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Croissance et Compétitivité
Il faut stabiliser le pouvoir d’achat et soutenir l’emploi
Le député déi gréng Henri Kox a pris position en vue du débat de consultation à la Chambre
des Député-e-s ce jeudi 16 mai sur la croissance économique et la compétitivité du
Luxembourg.
Dans sa note d’analyse en vue du débat, le Ministre Etienne Schneider met le doigt sur les
salaires comme seul facteur coût sur lequel on pourrait agir et se situe ainsi clairement dans
l’obsession de la compétitivité par la baisse des salaires. Henri Kox, député déi gréng réagit
en précisant:« déi gréng refusent un débat sur la compétitivité qui ne vise que la baisse les
salaires. Le développement économique dans la région doit se faire avant tout par la
stabilisation des pouvoirs d’achat ainsi que la maîtrise des coûts pour les ménages, surtout
du logement.
A la première proposition du Ministre de revoir les indicateurs de la compétitivité, Henri Kox
répond: « On croit rêver : pour Etienne Schneider, il semble suffisant de change de lunettes
pour changer le monde ! Mettez des lunettes roses et tout rentre dans l‘ordre. Changer
d’indicateurs ne change rien à la réalité. Mais cette proposition montre aussi que nous
menons ici avant tout un débat sur des indicateurs, un débat idéologique. Or, ce débat
relève plutôt du dialogue social en panne depuis des années. »
Dans le domaine de l’énergie, Etienne Schneider veut surtout arriver à une baisse
substantielle des coûts. « Mais pour relever le défi de l’énergie, il ne suffit pas de
succomber à des lobbies industriels qui veulent tout, maintenant et au moindre coût. Si
nous nous ne préparerons pas maintenant l’infrastructure énergétique des années 30, qui
ne sera ni nucléaire, ni fossile, mais renouvelable, l’industrie luxembourgeoise n’aura
simplement pas d’avenir. Un appui plus stratégique du gouvernement aux PME serait
certes le bienvenu. A l’image du Pacte Climat avec les communes, le Gouvernement doit
rapidement mettre en place un Pacte Climat avec l’industrie et investir massivement dans
l’économie d’énergie, dans le renouvelable et dans le savoir-faire nécessaire. »
La conclusion pour Henri Kox, « C’est une illusion de croire que le développement de
l’emploi puisse se faire par une baisse des salaires. Il faut au contraire soutenir
fiscalement les entreprises à forte intensité de travail et investir dans la formation
professionnelle. Une bonne formation professionnelle reste le meilleur garant contre le
chômage et permet aux entreprises à rester compétitives. »
Luxembourg, le 14 mai 2013
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Lettre ouverte de déi gréng
« concernant la croissance économique
et la compétitivité du Luxembourg »
Ce jeudi 16 mai, le gouvernement souhaite mener un débat de consultation à la Chambre des
Député-e-s sur la croissance économique et la compétitivité du Luxembourg. En guise de
préparation et afin de bien situer le débat dans sa propre perception du monde, le Ministre
Etienne Schneider a soumis vendredi dernier un document de positionnement aux
Député-e-s.
déi gréng refusent un débat sur la compétitivité qui ne vise que la baisse les salaires. Le
développement économique dans la région doit se faire avant tout par la stabilisation des
pouvoirs d’achat ainsi que la maîtrise des coûts de logement et de l’énergie des ménages. Il
est une illusion de croire que le développement de l’emploi puisse se faire par une baisse des
salaires. Il faut au contraire soutenir fiscalement les entreprises à forte intensité de travail et
investir dans la formation professionnelle. Une bonne formation professionnelle reste le
meilleur garant contre le chômage et permet aux entreprises à rester compétitives.
A. Situer le débat
Le Ministre socialiste intervient dans le débat sur la compétitivité d’un point de vue très néolibéral. Il
préconise notamment de « miser sur les facteurs structurels, qui réduisent ou éliminent les obstacles
et les freins au développement » pour relancer la croissance. Il cite « compétitivité coût (coût salarial
unitaire nominal) », « l’environnement administratif, l’éducation, la recherche et l’innovation ». Pour
lui aussi, le seul facteur coût est celui du travail, des salaires ! Etienne Schneider se situe clairement
dans l’obsession de la compétitivité par la baisse des salaires.
