PARLEMENT EUROPÉEN Direction-Générale des Études NOTE À L’ATTENTION DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COOPÉRATION LA SITUATION EN CÔTE D’IVOIRE WIP 2002/10/0052 7-11-2002 PE 325.139 CONTENU Page I. La Côte d’Ivoire en chiffres 1 II. Aperçu historique 5 III. Causes et origines du conflit 7 IV. La Côte d’Ivoire dans son contexte régional 14 V. Relations Côte d’Ivoire – Union Européenne 16 VI. Relations financières avec l’Union Européenne 17 VII. Conclusions 18 I - La Côte d’Ivoire en Chiffres 1) Données Géographiques Superficie du pays : environ 322 465 km², dont 318 000 km² de terre et 4 460 km² d'eau. Situation Géographique : La Côte d'Ivoire est située en Afrique de l'Ouest et possède 3110 km de frontière terrestre avec ses voisins. Au Nord de celle-ci, on trouve le Mali et le Burkina Faso , qui partagent respectivement 532 km et 584 km de frontière avec la Côte d'Ivoire. A l'Ouest, la Guinée et le Liberia . A l'Est, le Ghana borde la frontière de la Côte d'Ivoire sur 668 km. Finalement, on trouve l'Océan Atlantique au Sud. La Côte d'Ivoire est un rectangle d'environ 500 km de côté d'Ouest en Est et de 700 km du Nord au Sud. Relief : La Côte d'Ivoire a un relief en général plat excepté dans les régions Ouest qui sont légèrement montagneuses. On trouve la savane arborescente au nord du pays, de luxuriante forêts tropicales au sud. A l'Ouest, on découvre une région forestière montagneuse. Le point culminant de la Côte d'Ivoire est le Mont Nimba (1751 m). Le littoral qui s'étend sur 515 km, représente quant à lui 174 km de réseau lagunaire essentiellement à l'Est. Les fleuves principaux de Côte d'Ivoire sont : La Comoé, Le Bandama et le Sassandra. La forêt ivoirienne est passée d'une surface d'environ 11 millions d'hectares en 1956 à 2.5 millions d'hectares en 2002. 2) Population Population Totale : 15.98 millions d’habitants (données 2001) Population Etrangère : Les Ivoiriens de souche représentent approximativement 65% de la population Cinq millions d’étrangers sont présents en Côte d’Ivoire dont 2,5 millions environ venant du Burkina Faso, 800 000 du Mali, 230 000 de Guinée et sur les populations non Africaines l’on trouve 30 000 Français et entre 100 000 et 300 000 Libanais. Capitale politique : Yamoussoukro (environ 100 000 hab.) Capitale économique et culturelle : Abidjan (2 500 000 hab.) 1 PE 325.139 Villes principales : Abidjan (2 500 000 hab.), Bouaké (450 000 hab.), Daloa (102 300 hab.), Yamoussoukro (environ 100 000 hab.), Gagnoa (91 000 hab.), 800 hab.), Man (59 500 hab.), Abengourou (50 600 hab.), San Pedro Korhogo (87 (48 000 hab.) Statistiques démographiques Taux de croissance de la population : +2.58 % (estimation 2000) Taux de natalité : 40.78 o/oo (estimation 2000) Taux de mortalité : 16.57 o/oo (estimation 2000) Ratio hommes/femmes : 1.03 (estimation 2000) Taux d'alphabétisme : 48.5 % (hommes : 57 %, femmes : 40 %) Taux de mortalité infantile : 95.06 o/oo (estimation 2000) Les Ethnies en Côte d'Ivoire (environ 60) : Au nord : Sénoufo (15 %), Malinkes (11%), Dioulas Au centre : Baoulés (23%), Gouros, Mangoros A l'Est : Abron, Agni, Lobis A l'Ouest : Bétés (18%), Yacoubas, Dans, Guérés, Wobés, Krous, Didas Au Sud : Ebriés, Adiokrous, Apolloniens, Abbeys Langue officielle : Français Autres langues : Dioula (la plus couramment parlée), Sénoufo (au Nord), Yacouba (à l'Ouest), Baoulé (Centre et Sud Est) Religions : Les animistes représentent 65 % de la population, les musulmans 23 %, les chrétiens 12 % Les religions traditionnelles africaines que l’on classe d’une manière générale comme animistes sont restés majoritaires L’Islam représente une force non négligeable avec environ 23 % de fidèles présents majoritairement dans le nord du pays (particulièrement bien organisé en Côte d’Ivoire, la religion islamique dispose de toute une hiérarchie, chapeauté par le Conseil supérieur Islamique) Le Christianisme malgré un regain d’intérêt actuel n’arrive qu’en troisième position 3) Agriculture - Industrie - Tourisme La Côte d'Ivoire a une population de 15,98 millions et un PIB par habitants d'environ 630 euros. La Côte d'Ivoire se situe parmi les plus importants producteurs et exportateurs de café, de fèves de cacao et d'huile de palme. Malgré des tentatives de diversification de l'économie, celle-ci est toujours largement dépendante des produits agricoles et des matières premières. 68% de la population travaille dans ces secteurs. 2 PE 325.139 Entre 1985 et 1991, la croissance économique fut lente. L'économie ivoirienne a été forte à partir de 1994, suite à la dévaluation du franc CFA, et grâce au bon niveau des prix mondiaux pour le cacao et le café. Durant ces années, les exportations d'ananas ont augmenté, des gisements de gaz et de pétrole ont été découverts au large des côtes ivoiriennes et le système bancaire a été partiellement libéralisé. La dette internationale de la Côte d'Ivoire a été rééchelonnée, notamment grâce à l'action de la France. Entre 1996 et 1998, la Côte d'Ivoire a connu un taux de croissance économique annuel de 6%. Cette croissance s'est arrêtée brusquement en 1999 en raison de l'instabilité politique, ainsi que d'une baisse des prix des exportations. L'économie a reculé de - 2,5% en 2000 et de - 1% en 2001. L'activité principale du pays est donc l'agriculture : Cacao (1er producteur mondial) Café Coton Poissons, crustacés : la pêche représente environ 100 000 tonnes par an L'industrie est axée autour de l'exploitation des ressources naturelles suivantes : pétrole, diamants, manganese, cobalt, bauxite, cuivre et l’on trouve également de l'industrie chimique (cimenterie, raffinage du pétrole, savonnerie) et de l'agro-alimentaire (brasseries, poudre de café). Les principaux partenaires commerciaux sont : la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Burkina Faso. Le tourisme représente une part non négligeable de l'économie du pays. Chaque année quelque centaines de milliers de touristes foulent le sol de la Côte d'Ivoire. Monnaie : Franc CFA La monnaie de la Côte d'Ivoire (et de toute la sous-région) est le franc CFA (100 Franc CFA = 1 FF. 1 Euro = 655,957 Franc CFA). Le franc CFA a subi une dévaluation qui a divisé sa valeur par 2 en 1994. Drapeau : orange, blanc, vert Hymne national : l'Abidjanaise Devise nationale : Union, Discipline, Travail Régime : parlementaire 4) Gouvernement - Politique Chef de l'état : Président de la république élu