LE VERFÜGBAR AUX ENFERS
UNE OPERETTE A RAVENSBRUCK
de Germaine TILLION
par la compagnie
Théâtre du Piémont des Vosges
(Barr - Bas Rhin - Alsace)
Avec en alternance
Joy Bauer, Eva Bauer, Eve Corneaux, Ghislaine Grillon, Alisja Jablonska,
Marjorie Kerholas, Julie Knittl, Cristina Scagliotti et Michael Winum
MISE EN SCENE : Jaromir KNITTL
Des femmes dans le camp de Ravensbrück luttent contre leur condition inhumaine et pour défendre leur
dignité. Elles organisent leur résistance en chantant à la barbe des geôliers nazis convoquant le souvenir des
rengaines populaires, du bon vin qui réchauffe, des joyeuses tablées d’antan, avec la plus redoutable des armes :
le rire et la joie de vivre…L’auteur, Germaine Tillion, miraculée du camp de Ravensbrück a écrit en 1944,
l’œuvre la plus singulière et la plus étonnante qui soit sur les camps de la mort. Elle plonge le spectateur de
manière inattendue dans l’univers joyeux d’une opérette, sorte de revue conférence remplie d’humour noir. Nous
ne sommes pas loin de l’esprit de « La vie est belle » mais ici, il ne s’agit pas d’une fiction : le ton est léger mais
la réalité est crue, violente. Le metteur en scène reste fidèle a l’auteur en respectant ses propres indications : ni
chœur de 30 interprètes, ni orchestre, ni rétrospective documentaire, ni reconstitution historique mais un regard
amusant et amusé sur l’horreur.
Du 15 janvier au 21 février 2010 les vendredis et samedis à 20h45
les dimanches à 15h30
Au THEATRE AIRE FALGUIERE réservations : 01 56 58 02 32
Direction Geneviève Rozental
Réalisé avec le soutien moral et financier de la Région Alsace, parrainé par l’association Germaine Tillion
A LA RENCONTRE DE L’AUTEURE GERMAINE TILLION
Grande résistante, intellectuelle indépendante, femme inclassable, aux engagements radicaux, pionnière de
l'ethnologie dans les années 30.
Née le 30 mai 1907, elle décède le samedi 19 avril 2008 à l’âge de 101 ans.
Issue d’une famille d'intellectuels catholiques, père bourguignon, mère auvergnate, elle est l'élève de Marcel Mauss,
sociologue et ethnologue, qui transmet à ses étudiants une éthique de l'enquête et une méthode de travail non dogmatique.
En 1934, l'apprentie-ethnographe part enquêter sur le terrain dans le massif montagneux des Aurès (sud-est algérien), se
déplaçant à cheval, accompagnée d'un mulet portant son matériel. Pour mener ses observations sur la population berbère
chaouie, elle campe seule dans les douars les plus pauvres, à 70 km de la première route. Elle effectuera quatre missions
jusqu'en 1940.
Ses cahiers de notes et manuscrits de thèse, emportés à Ravensbrück après son arrestation en 1942, seront perdus au
camp. L'ethnologue publiera néanmoins en 1966 "Le Harem et les cousins", son livre majeur, un essai sur le mariage
endogame des femmes au Maghreb, considéré comme pionnier.
Plus tard, elle rassemblera ses souvenirs dans un livre à la fois drôle et savant, "Il était une fois l'ethnographie" (2000).
Dès son retour de mission en juin 1940, Germaine Tillion, révulsée par le discours du maréchal Pétain
annonçant l'armistice, co-fonde le "Réseau du Musée de l'Homme", le tout premier mouvement de
Résistance. Elle devient, après les arrestations et les exécutions de Boris Vildé, Anatole Lewitsky et de Paul Hauet (dont elle
est l'adjointe dès 1940), chef du réseau de Résistance du Musée de l'Homme, avec le grade de commandant de 1941 à
1942. Le réseau travaille à l’évasion des prisonniers et au renseignement.
Dénoncée par l'abbé Robert Alesch, Germaine Tillion est arrêtée le 13 août 1942, et déportée le 21 octobre 1943 à
Ravensbrück. Elle y perd sa mère, l'écrivain Émilie, grande résistante, déportée en 1944 et gazée en mars 1945. Pendant
son internement au camp, avec Geneviève De Gaulle et Anise Postel-Vinay, elle se fait « l'animatrice d'une sorte
d'opération survie ». Cachée dans une caisse, elle réussit à écrire sur un cahier soigneusement caché, une opérette
cocasse sur l'enfer des prisonnières, pour distraire ses compagnes : " Le Verfügbar aux Enfers » (les « Verfügbar »
- verfügbar = disponible - étaient les déportées soumises aux corvées et brimades par refus de travail) où elle mêle
à des textes relatant avec humour les dures conditions de détention, des airs populaires tirés du répertoire lyrique
ou populaire.
