HISTOIRES DE CAILLOUX
Voici quelques généralités pour tenter de mieux comprendre le monde minérale, mieux lire
les histoires qu’il peut nous conter, pour en faire un merveilleux outil pédagogique, accessible à
toutes et à tous ! Ceci vient en complément, ou en prolongement du travail entrepris sur les blocs
erratiques rencontrés sur le sentier (glaciologie, paléogéographie, etc…)
I- Notions Préliminaires (pour l’enseignant)
Qu'est-ce qui peut bien nous renseigner au sein d'un vulgaire caillou sur le passé d'il y a 2 à
300 millions d'années ?
Pour comprendre cela, il est indispensable de faire un rappel sommaire sur l'origine des
roches observables dans nos montagnes.
A- Cycle des roches
-----> Cf document « Cycle des roches »
B- Comment lire un caillou ?
Ce paragraphe concerne plus particulièrement les roches
sédimentaires qui marquent la plus grande riode de notre histoire alpine et la plupart de nos
préalpes. De plus, elles traduisent l'existence passée d'un milieu de vie, d'un environnement de
dépôt précis, au contraire des autres qui traduisent des phénomènes géologiques profonds (pour les
roches magmatiques) et plus complexes (pour les roches métamorphiques notamment) mais qui ne
nous fournissent pas (ou peu) d'indice concernant la paléogéographie de l'époque (leur altération
chimique peut être, par contre, intéressante pour approcher le climat de l'époque).
A l'origine de ces roches sédimentaires : un sédiment = particules + eau
ou particules + eau + boue + air
ou boue
qui se transforme en : une roche = particules + ciment + ou - porosité.
Les particules mentionnées peuvent être de toute sorte : Biogéniques (= d'origine
organiques) ou non (= minérales, donc pas d’origine vivantes ; d'où deux possibilités d’analyse
différentes afin d'identifier le milieu de dépôt de ces sédiments qui nous renseignera sur le paysage
et le climat de l’époque de ces dépôts).
 A partir de quelques observations faciles de quelques roches ou cristaux de roches, on
peut constater que les roches (solides, liquides ou gazeuse) sont faites de minéraux (facilement
visible sur du granite avec ses 3 couleurs bien distinctes, en proportions égales : quartz blanc
opaque, mica noir et feldspath translucide) et les minéraux sont fait d’éléments chimiques. Chaque
roche a sa propre minéralogie et chaque minéral, sa propre composition chimique. Un cristal est un
minéral unique.
Exemples : le calcaire est fait principalement de calcite (pure elle forme des dessins blancs
sur le calcaire) et la calcite est faite de carbonate de calcium ; c’est lui qui va réagir à
l’acide chlorhydrique en faisant effervescence (expérience facile à réaliser devant des élèves
mais qui doit être mener par l’enseignant). Il n’est donc pas surprenant de constater qu’une
autre roche, le granite par exemple, qui ne contient jamais de carbonate de calcium, mais de
la silice, ne fera jamais effervescence à l’acide, lui.
conséquence :la dégradation naturelle des roches (altération chimique, érosion mécanique
et activité des organismes vivants) conduit donc à l’enrichissement du sol et des eaux en minéraux et
en sels minéraux.
particularité remarquable :l’eau et les sels minéraux sont les seuls nutriments que sont
capables d’assimiler les végétaux, à la base du monde vivant (= l’autotrophie par opposition à
l’hétérotrophie qui règne chez les champignons et tous les animaux, qui se nourrissent de matière
organique).
N.B.:
- Le dioxyde de carbone (CO2), à partir duquel précipite (se forme) la calcite (=carbonate de
calcium), est d'autant plus soluble que la température de l'eau est basse et que la pression est élevée.
La formation du calcaire sera donc l'apanage des mers chaudes et peu profondes ("peu profondes"
signifiant moins de 200 m de profondeur, limite au dessus de laquelle la précipitation de calcite est
maximum (si la de l'eau le permet). Par contre, il ne pourra y avoir précipitation en dessous de
4000 à 4500 m, ce qui crée un gradient décroissant de précipitation de la calcite entre 200 et 4500 m.
II- Travaux préliminaires avec les enfants
- vivant / non vivant = le monde minéral, en écartant tout ce que l’Homme a fabriqué
artificiellement, que la Nature n’a jamais connu et qu’elle ne sait donc pas digérer ou difficilement
(objets en plastique, en matières de synthèse diverses, produits chimiques artificiels -solides,
liquides ou gazeux-).