par suffrage universel pour 5 ans Président actuel : Laurent Gbagbo Premier ministre actuel : Pascal Affi N’Guessan Prochaine élections prévues en 2005 3 PE 325.139 Indépendance : obtenue le 7 Août 1960 (date fériée) Découpage administratif: 16 régions, 58 départements, 229 sous-préfectures, 9000 villages Principaux partis politiques : Le FPI (Front Populaire Ivoirien), dont le chef est Laurent Gbagbo Le PDCI (Parti Démocratique de la Côte d’Ivoire) crée par Félix HouphouëtBoigny et au pouvoir de 1960 jusqu’au coup d’état du Général Gueï en 1999. Le RDR (Rassemblement des Républicains) dirigé par Alassane Dramane Ouattara et dont la base électorale se trouve principalement dans le Nord de la Côte d’Ivoire Résultats des dernières élections Les élections présidentielles du 22 octobre 2000 auxquelles 14 des 19 candidats n’ont pas pu participer pour des motifs juridico-politiques; Laurent Gbagbo (FPI) : Général Robert Gueï : Autres petits candidats du PIT + Indépendants : 59,36 % des voix 32,72 % des voix 7% des voix Les élections législatives de décembre 2000 boycottées par le RDR avaient donné le résultat suivant ; FPI : PDCI : Indépendants (alignés sur le FPI) : Parti des Travailleurs Ivoiriens (alignés sur le FPI) : Parti Indépendant : RDR : (mais réfuté par le RDR pour cause de boycott) 96 sièges, 94 sièges 14 sièges 4 sièges 8 sièges 5 sièges Les élections municipales du 25 mars 2001 et auxquels tous les partis politiques ont participés, ont donnés les résultats suivants : RDR : PDCI : Les Indépendants : FPI : PIT : Total Communes 64 communes 59 communes 38 communes 33 communes 1 commune 195 communes Cela montre bien la force politique du parti de l’ancien premier ministre Alassane Ouattara qui est sorti vainqueur de ces élections mais a aussi souligné le caractère régional de l’assise électorale du RDR (majorité des communes situées au Nord du pays). 4 PE 325.139 II- Aperçu historique Colonie française de 1893 au 7 août 1960 La Côte d'Ivoire a été une colonie française de 1893 au 7 août 1960, date à laquelle elle a acquis son indépendance. Elle avait reçu son autonomie interne en 1956 et était devenue république autonome par référendum en 1958 dans le cadre de la Communauté française. Première république (1960-1999) : le père de la nation, Houphouët-Boigny. Félix HOUPHOUET-BOIGNY a été chef de l'état pendant les 33 ans qui ont suivis l'indépendance. À sa mort le 7 décembre 1993, Henri Konan BÉDIÉ, alors président de l'Assemblée nationale, est chargé de terminer son mandat. Le 22 octobre 1995, Monsieur Bédié est élu président. Ce scrutin a été précédé par des manifestations de rue, les plus graves de l'histoire du pays. Le RDR et le FPI alliés dans le "front républicain" avaient en effet appelé au boycott actif de l'élection. Seul Francis Wodié s'était présenté contre Bédié. Le 24 décembre 1999 : une mutinerie de soldats se transforme en coup d'État, le premier de l'histoire du pays. Le général Gueï annonce la destitution du président Bédié et la mise en place d'un Comité national de salut public. Le président déchu est évacué en France via le Togo par l'armée française (présente en Côte d'Ivoire à travers le 43ème BIMA). Le 23 et 24 juillet 2000 : par référendum les ivoiriens se prononcent sur les projets de constitution et de code électoral. Le "oui" remporte 87% des suffrages (avec une participation de 56%). M. Ouattara1 avait appelé à voter "oui", tout en critiquant les conditions d'éligibilité à la présidence incluses dans la Constitution. Le 9 août 2000 : le général Gueï est candidat à l'investiture de l'ancien parti au pouvoir, le PDCI pour la présidentielle. Le PDCI refuse et le général se déclare une semaine plus tard "candidat du peuple". Le 6 octobre 2000 : la cour suprême de Côte d'Ivoire ne retient que 5 candidats sur les 19 déclarés pour participer aux éléctions présidentielles du 26 octobre 2000, éliminant notamment 2 des 3 grands partis ivoiriens (le RDR de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara et le PDCI qui présentait 6 candidats). Les États-Unis et l'Union Européenne suspendent leur aide pour l'organisation des élections. Le 23 octobre 2000 : la Commission nationale électorale (CNE) entreprend un laborieux décompte des votes et rapidement M. Gbagbo annonce sa victoire. Le Général Gueï interrompt le décompte des voix et se proclame président : Ce "hold up électoral" est aussitôt dénoncé par la communauté internationale et par les partisans de M. Gbagbo qui descendent dans la rue. Alassane Ouatara, président du parti le “Rassemblement Des Républicains” (RDR), ex-premier ministre sous M. Houphouët-Boigny, est l’un des poids lourd de la politique Ivoirienne. Musulman et originaire du Nord de la Côte d’Ivoire, il est “l’icone politique” des populations musulmanes du Nord de la Côte d’Ivoire et est le centre d’une controverse relativement à sa nationalité (Côte d’Ivoire ou Burkina Faso). 1 5 PE 325.139 La deuxième république: Laurent Gbagbo Jeudi 26 octobre 2000 : la CNE publie les résultats définitifs du scrutin présidentiel, Laurent Gbagbo a obtenu 59% des voix, et Gueï 32%. Le nouveau président est aussitôt investi. Le RDR d'Alassane Ouattara demande l'organisation de nouvelles élections et lance ses partisans dans les rues. De violents affrontements ethnico-religieux se produisent avec les militants du FPI et les forces de l'ordre, des lieux de culte sont détruits. Il y aura officiellement 171 morts. Le calme revient après une rencontre entre Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara (ADO). Le pays devient plus calme dans les premiers mois de 2001. Cependant, des tensions ethniques et religieuses persistent, dues aux relations tendues entre le régime de Gbagbo et le RDR, le parti de Ouattara. Le Président Gbagbo tente de jeter les bases d’une vie politique pacifiée, en formant notamment un gouvernement d'unité nationale avec les 3 principaux partis politiques (FPI, PDCI, PIT). Cela ne règle cependant pas totalement le problème des populations musulmanes du nord du pays qui ne sont pas bien représentées au sein de l'assemblée nationale. Elles ne représentent que 15 % des députés bien que formant 40% de la population, et il n'y a que 3 ministres du nord sur un total de 28 ministres. C’est dans ce contexte que le 19 septembre 2002 plusieurs centaines de militaires particulièrement déterminés et lourdement armés entre en rébellion contre les autorités du pays. En une nuit, plus de 17 objectifs sont attaqués, le ministre de l’intérieur Ivoirien Emile Boga Doudou est exécuté par les assaillants dés les premières heures du conflit et le Général Gueï retrouvé mort dans une rue d’Abidjan2, plus de 40 % du territoire nationale tombent sous le contrôle de l’armée rebelle. Depuis la Côte d’Ivoire se retrouve divisée de fait dans une partition caricaturale entre un Nord pauvre, rural et musulman et un Sud riche, urbain et chrétien. L’exécution du Général Gueï par les forces loyalistes est formellement dénié par le gouvernement, et effectivement rien n’est encore prouvé malgré de forts soupçons. 