Au camp, elle reste ethnographe, s'employant à disséquer « l'incroyable société » où elle est plongée. Auteur en 1946 d'un
des premiers témoignages sur la condition de déportée (« A la recherche de la vérité »), l'ethnologue l'avait actualisé en
1973 puis 1988 sous le titre "Ravensbrück", soulignant notamment les finalités économiques du phénomène
concentrationnaire.
En 1955, l'ethnologue renoue avec l'Algérie à la demande du gouvernement Pierre Mendès France, empêtré dans la crise
algérienne.
Elle crée les Centres sociaux pour les ruraux musulmans déplacés dont elle dénonce la "clochardisation" (« L'Algérie en
1957 »), analyse les dysfonctionnements de la société coloniale (« Les ennemis complémentaires »), enquête sur la torture
et les lieux de détention.
En 1957, en pleine bataille d'Alger, elle réussit à obtenir pour quelques semaines l'arrêt des attentats, après une rencontre
secrète avec le chef militaire de la région d'Alger Yacef Saadi.
A la fin de sa vie, cette petite femme ronde, au regard aigu et au franc-parler, reçoit de très nombreux hommages. Jean
Lacouture lui consacre une biographie (« Le Témoignage est un combat »). Une école de Saint-Mandé (Val-de-Marne)
elle résidait porte son nom et celui de sa mère.
Elle était une des rares femmes à porter la Grand'Croix de la Légion d'honneur.
Chronologie
30 mai 1907: naissance de Germaine Tillion à Allègre, bourg de Haute Loire.
1925 (mars) : son père meurt d’une pneumonie. Sa mère, Émilie, subvient aux besoins de la famille en
poursuivant chez Hachette la publication de guides culturels sur les régions de France et les pays
d’Europe.
1925 -1926 : elle entreprend des études supérieures : à l’Ecole du Louvre (en archéologie, préhistoire
et histoire de l’art; en Sorbonne et à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (notamment études celtiques et
épigraphie sémitique) au Collège de France et à l’Institut d’Ethnologie, où elle suit les cours de Marcel
Mauss. Durant cette période, elle aide sa mère à l’édition des Guides bleus.
1932 : Diplômée de l’Institut d’Ethnologie.
1934 : Mauss recommande G.Tillion à l’Institut international des langues et civilisations africaines (basé
à Londres) pour une mission de recherches dans les Aurès, massif montagneux de l’Est algérien.
(décembre) : avec Thérèse Rivière, qui a été également recrutée pour cette mission, elle s’embarque
pour Alger d’où, après une brève étape, elles partent s’installer dans les Aurès, dans des campements
séparés. G.Tillion, au hameau de Kebach, sur les flancs du massif de l’Ahmar Khaddou.
1937 (février)-1939 : G.Tillion retourne à Paris.
1940 (9 Juin): cinq jours avant l’entrée des Allemands dans la capitale, elle arrive à Paris qu’elle quitte
aussitôt avec sa famille sur les routes de l’exode. De retour à Paris à la fin du mois, elle entre en
contact avec le colonel en retraite Paul Hauet avec lequel elle organise des premières actions de
résistance. (automne) : elle retrouve ses amis du Musée de l’Homme (Yvonne Oddon, Paul Rivet,
Anatole Lewitsky) et y fait la connaissance de Boris Vildé, tous engagés dans la Résistance.
1941 : arrestations au musée de l’Homme, en février de Lewitsky et d’Oddon, en mars de Vildé, en avril
de Humbert. (juillet) : premières arrestations des colonels P. Hauet et de la Rochère. G.Tillion assume
de plus en plus de responsabilités.
1942 : diplômée de l’Ecole des Langues orientales, en berbère. (février) : procès de 19 membres du
réseau ; elle intervient, mais en vain, pour obtenir la grâce des 10 condamnés à mort. Le 23 février :
exécutions de 7 d’entre eux au Mont Valérien. (13 août): arrestation de G.Tillion - et de sa mère- par
l’Abwehr, service du contre-espionnage allemand. G.Tillion (qui restera 6 mois au secret) est détenue à
Paris, à la prison de la Santé, puis à Fresnes. Sa mère, Emilie Tillion est incarcérée dans ces mêmes
prisons, et, en août 1943, au Fort de Romainville, puis, fin octobre 43, au camp de Compiègne.
mai 1943 à mai 1946 : (octobre): déportation de Germaine Tillion à Ravensbrück.
