Doudou 1er ; page 1 /6
Dans ma classe, à côté du coin lecture, il y a le coin zoo. Deux tourterelles
sans bébés parce que c’est toutes les deux des femelles. Mais nous, on espère
toujours. Un hamster qui gonfle ses joues comme s’il mastiquait du chewing-
gum et qui tourne sur sa roue comme à la foire. Un cochon d’Inde marron qui
sent mauvais et un gros lapin noir, tout lisse, tout beau : mon préféré.
J’aime aller le caresser quand je m’ennuie ou quand j’ai fini mes
exercices. Il est tellement doux ! Il s’appelle Doudou. On a choisi son nom au
début de l’année. Il y en a qui voulaient l’appeler Tounoir. On s’est disputé,
on s’est bagarré. La maîtresse a crié.
Et c’est Doudou qui l’a emporté de justesse aux élections.
Jusqu’aux vacances de Pâques, comme on prend les animaux chez
nous à tour de rôle, chaque semaine, jamais je n’ai eu Doudou à garder.
Une fois, j’ai eu le cochon d’Inde. Mais il ne m’intéressait pas. Je l’ai
laissé dans sa caisse en carton pleine de papier journal. Je lui ai juste donné à
manger et j’ai essayé de lui faire faire un triple saut périlleux arrière du haut
de la table. Il a atterri sur le dos. Il n’a pas couiné. Je l’ai remis dans sa caisse
et maman a dû passer le désodorisant après son départ.
Et puis mon rêve s’est réalisé. C’est moi qui garderai Doudou pendant toutes
les vacances de Pâques. Dès que je l’ai su, j’ai rêvé à tout ce que l’on ferait
ensemble et à toutes les caresses qu’il aurait. Je lui raconterais des histoires et
il viendrait contre moi. Je lui parlerais lapin en essayant de faire bouger mes
oreilles. Il comprendrait.
Et puis le vrai jour est arrivé.
Tous les autres, dans la classe, étaient jaloux. Tant pis. J’avais Doudou,
Doudou pour moi tout seul. Pour papa et maman, aussi, qui l’ont trouvé très
mignon, et puis de moins en moins mignon dès qu’il sortait de sa cage pour
aller faire quelques toutes petites crottes sur la moquette ou attaquer
sauvagement les mules rouges de maman ou les fils de la télévision.
D’abord, ils ont souri, puis ils ont froncé les sourcils et ils se sont mis à
compter les jours. Ils m’ont même menacé de l’enfermer dans sa cage toute la
journée. J’ai pleuré. Ils ont cédé. Et Doudou a continué à se promener, en
mangeant des carottes et en faisant des crottes.
Maman passait l’aspirateur en soupirant.
- Jamais… Jamais plus d’animal chez nous. Tu entends ?
J’entendais mais je ne la croyais pas.
Je racontais des histoires à Doudou et avec ses oreilles il me faisait signe
qu’il comprenait. Je l’embrassais. Je le serrais très fort contre moi.
Et puis, comme c’était trop beau, il fallait que ça se termine. J’étais triste.
Demain, il faudrait rendre Doudou à la classe. J’ai nettoyé la cage, tout
préparé et je l’ai appelé.