- Les minéraux et les sels minéraux
Où les trouve-t-on ? Partout, pour commencer dans l’eau trop calcaire qui encrasse les
canalisations, ou le fond des casseroles quand l’eau s’est évaporée (idem avec de l’eau très salée), ou
l’eau minérale que l’on boit quotidiennement :
lecture d’étiquettes de différentes bouteilles d’eau minérale : potassium, calcium,
magnésium, sodium, chlorure, nitrate, etc… preuve de leur présence.
observations faciles de granite (voir ci-dessus) : gros minéraux visibles à l’œil nu.
- Les matériaux de construction : (intéressant car facilement observable autour de soi dans la
classe ou dans son environnement proche, cf document « matériaux de construction » )
Aujourd’hui, ces matériaux élaborés sont nombreux et proviennent, pour la plupart, de
roches, de minéraux et/ou d’éléments chimiques extraits du sous-sol de la terre, plus ou moins
« cuisinés ».
pierres taillées : ardoises en couverture, calcaires urgoniens et surtout granite en fond de
vallée dans notre région (plus solide à long terme), en encadrement, linteaux, marches et
soubassement divers, mais aussi comme outils (bassins, meules, piquet de clôture aussi!), ce
qui n’empêche pas, ensuite, de faire remonter les ouvrages (même les plus gros bassins), les
transporter très laborieusement dans les plus hautes vallées voisines cette roche prisée était
absente (Le Reposoir, par exemple).
terres cuites : tuiles et briques,
minéraux purs simplement fondus ou cuisinés avec d’autres éléments : les métaux
(fer, cuivre, zinc, aluminium, etc…), le verre (à partir de la silice), les ciments, parpaings,
plâtres et autres enduits divers et variés.
III- Calcaires et Granite
En montant au captage d’eau sur le Foron, les observations de ces deux types de roches très
caractéristiques sont aisées sur le sentier : beaucoup de blocs jonchent le sol, certains très clairs, au
faciès homogène, les calcaires, et d’autres moins abondants, montrant des grains assez gros et de
trois couleurs (gris, transparent et noir), le granite.
Un de ces calcaires incontournables est le beau calcaire Urgonien de nos plus belles falaises
préalpines (Bornes, Aravis, Chartreuse, Vercors,etc...) daté de 105 à 115 millions d'années B.P.(=
Before Present). L'aspect de ce calcaire est tout à fait caractéristique : Compact, très clair, riche en
fossiles de toutes tailles, plus ou moins bien conservés ; il est souvent merveilleusement sculpté par
les eaux de ruissellement lors de la fonte de la neige (dissolution chimique de la roche) en de jolies
cannelures ou rigoles, jusqu’à obtenir des gouffres et galeries profondes souterraines.
Grâce à ces observations faciles, on peut reconstruire le milieu de dépôt initial : une mer peu
profonde et agitée, confirmé par l'étude systématique des fossiles rencontrés:
- Les lamellibranches (groupe de nos moules actuelles), essentiellement de petits rudistes
(mollusques disparus depuis) sont des animaux filtreurs benthiques (vivant au fond de l'eau)
traduisant l'existence de courants d'eau chargés de particules en suspension (matières organiques et
minérales); ils vivent de plus généralement en colonie, construisant alors des barrières récifales,
formées des valves enchevêtrées d'organismes vivants ou morts, proches de la surface de l'eau.
- Les gastéropodes (groupe des escargots), autres mollusques, sont des animaux le plus
souvent brouteurs (comme nos vaches...) et sont ainsi liés à la présence de végétation sous-marine,
donc à la présence de lumière (zone photique= profondeur inférieure à 50 m).
- les orbitolines sont des protozoaires (êtres unicellulaires) foraminifères, vivant à faible
profondeur dans des eaux plutôt chaudes. Actuellement éteints, ils ont eu un développement certain
entre 110 et 115 M.A. B.P..
Autres fossiles courant observables dans ces terrains (l’érosion millénaire ayant quelque peu
mélangé les pierres dans les éboulis…) : ammonites, brachiopodes et oursins, autres animaux marins
nous confirmant que nos montagnes représentaient bien le fond d’un océan peu profond.