Pourtant l’obsession du coût salarial unitaire nominal fait que les salaires – le pouvoir d’achat –
resteront bloqués et la conjoncture ne pourrait redémarrer. Ce n’était pas toujours la position des
Ministres socialistes, car jusque dans les années 70, dans tous les pays de l’Europe, on pratiquait une
politique de la croissance par la productivité. Toute augmentation de la productivité était partagée
entre revenus (les salariés essentiellement) et l’investissement (les entreprises/patrons
essentiellement). Certes, c’était un partage entre capital et travail, mais c’était également un partage
entre augmentation du pouvoir d’achat et investissement dans la capacité productive et la
productivité. Chacun y trouvait son compte. Ce n’est que depuis la fin des années 70, la globalisation
se mettant en marche, que la pression sur les salaires par la délocalisation apparaît et la politique du
partage de la productivité est remplacée par une politique de la compétitivité … sur les salaires
essentiellement. Il ne faut pas s’attendre à lire dans les propos d’Etienne Schneider une vue critique
de cette approche qui pourtant doit être considérée comme la mauvaise recette dans une Europe qui
meurt lentement d’une cure d’austérité exagérée.
Les propos d’Etienne Schneider, dans son discours d’ouverture de la foire de printemps concernant la
baisse du taux d’inrêt de la BCE sont révélateurs: « Il faudra maintenant veiller à ce que cette
baisse soit transmise aux consommateurs, en particulier dans le cadre des crédits hypothécaires, et
bénéficier ainsi au pouvoir d’achat de ces consommateurs. » Combattre la crise de la dette par
encore plus de dettes, tel est le remède proposé par le Ministre! Il se situe d’abord clairement dans
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le courant d’idée néolibérale de la compétitivité refusant les augmentations de pouvoir d’achat et il
refuse une des explications les plus évidentes de la crise : le surendettement. C’est pour le moins une
analyse myope.
Une croissance sans avenir
Nous savions qu’Etienne Schneider était également un adepte inconditionnel de la croissance à tout
prix. Il justifie son idolâtrie en affirmant que « sans croissance nous ne pouvons pas financer à terme
le système social » (son discours d’ouverture de la foire), respectivement «Les perspectives du
potentiel de croissance à long terme sont actuellement trop faibles pour financer l’Etat providence. Si
on veut éviter de s’engouffrer dans une logique infernale de réduction des prestations et de
démantèlement des services publics et de réduction du pouvoir d’achat, il faut miser résolument sur la
croissance économique. » Voilà d’une bouche avertie la confirmation que nous vivons un système de
chaîne de Ponzi à qui il faut de la croissance (de l’emploi et de la productivité) afin de maintenir son
équilibre. Or un tel système n’est jamais en équilibre, c’est comme un véhicule qui doit accélérer en
permanence pour ne pas basculer. Nous savons que ceci n’est pas possible, à terme ce schéma
s’écroule comme une maison de cartes. Nous devrions oser réfléchir nos politiques et choisir des
voies alternatives.
Du coup, son analyse de la conjoncture atone nous laisse un peu sur notre faim. Il constate que
« l’affaiblissement n’est pas que conjoncturel », et déduit donc que « le vrai défi est la croissance
potentielle à long terme, celle qui résulte de la combinaison des ressources humaines disponibles, de
l’utilisation des équipements productifs et du progrès technologique ». Sans devoir nécessairement
adhérer aux propos des économistes écologiques, il serait pertinent de tenir compte du troisième
facteur de l’activité économique : les ressources naturelles ! Envisager de nos jours l’économie
comme un système autonome, purement anthropocentrique et indépendant de la biosphère conduit
à des politiques économiques visant une croissance sans avenir.
D’une analyse défaillante à des recettes bidons
Au départ, nous partageons l’analyse d’Etienne Schneider quand il dit que « le vrai défi est la
croissance potentielle à long terme, celle qui résulte de la combinaison des ressources humaines
disponibles, de l’utilisation des équipements productifs et du progrès technologique ». Il est vrai qu’il
oublie le troisième facteur de production dans son analyse. Pourtant cela n’enlève pas toute justesse
à son analyse, car nous exploitons les ressources naturelles déjà à fond, il n’y a de ce côté pas de
potentiel de croissance à développer.
