OLIVIER KLEIN-CAVERNI1 91. Qu’ont ces deux expériences en commun? L’expérience de Milgram (1974) et l’expérience de Zimbardo, Haney et Banks (1973) présentent toutes deux un dilemme éthique, celui de l’usage de la supercherie. Elles touchent à une problématique fondamentale, la problématique du mal et porte sur la soumission à l’autorité. Les sujets, bien que consentant, ne connaissaient pas la finalité réelle de l’expérience, ils se sont retrouvés dans une situation inattendue. Les conséquences de ces expériences furent négatives pour les sujet, souffrance, humiliation, stress intense, culpabilité lors de la prise de conscience de leurs actions, dépression. Leurs auteurs justifient la supercherie par l’éthique conséquentialiste selon laquelle la moralité de l’action est basée sur ses conséquences et Zimbardo (1973) insiste sur le fait que les sujets auraient appris de nombreuses choses à propose d’eux-mêmes et que les réactions négatives n’ont pas persistées. 92. Indiquez trois problèmes éthiques potentiels que présentent les deux expériences. Un observateur impliqué, une neutralité inexistante. Du fait que cette expérience était in vivo, il était impossible d'utiliser les méthodes de contrôle scientifique. Le professeur Zimbardo n'était pas un observateur neutre, puisqu'il était impliqué dans l'expérience en tant que superviseur de la prison. Les conclusions et observations dessinées par les observateurs étaient largement subjectives et anecdotiques, et l'expérience serait difficile à reproduire par d'autres scientifiques. L'expérience a été largement décriée comme étant contraire à l'éthique et fondée sur une méthodologie douteuse.Validité de l'expérience. Milgram le disait lui-même, la première critique de son expérience concernait la validité de ses résultats et leur portabilité à des situations réelles ; la reproduction de l'expérience dans d'autres pays avec des résultats très proches et la production d'expériences du même ordre, comme l'expérience de Stanford, qui montraient la facilité avec laquelle une majorité de personnes assume la fonction de « tortionnaire légal » (et légitime), invalidèrent cette première critique. On avait donc trompé les sujets sur plusieurs points. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce genre de méthode soulève d'importantes questions d'éthique tel le respect des personnes et de leur droit de faire des choix volontaires lorsqu'elles participent à des expériences. Quand un choix se fonde sur des allégations mensongères, il ne peut être qualifié de volontaire. Un autre aspect de l’éthique que soulève le recours à la duperie est la rupture du lien de confiance entre le chercheur et le sujet. 93. Qu’est-ce que ces expériences nous apprennent-elles de fondamental par rapport au comportement humain? L’individu est en fait habitué à obéir et à recevoir des récompenses pour cela que ce soit dans le domaine scolaire, familial ou professionnel. La société inculque à l’enfant et dès son plus jeune âge un profond respect de l’autorité. L’individu qui entre dans un système d’autorité ne se voit plus comme l’acteur de ses actes ; contraires à la morale, mais plutôt comme l’agent exécutif des volontés d’autrui. Il va attribuer la responsabilité à l’autorité. L'individu passe de l’état autonome (on est déterminé de l’intérieur) à l’état agentique (l’individu se sent comme un rouage d’une volonté qui est extérieur à la sienne) Liste de questions pour l’examen Déonto 2010 - Bazan 1 94. Décrivez l’étude de Rind et al. (1998): de quel type d’étude s’agit-il [méthodologie; N], à quel résultat about-elle [résultat précis en termes techniques] et quelles en sont alors les conclusions [deux affirmations]? C’est une méta-analyse (une démarche statistique combinant les résultats d'une série d'études indépendantes) ayant essayé d'examiner les corrélations entre le fait d'être victime d'abus sexuel et de souffrir de trouble psychique conclut qu'il n'y a pas de corrélation : ≪ Les relations sexuelles impliquant des enfants ne sont pas nuisibles à leur santé ≫. Cette conclusion pose des problèmes d'interprétation, d'acceptation auprès du public car certains pourraient en conclure que les abus ne sont pas graves. Le problème n'est pas la recherche qui a été menée mais les implications du message qui est diffuse par la recherche. Leur question de recherche était la suivante: “Ceux qui ont connu l’expérience d’un abus sexuel sur enfant (ASE) ont-ils subi des dommages psychologiques profonds et généralisés, quel que soit leur sexe?”