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Université Lumière Lyon II
LE MERCENARIAT GREC
AU IVe SIECLE AVANT J. - C. :
LES RECHERCHES RECENTES
Mémoire de maîtrise d’Histoire Ancienne
Sous la direction de Mme Le Dinahet
Année 1999 - 2000
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SOMMAIRE
SOMMAIRE 4
INTRODUCTION 6
LES MERCENAIRES ET L’ECONOMIE 10
I. Profil du mercenaire et de son « métier » 10
A) Origines ethniques 10
B) Méthodes de recrutement 12
C) Les « risques du métier » 14
D) Pirates et mercenaires 15
II. La vie quotidienne des mercenaires 18
A) Le problème des soldes 18
B) Le ravitaillement et le train de l’armée 20
C) Butin et pillage 21
III. De l’influence du phénomène mercenaire sur l’économie 25
A) La guerre et la crise économique du IVe siècle avant J.-C. 25
B) Mercenariat, agriculture et commerce 26
C) Mercenariat et émissions monétaires 28
D) Le financement des opérations militaires à Athènes 31
Notes de la première partie 34
LES MERCENAIRES, LA GUERRE ET LA SOCIETE GRECQUE 36
I. La transformation de l’art militaire 36
A) Les nouvelles tactiques de guerre 36
B) L’avènement des troupes légères et le rôle croissant de la
cavalerie 39
C) Les innovations fondamentales macédoniennes 42
D) La phalange d’Alexandre et ses modifications 44
II. Mercenariat et société 46
A) Problèmes de loyauté et perception du mercenariat 46
B) Guerre, mortalité et démographie 49
C) Les conséquences sociales du mercenariat 51
III. Mercenariat et nouvelles manières de commander 53
A) La prise d’autonomie des chefs mercenaires 53
B) Chefs mercenaires : Etude de cas 57
C) Séparation entre les fonctions de stratège et d’orateur 58
Notes de la seconde partie 61
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LES MERCENAIRES ET LA VIE POLITIQUE DES CITES 63
I. Le mercenariat en Grèce continentale 63
A) L’armée mercenaire et la polis 63
B) Les mercenaires à Athènes et en Thessalie 66
C) Les mercenaires à Sparte et à Thèbes 68
D) Mercenariat et Guerres Sacrées 72
II. Le mercenariat et la tyrannie 74
A) Les mercenaires comme instigateurs de la tyrannie :
Exemples 74
B) Le cas de la Sicile sous Denys l’Ancien 77
C) Affirmation et fin du pouvoir mercenaire en Sicile 81
III. Les mercenaires et l’Orient 86
A) Les mercenaires et l’Egypte 86
B) Le cas des « Dix-Mille » 87
C) Les mercenaires au service des Achéménides 91
Notes de la troisième partie 95
CONCLUSION 98
BIBLIOGRAPHIE 103
ANNEXES 109
CREDITS ILLUSTRATIONS 121
_____________________________________________
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INTRODUCTION
Comment expliquer l’essor des mercenaires à partir de la guerre du Péloponnèse, au point
que les historiens parlent de mercenariat par analogie avec « salariat » ?
Avant d'entrer dans le détail de notre analyse, quelques remarques sont nécessaires sur le
mot même de mercenaire (Il est construit sur le latin mercenarius qui signifie « payé, loué contre
argent ». La racine du mot est merces, soit le salaire, la récompense, mais aussi la paye, la solde.).
Si l'on s'appuie sur la terminologie grecque, le mercenaire est alternativement appelé le
misthophoros ou le xénos. Le misthophoros « celui qui reçoit une solde (misthos) », alors que le
xénos est « l'étranger ». le xénos n’est pas quelqu’un de radicalement autre, c’est un partenaire du
commerce social ; même jusque dans la haine qu’on peut lui porter il reste proche de par les dieux
qu’il vénère, les sanctuaires qu’il fréquente, les usages et les normes qu’il respecte. Parfois, il est
qualifié de stratiôtès, ce qui signifie surtout à partir du IVe siècle soldat de métier.
