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qu’il  ne  connaît  pas  directement.  Mais  il  sait,  par  Prisca  et 
Aquila,  et  d’autres,  que  les  tensions  y  sont  vives.  Il  ne  peut 
donc pas répéter ce qu’il avait écrit dans la première lettre aux 
Thessaloniciens, dans la lettre aux Galates, et dans les lettres 
aux  Corinthiens.  L’importance  et  la  spécificité  de  l’Eglise  de 
Rome appellent plus de pondération. 
  Autre facteur décisif. Dans la mouvance de sa « conver-
sion » sur le  chemin de Damas,  Paul a vécu  « une seconde 
conversion »  (Bony)  par  rapport  au  judaïsme.  Le  chemin 
parcouru en 6 ans entre la première Lettre aux Thessaloniciens 
(document  le  plus  ancien  du  NT)  et  la  Lettre  aux  Romains 
(dernière lettre de Paul) est impressionnant. 
  Dans la première Lettre aux Thessaloniciens (écrite vers 
l’an  50, donc peu après le « concile » de Jérusalem), les juifs 
apparaissaient  comme  un  peuple  assassin  des  prophètes, 
meurtrier  de  Jésus,  persécuteur  des  apôtres  et  des  Eglises, 
faisant obstacle à leur mission.  
  Dans les Lettres aux Corinthiens, la distance était nette-
ment marquée.  
- « Les juifs demandent des signes, et les grecs recherchent la 
sagesse, mais nous prêchons un messie crucifié, scandale pour 
les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, 
tant juifs que grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse 
de Dieu » (I Cor 1,22-24). 
- « Leur  intelligence  s’est  obscurcie.  Jusqu’à  ce  jour,  chaque 
fois  qu’ils  lisent  Moïse,  un  voile  est  sur  leur  cœur.  C’est 
seulement par la conversion au Seigneur que le voile tombe » 
(II Cor 3,14). 
  Or  dans  la  Lettre  aux  Romains,  la  perspective  s’est 
déplacée.  Le  choc  de  la  nouveauté  chrétienne  n’exclut  plus 
l’humilité  qui  respecte  les  chemins  de  Dieu  et  le  chemin  de 
chacun. Les juifs sont ses frères, il les aime, les estime. Il se 
rappelle  qu’il  a  partagé  leur  refus de  l’Evangile.  Il  peut  donc 
comprendre leur refus par fidélité à Dieu, leur passion jalouse 
pour Dieu et sa  Loi. Même s’il  pense  que  c’est  un  zèle  mal 
éclairé  que  Dieu  seul  peut  réorienter.  Il  espère  désormais  le 
salut de tout Israël.