. Le corpus utilisé consiste en 59 études réalisées auprès d'étudiants américains. Les résultats de cette étude, résumés brièvement, ont été les suivants : Les données cliniques ne sont manifestement pas représentatives de l'ensemble de la population. Les rapports sexuels entre enfant et adulte ne sont de loin pas aussi dommageables qu'on le suppose généralement. Le "CSA" n'est pas nécessairement nuisible. Les rapports sexuels peuvent être vécus positivement par les enfants. Garçons et filles se distinguent ici de manière significative : les garçons jugent manifestement plus positifs les rapports sexuels ou les ressentent moins comme nuisibles. Les rapports sexuels avec des enfants peuvent se révéler nuisibles, dans certains contextes ; mais les graves dommages à long terme sont minoritaires. Le recours à la violence, l'absence de consentement, les rapports incestueux conditionnent de façon significative les réactions négatives et les effets à long terme. Ni la durée de la relation sexuelle, ni la fréquence des contacts, ni la présence de pénétration n'augmentent les réactions négatives pas plus que les effets à long terme. Les dommages constatés trouvent davantage leur explication par le facteur "négligence familiale" que par celui de "CSA". D'où les auteurs tirèrent les réflexions et conclusions suivantes : Le recours sans distinction à la terminologie du "CSA", dans tous les cas de rapports sexuels, est erroné, puisque ce concept implique des dommages individuels. Une terminologie neutre devrait être utilisée dans les différents cas, comme par exemple "rapports sexuels adulte-enfant" ou "rapports sexuels adulte-adolescent". Le concept de "CSA" ne devrait plus être utilisé que dans les cas où des dommages sont apparus. » Selon cette méta-analyse, l’abus sexuel d’enfants ne cause pas nécessairement des troubles psychiques intenses chez ceux derniers. Mais ça ne veut pas dire que ce n’est pas un mauvais comportement ou que ce n’est pas moralement répugnant d’abuser sexuellement d’enfants. Liste de questions pour l’examen Déonto 2010 - Bazan 2 95. « La recherche est une activité sociale, menée par des organismes sociaux, insérés dans des contextes sociaux, dont chacun possède ses propres normes sociales et attentes culturelles. » Des problèmes éthiques se posent aux niveaux des conflits d’intérêts. entre les motivations du chercheur et celles du public: explicitez précisément quel champ de tension fondamental il peut exister entre ce que le public attend de la science et ce que les chercheurs en attendent. Illustrez avec un exemple. Motivation du chercheur : accéder au savoir Motivation du public : découvrir la ≪ vérité ≫, obtenir une confirmation de ses valeurs morales et de ses croyances. Par exemple, lorsqu'on étudie la relation entre le rapport sexuel et la délinquance, cela a des implications morales. Une première recherche montre que ceux qui commencent les relations sexuelles tôt ont des chances de faire des conneries plus tard, ça arrange toute une série d'institution. Ils ont ensuite étudié les jumeaux et le lien était inverse, au sein des couples de jumeaux, celui qui commençait tôt avait moins de chance de devenir délinquant. Donc les résultats posent problème. Le message doit donc faire l'objet de pédagogie pour être passe dans le grand public. Exemple : la méta-analyse de Rind et al. (1998) entre les intérêts du commanditaire et la rigueur scientifique: donnez un exemple. Les motivations du commanditaire : le profit, trouver la solution d'un problème, la caution scientifique a un projet d'intervention. Une catégorie de risque concerne la rigueur scientifique. Par exemple, si le chercheur doit répondre a la question : ≪ Comment changer les représentations négatives de la démence ≫ et qu'il arrive à la conclusion que c'est quelque chose qu'on ne peut pas changer, le commanditaire ne sera pas satisfait. Le commanditaire pourrait demander au chercheur de ne pas respecter la rigueur scientifique au niveau de la méthodologie pour arriver au résultat souhaité en utilisant des méthodes inappropriées en connaissance de cause. Par exemple, inventer des données... entre le respect du sujet et l’intérêt du chercheur: discutez les options différentes « expérience de laboratoire/de terrain » dans ce cadre. Donnez un exemple précis et élaborez. Dans le laboratoire, on pourrait penser que le sujet est moins naïf, le problème de de conflit de motivations se pose donc plus. Le problème du consentement est également plus aigu. Il y a des risques objectifs qu'on peut identifier mais aussi des risques subjectifs plus difficilement identifiables. Tous ces risques montrent l'importance de la pratique d'un consentement informé. Le participant reçoit une description de la recherche sur base des études précédentes du même type. C'est en connaissance de ces risques objectifs que la personne participe à l'expérience. Le comité d'éthique dispose d'un formulaire à adapter pour la recherche que l'on mène. En cas de sujet non libre comme les enfants, d'autres personnes doivent se montrer garant et juger des intérêts de ces sujets. 