2 6 PE 325.139 III- Causes et Origines du Conflit 1) Introduction Le coup d’état militaire du Général Gueï en décembre 1999 a été suivi par deux années d’instabilités politiques en Côte d’Ivoire accompagné par un fort ralentissement économique avec des taux de croissance négatifs en 2000 et 2001. L’arrivée au pouvoir le 22 octobre 2000 du socialiste et opposant historique de HouphouëtBoigny, Laurent Gbagbo, avait pourtant ouvert des perspectives très positives en marquant le retour à l’alternance démocratique et à la légalité. Cela s’était ensuite apparemment confirmé par de réels efforts de dialogue et de réconciliation national symbolisé notamment par le rétablissement de la nationalité ivoirienne3 du chef du parti d’opposition (le RDR) Alassane Ouattara en juin 2002 et la formation d’un gouvernement d’Union Nationale en août 2002. Cette évolution positive vient de se voir brutalement effacé par une mutinerie et un coup d’état manqué, le 19 Septembre 2002, qui ont plongée la Côte d’Ivoire dans une guerre fratricide menacent non seulement l’unité territoriale et politique du pays mais pouvant aussi à terme déstabiliser et avoir des répercussions très graves sur l’ensemble de la Région de l’Ouest Africain. Les motifs, l’origine et la force financière et militaire des rebelles qui mènent l’offensive paraissent relativement mystérieux et si nul n’ignore que ceux-ci veulent renverser le gouvernement du président Gbagno, personne ne sait encore avec certitude qui est véritablement derrière cette armée rebelle. Ce qui ne fait aucun doute, c’est que pour la première fois de son histoire, la Côte d’Ivoire se retrouve divisée de fait selon des critères ethniques et religieux : les mutins contrôlent le Nord Musulman – majoritairement dioula, sénoufro et malinké- tandis que le régime de Laurent Gbagbo contrôle le Sud – majoritairement bété et baoulé. Quelque soit l’origine des mutins, ce basculement dans la guerre est directement lié aux graves tensions politiques, militaires et ethniques que vit la Côte d’Ivoire depuis quelques années: on peut donc en tirer certains éléments explicatifs pour tenter d’expliquer la chute brutale d’un pays qui jusqu’en 1999 était l’un des pays les plus stables et les plus prospères d’Afrique. 2) Eléments clés pour comprendre la crise actuelle… La Côte d’Ivoire ; Une terre d’immigration Terre d’accueil de tous les communautés des pays frontaliers, la réputation de « miracle économique » de la Côte d’Ivoire en a fait un pays multiethnique et multiconfessionnelle. Même avant les récentes vagues d’immigration économique, la Côte d’Ivoire était déjà un pays extrêmement diversifié avec plus de 60 ethnies pouvant se regrouper – selon des critères linguistiques, religieux et culturels – en 4 grandes « familles » qui elles mêmes se subdivisent entre une ethnie « majoritaire » et une dizaines de petites ethnies. Il n’est toujours pas très clair si M. Ouattara est où non présidentiable dans la mesure où pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles (selon la nouvelle constitution) il faut non seulement être Ivoirien (ce qui est maintenant reconnu pour M. Ouatarra) mais aussi ne s’être jamais prévalu d’une autre nationalité (ce qui ne semble pas être le cas de M.Ouattara dans la mesure où celui-çi a représenté le Burkina Faso au sein du FMI) 3 7 PE 325.139 Les racines ethniques du conflit militaire qui secoue actuellement la Côte d’Ivoire sont indéniables, et la connaissance des grandes familles ethniques permet aussi de mieux comprendre les formations, les alliances politiques ainsi que l’origine ethnique des hommes d’état Ivoiriens. Composition Ethnologique de la Côte d’Ivoire Composition Ethnolinguistique de la Côte d’Ivoire : Le groupe Mandé (Nord Ouest ref. 1 et 2 - 16 %), principale ethnie : Malinké / Dioula Le Groupe Voltaïque (principalement Nord ref 3 – 16,3%), principale ethnie : Sénoufo Le Groupe Akan (Centre, Sud et Sud Est ref 5 – 41,8%), principale ethnie : Baoulés Le Groupe Krou (Sud Est ref 4 - 14,6 %), principale ethnie : Bété La ligne de front actuelle gelée par le cessez le feu conclue le 17 octobre 2002 entre les militaires rebelles et le gouvernement Ivoirien (ligne noire sur le plan 2) épouse presque parfaitement les divisions ethniques entre les ethnies du nord (Malinké, Dioula, Sénoufo) et les ethnies du Sud (Baoulés et Bété), entre des populations à majorité Musulmane qui au nord se sentent humiliées et dénoncent les mesures discriminatoires prises à leur encontre et les populations du Sud, en majorité de religion chrétienne et animistes qui se sentent « colonisés » par les populations du Nord. Cette vision un peu simpliste transmise par les médias occidentaux sur la crise Ivoirienne n’en détient pas moins un fond de vérité dans un pays au sein duquel un tiers de la population est d’origine étrangère et où la forte population immigrée dans les départements du Sud (à Abidjan un habitant sur trois est immigré) crée un potentiel de xénophobie qui n’attend qu’à être exploité par les politiciens. Il y a approximativement cinq millions d’immigrés Ouest Africains en Côte d’Ivoire, dont la moitié originaires du Burkina Faso (ainsi que du Mali et Guinée) et venus pour travailler dans les exploitations de café, cacao et palmiers ce qui fait que le secteur agricole est assez dépendant de ces travailleurs immigrés. 