Y aurait-il donc du potentiel de croissance du côté des « ressources humaines » ? Sachant que la
population européenne est en recul, comment peut-on miser sur une croissance de la main
d’œuvre ? Seule issue : soumettre de plus en plus de domaines de la vie des gens au marché et à
l’économie monétaire. Cela signifie un taux d’occupation de plus en plus élevé, des temps de garde
d’enfants de plus en plus longs, des services à la personne de plus en plus étendus, une économie de
moins en moins domestique. Nous doutons que ceci puisse préserver notre cohésion sociale. Ce
n’est certes pas une solution aux problèmes posés par la conjoncture atone.
Quid alors des gains de productivité comme source essentielle de la croissance ? Dans les économies
matures, les gains de productivité ont tendance de baisser. Ainsi au courant des années 70, les gains
de productivité étaient en moyenne de 2,8% par an. Au cours de la première décennie du XXIème
siècle ce taux est tombé à 0,6%.
Les idées du Gouvernement
Les perspectives d’une relance par la croissance ne sont donc pas roses, reste donc la course
sisyphienne de la compétitivité. Oui, cette course est sisyphienne, car elle se fait sans ligne d’arrivée,
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elle continue toujours et à la fin tous seront morts d’épuisement. Mais que propose Etienne
Schneider pour espérer réussir quand même ?
Mettre en place un nouveau système d’indicateurs opérationnel de la compétitivité.
On croit rêver : pour Etienne Schneider, il semble être suffisant de change de lunettes pour changer
le monde ! Mettez des lunettes roses et tout rentre dans l’ ordre. Changer d’indicateurs ce n’est rien
d’autre que de changer de point de vue sur une réalité qui elle n’a pas changé pour autant. Et
pourtant, Etienne Schneider a commencé par le bon départ, car soyons honnête, la compétitivité ce
n’est qu’un débat sur des indicateurs qui lui relève du dialogue social. Et ce dialogue social (la
tripartite) a tranché il y a dix ans pour se mettre d’accord sur la batterie d’indicateurs et la
publication annuelle du rapport de l’observatoire de la compétitivité. Dommage que le compromis
trouvé jadis n’ait jamais fonctionné, comment expliquer sinon que l’UEL autant que la Chambre des
Salariés publient leurs propres analyses de la compétitivité annuellement.
Coûts énergétiques : Le message d’Etienne Schneider dans le domaine de l’énergie est clair : il faut
baisser le coût de l’énergie en se reliant au réseau de l’électricité nucléaire français et belge et
investir dans une meilleure connexion au gaz fossile. Il considère en plus que les coûts du fonds de
compensation (qui devrait financer la transition vers l’énergie renouvelable) ont été « maitrisés »
grâce au fonds énergie et climat (alimenté par le Kyoto-Cent). Sachez donc que le Ministre considère
les énergies renouvelables uniquement sous leur angle « coûts inutiles » que nous pouvons encore
maitriser grâce à nos prix concurrentiels du carburant !
Mais pour relever le défi de l’énergie, il ne suffit pas de succomber à certains lobbies industriels qui
veulent tout, maintenant et au moindre coût. Si nous n’allons pas réussir la transition énergétique
d’ici 2040 vers des ressources renouvelable locales, l’industrie luxembourgeoise n’aura simplement
pas d’avenir. C’est maintenant qu’il faut préparer l’infrastructure énergétique des années 30 et elle
ne sera ni nucléaire, ni fossile. D’ailleurs, la plupart du temps, les PME voudraient relever ce défi, ils
ont compris que c’est ici que réside leur avenir. Un appui plus stratégique du gouvernement serait
certes le bienvenu. A l’image du Pacte Climat avec les communes, un Pacte Climat avec l’industrie
devrait permettre d’investir massivement dans l’économie d’énergie, dans le renouvelable et dans le
savoir-faire nécessaire.
