Thème 3 Economie du développement durable Chapitres 3.1 et 3.2 : La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ?/ Quels instruments économiques pour la politique climatique ? Introduction : Le développement durable doc.1 (polyc) La photo avec l’ours blanc montre les conséquences du réchauffement climatique et les limites de la croissance économique. Le réchauffement est la conséquence du rejet par l’activité humaine des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. La croissance a donc indirectement un impact sur les conditions de vie futures de l’espèce animale mais par extension aussi pour l’espèce humaine (élévation du niveau des mers et disparition de certaines espèces). La notion de développement durable (schéma doc.1) se propose justement de prendre en compte les effets aujourd’hui de l’activité humaine pour les générations futures. Le terme « durable » signifie donc la nécessité de satisfaire les besoins d’aujourd’hui sans remettre en cause ceux de demain. Satisfaire les besoins (soit le développement durable) implique alors trois dimensions qui sont entremêlées. La dimension économique car il s’agit de créer des richesses pour satisfaire les besoins d’aujourd’hui, la dimension environnementale car le capital naturel doit être préservé et enfin la dimension sociale qui prend en compte une répartition équitable des fruits du développement économique. I – La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ? A – Ne pas confondre bien être et croissance 1) Les limites du PIB comme indicateur (de bien-être et de développement) On peut rappeler les limites du PIB : C’est une mesure imparfaite du niveau de vie (pour le PIB/habitant), il ne prend pas en compte toutes les dimensions du développement humain contrairement à l’IDH, il ne comptabilise pas les dégradations de l’environnement et la croissance peut s’accroître alors que le bien être diminue (hausse de la pollution ou hausse des accidents). La croissance ne se confond pas avec le bien être. Le doc 3/154 nous montre qu’il peut y avoir une hausse du PIB et en même temps une dégradation de l’indicateur de bien-être économique (IBEE). Bien qu’il n’existe pas de définition officielle ou scientifique du bien-être, on peut en dégager quelques traits qui se retrouvent dans la plupart des indicateurs alternatifs (IBEE, Epargne véritable, Indicateur de progrès véritable). Une mesure de la richesse ou de la consommation, la prise en compte de la dégradation du capital naturel, des indicateurs de santé et d’éducation ainsi qu’une mesure du degré d’inégalité des sociétés face aux revenus ou face à l’emploi. Certaines de ces dimensions se présentent sous forme de « capitaux » qui peuvent s’accumuler. 2) Les composantes du bien être peuvent être analysées sous formes de capitaux.1/154, 4.5.6p155 -On peut estimer que le bien être résulte de la combinaison de quatre capitaux : le capital physique (Bien de production construit par l’homme et pouvant générer des services productifs ou des revenus), le capital naturel (ressources de la nature pouvant générer des flux de services productifs ou des revenus -la terre, les matières premières, la mer), le capital humain (capacités productives d’un individu, mesurées en général par la qualification, l’expérience et les diplômes) et le capital social et institutionnel (ensemble des règles et relations sociales qui encadrent l’activité économique et sociale.) Tous ces « capitaux » ont comme points communs d’une part de contribuer à la création de richesses* et d’autre part de pouvoir s’accroître par l’investissement et donc s’accumuler. Par exemple, le capital naturel est une source de revenus et peut augmenter par l’action de l’homme (replantation de forêts, gestion durable des stocks de poissons), de même que le capital humain (scolarisation obligatoire et allongement des études). * ils servent à produire, ce sont des facteurs de production. NB : En tant que facteur de production, le capital naturel a une valeur marchande mais aussi une valeur non marchande. Un parc naturel peut ainsi être la source d’activités économiques (pâturages, agriculture, tourisme) mais aussi non marchandes (promenades, contemplation du paysage, maintien de la biodiversité). L’exemple du « tribunal de l’eau » (Valence) montre que le capital social et institutionnel peut servir à gérer de façon durable une ressource commune comme l’eau (« bien commun ») sans passer par une privatisation ou une nationalisation de cette ressource. La combinaison de capital physique (réseau d’irrigation), humain (connaissances et qualification des agriculteurs) et social/institutionnel (le tribunal, ses règles, la confiance entre les acteurs) permet de sauvegarder le capital naturel (l’eau) et donc de contribuer au bien-être. B – Comment concilier croissance et développement durable ? 