commu-visuelle

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Communication visuelle
M. (Adolphe Jean Marie Mouron) Cassandre
Nord Express
1927
SERVAIS Florence
Année préparatoire au Master en Arts du Spectacle
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Communication visuelle
Description :
L’image est divisée en deux selon un axe oblique. La moitié inférieure est occupée
presqu’intégralement par un gros plan d’une partie d’un train dont les roues immenses le
dirigent vers le coin inférieur droit du cadre. Les couleurs sombres du train sont baignées de
reflets et d’ombres.
La moitié supérieure de l’image constitue le fond duquel se détache la forme
constituée par le train. Ce fond est un dégradé de bleus, s’éclaircissant vers le point de fuite.
Un faisceau de fils télégraphiques se dirige vers le point de fuite, dans le coin inférieur droit
du cadre. Le fond duquel se détache ce motif voit le dégradé de bleu inversé par rapport au
fond dominant.
L’annonceur, Nord Express, est indiqué en lettres capitales, centrées, blanches.
Certains motifs (la fumée qui s’échappe du train et les fils télégraphiques) blancs eux aussi,
viennent colorer les lettres de rouge.
Un motif constitué de deux lignes courbes se croisant en leur milieu borde le bas du
cadre. Habitées de noms de villes d’Europe, elles figurent le trajet effectué par le train.
1. Analyse formelle
1. Eléments formels
Lignes
Type
Lignes rectilignes droites et courbes, qui délimitent des formes géométriques
(rectangles, cylindres, roues), qui constituent un train. Les fils télégraphiques,
regroupés en faisceau, acquièrent la forme d’un éventail. Une ligne relativement
courbe, maladroite, peu définie, s’échappe de la tête du train.
Direction
Toutes les lignes obliques convergent vers le même point de fuite, au coin
inférieur droit de l’image. La perspective conduit les formes « déformées »vers ce
même point de fuite. La ligne constituant un rai de fumée emprunte la direction
opposée au point de fuite, mais emprunte le même axe.
Caractéristiques
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Ces lignes sont blanches, se détachant ainsi du fond, ou noires lorsqu’elles
délimitent des formes de la même couleur. L’épaisseur du trait respecte la
perspective : il est plus épais à l’avant du cadre que dans sa profondeur.
Le rai de fumée est, quant à lui, épais, flou, peu délimité.
Formes
Le train est composé de formes géométriques (cercles, rectangles, etc.) soumis
à une perspective vertigineuse. Les ombres, dans un dégradé de gris, tentent de rendre
l’illusion du volume.
Les fils télégraphiques dessinent de longs et fins triangles. La couleur leur
donne une certaine profondeur. Ils semblent s’échapper vers le fond du cadre.
Couleurs
Tonalité : nuances de gris – nuances de bleu – rouge- blanc
Valeur : Les dégradés de couleur habillent le fond et les formes de zones plus
lumineuses.
Saturation : le rouge est la seule couleur vive de la composition visuelle. Elle attire le
regard sur le nom de l’annonceur.
Inversion des couleurs de fond : le dégradé de bleus qui constitue le fond de l’affiche
se trouve inversé dans la perspective constituée par les poteaux télégraphiques à droite.
Valeurs
La forme, relativement sombre, contraste avec le fond.
Le texte, blanc – découpé de rouge par la forme, se trouve sur la portion du fond la
plus foncée. Ce contraste permet une bonne lisibilité.
Texture
Tous les éléments de la composition graphique (fond et forme) ont la même texture,
granuleuse. La couleur n’est pas répartie par aplats, chaque couleur est dégradée.
(aérographe ?)
Format
Affiche, verticale, vise à être vue et comprise de loin.
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2. Principes du design graphique
Equilibre
La composition est asymétrique mais équilibrée. En effet, les
motifs composés par le train et la perspective des fils
télégraphiques constituent les deux éléments principaux de
l’affiche et s’équilibrent de part et d’autre de l’axe composé par
le coin supérieur gauche de l’image et le point de fuite.