96. Quel danger éthique peut-il y avoir dans la convergence de motivations entre la demande expérimentale et le désir de voir ses hypothèses confirmées? Quel garde-fou proposeriez-vous? Il peut aussi avoir des motivations implicites. Le sujet peut deviner l’hypothèse du chercheur et répondre pour lui faire plaisir par exemple. Tout cela a des implications théoriques pour interpréter les résultats et aussi en termes d'éthique, ça met fin au questionnement. On pourrait faire usage de la supercherie en faisant croire qu’on est intéressé par une certaine variable alors qu’en réalité, on mesure toute autre chose. Liste de questions pour l’examen Déonto 2010 - Bazan 3 97. « L’inconfort qui est imposé est justifié par un bénéfice plus important »: élaborez [dans le contexte de quelle étude ceci est proposé, pour qui vaut ce bénéfice, quel est le problème] Dans une éthique conséquentialiste, on considère la recherche comme un rapport entre le cout et le bénéfice. On se dit qu'il y a un certain cout, un certain risque mais un bénéfice pour la science, pour la pratique. Éthique conséquentialiste : la moralité d'une action est basée sur ses conséquences. On ne juge l'action qu'en terme de ses conséquences, si ça ne fait de tord a personne, on peut faire n'importe quoi. C’est l’éthique défendue par Zimbardo : ≪ Tout en reconnaissant que les sujets de l'expérience de la prison ont souffert et ont été humilie, nous disposons d'éléments indiquant que les sujets ont appris un certain nombre de choses à propos d'eux-mêmes et il n'y a pas eu de réactions négatives persistantes. ≫ Ce sont des arguments a posteriori, certains sujets ont vécu cela comme une expérience particulièrement intéressante. Un des sujets s'est lance dans des études de psychologie et il est devenu psychologue pénitentiaire, il a trouvé sa vocation à travers cette expérience. Le problème c’est que le sujet à des droits qu’il faut respecter et que leur non-respect n’est pas justifiable par des bénéfices. 98. Par rapport aux risques liés au respect du sujet, donnez un exemple d’un risque pour sa santé physique, d’un risque pour sa santé mentale et d’un risque pour son bien-être symbolique. - Risque pour sa santé mentale Exemple de l’expérience de Zimbardo où les sujets qui étaient mis dans la position de prisonnier ont été victimes de dépressions. - Risque pour sa santé physique Par exemple, dans l'étude des médicaments, le public a intérêt que ceux-ci soient testés le mieux possible mais cela comporte un risque pour les participants. Les droits humains peuvent aller à l'encontre de l'intégrité scientifique. Autre exemple, lors de l’expérience de Zimbardo, certains sujets dans le rôle de gardien auraient perdu le contrôle et commencé à battre les sujets qui étaient dans le rôle de prisonnier. - Risque lié à son bien-être symbolique (donc anonymat et confidentialité). Par exemple, dans le jeu de la mort, on voit des gens effrayés par l'image qu'ils donnaient d'eux-mêmes. C'est pour cela, qu’il y a des précautions pour l'anonymat et la confidentialité et pour la confidentialité des données. Les gardes ont pu éprouver un malaise suite à la prise de conscience de ce qu'ils ont fait aux prisonniers. Liste de questions pour l’examen Déonto 2010 - Bazan 4 99. Par rapport aux risques liés à la rigueur scientifiques, il y a – outre le problème évident d’invention d’observations – d’autres risques plus subtiles au niveau de l’analyse des données. (1) Donnez-en quatre et illustrez les avec un exemple concret. - Analyse subjective : lors d’analyse qualitatives, les problèmes sont liés à notre propre subjectivité. La parole qu'on porte sur les données ne doit pas être le fruit de notre propre perception. - Élimination d’observations : Les analyses quantitatives préservent une certaine objectivité. Mais ce n'est pas encore la panacée, plus on connait des méthodes statistiques, plus il y a le danger de relativisme si on les utilise comme des recettes de cuisine, on peut transformer un résultat non-significatif en résultat significatif. L'interprétation des données peut changer. - Invention d’observations - Choix de variables dépendantes et de méthodes statistiques Exemple : Dans le cadre du mémoire, il est inutile de chercher à tout prix un résultat significatif. Il faut aussi faire attention en supprimant des données. Il faut appliquer toujours les mêmes règles. Choix des variables dépendantes ? Avec une échelle qui combine différents items ? Il est tentant de prendre les items dont les résultats nous arrangent. (2) Quelles suggestions le Pr Klein a-t-il donné pour minimaliser/éliminer ce risque ? [il faut en donner au moins 2 : 1 suggestion très concrète, 1 suggestion de principe plus générale] On ne doit pas uniquement se fier aux statistiques, aux inférences. Il faut aussi regarder les données, regarder la taille des effets. Il est important de compléter des analyses statistiques avec des analyses