1944 (31 janvier) : du camp de Compiègne, Emilie Tillion est déportée à Ravensbrück.
1945 (mars) : Émilie Tillion est victime d’un assassinat collectif par gaz toxique.
23 avril 1945 : Germaine Tillion est libérée de Ravensbrück, avec plus de 300 Françaises, grâce à la
Croix-Rouge suédoise, et envoyée en convalescence à Göteborg, en Suède où elle mène une enquête
systématique auprès de ses camarades. (11 juillet) : retour de Suède à Paris où elle retrouve son poste
au CNRS. (23 juillet-15 août) : assiste au procès du Maréchal Pétain.
1946 : nommée « liquidatrice » nationale des divers groupes de résistance avec lesquels elle a
«travaillé », organisation qu’elle intitule « Réseau du Musée de l’Homme- Hauet-Vildé ».(20 novembre) :
médaille de la Résistance avec rosette. Publie sa première étude sur le camp dans un ouvrage collectif
Ravensbrück. (décembre-janvier 1947) : déléguée comme observateur par l’ADIR (Association des
Déportées et Internées de la Résistance) au procès, à Hambourg, des responsables du camp de
Ravensbrück .
1947 : au CNRS, passe de la section de « Sociologie africaine » à la section d’ « Histoire moderne ».
Elle prend en charge la recherche sur les femmes et les enfants déportés de France, sous l’égide du
ministère des anciens combattants puis du CNRS. Croix de guerre avec palmes (12 avril), chevalier de
la légion d’honneur.
1950 (septembre) Amsterdam, Congrès d’ Histoire moderne sur la Deuxième guerre mondiale et
l’Occident. G.Tillion y présente ses recherches sur les camps de concentration.
1951 (mai) : membre du jury international de la Commission internationale contre le régime
concentrationnaire (CICRC) réuni à Bruxelles pour enquêter, d’après témoignages, sur l’existence de
camps de concentration en URSS, provoquant de violentes réactions de ses camarades communistes.
1954 (décembre) - 1955 (février) : chargée d’une mission officielle d’enquête sur le sort des
populations civiles dans les Aurès (à la demande de François Mitterrand, Ministre de l’Intérieur).
1955 (mars)1956 (février) : chargée de mission au Cabinet du Gouverneur Général de l’Algérie,
Jacques Soustelle. Crée le Service des Centres Sociaux
1956 (janvier) : participe à la réunion organisée à Alger par Albert Camus pour une trêve civile.
1957 : publie L’Algérie en 1957 (18 juin-3 juillet) : accompagne la mission d’enquête de la CICRC dans
les camps et les prisons en Algérie. (Juillet septembre) : rencontre dans la clandestinité Yacef Saadi ,
responsable FLN de la zone d’Alger et tente d’amorcer une négociation pour mettre fin ,d’un côté, aux
attentats contre la population civile et, de l’autre, aux exécutions capitales. Echange avec lui plusieurs
lettres jusqu’à son arrestation par l’armée, fin septembre. Intervient avec succès pour que Yacef Saadi
soit remis aux autorités judiciaires. (octobre) : remet à la justice militaire un long témoignage sur ses
échanges avec Yacef Saadi. Jusqu’à la fin de la guerre, Tillion multiplie les démarches en faveur des
condamnés à mort, contre la torture et les attentats terroristes auprès de toutes les personnalités
influentes et notamment du général de Gaulle
1958 : première année d’enseignement à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la sixième section qui
deviendra Ecole des hautes études en sciences sociales EHESS- où elle est nommée directeur
d’études, en janvier et où elle poursuivra son enseignement jusqu’en 1980. (mai) : souscrit à l’appel de
plusieurs personnalités demandant au président Coty d’inviter le général de Gaulle à former un
nouveau gouvernement.
1959 (janvier-décembre) : chargée de mission au Cabinet du Ministre de l’Education nationale, André
Boulloche. Développe l’enseignement dans les prisons et les bourses pour les étudiants algériens.
1962. (septembre-novembre) : mission OMS dans dix pays du Moyen et Extrême-Orient. 1962
(février) : mission Dakar-Ouagoudougou . (mars) rend hommage dans Le Monde aux six inspecteurs
des Centres sociaux, assassinés par l’OAS. (septembre-octobre) : mission au Maroc.
1963 (mars-avril) : mission EPHE en Libye. (juin) : participe à la fondation de l’association France
Algérie dont elle sera la vice- présidente, puis présidente par intérim (1986-87). (juillet-septembre)
1973 : publie la deuxième édition de Ravensbrück.
Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle, Anise Postel Vinay en arrière plan
(27 décembre): Grand officier de la Légion d’honneur.
1988 : publie la troisième édition de Ravensbrück.
1992 (mai) : invitée à Moscou par les anciens déportés au Goulag de l’ Association Retour à la
rencontre conférence « Résistance au Goulag » (Maison des Soviets).
1996 : participe au Collectif de soutien aux Sans-papiers de l’église Saint-Bernard.
1997 : publie La traversée du mal , entretiens avec Jean Lacouture. Prix de l’Académie française pour
l’ensemble de son oeuvre.
1999 elle est élevée à la dignité de Grand-croix de la Légion d’honneur, une parmi six femmes, avec
Geneviève de Gaulle, Valérie André, Jacqueline de Romilly, Simone Rozès et Christiane Desroches
Noblecourt.
.2000 : publie Il était une fois l’ethnographie. Grand prix de la Ville de Paris. Signe L’Appel des douze
afin que soit reconnue et condamnée la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie. Biographie de
Tillion par Jean Lacouture « Le témoignage est un combat ».
2003 : inauguration au Puy-en-Velay de la « Maison de quartier Germaine Tillion », première d’une
série d’institutions qui, depuis, ont pris le nom de Germaine Tillion.
2004, elle lance avec d'autres intellectuels français un appel contre la torture en Irak.
2005 : publie Le Verfügbar aux Enfers , opérette revue écrite au camp de Ravensbrück. Les ennemis
complémentaires (nouvelle édition augmentée). Grand croix du Mérite de l’Allemagne (Das Grosse
Bundesverdienst Kreuz). Par l’intermédiaire de l’Association Germaine Tillion dont elle est présidente
d’honneur, Tillion fait don de ses archives à la Bibliothèque Nationale de France. Ses documents relatifs
à la déportation sont déposés au musée de la résistance et de la déportation de Besançon (fonds
Germaine Tillion )
Elle meurt le samedi 19 avril 2008 à son domicile de Saint-Mandé (Val-de-Marne) dans sa 101e année.
LE MOT DU METTEUR EN SCENE
Ni théâtre documentaire, ni reconstitution historique, ni fantaisie librement inspirée, cette adaptation de
l’œuvre de Germaine Tillion « Le Verfugbar aux enfers » se veut avant tout respectueuse de l’esprit du
texte et de la personnalité de l’auteure.
Germaine Tillion n’est pas un auteur dramatique mais une des plus grandes ethnologues du monde,
figure emblématique de la résistance, non seulement durant la seconde guerre mondiale mais aussi
dans les autres les conflits du XX siècle (Algérie, Irak). Elle est devenue auteur malgré elle, comme les
peintres Séraphine ou le douanier Rousseau. Sa pièce est pour moi comme une peinture naïve, tout à
la fois réaliste mais pleine d’une grande espérance.
Rescapée de l’enfer de Ravensbrück, elle avait délibérément rangé le manuscrit de cette opérette
inachevée écrite en octobre 1944 avec l’intention de ne plus jamais la ressortir de son carton. Le texte
avait rempli son rôle et suivi son destin durant sa déportation, c’était bien assez …le hasard en a décidé
autrement et la pièce ressurgit dans les années 2000 et est créée pour la première fois sur la scène du
théâtre musical de Paris -Chatelet interprétée par une pléiade de vedettes lyriques avec orchestre
symphonique, chœur et corps de ballet, pour célébrer le centenaire de l’auteure.
Cette œuvre, étonnante à plus d’un titre, est l’une des plus singulières qui aient jamais été écrites sur
les camps de la mort, car elle raconte l’horreur sur un mode désopilant.
Les comédiens et moi-même ne sommes, dans cette version scénique, que de simples interprètes du
message de Germaine Tillions, message de vie : sa rage de vaincre la mort, son goût, sa fureur et son
sourire sarcastique face à l’innommable ainsi que le tendre regard qu’elle porte sur ses camarades de
détention … les verfugbars.
Nous avons voulu nous rapprocher de ce qu’aurait pu être une représentation « sur place », fredonnée,
comme à demi-mots, de ce que Germaine Tillion appelle l’orchestre des corps et des schussels.
Une conférence- revue loufoque proche de l’esprit, par exemple, du film de Roberto Begnini « la vie est
belle ».
Alors chers spectateurs, si vous en avez envie durant notre spectacle…OSEZ RIRE ! RIEZ de toutes
vos forces. C’est le plus grand hommage que vous pourrez rendre à Germaine Tillion et aux
Verfugbars.
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