1) Les effets de la croissance sur l’environnement (3.4/156,3/158, 2/167) td13 L’exemple de la culture du quinoa (td 13) en Bolivie illustre à la fois l’idée que le capital naturel peut être source de croissance et en même temps que cette croissance n’est pas forcément durable. En effet, l’exportation de cette plante a permis une hausse conséquente du niveau de vie et du bien-être (accès à l’éducation et à la santé) mais a des effets négatifs sur l’environnement, surexploitation des sols, perte de fertilité, diminution du cheptel des lamas et érosion du sol qui peuvent remettre en cause l’utilisation durable de cette ressource. Les gaz à effet de serre (GES) ; la production de ges est une conséquence de la production de richesse, il s’agit d’une externalité (Action d’un agent économique sur un autre qui n’est pas prise en compte par le marché, pollution=externalité négative). La hausse des GES est corrélé avec le niveau de développement économique et aux révolutions industrielles qui ont entraîné une consommation accrue d’énergie d’origine fossile (charbon puis pétrole et gaz) ou électrique. Les émissions de ges sont liées au développement économique et au mode de consommation des pays, les pays les plus polluants par habitant sont les Etats-Unis (22tco2/pers) tandis que l’Afrique a l’émission par tête la plus faible (1tco2/pers). Mais quand on compare par pays, la Chine (23% des émissions mondiales) de par son nombre élevé d’habitants produit une part importante des ges à l’échelle mondiale de même que les EUA (19%) en 2010. L’épuisement des ressources non renouvelables (ex : le pétrole). Le pic pétrolier est le moment où le niveau des réserves connues commence à diminuer. Cet épuisement causé notamment par la hausse de la demande mondiale donc par la croissance) peut être compensé soit par l’exploitation de gisements connus, soit par la recherche de nouveaux gisements ou encore par l’utilisation de nouvelles technologies d’exploitation (gaz de schistes). 2) A quelles conditions la croissance peut-elle être soutenable ?, polyDoc2 Le PIB n’a pas été conçu pour évaluer la soutenabilité de la croissance. Par soutenabilité il faut entendre la capacité d’une économie à garantir une satisfaction des besoins pour les générations futures. Comme le PIB ne prend pas en compte le stock de capital naturel ou de capital physique, il ne renseigne pas sur une perte ou une dégradation de ces capitaux. La hausse des Ges ou la déforestation qui sont des dégradations du capital naturel et qui compromettent les possibilités de croissance dans le futur ne sont pas évaluées par le PIB. Le débat sur la soutenabilité de la croissance repose sur l’idée qu’il existe ou non une substituabilité possible entre les différents types de capitaux (naturel et physique) 4/160. Pour les partisans de la soutenabilité faible, il y substituabilité parfaite entre le capital naturel et le capital physique ; en cas d’épuisement d’une ressource naturelle on peut la remplacer par une autre ressource (l’aquaculture pour les ressources halieutiques ou les gaz de schistes pour le gaz). Le progrès technique doit contribuer à apporter des solutions techniques dans le futur et la croissance est nécessaire pour dégager des moyens afin de financer la recherche. Pour les partisans de la soutenabilité forte par contre, la substituabilité est limitée car certaines ressources ne sont pas remplaçables une fois détruites (la biodiversité par exemple). Il faut donc agir en sanctuarisant certaines ressources naturelles mais aussi en limitant l’empreinte de l’homme sur l’environnement en modifiant le mode de vie et en ayant une stratégie de « décroissance ». Les arguments