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LA LETTRE DE PAUL AUX ROMAINS
Pourquoi reparler de la Lettre aux Romains, alors que ce
texte a été si souvent commenté ? Parce que le renouveau des
relations judéo-chrétiennes nous invite à aborder ce texte
autrement. Parce que ce texte a joué un rôle essentiel dans la
théologie de Luther.
C’est l’ensemble de la lettre qui parle des rapports des
chrétiens avec le judaïsme. Celui-ci apparaît déjà comme
appelé à durer, alors que la rupture n’est pas encore consom-
mée, que l’on peut donc vivre encore une double appartenance.
Dire oui au christianisme, sans dire non au judaïsme.
Les enjeux sont multiples. D’abord personnel. Car le débat
est intérieur à Paul. Il s’agit pour lui de laisser l’évangile ébran-
ler sa foi juive sans la détruire. La réinterpréter sans la nier.
L’enjeu est œcuménique par rapport au judéochristia-
nisme. Il s’agit de rééquilibrer les formules abruptes de la
première Lettre aux Thessaloniciens, de la Lettre aux Galates
et des Lettres aux Corinthiens, pour prendre en considération la
sensibilité des judéo-chrétiens.
L’enjeu est stratégique par rapport à l’Eglise de Rome qui
partage cette sensibilité judéo-chrétienne.
L’enjeu est missionnaire. Car ce que reproche Paul au
judaïsme, ce n’est pas la négation de la grâce, c’est son parti-
cularisme. Paul refuse la justification par les œuvres de la Loi
juive, la confiance dans les observances propres au judaïsme
qui ne peuvent pas justifier toute l’humanité.
L’enjeu est enfin théologique. Il s’agit d’articuler l’élection
des chrétiens issus des nations et l’élection d’Israël. L’universa-
lité du salut et la singularité juive. L’alliance de Dieu avec Israël
est purement gratuite. La Loi permet de s’y maintenir, non de
mériter d’y entrer. Quand on y manque, Dieu a prévu des rites
de pardon. Mais Paul n’en parle jamais. Il croit lui aussi à la
gratuité de l’élection et à la gratuidu pardon, mais le pardon
est donné dans le Christ.
Ces enjeux nous concernent encore. Car le chemin par-
couru par Paul ne peut pas nous laisser indifférents et le
dialogue judéo-chrétien reste pour nous essentiel.
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I/ SITUATION HISTORIQUE
Il y aurait beaucoup à dire. Je m’en tiens à quelques
aspects essentiels.
A/ Les communautés juives de Rome
Les juifs sont arrivés à Rome vers l’an 150 avant notre ère.
La prise de Jérusalem par Pompée à renforcé leur présence.
Au temps de Paul, les communautés juives de Rome sont floris-
santes. Bien implantées, elles jouissent d’un statut juridique
privilégié. Elle compte entre 20 000 et 50 000 personnes sur
une population de 800 000 habitants.
B/ L’implantation chrétienne à Rome
C’est au sein des communautés juives de Rome que la foi
chrétienne a été implantée, dès les années 35-40, par des juifs
venus de Jérusalem. Convertis au christianisme, ils ont initié
leurs sympathisants et adoptaient le mode de la vie juive. Parmi
les chrétiens venus du paganisme, certains étaient donc atta-
chés aux pratiques juives.
Puis les chrétiens non-juifs sont devenus majoritaires, et
beaucoup ont pris leur distance par rapport au « berceau » juif
de leur foi chrétienne. D’des tensions inévitables en période
de transition.
C/ L’intervention de Paul
On ne peut rien comprendre à Paul sans se référer à
l’événement imprévisible qui a bousculé sa vie sur le chemin de
Damas (vers l’an 35) et qui a fait de lui un apôtre, chargé d’aller
évangéliser les nations.
Quand Paul intervient dans l’Eglise de Rome, il a derrière
lui près de 25 ans d’activité missionnaire. Sa lettre est écrite de
Corinthe, avant son voyage à Jérusalem pour y apporter la
collecte. C’est une première prise de contact avec une Eglise
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qu’il ne connaît pas directement. Mais il sait, par Prisca et
Aquila, et d’autres, que les tensions y sont vives. Il ne peut
donc pas répéter ce qu’il avait écrit dans la première lettre aux
Thessaloniciens, dans la lettre aux Galates, et dans les lettres
aux Corinthiens. L’importance et la spécifici de l’Eglise de
Rome appellent plus de pondération.
Autre facteur décisif. Dans la mouvance de sa « conver-
sion » sur le chemin de Damas, Paul a vécu « une seconde
conversion » (Bony) par rapport au judaïsme. Le chemin
parcouru en 6 ans entre la première Lettre aux Thessaloniciens
(document le plus ancien du NT) et la Lettre aux Romains
(dernière lettre de Paul) est impressionnant.
Dans la première Lettre aux Thessaloniciens (écrite vers
l’an 50, donc peu après le « concile » de Jérusalem), les juifs
apparaissaient comme un peuple assassin des prophètes,
meurtrier de sus, persécuteur des apôtres et des Eglises,
faisant obstacle à leur mission.
Dans les Lettres aux Corinthiens, la distance était nette-
ment marquée.