8 PE 325.139 La crise économique et la ferveur politique nationaliste alimentée par les responsables politiques a accentué les sentiments racistes dans certaines circonscriptions envers les étrangers et, plus récemment, envers les Ivoiriens du Nord venant de régions frontalières du Burkina Faso de Guinée et du Mali. Si le contexte économique et politique actuel est particulièrement propice au développement de sentiments de xénophobie, il faut relativiser cette division Nord - Sud, Chrétienne Musulmane dans la mesure où cela n’est certainement pas la seule cause de la situation critique actuelle. Felix Houphouët-Boigny, à la tête de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993, à ainsi su rester au pouvoir pendant plus de 30 ans en reposant sur une alliance forgée entre les Dioulas, musulmans nordistes et les Baoulés, animistes et chrétiens du centre sud (dont il faisait partie). Et le fait qu’aujourd’hui le président légitimement élu, Laurent Gbago, soit issu d’une éthnie minoritaire, les Bétés, tend à montrer que l’esprit clanique et les divisions ethniques en Côte d’Ivoire sont peut être plus récents et moins déterminants que l’ont ne le laisse penser. Ce qui est néanmoins absolument certain c’est que depuis la mort de Felix Houphouët–Boigny, les leaders politiques ont exploités les divisions ethniques à des fins électoralistes et pour se débarrasser de leurs rivaux, ce qui a engendré haine et peur parmi des populations qui avaient vécus relativement harmonieusement pendant des décennies. Exacerbation politique des tensions ethniques Les tensions ethniques actuelles trouvent leurs origines dans les campagnes et discours politiques dont le point central depuis un dizaine d’années a été la notion de citoyenneté ivoirienne. Trois président successifs, Bédié, Gueï et dans une moindre mesure Gbagbo, ont placé la question de la citoyenneté au centre du programme politique de leur parti. En 1995, le président Henri Konan Bédié fut le premier à invoquer le concept d’ivoirité, principalement pour discréditer un de ses puissants rivaux politiques, le musulman Allassane Ouatara, lui aussi « héritier » ex-premier ministre et proche politiquement du défunt Houphouët-Boigny. Ensuite le Général Gueï après avoir mené son coup d’état pour renverser un gouvernement perçu comme incapable et corrompue, et réparer les injustices faites au nom du principe d’Ivoirité, prend goût au pouvoir et va institutionnaliser la ségrégation ethnique en introduisant une nouvelle constitution, approuvée par référendum en juillet 2000 et exigeant que les deux parents soient ivoiriens de naissance pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles. Cet amendement visait clairement à exclure du scrutin Alassane Ouattara perçu comme un rival politique dangereux et fut confirmé par une décision controversée de la Cour Suprême le 6 octobre 2000 qui disqualifia quatorze des dix-neuf candidats présidentiels pour des motifs de nationalité douteuse. Le nouveau président Gbagbo n’est lui même pas totalement exempt de critiques dans la mesure où ayant accédé au pouvoir grâce aux manifestations populaires le soutenant face au Général Gueï qui ne voulait pas reconnaître sa défaite électorale, celui-ci n’a pas réorganisé de nouvelles élections présidentielles auxquelles l’ensemble des hommes politiques Ivoiriens y compris Ouattara auraient pu se présenter. Le fait que les élections d’octobre 2000 ayant amené Gbagbo aient été vicié, a certainement discrédité d’une certaine manière les efforts importants que le président a fait par la suite pour tenter de lancer un véritable mouvement de réconciliation nationale. Cependant, ce processus de réconciliation nationale engagé par 9 PE 325.139 Gbagbo et symbolisé par la formation d’un Gouvernement d’Union Nationale en Août 20024 ouvert à tous les partis représentatifs que compte la Côte d’Ivoire (PDCI, FPI, RDR, PIT) montre bien que déjà avant cette crise, Gbago avait compris à quel point les divisions ethniques pouvaient devenir dangereuses pour la Côte d’Ivoire. En fait, l’un des grands problèmes de la vie politique Ivoirienne depuis 1995 a toujours été le manque de confiance totale entre les quatre grands ténors de la vie politique Ivoirienne ; Laurent Gbagbo, Robert Gueï, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara qui, depuis le départ du président Houphouet-Boigny se sont livrés à un combat féroce pour le pouvoir où tous les coups étaient permis, à commencer par l’arme ethnique et la xénophobie. Il faut aussi ajouter qu’à la division politique et maintenant militaire de la Côte d’Ivoire, les Médias Ivoiriens ne sont pas en reste et la presse souffle sur les braises de l’ethnicisme et de la xénophobie. La Radio Télévision Ivoirienne (RTI) a annoncé le 20 octobre 2002 que, pour sauver la Côte d’Ivoire, il fallait …expulser les Burkinabés, et il semble qu’en général la presse écrite Ivoirienne ne soit pas vraiment prête à prêcher la modération. Le coup d’état de 1999 / Politisation de l’armée Le coup d’état militaire du Général Gueï en décembre 1999 a clairement donné le mauvais exemple aux militaires Ivoiriens qui pensent qu’ils peuvent et doivent dorénavant peser sur le destin politique de leur pays. Un coup d’État manqué le 8 janvier 2001, puis la crise actuelle ouverte par la mutinerie à Abidjan d’un bataillon appelé à être démobilisé ont tous les deux pour origine le mécontentement et le sentiment d’impunité des militaires recrutés par le Général Gueï5. Pourtant l’histoire de l’armée Ivoirienne est extrêmement récente. En 1990, la Côte d’Ivoire n’a pas d’armée. Partant du principe « pas d’armée, pas de coup d’état », Félix HouphouetBoigny s’en passe aisément et compte sur l’armée française « prépositionnée » sur une base attenante à l’aéroport d’Abidjan pour le prémunir des agressions extérieures. Pour les besoins du maintien de l’ordre, la police et une gendarmerie bien équipée font l’affaire. Ce n’est qu’à la fin de son règne plus que trentenaire que le président Houphouet-Boigny met en place une véritable armée, en partie en raison des troubles et des émeutes qui secouent le pays qui se trouve dans une mauvaise passe économique. Il en confiera le commandement au Saint Cyrien, le général Robert Gueï. Bon nombre des rebelles aujourd’hui en lutte contre le pouvoir du président Gbagbo sont d’anciens officiers et sous officiers déserteurs ou limogés qui ont fait leurs premières armes sous le commandement du Général Gueï. Ceux ci, depuis la réussite du putsch de décembre 1999 – parti d’une banale revendication d’indemnités non payées par l’Etat Ivoirien à propos d’une mission de paix de l’ONU qu’ils avaient effectuée en République Centrafricaine - ont fait l’expérience de l’impunité militaire. Cet état d’esprit au sein de l’armée constitue l’une des nombreuses épines dans le pied du pouvoir et fragilise grandement les fondements démocratiques de la Côte d’Ivoire. Le RDR (Parti de Ouattara) obtint trois ministères dont le Transport, l’Education et le Commerce Extérieur et le PDCI (Parti crée par Houphouet-Boigny) obtint deux ministères, travaux publiques et Industries, un proche du Général Gueï obtint un ministère. 