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trois aspects, de spécialiste, d’apatride et de stipendié, qui fait l’originalité de ce type humain dans
le monde antique ». Ainsi tout mercenaire est un guerrier professionnel, qui maîtrise l’art du combat
et qui gagne sa vie par son exercice ; en revanche nous le verrons, l’inverse n’est pas possible, car
un soldat professionnel n’est pas forcément un mercenaire. Et selon A.Aymard (Mercenariat et
histoire grecque,1967, p. 17), par « mercenariat » il faut comprendre « un état de fait où les
mercenaires sont devenus proportionnellement assez nombreux pour que leur accroissement,
provoqué par certaines conditions de la vie collective, en arrive à son tour à affecter sensiblement
celle-ci ».
Si la pauvreté liée à la crise du IVe siècle avant J.-C., est un facteur déterminant dans le
choix de nombreux Grecs de devenir mercenaire (en d'autres temps, certains seraient peut être partis
fonder une colonie), il faut en relativiser l’importance et ne pas généraliser, car si certains
mercenaires ne sont que des paysans auxquels la faiblesse de leurs revenus impose la recherche de
ressources d'appoint - tel est le cas des Arcadiens -, il faut savoir que ceux-là se contentent de
recrutements temporaires, pour la saison des combats, aussi longtemps que leur propre communauté
n'est pas impliquée.
Au IVe siècle avant J.-C., les luttes qui se développent dans les cités - la stasis - dont nous
verrons qu'elles sont souvent provoquées par la guerre, mettent aussi en cause des mercenaires, soit
comme fauteurs de ces troubles, soit comme force de secours recrutée par l'un ou l'autre des partis.
Mais l'appel systématique à de telles troupes pour des campagnes militaires n'apparaît guère avant
la guerre du Péloponnèse, dans notre source essentielle qu'est Thucydide : le coût en était trop élevé
pour des cités habituées à faire servir leurs citoyens à leurs propres frais. Seuls quelques spécialistes
ont déjà été largement embauchés par les cités, notamment Athènes lors de l’expédition de Sicile
(415-413 avant J.-C.) qui recrute des mercenaires arcananiens (Thc.,VII, 31, 5), lapyges , (Thc.,VII,
33, 3), crétois et étoliens (Thc.,VII, 57, 9). Une question, à laquelle notre analyse tentera de
répondre, se pose alors à propos de ce développement du mercenariat : dans quelle mesure les
relations entre Etats grecs ont-elles été aggravées par la présence de soldats qui échappent plus oun
moins au contrôle de ces Etats eux-mêmes ?
Alors, il est possible de s’interroger : L'armée de mercenaires s'est-elle développée aux
dépens de l'armée civique ? Le développement incontestable du «phénomène mercenaire » est-il à
la cause où la conséquence de la disparition de la mobilisation civique ? Le mercenariat s’inscrit-il
dans le sens d’une décadence des mœurs politiques du monde de la cité ? Les vibrants discours de
Démosthène ont entraîné cette conviction chez de nombreux historiens comme L.M. Marinovic, les
interprétations divergent et nous tenterons de faire le point sur ce débat. La réalité des faits demeure
néanmoins, ainsi le nombre des recrues disponibles n'est pas infini et l'effort, possible en un