Les chercheurs élaborent une construction méthodique du monde vécu du sujet étudié ; cette construction est donc le fruit d’une
compréhension autre, ou renouvelée, du monde du sujet par les chercheurs. Le sujet étudié, en dialoguant avec les chercheurs, peut aider les
chercheurs à mieux saisir son monde et peut aussi corriger les éventuelles erreurs faites par les chercheurs dans leur construction de la réalité.
En effet, construire un discours scientifique c’est construire des interprétations convaincantes et éclairantes de la réalité qui soient
justiciables d’une confrontation avec des données observables. Il est donc important que le chercheur confronte ses théories à la réalité et cela
notamment en écoutant les acteurs concernés, en leur présentant ses théories pour que ceux-ci puissent émettre un certain contrôle de la validité
des éléments relatés (dans les limites de leurs connaissances).
Ainsi, en confrontant ses théories à des données d’observation, le chercheur
6. va éviter l’erreur plutot que de dire « la vérité » => principe de falsifiabilité
7. va rendre public les résultats de la recherche et les soumettre à la critique
mutuelle, d’abord à la communauté scientifique, mais aussi aux acteurs concernés. Ceux ci doivent pouvoir réagir par rapport aux résultats.
1.principe d’intersubjectivité
4.Distanciation par rapport au sens commun
Après avoir établi l’importance de l’implication des acteurs concernés pour la pertinence de la recherche, il faut toutefois noter que le
chercheur doit prendre ses distances par rapport au sens commun et doit éviter de prendre pour vrai tout ce que les personnes qu’il interroge
disent (sous forme d’enquête par questionnaire, d’entretien, d’observation directe,…). En effet, il faut être très prudent quand on interprète.
2. Ethique
L’implication des acteurs concernés est indispensable pour certaines raisons éthiques dont le fait de reconnaître à l’objet de la
recherche une compétence réflexive dont chaque être humain est doté, le principe de l’intersubjectivité qui veut que les résultats de la recherche
soient soumis à la critique des personnes concernées par celle-ci,…
En effet, si les chercheurs ne faisaient pas intervenir les acteurs concernés dans leur recherche, on pourrait se demander : « Quelle est
cette science qui dénie tout droit à la parole à ceux qui font pourtant l’objet de son analyse ? ».
Il existe trois dimensions de l’éthique de la recherche qui se situent en cours, en amont et en aval de la recherche. Les questions
éthiques de la recherche ne prennent tout leur sens que si elles sont portées par les chercheurs à toutes les étapes de leur recherche : en leur cours,
en amont et en aval.
a) L’éthique dans le cours de la recherche
L’éthique de la recherche sur des sujets humains est souvent présentée et perçue sous l’angle exclusif d’une déontologie, soit d’une
mise en place de processus d’élaboration et d’énonciation de diverses règles ainsi que des dispositifs chargés d’évaluer la conformité des pratiques
de recherche à l’égard de celles-ci. Visant essentiellement le respect de la dignité des personnes impliquées dans une recherche à titre de sujets
d’une expérimentation, d’une observation, d’une entrevue ou d’autres techniques de récolte de données, ces règles ne constituent qu’une
dimension de l’éthique de la recherche, celle dont la mise à l’épreuve se situe dans le cours même de la recherche et que nous appelons le moment
déontologique. Voici ces règles :
Respect de l’autonomie de la personne et l’assurance d’un consentement libre et informé à participer à la recherche
Assurance de la confidentialité des informations recueillies
Priorité au bien-être de la personne sur les besoins de la recherche (bienveillance)
Garantie de suivi et de soutien adéquat en cas de besoin
Souci d’une finalité sociale partagée entre la communauté de recherche et les catégories de personnes dont la recherche se préoccupe (pertinence)
Lorsque des recherches comportent la mise en place d’entretiens qui visent à recueillir des informations sur la vie intime des
personnes, il doit s’instaurer entre elles et le chercheur une interaction où celui-ci doit susciter la confiance des sujets.
Le respect d’une balise déontologique nécessite plus que de la bonne volonté, elle implique une responsabilité compétente et une compétence
responsable. Dans cette perspective, le chercheur n’est pas que sujet épistémique, il est aussi sujet éthique.
b) L’éthique en amont de la recherche
Dans la phase d’élaboration de la recherche, on pourrait parler des ressorts éthiques de la recherche. Ce sont les options éthiques et
politiques du chercheur qui sont impliquées dès le départ dans la construction même de l’objet. C’est l’horizon éthique de la recherche qui se
forme en amont et qui marquera l’ensemble de la recherche.
Par ressorts éthiques, on évoque le « rapport aux valeurs » de M. Weber auquel il attribuait un rôle indispensable dans l’appréhension
de l’objet d’étude, dans son ciblage et sa problématisation. En même temps, on veut indiquer ici que ce rapport aux valeurs est souvent lié à un
positionnement éthique du chercheur. Ces ressorts éthiques sont souvent évoqués par les termes de dévouement, de responsabilité et de justice.
-L’éthique en aval de la recherche
Dans la phase de diffusion des résultats, on trouverait les enjeux que soulèvent les rapports entre la production du savoir et son
utilisation sociale, soit la question de son insertion dans l’espace public, en d’autres termes, la portée politique de la recherche. Se pose ici la question de
l’autonomie du chercheur, corollaire de celle de sa responsabilité sociale. On interroge donc les rapports de la connaissance à l’action.
En effet, par rapport à ceci, on pourrait se poser la question suivante : « A quoi bon des sciences sociales qui resteraient confinées au cercle des
seuls spécialistes, qui n’auraient aucune pertinence pratique pour les acteurs concernés ? »
Le savoir produit par les sciences sociales peut se moduler sur divers registres : ceux de la caution, de l’utilité ou de la médiation.
Comme caution, lorsque le savoir est mobilisé « dans les débats dont la finalité politique constitue en enjeu le sens à donner à un
événement, une prise de position, une période historique »
Comme utilité, dans la mesure où il fournit des outils qu’incorporent les experts pour les diverses activités de gestion (ex :indicateurs
sociaux)
Comme médiation lorsque, par exemple, le sociologue est sollicité avec d’autres partenaires dans le cadre d’un projet global d’intervention.
Médiation dans la mesure où le travail d’analyse sociologique est porteur « d’une capacité de problématisation pratique [… où]
interrogeant les dispositifs sociaux qui semblent aller de soi, il fait partager cette interrogation avec les acteurs concernés ».
Tout chercheur se doit de rendre sa recherche publique puisque une de ses responsabilités est de produire une visée réflexive du
monde, de la société et de l’expérience humaine, soit d’élaborer des thématisations des problèmes que les acteurs pourront discuter et où ils
pourront puiser des ressources cognitives pour évaluer les situations auxquelles ils sont confrontés et élaborer leurs projets. En ce sens, les
chercheurs sont des « médiateurs » dans le débat et l’espace public.
Dans cette perspective, le savoir « ne joue sa fonction médiatrice qu’approprié par des acteurs, retraduit dans le langage de leurs
intérêts et de leurs passions, indexé à la spécificité de leur situation. »