Si cette terminologie paraît relativement simple, elle ne rend pas toujours compte du réel
statut des troupes engagées. En effet, il est souvent difficile de distinguer les troupes mercenaires
des troupes alliées (engagées dans la cadre d’une symmachie), les auxiliaires (epikouroï ) ; les deux
réalités sont proches car mercenaires et auxiliaires peuvent se battre au service d’une puissance
étrangère et tous considèrent alors la guerre comme une source de profits personnels. Cependant, le
concept d'alliance n'implique pas «une adhésion complète à la cause du partenaire » (Y.Garlan,
1989, p. 147). Cette entière adhésion à la cause de l’allié, cette philia, sorte de fidélité à la foi jurée,
n’est pas obligatoire dans la mesure où la décision de « combattre avec » (symmachein) n’est
souvent qu’une décision politique ne prenant en compte que les intérêts de la cité d’où la précarité
et la réversibilité de ces alliances ; par exemple dans le cadre d’une alliance défensive, une cité
« amie » peut envoyer un nombre limité de troupes pour la défense d’un cité alliée sans entrer en
conflit direct avec cette dernière. Comme le montre l'exemple syracusain, l'alliance entre deux cités
peut aussi servir de façade à un recrutement parallèle de mercenaires. Cela conduit donc à examiner
rigoureusement la nature des recrutements opérés pour chaque conflit. Néanmoins, à travers la
terminologie grecque, trois perceptions du mercenaire apparaissent : le «salarié», l'étranger et le
soldat de métier. D’après la définition d’Y.Garlan (La guerre dans l’Antiquité,1972, p. 67 ) « le
mercenaire est un soldat professionnel dont la conduite est avant tout dictée, non pas par son
appartenance à une communauté politique, mais par l’appât du gain : c’est la conjonction de ces
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trois aspects, de spécialiste, d’apatride et de stipendié, qui fait l’originalité de ce type humain dans
le monde antique ». Ainsi tout mercenaire est un guerrier professionnel, qui maîtrise l’art du combat
et qui gagne sa vie par son exercice ; en revanche nous le verrons, l’inverse n’est pas possible, car
un soldat professionnel n’est pas forcément un mercenaire. Et selon A.Aymard (Mercenariat et
histoire grecque,1967, p. 17), par « mercenariat » il faut comprendre « un état de fait où les
mercenaires sont devenus proportionnellement assez nombreux pour que leur accroissement,
provoqué par certaines conditions de la vie collective, en arrive à son tour à affecter sensiblement
celle-ci ».
Si la pauvreté liée à la crise du IVe siècle avant J.-C., est un facteur déterminant dans le
choix de nombreux Grecs de devenir mercenaire (en d'autres temps, certains seraient peut être partis
fonder une colonie), il faut en relativiser l’importance et ne pas généraliser, car si certains
mercenaires ne sont que des paysans auxquels la faiblesse de leurs revenus impose la recherche de
ressources d'appoint - tel est le cas des Arcadiens -, il faut savoir que ceux-là se contentent de
recrutements temporaires, pour la saison des combats, aussi longtemps que leur propre communauté
n'est pas impliquée.
Au IVe siècle avant J.-C., les luttes qui se développent dans les cités - la stasis - dont nous
verrons qu'elles sont souvent provoquées par la guerre, mettent aussi en cause des mercenaires, soit
comme fauteurs de ces troubles, soit comme force de secours recrutée par l'un ou l'autre des partis.
Mais l'appel systématique à de telles troupes pour des campagnes militaires n'apparaît guère avant
la guerre du Péloponnèse, dans notre source essentielle qu'est Thucydide : le coût en était trop élevé
pour des cités habituées à faire servir leurs citoyens à leurs propres frais. Seuls quelques spécialistes
ont déjà été largement embauchés par les cités, notamment Athènes lors de l’expédition de Sicile
(415-413 avant J.-C.) qui recrute des mercenaires arcananiens (Thc.,VII, 31, 5), lapyges , (Thc.,VII,
33, 3), crétois et étoliens (Thc.,VII, 57, 9). Une question, à laquelle notre analyse tentera de
répondre, se pose alors à propos de ce développement du mercenariat : dans quelle mesure les
relations entre Etats grecs ont-elles été aggravées par la présence de soldats qui échappent plus oun
moins au contrôle de ces Etats eux-mêmes ?
Alors, il est possible de s’interroger : L'armée de mercenaires s'est-elle développée aux
dépens de l'armée civique ? Le développement incontestable du «phénomène mercenaire » est-il à
la cause la conséquence de la disparition de la mobilisation civique ? Le mercenariat s’inscrit-il
dans le sens d’une décadence des mœurs politiques du monde de la cité ? Les vibrants discours de
Démosthène ont entraîné cette conviction chez de nombreux historiens comme L.M. Marinovic, les
interprétations divergent et nous tenterons de faire le point sur ce débat. La réalité des faits demeure
néanmoins, ainsi le nombre des recrues disponibles n'est pas infini et l'effort, possible en un
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