de l'Île Saint-Louis et du
Marais, et à proximité au nord, le Centre Pompidou, le quartier des Halles, le faubourg Saint-Honoré, les
Champs-Élysées et au sud, le faubourg Saint-Germain et le quartier de l'université. A l'échelle de la
France et même de l'Europe, c'est un concentré d'histoire, de civilisation, de cultures, qui se révèle être
aussi un dispositif territorial performant sur le plan économique. Depuis la fin des années 1970 et mieux
encore avec les travaux dans l'ancien Palais du Louvre dont une première phase de rénovation a été
ouverte au public en 1989, un programme architectural est passé au premier plan, et ne cesse d'être
travaillé et retravaillé : celui du musée. Fort de ce succès, cinq bâtiments importants de ce type seront
inaugurés à Paris à la fin de 2005 et pendant l'année 2006 au coeur d'ensembles urbains déjà existants
étirés sur une longueur d'environ trois kilomètres, eux-mêmes situés de part et d'autre de la rivière. Devant
la multiplication de ces équipements une question se pose : à ce rythme, n'y aura-t'il pas trop de musées
dans la capitale d'ici quelque temps? De la multiplication des musées au centre de la ville, n'y a t'il pas
danger de s'acheminer vers l'organisation systématique de la ville-musée, devenu centre patrimonial, reflet
d'une certaine richesse nationale que les habitants peuvent partagés avec fierté certes, mais aussi zôning
touristique et commercial dont les effets sont peu maîtrisables à l'échelle de l'agglomération?
Coup d'envoi et premier coup de maître dans le renouveau du programme architectural du musée
à Paris, la dynamique urbaine introduite par l'inauguration en 1977 du musée national d'art moderne
intégré au Centre Pompidou ne peut être ignorée (auparavant, depuis 1946, date de l'inauguration du
même musée sur le site de l'actuel Palais de Tokyo, rien de remarquable ou si peu; en France pour cette
période, malgré tout, deux constructions d'exception doivent être isolées : le musée- maison de la Culture