B. Des idées pour avancer
Si le retour de la croissance devient donc de plus en plus incertain parce que la population
européenne n’augmentera plus, parce que les gains de productivité diminueront et que les
ressources naturelles s’épuiseront, comment pourrons-nous éviter la déstabilisation provoquée par
une décroissance chaotique ou une conjoncture morose ?
Stabiliser le pouvoir d’achat
Il est possible de soutenir le pouvoir d’achat en aidant les ménages à mieux maîtriser leurs dépenses
incompressibles. Le premier qui évidemment nous vient en tête est le logement. Actuellement
l’économie et les ménages luxembourgeois peinent sous la rente des propriétaires des terrains et des
logements. Depuis des années les coûts du logement augmentent plus rapidement que l’inflation
générale. Dès lors la part du revenu que les ménages versent aux propriétaires des terres et des
logements loués augmente. Cette rente de propriétaires contribue à asphyxier l’économie. Il faudrait
mieux encadrer l’évolution des loyers, instaurer une réelle taxation progressive sur les plus-values
sur le foncier constructibles, surtaxer les logements vides et faire en sorte que les pouvoirs publics
s’activent enfin pour faire passer le logement social à au moins 20% du parc total.
Ensuite, les coûts de l’énergie qui représentent jusquà 7% des dépenses des ménages. L’énergie la
moins chère étant celle qu’on ne consomme pas, pourquoi est-ce que le Gouvernement ne s’attaque
pas enfin à un programme ambitieux de rénovation thermique des logements ? Un programme qui
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serait en plus créateur d’emplois utiles dans la grande région. Evidemment pour réussir un tel
programme il faudrait laisser croître les prix de l’énergie afin d’inciter les particuliers à investir. Dans
ce domaine, le Ministre Schneider pratique la politique de l’autruche qui préfère ignorer l’évidence
des prix croissant de l’énergie au lieu d’aider les gens à s’y préparer.
La troisième voie qui permettrait de soutenir le pouvoir d’achat des ménages ne doit pas être
réalisée sur les autoroutes du pays, mais dans le domaine du transport et de la mobilité. A
Copenhague, un déplacement sur deux se fait en vélo, le moyen de transport le plus économe en
coûts et le plus efficient en énergie. Si on sait que 80% des déplacements motorisés ne dépassent pas
5 km, un investissement massif dans l’amélioration des infrastructures de la mobilité douce (ainsi
que dans le tram) serait un élément de compétitivité certain. A cela s’ajoute que les modes actifs de
déplacement permettent également de réduire les coûts de santé ! Une voie supplémentaire
permettant de ramener l’équilibre dans les budgets de l’assurance sociale sans espérer vainement
sur une croissance des temps passés.
Soutenir l’emploi
Nous pensons que l’emploi devrait être au centre des préoccupations d’une politique économique,
qu’elle vise à y parvenir par la croissance ou non. Une façon d’enrichir l’économie en emplois est
celle de réduire le salaire minimum et de développer l’économie des bas salaires. L’idée qui circule
depuis un certain temps et qui consiste à « subventionner » le salaire minimum va dans la même
direction. Or toutes ces idées comportent de sérieux inconvénients, dont l’apparition massive de
salaires trop bas pour vivre et l’apparition des working poor qui malgré un voire deux emplois plein
temps ne gagnent pas assez pour vivre. Ceci ne peut évidemment pas être une option pour une
politique économique responsable. En outre, des salaires trop bas découragent l’innovation qui est
un des gisements des gains de productivité. Il vaut dès lors mieux de soutenir fiscalement les
entreprises à forte intensité de travail.
Le soutien à l’emploi passe finalement et avant tout par une formation professionnelle adaptée et
améliorée. 17% des chômeurs au Luxembourg ont moins de 25 ans. Plus de la moitié d’entre eux
n’ont aucun diplôme. Améliorer la formation des jeunes c’est combattre le problème à sa racine. Il
faut dès lors élargir considérablement l’offre de cours pour jeunes adultes souhaitant rattraper le bac
ou suivre une formation qualifiante complémentaire à une activité professionnelle. Ces offres
doivent surtout être bilingues et être mieux agencées avec les besoins des entreprises.
Henri Kox
14/05/2013
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