5 Pas moins de six tentatives de coup d’état entre décembre 1999 et janvier 2001. 4 10 PE 325.139 3) Situation Actuelle de la Côte D’Ivoire Division du Pays – Gel du front de Guerre – Derniers Développements Le jeudi 17 octobre 2002, les rebelles Ivoiriens ont signé, à Bouaké (deuxième ville de Côte d’Ivoire et fief des rebelles), un accord de cessation des hostilités à l’issue d’une rencontre d’une heure et demi avec le ministre Sénégalais des affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, mandaté par la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao – Ecowas), qui a mené les médiations depuis le début du soulèvement. Cet accord avait au préalable reçu l’assentiment de principe du gouvernement Ivoirien et du Président Gbagbo qui n’a cependant rien signé à ce jour (28-10-2002). Ce sont les forces françaises déployées en Côte d’Ivoire qui ont assuré le contrôle du cessez le feu. Les militaires français ont donc entamé le lundi 21 octobre 2002, le déploiement de leurs forces sur une ligne médiane traversant le pays d’est en ouest. Les forces françaises actuellement en Côte d’Ivoire sont de 1 300 hommes. Leur mission première était tout d’abord l’évacuation et la sécurisation des Français (« opération Licorne »), et dans ce cadre les troupes françaises sont présentes à Yamoussoukro, qui abrite l’état-major de l’opération Licorne, à Tiébissou et à Brobo (25 km. à l’est de Bouaké). Cette mission se limite aujourd’hui à veiller à la sécurité d’une poignée de ressortissants français – des religieux pour la plupart – restés sur leur terre d’adoption après les évacuations menées sans accroc à Bouaké (centre), puis Korhogo (nord) ; et si besoin, d’assurer la protection des 20 000 expatriés établis plus au sud, dans les régions tenues par les forces loyalistes. Un peu plus de la moitié du milliers d’hommes participant à l’opération Licorne a été mobilisé pour le déploiement d’une force de paix, et ce en attendant la mise en place d’une force d’interposition de la Cedeao. La force d’interposition (à 450 km au nord d’Abidjan) passe par les régions de Man et de Trouba, et, plus au centre, entre les villes de Daloa, reprise par l’armée régulière et de Vaoua, contrôlée par les insurgés. Ce dispositif n’est pas uniquement statique mais également mobile avec des patrouilles sur les axes routiers pour assurer le respect du cessez le feu. Mercredi 23 octobre 2002, le groupe de contact de la Cedeao (= Ecowas) s’est réuni au niveau des chefs d’états pour désigner un coordinateur chargé d’organiser des négociations entre le gouvernement et les rebelles. Au groupe de contact comprenant le Ghana, GuinéeBissau, le Mali, le Niger, et le Togo s’est rajouté l’Afrique du Sud en sa qualité de présidente de l’Union Africaine. A été désigné le président Togolais Gnassingbe Eyadema qui a souligné l’importance pour les deux parties de faire des concessions. Vendredi 25 octobre 2002, les chefs d’états majors sont censés se retrouver à leur tour pour décider des modalités de l’envoi d’une force tampon pour assurer la relève de l’armée française. Le mouvement pourrait se faire en deux temps : envoi dans les dix jours d’un petit nombre d’observateurs qui travailleraient aux cotés des Français en attendant la constitution d’une force régionale dont l’arrivée n’est pas envisagée avant la mi-novembre6. 6 Peu de précision quant à l’effectif prévue. On parle d’un engagement allant de 1 000 à 2 000 hommes. 11 PE 325.139 Qui se trouve derrière les rebelles ? Pays voisin ou homme d’état Ivoirien ? S’il semble évident que les rebelles ont pour objectif le renversement du régime de Gbagbo et ont le soutien pour le moins tacite des populations rurales musulmanes du nord du pays, il est pour l’instant très risqué et incertain de se prononcer sur les véritables organisateurs du mouvement armée ainsi que sur l’origine des fonds. Homme politique Ivoirien, Etat étranger ou alliance de plusieurs partis, les hypothèses les plus folles circulent et l’ont ne peut que se limiter à retransmettre les rumeurs reprises par la presse Ivoirienne et étrangère. Implication du Général Gueï ? Le Général Gueï dont le corps criblé de balles a été retrouvé le soir du 19 septembre 2002 dans les rues d’Abidjan a d’abord été le coupable désigné par le gouvernement de Gbagbo, et beaucoup de sources avancent (sans aucune preuve) qu’il aurait été tué par les forces gouvernementales. Etait-il à la tête des insurgés lorsqu’il fut tué, ou bien fut-il enlevé de son domicile d’Abidjan pour être sommairement exécuté ? Pour l’instant aucune réponse ne peut être donnée. Une semaine avant le début de l’insurrection, il avait annoncé avec fracas le retrait du gouvernement d’union nationale formée en août 2001 de l’unique ministre issu de son parti. Dès l’annonce de son implication dans la mutinerie, son proche entourage a immédiatement répondu par un vigoureux démenti. Implication d’Alassane Dramane Ouattara ? Le Rassemblement des Républicains et Alassane Ouattara, dont les rebelles réclament l’éligibilité, ont formellement condamné le soulèvement armé du 19 septembre 2002. Si Alassane Ouattara est la figure de proue politique des ethnies musulmanes du nord, il semble qu’il se soit trouvé en grand danger au moment de l’insurrection (il accuse le gouvernement d’avoir tenté de l’assassiner), ce qui l’a amené à devoir se réfugier à l’ambassade d’Allemagne avant de rejoindre l’Ambassade de France où il se trouve encore. Il est probable que si celui-ci avait été au courant de l’incursion armée , il aurait pris certaines précautions essentielles pour assurer sa sécurité et s’éloigner d’Abidjan. De nombreux Ivoiriens favorables au gouvernement accusent M . Ouattara d’être mêlé à l’insurrection et demandent aux autorités françaises que celui-ci leur soit livré. Implication d’un état étranger ? Le soulèvement Ivoirien divise l’Afrique de l’Ouest. Certains états africains, le Nigeria, le Ghana ou le Liberia se sont engagés à soutenir militairement (mais modestement) le gouvernement légitime. D’autres états sont plus silencieux et sont soupçonnés