travailla la nuit, on travailla le jour pour hâter les constructions; les citoyens de
toutes les classes et de toutes les conditions s’imposèrent les plus durs
sacrifices pour atteindre ce résultat, et en peu de mois, une flotte de cent vingt
galères fut mise à la mer. Cependant les premiers combats de ces marins
improvisés ne furent pas heureux. Souvent leurs habiles adversaires, plus
souvent les tempêtes contre lesquelles ils n’avaient pas encore appris à lutter,
détruisirent ces vaisseaux construits à la hâte et avec tant de peine. Mais
l’énergie romaine s’accrut de ces défaites mêmes, et les Carthaginois, battus sur
terre en Sicile et en Sardaigne, le furent aussi sur mer, leur empire et leur
élément. Les Romains poursuivirent bientôt leurs ennemis jusqu’en Afrique.
De toutes les expéditions de la première guerre punique, celle de Regulus
est la plus célèbre. Les vertus morales et guerrières de cet illustre Romain, ses
premiers succès, facilités par l’aversion des populations africaines contre leur
superbe dominatrice, ses fautes, sa défaite, sa captivité, sa mort héroïque
surtout, ont immortalisé cette période de l’histoire de sa patrie: le lecteur
n’ignore pas que deux prisonniers carthaginois, livrés à la veuve de Regulus,
périrent à Rouie dans d’affreux supplices. Ces vengeances barbares, ces
représailles non moins cruelles, donnèrent à la guerre un caractère d'atrocité
qu’elle n’avait pas encore revêtu. Ce ne fut plus une lutte ordinaire entre deux
peuples, mais un véritable duel entre deux adversaires décidés à vaincre ou à
mourir; enfin le courage des Romains l’emporta, et Carthage fut réduite à
demander la paix. Céder une première fois, c’était se mettre dans la nécessité de
céder une seconde, une troisième, jusqu’à sa ruine totale; c’est en effet ce qui
arriva. D’après les termes du traité qui mit fin à la première guerre punique,
Carthage évacua la Sicile, rendit sans rançon tous les prisonniers, et paya les
frais de la guerre. Elle accordait tout et ne recevait rien son humiliation était
complète, l’orgueil des Romains satisfait et leur supériorité reconnue.