Accentuation et hiérarchisation des informations
Les seules informations contenues sur l’affiche sont l’annonceur et les villes
desservies par le train. Le regard du spectateur est naturellement attiré vers le point de
fuite, vers lequel convergent toutes les lignes. La couleur rouge qui borde et accentue
l’indication de l’annonceur permet de capter le regard, après que celui-ci ait voyagé au
moyen de l’image. L’œil en effet est attiré vers le fond de l’image, vers l’endroit où
l’emmène le train. Ce n’est qu’après avoir été emporté vers un « ailleurs » que le
spectateur s’informe quant à cette destination. Après avoir pris connaissance de
l’organisme qui lui permet un voyage vertigineux et rapide, il s’arrête sur le trajet
effectué par le train à travers l’Europe du Nord.
Rythme
L’image a une forte dimension dynamique. La perspective vertigineuse qui déforme
les éléments et les dégradés de couleur qui donnent une impression de profondeur
créent une impression de mouvement et de vitesse fulgurante dans l’image. Le train et
le faisceau de fils télégraphiques semblent aspirés par le point de fuite.
Cohérence et harmonie
L’image est composée de deux parties distinctes, occupant la même portion de
l’espace, de façon à créer un équilibre, une cohérence.
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3. Rapport fond-forme
Le train se dessine sur un fond uni bleu, rappelant le ciel. Les figures géométriques
constituant la forme se détachent du fond.
2. Analyse de la démarche communicationnelle
Son esthétique est proche du futurisme et du cubisme. Il s’inspire du constructivisme
russe et de Malevitch (dans la construction du volume). C’est la machine et sa vitesse qu’il
magnifie sur cette affiche. Il se rapproche, dans sa démarche, du « Cercle des nouveaux
graphistes publicitaires». Il prône en effet dans son travail le fonctionnalisme, le machinisme,
le mouvement et le rythme. Il a de la sympathie pour l’URSS (où il est né) puisqu’il est
influencé par les travaux de Malevitch, mais travaille pour le « Grand Capital » occidental.
Pour réaliser cette affiche, Cassandre respecte les principes édictés par Edward Tufte
quant à la communication visuelle. L’image est claire, précise, détaillée. (Le gros plan du
train demande à l’esprit de le reconstituer dans son entièreté, et laisse dès lors imaginer un
train immense et imposant). Aucune information superflue ne parasite la compréhension du
message. L’information principale (le nom de l’annonceur) se distingue du fond de l’affiche
par la typographie (il crée l’alphabet Bifur)
Cette publicité joue sur le lien entre le spectateur et le produit, en l’associant à
l’expérience heureuse qu’est le progrès. Elle n’a pas comme ambition la reconnaissance, la
distinction ni la mémorisation (ces aspects seront développées plus tard par Cassandre lors de
la campagne Dubonnet)
Cette campagne s’adresse à l’individu, par le biais de la « communauté du progrès ».
L’individu peut, en effet, monter dans le « train de la modernité », et ainsi appartenir à la
collectivité.
« L’affiche exige du peintre un complet renoncement. Il ne peut s’exprimer en elle ; le
pourrait-il, il n’en aurait pas le droit. La peinture est un but en soi. L’affiche n’est qu’un
moyen de communication entre le commerçant et le public, quelque chose comme le
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télégraphe. L’affichiste joue le rôle du télégraphiste : il n’émet pas de message, il les
transmet. On ne lui demande pas son avis, on lui demande d’établir une communication
claire, puissante, précise…Une affiche doit porter en elle la solution de rois problèmes :
optique, graphique, poétique.1 »
Cassandre poursuit son activité artistique en dehors de ce métier « alimentaire » d’affichiste.
Il a d’ailleurs choisi ce pseudonyme pour pouvoir continuer ses activités plus personnelles
sous son véritable nom. Il peint, co-fonde une agence de publicité (L’Alliance Graphique),
réalise des décors de théâtre et de ballets (son œuvre plus personnelle est plus confidentielle
que ses réalisations publicitaires).
Bibliographie :
DUSONG Jean-Luc et SIEGWART Fabienne, Typographie. Du plomb au numérique,
Dessain et Tolra, Turin, 1998
ELAM Kimberly, Géométrie du design, Eyrolles, Hong-Kong, 2005
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CASSANDRE, in Notes, 1935
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