en faveur de la soutenabilité faible peuvent être illustrés par la courbe de kuznets environnementale et par les courbes d’efficacité énergétique. La première courbe nous montre que l’augmentation de la pollution liée au développement n’est que transitoire, au fur à mesure de l’industrialisation les pays utilisent des techniques plus efficaces qui permettent de réduire les émissions de pollution. Il s’agit d’une courbe en cloche (ou en U inversé). L’efficacité énergétique appuie cette idée en montrant la que consommation d’énergie pour produire 1000€ de PIB a tendance à diminuer avec le temps. Le progrès technique permet de diminuer la dépense d’énergie et donc la pollution. 1.2/162 Les partisans de la soutenabilité forte font remarquer que la notion d’efficacité énergétique ne prend pas en compte toutes les pollutions et notamment la perte de la biodiversité, les ges et les déchets. D’autre part même si les voitures (ou les usines) sont plus économes en énergie qu’autrefois, l’augmentation de leur nombre contribue quand même à accroître les effets sur l’environnement. Enfin, l’atteinte de ressources comme les forêts primaires créent des dommages que ni le progrès technique ni la croissance ne peuvent compenser Doc2. II – Quels instruments économiques pour la politique climatique ? A – Pourquoi faut-il une politique climatique ? (politique visant à lutter contre le réchauffement climatique) 1) Le climat, un bien commun Une ressource naturelle comme un pâturage peut disparaître par surexploitation du fait que le « bien » n’appartient à personne. C’est ce qu’on appelle la « tragédie des biens communs » doc.3 (bien consommé collectivement mais qui ne permet pas d’en bloquer l’accès à un consommateur -non-exclusion- et dont la consommation par une personne diminue les quantités disponibles pour les autres –rivalité). Elle illustre le fait que chaque agriculteur a intérêt à y faire paître le maximum de vaches, ce qui va réduire la ressource pour les autres (rivalité). Afin de gérer une ressource naturelle de façon durable il faut donc, soit créer des droits de propriété privée sur les terres, soit les nationaliser soit encore en confier la gestion à une autorité reconnue (v. tribunal de l’eau). Le climat (ou sa préservation) peut être considéré comme un bien commun. En effet, l’air est une ressource que tous les agents économiques peuvent utiliser librement ce qui entraîne des rejets de ges. Cela contribue au réchauffement climatique et entraîne alors une dégradation des conditions climatiques pour les générations futures. Pour préserver la qualité du climat, il faut alors comme pour le pâturage trouver des solutions afin de contrôler la sur-exploitation ou pollution de l’air. Biens économiques Biens communs Biens collectifs Rivalité Oui Non Exclusion Non Non Exemples Climat, ressources halieutiques, forêt, eau (irrigation Valence) Phare (Bc pur),défense nationale, radios libres 2) Les conséquences des GES doc4 et 5poly ; 1.2/182 On peut définir les GES à la fois comme une externalité négative (voir partie I) et comme une défaillance du marché (situations où le libre fonctionnement du marché s’éloigne de l’optimum d’efficacité économique). Les ges accroissent le réchauffement climatique ce qui a un impact sur l’activité économique et sur la société ( doc.5). La croissance économique ralentit (baisse de la production), les inégalités s’accroissent (chômage) et les déplacements de populations prennent de l’ampleur. La réduction des surfaces agricoles, la raréfaction des ressources naturelles (ex : l’eau), la multiplication des dérèglements climatiques (feux de forêt, sécheresse, inondations) entraînent aussi une dégradation du niveau de vie et du bien-être. B – Les instruments des politiques environnementales 1) Des instruments variés mais complémentaires 2/184, 4/185, 1/188 Instruments des politiques climatiques La taxe Imposition d’une taxe sur les entreprises et activités polluantes (principe du pollueur=payeur) Avantages -Apporte des recettes fiscales. -Flexibilité (entreprises paie ou pollue) Limites -Incertitudes sur l’effet –quantitéssur la pollution -Peut nuire à la compétitivité des entreprises La réglementation ou normes Ensemble de règles édictées par les pouvoirs publics