- « Les juifs demandent des signes, et les grecs recherchent la
sagesse, mais nous prêchons un messie crucifié, scandale pour
les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés,
tant juifs que grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse
de Dieu » (I Cor 1,22-24).
- « Leur intelligence s’est obscurcie. Jusqu’à ce jour, chaque
fois qu’ils lisent Moïse, un voile est sur leur cœur. C’est
seulement par la conversion au Seigneur que le voile tombe »
(II Cor 3,14).
Or dans la Lettre aux Romains, la perspective s’est
déplacée. Le choc de la nouveauté chrétienne n’exclut plus
l’humili qui respecte les chemins de Dieu et le chemin de
chacun. Les juifs sont ses frères, il les aime, les estime. Il se
rappelle qu’il a partagé leur refus de l’Evangile. Il peut donc
comprendre leur refus par fidélité à Dieu, leur passion jalouse
pour Dieu et sa Loi. Même s’il pense que c’est un zèle mal
éclairé que Dieu seul peut réorienter. Il espère désormais le
salut de tout Israël.
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II/ BREF DETOUR PAR LA LETTRE AUX GALATES
La Lettre aux Galates précède de 3 ans la Lettre aux
Romains. C’est la meilleure introduction à cette dernière.
J’évoque la crise des Eglises de Galatie, puis la manière
dont Paul y répond. En faisant appel à son expérience, aux
Ecritures, et aux enjeux de la liberté chrétienne.
A/ Crise des Eglises de Galatie
Après un premier contact excellent, arrivent des intrus,
venus d’Antioche et se réclamant de l’autorité de Jacques à
Jérusalem. Ils sont porteurs d’« un autre évangile », car ils lient
la foi au Christ à la pratique des observances juives.
Pour résister, Paul en appelle à sa propre expérience. Il
évoque successivement sa « conversion », l’assemblée de
Jérusalem et l’incident d’Antioche.
B/ Expérience de Paul (Chapitre I et II)
Sur le chemin de Damas, la révélation de l’évangile a fait
de Paul l’apôtre des nations (vers 35). Son évangile repose sur
la révélation du Fils de Dieu, mort et ressuscité, non sur le
témoignage des hommes.
L’assemblée de Jérusalem (vers 51) a confirmé l’évangile
paulinien et la liberté accordée aux païens convertis d’être
dispensés de la circoncision et donc de la pratique intégrale de
la Loi juive. Les intrus ne peuvent donc pas se réclamer de
Jacques et de l’Eglise de Jérusalem Mais au « concile de
Jérusalem », rien n’a été dit sur un point délicat. Les chrétiens
issus judaïsme et ceux qui sont issus des nations doivent-ils se
regrouper par communautés d’origine, ou doivent-ils former une
seule et même communauté et avoir part à la même table ?
D’où l’incident d’Antioche. Pierre partageait sans problème
une même table avec les chrétiens issus des nations. Mais
sous la pression des judéo-chrétiens, il fait marche arrière, ce
qui revient à rendre à la Loi juive son pouvoir séparateur. Paul
avait pris la défense de l’Evangile de la liberté à l’assemblée de
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Jérusalem. Il supplie maintenant les Galates de ne pas renou-
veler l’erreur de Pierre. Le Christ seul peut nous sauver et être
le ciment de l’unité des communautés.
L’enjeu est le salut universel. Il n’y a pas deux voies de
salut, mais une seule, pour le juif comme pour le grec.
C/ Témoignage des Ecritures (chapitre III et IV)
Paul en appelle alors au témoignage des Ecritures. C’est
par la foi qu’Abraham a été reconnu juste. C’est donc par la foi
que les chrétiens sont fils d’Abraham. La loi est intervenue
beaucoup plus tard. Elle révèle notre impuissance à accomplir
tous les commandements, et nous oriente ainsi vers le Christ.
La Loi asservit et divise, tandis que la grâce libère, et rétablit
l’unité là où elle avait été brisée.
Les formules abruptes se succèdent.
- « Les pratiquants de la Loi sont tous sous le coup de la malé-
diction, puisqu’il est écrit : « Maudit soit quiconque ne persévère
pas dans l’accomplissement de tout ce qui est écrit dans le livre
de la Loi » (3,10).
- «Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la Loi,
puisqu’il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois »
(3,13). Le Christ Jésus a payé de sa vie notre libération,
manifestant ainsi l’amour gratuit de Dieu pour les pécheurs que
nous sommes.
- « Il n’y a plus ni juif, ni grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme
libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous vous n’êtes
qu’un en Jésus Christ » (3,28).
Comment Paul peut-il parler ainsi de la « malédiction » de
la Loi de Moïse ? Certes, il s’en prend aux judéo chrétiens qui
veulent imposer aux païens convertis les prescriptions de la
torah. Mais cela atteint par ricochet la tradition juive. Or cette
tradition a pris de plus en plus conscience de l’emprise du mal
qui nous colle à la peau. Le mal ne nous permet pas de
changer de fond en comble, comme la panthère ne peut pas
changer de pelage (Jérémie 13). D’où l’immense espérance
que Dieu nous donnera un « cœur nouveau », un « Esprit
nouveau » (Jérémie 31, Ezéchiel 11 et 38). Promesse réalisée
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