par la Côte d’Ivoire de soutenir discrètement les rebelles. Ceux-ci sont les états qui ont une forte population immigrée en Côte d’Ivoire, notamment la Guinée, le Mali et surtout le Burkina Faso, et s’inquiètent des dérives nationalistes des politiciens Ivoiriens ces dernières années. Les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont extrêmement tendues, les cadres de l’armée rebelle semblent avoir passés ces dernières années à s’organiser à Ouagadougou (capitale du Burkina) et la Côte d’Ivoire accuse le Burkina Faso de complicité avec les 12 PE 325.139 rebelles 7. Même si le Burkina a réfuté toute implication dans le conflit, il semble qu’à Ouagadougou, la population ne cache pas sa sympathie pour les mutins, et le fait que Ouattara soit originaire du Burkina, ne fait qu’envenimer les choses. Un article du 18 octobre 2002 dans le journal Le Monde cite un diplomate occidental, selon lequel le pouvoir à Ouagadougou aurait cherché à favoriser l’installation d’un « régime ami » à Abidjan afin de pérenniser la présence en Côte d’Ivoire de 2,5 millions de ses ressortissants, dont l’épargne fait vivre l’Ètat burkinabé. Cette affirmation n’est absolument pas prouvée mais participe à l’analyse générale de la situation actuelle. De toute manière, un affrontement entre les deux pays aurait des conséquences catastrophiques, tant les deux économies sont liées, et représenterait des déplacements massifs de la population ce qui pourrait déstabiliser l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire représente prés de 40 % de l’activité économique de l’Afrique Francophone, et pour des pays enclavés comme le Burkina Faso ou le Mali, le port d’Abidjan est un débouché naturel très important vers la mer. 7 Aucune preuve ne démontre l’implication du Burkina Faso auprés des rebelles 13 PE 325.139 IV - La Côte d'Ivoire dans son contexte régional La Côte d'Ivoire est membre de l'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et du CEDEAO. L’UEMOA (L’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine) a été créée par le Traité signé à Dakar le 10 janvier 1994 par les chefs d’État et de gouvernement des sept pays de l’Afrique de l’Ouest ayant en commun l’usage d’une monnaie commune, le Franc CFA (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Le Traité est entré en vigueur le 1er août 1994, après sa ratification par les États membres (le 2 mai 1997, la GuinéeBissau est devenue le 8ème Etat membre de l’Union). L’UEMOA est représentée par un logo symbolisant la croissance, l’union, la solidarité et la complémentarité entre les Etats côtiers et les Etats sahéliens. Dans le contexte de l'UEMOA, la Côte d’Ivoire reçoit indirectement des aides importantes de l'Union Européenne. Le pays constitue l'économie la plus puissante de l’Union, représentant 40% de son PNB global et reçoit des milliers d'ouvriers émigrants de pays limitrophes. Sa stabilité est importante, politiquement et économiquement, pour toute l'Afrique de l'Ouest. La CEDEAO /ECOWAS « Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest» a été créée en vertu d’un traité signé le 28 mai 1975 à Lagos (Nigéria) 8. Regroupant tous les pays de l'Afrique de l'Ouest (les 8 pays ouest-africains de la Zone franc CFA + Cap Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Nigeria, Sierra Leone), la CEDEAO (ECOWAS en anglais) a pour missions de promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l'activité économique et abolir à cette fin les restrictions au commerce, supprimer les obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des biens, et enfin assurer l'harmonisation des politiques sectorielles régionales. L'objectif majeur reste la constitution d'un vaste marché commun ouest-africain et la création d'une union monétaire pour l'an 2004. Force est de constater que les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des ambitions, pour de nombreuses et complexes raisons. Les pays ouest8 Le but de la communauté est de promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l’activité économique avec pour objectif d’élever le niveau de vie de ses peuples, d’accroître et de maintenir la stabilité économique, de renforcer les relations entre ses membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain. 14 PE 325.139 africains de la Zone Franc sont membres de la CEDEAO mais leur action d'intégration se déroule surtout au sein de l'UEMOA La CEDEAO est très impliqué dans la crise et craint véritablement un embrasement régional de la crise, d'autant plus redoutée que même affaiblie par les mutineries et les putschs à répétition, la Côte d'Ivoire reste un des poids lourds d'une zone qui se remet à peine des guerres civiles du Liberia et de la Sierra Leone. Le 23 octobre 2002, le groupe de contact de la Cedeao s’est réuni au niveau des chefs d’états pour désigner un coordinateur chargé d’organiser des négociations entre le gouvernement et les rebelles. Le 25 octobre 2002, les chefs d’états majors se sont retrouvés à leur tour pour décider des modalités de l’envoi d’une force tampon pour assurer la relève de l’armée française. Le mouvement pourrait se faire en deux temps : envoi dans les dix jours d’un petit nombre d’observateurs qui travailleraient aux cotés des Français en attendant la constitution d’une force régionale d’environ 500 hommes dont l’arrivée n’est pas envisagée avant la mi-novembre. 15 PE 325.139 V - Relations Côte d’Ivoire – Union Européenne Les relations avec l'UE étaient traditionnellement bonnes ; La Côte d'Ivoire était l’un des principaux pays bénéficiaires de STABEX (Système de stabilisation des exportations - mécanisme des Conventions de Lomé). Entre 1991 et 1997, les déboursements de l'UE dans le cadre de FED ont été de quelque 100 millions d'euros par an. En 1998, de graves irrégularités liées à des affaires de corruption ont été mis à jour. En conséquence, en 1998 les déboursements n'ont atteint que 45 millions d'euros. Les montants en 1999 n'ont été que de 12,5 millions et n'ont atteint que 11 millions en 2000. Suite à la découverte de ces irrégularités, les sommes détournés ont été intégralements remboursés par la Côte d’Ivoire et les coupables traduits en justice. Le coup d’Etat du Général Gueï le 24 décembre 1999 s’est traduit par la suspension des versements de la part de l’Union Européenne Suite à de nouvelles consultations dans le cadre de l'article 96 de Cotonou, l'UE a décidé, le 25 juin 