visant à limiter les effets de l’activité économique sur l’environnement. -Simplicité -Cout faible -Pb de compétitivité -Equité selon les entreprises. -Efficacité limitée Le marché (de quotas d’émissions) Marché sur lequel s’échangent des permis à polluer qui sont alloués aux entreprises en fonction de leur niveau de production (quotas). Le prix dépend de l’offre et de la demande mais aussi du niveau de quotas attribués au départ par les autorités. -Flexibilité -Effet assuré sur les quantités -Efficacité dépend des quotas fixés au départ -Un prix trop faible n’incite pas à réduire la pollution Exemples -Taxe carbone en Suède -Taxe sur les émissions de Co2 des compagnies aériennes en Europe -En France, portent essentiellement sur l’énergie (touche la consommation) -Normes d’émission de Co2 imposées aux voitures en Europe, Essence sans plomb, ampoules basse consommation, pot catalytique, Interdiction des chlorofluorocarbones responsable du trou d’ozone -Marché carbone de l’union européenne La taxe peut constituer une solution efficace pour limiter la pollution mais sous certaines conditions. L’imposition d’une taxe carbone en Suède a permis de réduire les émissions de Co2 sans nuire à la croissance économique. Toutefois, la Suède avait introduit un système d’exemption pour certaines entreprises et sa faible dépendance énergétique grâce à des énergies propres (biomasse, nucléaire, hydroélectricité) a permis de trouver des alternatives peu couteuses aux énergies polluantes. (4/185) 2) Le recours au marché, un moyen efficace ? voir TD14 La création d’un marché du carbone dans l’union européenne est un moyen de répondre à la « tragédie des biens communs ». Pour réduire le rejet des Ges dans l’atmosphère, il a été décidé « d’internaliser » la pollution en lui donnant un prix via un marché et en attribuant des droits de propriété grâce à des quotas d’émissions carbone. Mis en place en 2005 dans le cadre de l’accord de Kyoto sur le réchauffement climatique, le marché du carbone a connu trois périodes :2005-2007, 2008-2012, 2013-2020. Le marché est encadré par les pouvoirs publics. Pour chaque période, les Etats ont présenté un plan national d’attribution des quotas (PNAQ) avec un objectif d’émission et l’attribution de quotas aux grandes entreprises fortement émettrices de GES. Un quota correspond au droit d’émettre une tonne de CO2. Au fur à mesure des périodes, les quantités de quotas attribués ont diminué et les objectifs d’émissions ont été réduits afin d’inciter les entreprises à émettre moins de Ges. Sur le marché l’offre et la demande déterminent le prix du quota carbone. L’offre correspond aux entreprises qui n’ont pas utilisé tous leurs quotas et donc les revendent, et la demande correspond aux entreprises qui ont dépassé leurs quotas et en achètent pour continuer à produire. La hausse du prix est censée inciter les entreprises à réduire leurs émissions de GES soit en investissant dans des systèmes de production propres, soit en trouvant des moyens alternatifs (réductions des GES dans d’autres secteurs ou pays par le biais du mécanisme de développement propre, MDP). Le bilan est mitigé. Les premiers plans ont sur-estimé les besoins réels des entreprises et le nombre de quotas attribués a été trop élevé, ce qui a entraîné une baisse du prix du carbone. Par la suite les PNAQ ont été plus réalistes et les attributions de quotas ont baissé. Le rôle des institutions de contrôle est donc important pour veiller à l’efficacité du système. Le marché a cependant une efficacité économique puisqu’il permet de limiter les quantités de GES tout en laissant une flexibilité aux entreprises qui peuvent en cas de dépassement soit acheter un quota, soit produire moins, soit payer une amende, soit faire un MDP, soit investir dans des solutions propres. L’équité entre les entreprises n’est toutefois pas assurée car les grandes entreprises ont des moyens pour intervenir sur le marché (équipe de traders) que n’ont pas les plus petites. D’autre part, la capacité de réaliser des investissements lourds pour moins polluer est inégalement répartie selon la taille de l’entreprise. Enfin, certains secteurs comme les industries dites « délocalisables » disposent de conditions plus favorables que les autres.