PAUL AUX ROMAINS 3 /
qu’il ne connaît pas directement. Mais il sait, par Prisca et
Aquila, et d’autres, que les tensions y sont vives. Il ne peut
donc pas répéter ce qu’il avait écrit dans la première lettre aux
Thessaloniciens, dans la lettre aux Galates, et dans les lettres
aux Corinthiens. L’importance et la spécificité de l’Eglise de
Rome appellent plus de pondération.
Autre facteur décisif. Dans la mouvance de sa « conver-
sion » sur le chemin de Damas, Paul a vécu « une seconde
conversion » (Bony) par rapport au judaïsme. Le chemin
parcouru en 6 ans entre la première Lettre aux Thessaloniciens
(document le plus ancien du NT) et la Lettre aux Romains
(dernière lettre de Paul) est impressionnant.
Dans la première Lettre aux Thessaloniciens (écrite vers
l’an 50, donc peu après le « concile » de Jérusalem), les juifs
apparaissaient comme un peuple assassin des prophètes,
meurtrier de Jésus, persécuteur des apôtres et des Eglises,
faisant obstacle à leur mission.
Dans les Lettres aux Corinthiens, la distance était nette-
ment marquée.
- « Les juifs demandent des signes, et les grecs recherchent la
sagesse, mais nous prêchons un messie crucifié, scandale pour
les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés,
tant juifs que grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse
de Dieu » (I Cor 1,22-24).
- « Leur intelligence s’est obscurcie. Jusqu’à ce jour, chaque
fois qu’ils lisent Moïse, un voile est sur leur cœur. C’est
seulement par la conversion au Seigneur que le voile tombe »
(II Cor 3,14).
Or dans la Lettre aux Romains, la perspective s’est
déplacée. Le choc de la nouveauté chrétienne n’exclut plus
l’humilité qui respecte les chemins de Dieu et le chemin de
chacun. Les juifs sont ses frères, il les aime, les estime. Il se
rappelle qu’il a partagé leur refus de l’Evangile. Il peut donc
comprendre leur refus par fidélité à Dieu, leur passion jalouse
pour Dieu et sa Loi. Même s’il pense que c’est un zèle mal
éclairé que Dieu seul peut réorienter. Il espère désormais le
salut de tout Israël.