On peut donc en conclure que l'environnement de dépôt était, à la période considérée
(- 105 à 115 M.A. B.P.), un gigantesque récif édifié par des animaux constructeurs, en mer chaude,
consolidé par d'autres animaux, par des débris dus à une forte agitation de l'eau, et par la
précipitation d'un ciment calcaire.
D’où deux questions se posent naturellement:
- Etait-ce le niveau de la mer qui était plus haut à cette époque et qui serait descendu depuis?
ou bien - Est-ce le fond de l’océan qui s’est élevé depuis jusqu’à l’altitude actuelle l’on découvre
ces fossiles?
Un travail sur l’explication des séismes et des volcans, la fréquente coïncidence de leur
situation sur le globe, la tectonique des plaques, et plus précisément en ce qui nous concerne dans
les Alpes, le rapprochement puis le contact de la plaque africaine contre la plaque européenne, va
valider la réponse. D’où une information importante apparaît : la rencontre de deux plaques
continentales est à l’origine de la formation de toutes les chaînes de montagnes de la terre (faire
faire l’inventaire des plaques concernées pour chaque chaîne actuelle).
III- Relief Karstique et exsurgence
Avant de traverser la route pour arriver aux vestiges de Porte d’Age, le sentier coupe le lit
généralement sec (à éviter si non) d’un torrent qui passe sous la route (en amont) et qui sort
directement de la falaise : c’est une exsurgence. Elle traduit la nature calcaire de la roche du massif
amont et son caractère soluble à l’eau froide, provenant de la fonte de la neige ou des pluies au
printemps ou à l’automne sur les sommets. On peut expliquer aux enfants que ce torrent ne jaillit de
la montagne qu’en cas de fortes et durables pluies, du fait de la présence en amont d’un siphon et/ou
d’un lac souterrain, à l’intérieur de la montagne. Ce relief, appelé relief karstique est typique des
plateaux calcaires (lapiaz du Bargy, de gramusset, de Platé ou de salles, ou des Causses, plus
lointains) ; en voici un modèle : (d’après A. Foucault et J.F. Raoult,
« Dictionnaire de Géologie », chez MASSON)
av : aven, ca : canyon, co : colonne, do : doline, éb : éboulis, ex : exsurgence,
ls : lac souterrain alimenpar une rivière souterraine, rr : relief ruiniforme, si : siphon,
stm : stalagmite, stt : stalactite, vs : vallée sèche.
IV- Pistes de travail, l’importance du minéral dans notre monde actuel
- Volcanisme et séismes,
- Tectonique des plaques et formation des chaînes de montagnes,
- Structure interne de la Terre (explication du déplacement des plaques par courants de
convection),
- Paléontologie et Evolution des espèces,
- La conquête de la Terre par les premières espèces pionnières partir de l’étude aisée d’un vieux
mur),
- Les grandes disparitions (dinosaures et ammonites) et leurs hypothétiques causes,
- Histoire des techniques et E.E.D.D. : dès la préhistoire, l’homme a cherché à utiliser les éléments
naturels, les ressources de son milieu de vie, de son environnement proche, pour améliorer ses
conditions d’existence. Il a donc progressivement appris à tailler des pierres, en faire des outils ou
des armes, à extraire des matières premières de la terre, etc… Il n’est donc pas surprenant
qu’aujourd’hui, le minéral soit omniprésent dans notre société. Outre les matériaux de constructions
déjà vus précédemment, les sources d’énergie sont nombreuses (cf documents sur l’énergie).

Toutes ces ressources minérales ne sont pas renouvelables. Leur exploitation (et/ou leur
utilisation) n’est pas sans poser certains problèmes énergétiques, certains risques de pollution
lors de leur utilisation ou lors de leur stockage (déchets dangereux, radioactifs par exemple).
Parallèlement, il est intéressant et utile de faire comprendre aux élèves que tout produit
manufacturé de consommation courante a un coût (que le prix d’achat ne prend que trop peu en
compte) : le coût en matière(s) première(s) (qui ne sont pas inépuisables) et le coût en énergie
(qui implique tous les différents problèmes mentionnés précédemment). Il faut donc apprendre, à
mieux gérer leur exploitation et à mieux les recycler après usage, afin de pouvoir garantir leur
exploitation et leur utilisation en toute sécurité et de manière durable, aux générations futures.
R.F.
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