2001, une reprise graduelle de la coopération, soumise aux conditions suivantes: - progrès dans le domaine de la réconciliation nationale; - enquêtes sur les accusations de violation de droits de l'homme; - aucune impunité pour les militaires et gendarmes impliqués dans les violations de droits de l'homme; - réformes du système judiciaire pour assurer son indépendance; - campagne contre la xénophobie. L'UE a fixé deux dates-seuils pour la reprise de la coopération : - le 5 novembre 2001, l'UE a décidé que les conditions étaient remplies pour passer à une reprise graduelle vu les progrès dans le programme de dialogue national vers la réconciliation; - en février 2002, l'UE a finalement déclaré la reprise totale de la coopération, qui était considérée comme condition préalable par une grande partie des bailleurs de fonds internationaux. Un "staff monitoring program" du FMI a été mis en place en juillet 2001 pour six mois. Suite à la décision de l'UE de reprendre la coopération avec la Côte d'Ivoire, le FMI a annoncé le 27 mars 2002 le déblocage d’une enveloppe de US$365 millions, déployée sur une période de 3 ans dans le cadre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Dans le contexte de la crise actuelle, nulle action spécifique n’a été mise en place par la Commission Européenne ni aucune suspension de coopération envisagée, les projets suivants sont en cours de réflexion (mais à ce jour pas encore confirmés) : - Poul Nielson doit se rendre le 28 et 29 novembre à Ouagadougou dans le cadre du Sommet de l’Union Africaine. À cette occasion, il est prévu qu’il rencontre les Présidents du Burkina Faso et du Mali. Une rencontre avec le président de la Côte d’Ivoire n’est pas organisé mais serait manifestement approprié dans le contexte actuel; - Les instruments de coopération financière entre l’UE et la Côte d’Ivoire sont maintenues dans les mêmes conditions qu’auparavant; - Une aide financière de l’UE pourrait être débloquée pour contribuer à la mise en place de la force de paix sous l’égide de la Cedeao, et ce dans le cadre du mécanisme européen de la force de réaction rapide. 16 PE 325.139 VI - Relations financières avec l'UE Entre décembre 1998 et mai 1999, des audits du programme d'ajustement structurel ont démontré des irrégularités graves de la part de la Côte d'Ivoire. En septembre 1999, selon un accord signé par le gouvernement de la Côte d'Ivoire et la Commission, les autorités ivoiriennes ont accepté de rembourser des fonds en question, de renforcer les procédures de contrôle, et de poursuivre en justice les fraudeurs. Malgré le coup d'État militaire, toutes les sommes ont été remboursées, les responsables ont été poursuivis et les contrôles ont été renforcés. Les 7ème et 8ème FEDs, sont actuellement en cours et déboursé à hauteur de 98,5% et 53,7% respectivement. En 1999, la somme totale des engagements était de 51,6 millions d'euros et les déboursements de 12,5 millions d'euros, dont 2,5 dans le cadre du budget. En 2000, les engagements étaient de 4,5 millions d'euros et les déboursements de 11 millions, dont 6,5 du budget. Les secteurs prioritaires, sous le 8ème FED, sont la décentralisation, la santé, le développement rural et l'environnement. Les programmes de la 8ième FED connaissent un certain retard, notamment en raison des suspensions liés aux irrégularités découvertes en 1998. La 9ème FED est prévue pour débuter en 2003, mais des retards importants sont à prévoir en raison du retard de la 8ième FED, de la suspension de la coopération et de la crise actuelle. L’approche stratégique de la 9ème FED est actuellement en cours d’élaboration pour les cinq années à venir. L’accent devrait être mis sur deux axes : - la pauvreté en milieu rural - la bonne gouvernance. Au regard des événements actuels, l’accent sera aussi mis sur la réconciliation nationale et la coopération régionale notamment entre le Burkina Faso, le Mali et la Côte d’Ivoire. La résolution adoptée par le Parlement Européen le 10 octobre 20029 relative à la situation en Côte d’Ivoire demande aussi à l’Union Européenne de mettre l’accent sur le développement de la zone nord de la Côte d’Ivoire. Dans le contexte de la reprise de la coopération avec l'Union Européenne, des déboursements ont été effectués dès le mois d'août 2001, à partir des fonds de contrepartie (4,5 millions d'euros pour la santé, 1,2 millions pour les élections, 0,5 million pour un nouveau système de comptabilité publique, 10,5 millions pour le secteur privé, 0,4 million pour le Forum de la Nation) ainsi que 8 millions pour l'éducation dans les zones rurales, à partir des reliquats STABEX. Sur toute l'année 2001, le support budgétaire de l'UE a totalisé 25,1 millions d'euros. En plus, l'UE a aussi déboursé 3,3 millions pour le secteur de la banane, à partir du budget. En 2002, un programme d'appui macro-économique (PARE-II) avec un volume de 40 millions d'euros a porté la contribution de la CE à un total de 96 millions d'euros. L'enveloppe totale (182 millions + 82 millions d’euros) du 9ème FED a déjà été notifiée au mois de juillet 2001. La stratégie pour l'utilisation de ces ressources est en préparation. Le programme indicatif sera probablement prêt à signer en décembre 2002. 9 Voir Résolution Jointe en Annexe 17 PE 325.139 VII – Conclusions La trêve conclue entre le pouvoir et les rebelles ivoiriens ouvre la voie à une négociation difficile. Aux ressentiments politiques ethniques et religieux accumulés depuis une dizaine d’années s’ajoute le sang versé depuis un mois et demi (plusieurs centaines de morts) et les centaines de milliers de personnes qui ont été jetées sur les routes. L’une des grandes difficultés des futures négociations va être de tenter de désamorcer le sentiment d’humiliation du gouvernement Ivoirien et de l’ensemble des populations progouvernementales du Sud. Le président Ivoirien s’est trés difficilement résolu à la négociation avec un groupe de sous-officiers armés accusés d’avoir lancé leur opération depuis le Burkina Faso voisin. Deux mois après avoir ouvert son gouvernement à toutes les grandes forces politiques du pays, dont le parti de l’ancien premier ministre Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo perçoit cette légitimation des rebelles comme une « trahison ». Abidjan voit défiler de nombreuses manifestations pro-gouvernementales en faveur d’une reprise de l’offensive militaire contre les rebelles. A mots