descriptives. Il faut être honnête dans son travail de recherche. (3) Etant établi que le risque à ce niveau ne peut être structurellement éliminé, quelle conclusion en tirer pour l’évaluation des résultats de recherches? La meilleure solution est de se tenir à ce qu'on veut a priori. Il faut rapporter en premier lieu ce qui se conforme à nos hypothèses tout en n’omettant pas de citer les résultats contradictoires. Liste de questions pour l’examen Déonto 2010 - Bazan 5 100. (1) Que démontre Elizabeth Loftus par sa recherche? Donnez un exemple concret. Elisabeth Loftus étudie la découverte d'abus sexuel à l’Age adulte par des gens qui affirment ne s'être pas souvenus précédemment de les avoir vécus, ils le découvrent en thérapie. Une interprétation de Loftus est qu'on a affaire à un phénomène de suggestion. On a une convergence d'intérêt entre le patient et le thérapeute, on a intérêt à trouver un coupable au mal-être. Cette recherche va donner lieu à un retour de quelque chose qui a été complètement suscité par la relation. Un tel discours porte sur une réalité abstraite et va se heurter à l’expérience subjective des individus, il est possible de susciter des faux souvenirs. Les individus sont persuadés qu'ils ont vécu des cas d'abus sexuels. Loftus dit que souvent les sujets oublient qu'ils se sont déjà souvenus. Dans ce cas-là, ce n'est pas possible d'oublier qu'on s'en est déjà souvenu. (2) Ces résultats expérimentaux amènent à une explication pour des observations cliniques: laquelle et comment le comprendre? Phénomène de suggestion : On a une convergence d'intérêt entre le patient et le thérapeute, on a intérêt à trouver un coupable au mal-être. Cette recherche va donner lieu à un retour de quelque chose qui a été complètement suscité par la relation. Ceci remet en cause l’hypothèse du refoulement et non celle de l’abus sexuel ! (3) Quelles répercussions ces résultats ont-ils eu (sur le public, sur la chercheuse)? L'implication de ce discours est que la personne accusée peut utiliser la recherche de Loftus pour dire que c'est possible de tout inventer. Il a été dit que Loftus se faisait l'avocate de l'abuseur. Le public fut choqué et Elizabeth Loftus fut fortement critiquée voir harcelée par certains. Il y a un travail pour faire passer un message car elle ne disait pas qu'un abus sexuel n'existe pas. On résonne sur des moyennes et pas sur des individus. (4) Comment comprendre le titre ‘Explication et justification’ par rapport à cette recherche? Avec ce titre, le Pr. Klein insiste sur l’importance de la conclusion, sur le fait qu’elle doit être accompagnée d’une explication et d’une justification. On ne peut pas lâcher une conclusion sans la contextualiser, surtout lorsque ses conséquences sont aussi importantes. (5) Il y a quelques similarités dans cet épisode avec un développement capital de la pensée de Freud: lequel? [« je ne crois plus à ma neurotica », lettre de Freud à Fliess quand il prend distance de son idée première que les hystériques souffraient de réminiscences d’abus réels ; il reformule alors sa théorie, notamment ….] Freud abandonne l'hypothèse première d'un évènement vécu et passera à l'autre qui est celle d'un traumatisme découlant d'un fantasme de séduction formé par l'hystérique qui acquière ainsi et c'est là la réelle nouveauté le statut d'un traumatisme psychique. Beaucoup a été dit à propos de ce changement de théorie, notamment que Freud aurait été ainsi amené à négliger des abus réels que nombre de ses patientes auraient subis. Ça n'est pas impossible mais il n'en reste pas moins qu'avec ce changement de perspective, Freud fait advenir la vie psychique à un statut de "réalité" qu'il n'avait jamais eu auparavant 13. Il met au même plan - ou à peu près, ça se discute - l'impact d'un traumatisme extérieur, abus, vécu violent, etc. et un "évènement" de la vie intrapsychique tramé par le complexe d'Œdipe qui sera lui découvert très peu de temps après (6) Le Pr. Klein propose une explication qui propose une réinterprétation des observations cliniques. [il ne s’agissait pas d’un fait oublié mais ….. . Si vous voulez avoir des points subsidiaires, tentez de faire un certain parallèle entre Liste de questions pour l’examen Déonto 2010 - Bazan 6 cette proposition du Pr Klein et la réinterprétation que Freud a proposé après son revirement indiqué plus haut …] (7) A quelle réflexion éthique cet exemple mène-t-il, réflexion similaire à celle qui avait été amené par la recherche de Rind ? [si vous avez cette question, sans la question de Rind plus haut, récapitulez brièvement de quoi il s’agissait pour l’étude de Rind avant de répondre à la question] La généralisation des conclusions est dangereuse. C’est pourquoi il faut veiller à ce qu’une conclusion transmette le bon message, soit non-équivoque. Liste de questions pour l’examen Déonto 2010 - Bazan 7