Entretien – Martine Pinville – Secrétaire d’Etat française à l’Economie Sociale et Solidaire, au Commerce et à l’Artisanat « Les attentats ont provoqué une réduction de 20% à 30% de l’activité commerciale » Terrorisme – La principale priorité est de protéger et tranquilliser la population. La France a créé une structure pour aider les commerçants. L’estimation est encore initiale. Mais d’après Martine Pinville, la Secrétaire d’Etat française au Commerce, les attentats de Paris ont déjà provoqué une baisse d’au moins 20 à 30% de l’activité commerciale. Le gouvernement a créé « une cellule de continuité économique » pour évaluer, au cas par cas, la situation de chaque commerçant ou professionnel de la restauration et de l’hôtellerie. Quel est l’impact des attentats de Paris sur l’économie française ? L’impact des attentats est assez significatif. Les premiers chiffres révèlent une diminution significative d’au moins 20% à 30% de l’activité commerciale. Je me suis déplacée la semaine dernière dans les grands magasins de Paris pour vérifier tous les dispositifs mis en place, en particulier les dispositifs de protection du périmètre de ces commerces, afin que tous les citoyens et consommateurs puissent tout d’abord aller travailler, et se déplacer, mais également faire leurs achats en toute sécurité. Nous avons également mis en place une cellule de continuité économique au ministère pour écouter et de répondre à tous les professionnels pas seulement commerçants mais aussi professionnels de l’hôtellerie et de la restauration par rapport à leurs difficultés et à la baisse de fréquentation que nous pouvons déjà constater. Les commerçants pourront-ils compter sur une aide de l’Etat ? La première réponse que nous sommes en mesure de donner aux commerçants et professionnels de la restauration et de l’hôtellerie sera analysée au cas par cas, en fonction des besoins de chacun. Au cours de cette visite, vous avez dit aux Français qu’il était nécessaire de vivre normalement. Mais le Premier Ministre a déjà alerté sur le risque d’autres attentats. Tout et tous sont à leur poste : des services de renseignement à la Police, à la Gendarmerie, pour pouvoir assurer la protection des Français. Le Président Hollande a également décidé d’instaurer l’état d’urgence qui est prolongé de deux-trois mois. Cet état d’urgence a déjà permis de mener à bout plusieurs perquisitions policières et d’autres actions qui vont contribuer à garantir effectivement une meilleure protection des Français. Et trois mois ce n’est pas trop ? Je pense qu’il est nécessaire de s’adapter à la situation. Nous allons continuer à analyser l’évolution de la situation. Ces attentats sont, d’une certaine manière, le résultat d’un échec de la politique d’intégration française ? Je ne crois pas… Je ne réagirais pas à cette question car la France est très préoccupée par ces attentats et a pris un certain nombre de dispositions, que j’ai déjà évoquées. Nous sommes tous mobilisés pour répondre à d’éventuelles attaques terroristes. A aucun moment nous ne voulons faire porter des responsabilités à une société donnée. Certains des terroristes avaient la nationalité française. La France aurait-elle pu faire mieux, en matière d’intégration, pour que ces personnes ne se sentent pas attirées par des entités comme Daesh? Lorsque l’on voit les attentats commis par Daesh, par les réseaux extrémistes, qui utilisent dans leur structure des fidèles de l’Islam, nous ne devons pas mélanger les choses. Notre société respecte la communauté musulmane tout comme elle respecte toutes les autres croyances et religions. Nous ne devons pas parler d’échec. Nous devons travailler ensemble, avec toutes les communautés qui représentent la France, car nous sommes un pays riche de ces diversités et lutter contre ces extrémistes et contre Daesh en particulier. Quelles mesures concrètes sont en train d’être adoptées à la suite de ces attentats pour promouvoir l’intégration ? La principale priorité est de protéger et tranquilliser la population et prendre des mesures face à ces terroristes. Existe un risque que ce message puisse être utilisé par la droite, par exemple par Marine Le Pen ? Toute structure ou personne qui voudrait d’une manière ou d’une autre utiliser ces moments difficiles que nous vivons, commettrait une erreur. ECONOMIE SOCIALE Un vrai modèle économique Créer une application qui permette aux sourds de passer des conversations téléphoniques à travers Internet fut l’idée de deux jeunes sur la base de laquelle ils ont créé une entreprise (RogerVoice). C’est un « bel exemple » d’une entreprise avec une utilité sociale, raconte enthousiasmée Martine Pinville. La secrétaire d’Etat souligne que le grand objectif est de réussir à ce que l’économie sociale devienne un « vrai modèle économique ». L’objectif est « que nous puissions avoir des financements privés pour des projets d’utilité sociale », ajoute-t-elle et de dépasser l’idée que ce sont des thèmes de responsabilité exclusive de l’Etat. De passage à Lisbonne, où elle a participé à une conférence dédiée au thème de l’économie sociale, la responsable a admis que l’idée était de « voir comment le Portugal a abordé de telles initiatives et a travaillé au financement de projets à impact social ». « C’est ce qui m’a intéressé », confesse-elle. Martine Pinville rappelle également qu’il existe en France une « loi structurante » qui « définit le périmètre de l’économie sociale et solidaire » qui recouvre les associations, les coopératives, les fondations mais aussi les entreprises « à but lucratif dans la mesure où elles définissent une utilité sociale ». La Loi de l’Economie Sociale et Solidaire a été publiée en 2014.