couverts par les autorités, avec virulence dans la presse pro-gouvernemental, Alassane Ouattara, l’icône politique du nord, a été mis en cause comme le sponsor des assaillants qui contrôlent la moitié septentrionale du pays. La France n’est pas non plus épargnée, et il ne fait aucun doute que le gouvernement légitime a dû se sentir trahi par la grande prudence de la France, son peu d’empressement à s’associer militairement aux cotés des forces gouvernementales et son implication dans la « capitulation honteuse ». Le fait que Ouattarra soit réfugié a l’Ambassade de France ne doit pas non plus favoriser les choses10. Les négociations vont donc être périlleuses et la situation reste extrêmement fragile : Les rapports et les accusations mutuelles d’atrocités et de violations de droits de l’homme sur les populations civiles « alliées » à l’ennemi se multiplient, et les déplacements de populations vers les pays voisins (en particulier vers le Mali) sont de plus en plus massifs et risquent de déséquilibrer l’ensemble de la région. Le président Gbagbo à clairement suggéré que M Ouattara quitte la Côte d’Ivoire dans la mesure où il nuit aux relations de la Côte d’Ivoire avec la France. 10 18 PE 325.139 SOURCES D’INFORMATION - Médias Le Monde (dossier Côte d’Ivoire) BBC Africa (dossier Côte d’Ivoire) All Africa.com (www.allafrica.com) - dossier Côte d’Ivoire IRINNEWS (UN Office for the Coordination of Humanitarian Action) - dossier Côte d’Ivoire - Courrier International, « La Crise ivoirienne menace de s’étendre » Numéro 623 – date : 10-10-2002 - World Markets Country Analysis (www.worldmarketanalysis.com) Rapport de 32 pages sur la situation de la Côte d’Ivoire qui peut être téléchargé à partir du site Web Notes de la Direction Générale des Etudes (DG 4) du Parlement Européen - Note à l’attention du Cabinet du Président du Parlement Européen sur la situation de la Côte d’Ivoire (WIP 2002-04-0099) – 29 Avril 2002 - Updated Note for the European Members of the ACP-EU Joint Parliamentary Assembly on the Situation in Côte d’Ivoire – 3 July 2002 Rapport 2001 de la Commission Européenne sur la coopération de l’UE avec la Côte d’Ivoire - Document Interne et provisoire qui attend d’être approuvé par les autorités Ivoiriennes Version du 21-02-2002 Rapport de Amnesty International (www.amnesty .org) Rapport 2002- couvre la période Janvier à Décembre 2001 (téléchargeable à partir du site Web) Rapport de Human Rights Watch (www.hrw.org) Le Nouveau Racisme « La manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire » Août 2001 (téléchargeableà partir du site Web) 19 PE 325.139 ANNEXE 20 PE 325.139 Procès Verbal du 10/10/2002 - Edition provisoire Situation en Côte d'Ivoire P5_TA-PROV(2002)0467 Résolution du Parlement européen sur la situation en Côte d'Ivoire Le Parlement européen, - vu ses résolutions antérieures sur la Côte-d'Ivoire, - vu la déclaration du Conseil de sécurité et du Secrétaire général des Nations unies, - vu la déclaration de l'Union africaine, - vu la déclaration de la Présidence, au nom de l'Union européenne, - vu la déclaration du Président du Parlement européen, - vu la déclaration du Coprésident de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, A. considérant que la tentative de coup d'État en cours depuis le 19 septembre 2002 en République de Côte-d'Ivoire porte gravement atteinte à la légalité constitutionnelle et à l'unité du pays, B. déplorant les pertes en vies humaines, y compris parmi la population civile, C. inquiet des risques d'affrontements intercommunautaires et du climat d'instabilité sociale et politique auquel le pays est confronté, D. considérant les risques de déstabilisation que cette crise comporte pour la sous-région tout entière, sur le plan politique, économique et humanitaire, E. considérant que la diversité ethnique, religieuse et politique constitue une richesse, pour autant que l'égalité et la fraternité prédominent, F. considérant que les chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO, réunis à Accra en Sommet extraordinaire, ont décidé de créer un groupe de contact de haut niveau afin d'opérer une tentative de médiation entre le gouvernement et les rebelles, 1. condamne fermement la tentative de coup d'État et déplore la persistance des combats et la perte de vies humaines en Côte-d'Ivoire; 2. regrette vivement l'échec provisoire de la tentative de médiation de la CEDEAO; 3. demande un cessez-le-feu immédiat et réitère son attachement à une solution politique de la crise, avec toutes les parties en présence, dans l'esprit de réconciliation nationale qui s'est instauré en octobre 2001, dans le respect des institutions démocratiques et de l'unité du territoire national de la République de Côte-d'Ivoire; 4. appelle l'Union africaine et la CEDEAO à intervenir à nouveau afin de contribuer au règlement de cette crise; 21 PE 325.139 5. réitère son soutien au Président démocratiquement élu, M. Laurent Gbagbo, et au gouvernement d'union nationale de la République de Côte-d'Ivoire, garant de la légitimité démocratique et de l'unité du pays; 6. appelle le Président Gbagbo à exhorter son gouvernement et les forces militaires ivoiriennes à assurer la protection des populations civiles, quelles que soient leurs origines ethniques, et à intensifier leur action en faveur de l'intégration et de la réconciliation de l'ensemble des composantes de la société ivoirienne; 7. invite l'Union européenne à intensifier sa coopération avec la Côte-d'Ivoire et à concentrer sa politique de développement sur la partie nord du pays en particulier; 8. appelle à une amélioration radicale des mécanismes de prévention des conflits, vu leurs défaillances évidentes; 9. appelle à l'institution d'une commission d'enquête internationale pour faire la lumière sur les violations des droits de l'homme commises par les deux parties; 10. charge sa commission du développement et de la coopération de suivre de près l'évolution de la situation en Côte-d'Ivoire, et souhaite l'envoi rapide sur place d'une délégation du Parlement européen afin de soutenir les efforts de réconciliation nationale, en s'efforçant de rencontrer les deux parties en conflit; 11. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil, ainsi qu'aux Secrétaires généraux de l'ONU, de l'Union africaine et de la CEDEAO, ainsi qu'au Président et au gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire. 22 PE 325.139 23 PE 325.139