symposium_IPA

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L’analyse interprétative phénoménologique : bilan et perspectives des premières recherches françaises
Pascal ANTOINE
URECA EA 1059, Université Lille 3
L’analyse interprétative phénoménologique (IPA) est conçue comme une démarche de recherche qualitative
relativement accessible et offrant une procédure assez détaillée (Smith, 1996 ; Smith, Flowers & Osborn, 1997). Cette
démarche trouve son ancrage dans des courants conceptuels comme la phénoménologie et l’interactionisme
symbolique, pour lesquels l’humain n’est pas un réceptacle passif de flux d’informations concernant une réalité
objective, mais plutôt qu’il n’a de cesse d’interpréter et de comprendre son univers. L’objectif de l’IPA est de découvrir
en détail les processus par lesquels les participants donn ent du sens à leurs expériences intimes en étudiant les récits
qu’ils en font. Les processus dont il est question concernent tous les aspects réflexifs en lien avec l’idée fondatrice de
l’IPA que les participants cherchent à interpréter leurs expériences s ous une forme ou une autre qui soit
compréhensible pour eux.
Cette approche est qualifiée de phénoménologique car d’une part elle se réfère aux récits subjectifs de l’individu
plutôt qu’à une description objectivante des faits et d’autre part elle considè re la recherche elle-même comme un
processus dynamique. Le chercheur tente d’accéder à l’univers singulier d’un participant, cet accès reposant sur les
propres conceptions du chercheur tout en étant limité par elles. L’expression ‘analyse interprétative
phénoménologique’ rend compte de cette dualité (Smith et al., 1999) ainsi que de la jonction de processus réflexifs des
participants et des chercheurs pour constituer le récit analytique (Osborn & Smith, 1998; Smith et al., 1997). Smith
(2004) décrit l’IPA comme interprétative du fait de son ancrage dans la tradition interprétative ou herméneutique
puisque le chercheur joue un rôle majeur dans l’analyse et la recherche.
Elle est utilisée dans un nombre croissant de recherches, notamment anglo -saxonnes. Ce symposium a pour ambition
de réunir les premières recherches francophones utilisant l’IPA, illustrant les possibilités offertes par cette voie de
recherche dans des domaines aussi variés que : le vécu émotionnel des praticiens hospitaliers au cours de l’annon ce
d’une mauvaise nouvelle, le vécu de l’obésité à l’adolescence et sa place au sein des relations familiales, le vécu
dyadique du cancer du sein en phase d’hormonothérapie, ou l’expérience des relations interpersonnelles et du soutien
social par les patients confrontés au cancer. Ces recherches illustreront la souplesse des dispositifs de recherche, la
diversité des nouvelles problématiques offertes et, enfin, ce qui pourrait être une particularité francophone, l’usage de
l’IPA pour étudier des phénomènes interactionnels inscrits dans un contexte relationnel.
Analyse qualitative du vécu émotionnel des praticiens face à l’annonce d’une mauvaise nouvelle en cancérologie
Armelle DESAUW1,2, , Pascal ANTOINE1, Véronique CHRISTOPHE1,3, , Stéphane CATTAN4
1. URECA EA 1059, Université Lille 3
2. Centre Hospitalier Cambrai
3. Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société, MESHS USR CNRS 3185
4. Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille
Introduction : L’annonce d’une mauvaise nouvelle en cancérologie constitue une tâche complexe pour les praticiens. Alors que
des études antérieures ont analysé le vécu émotionnel des praticiens face à l’annonce de mauvaises nouvelles à l’aide de
méthodes quantitatives, [1-3], il nous parait nécessaire d’approfondir notre compréhension de l’expérience subjective des
praticiens par une approche qualitative. L’objectif de cette étude vise donc à analyser : 1) le sens que les praticiens donnent à
l’annonce de mauvaises nouvelles en cancérologie, et 2) la perception qu’ils ont de leur vécu émotionnel face à l’annonce.
Méthode : Cette étude repose sur l’analyse d’entretiens non-directifs réalisés auprès de 20 praticiens hospitaliers amenés à
annoncer des mauvaises nouvelles en cancérologie. Ces entretiens ont été enregistrés puis retranscrits. Ils ont ensuite fait l’objet
d’une analyse interprétative phénoménologique (IPA) [4].
Résultats : L’analyse des entretiens a abouti à l’émergence de 3 thèmes principaux : 1) le sens donné à l’annonce d’une
mauvaise nouvelle en cancérologie, 2) le rôle du praticien, et 3) le lien avec les patients.1) Alors que certains praticiens
perçoivent l’annonce comme un non-sens, d’autres la considèrent comme une épreuve indissociable de leur travail, à laquelle
ils vont parvenir à trouver un sens, tel que la possibilité pour le patient de préparer sa fin de vie. 2) Les praticiens se distinguent
dans la perception qu’ils ont de leur rôle au moment de l’annonce. Certains vont se fixer des objectifs irréalistes, tels que donner
un espoir de survie alors que le pronostic vital du patient est engagé, les amenant à éprouver un sentiment d’impuissance et
d’échec. A l’inverse, l’élaboration d’objectifs réalistes, tels qu’apporter un soutien au patient, est associé à une satisfaction après
l’annonce. 3) Lorsque les praticiens évoquent leur lien avec les patients, ils décrivent l’influence des émotions de leurs patients
sur leur propre vécu émotionnel. Alors que certains décrivent une mise à distance, d’autres décrivent la manière dont ils
absorbent les émotions de leurs patients, par processus d’identification.
Conclusion : Cette étude apporte un nouveau regard sur l’expérience subjective des praticiens confrontés à l’annonce de
mauvaises nouvelles en cancérologie. Au-delà du caractère négatif intrinsèque à l’annonce, c’est la représentation du praticien
de l’annonce, de son rôle et de son lien avec le patient qui détermine son vécu émotionnel de l’annonce. Au regard de
l’importance de la relation médecin-patient, ces premiers résultats nous apportent de nouveaux éléments de compréhension à
intégrer dans les programmes de formations destinés aux praticiens.
1. Cohen, L., Baile, W. F., Henninger, E., Agarwal, S. K., Kudelka, A. P., Lenzi, R., Sterner, J. & Marshall, G. D. (2003). Physiological
and psychological effects of delivering medical news using a stimulated physician-patient scenario. Journal of Behavioral
Medicine, 26(5), 459-471.
2. Tattersall, A. J., Bennett, P., & Pugh, S. (1999). Stress and coping in hospital doctors. Stress Medicine, 15, 109-113.
3. Baile, W. F., Lenzi, R., Parker, P. A., Buckman, R., & Cohen, L. (2002). Oncologists ‘attitudes toward and practices in giving bad
news: an exploratory study. Journal of Clinical Oncology, 20(8), 2189-2196.
4. Smith, J.A., & Osborn, M. (2003). Interpretative phenomenological analysis. In J. A. Smith (Ed.), Qualitative Psychology : A
practical guide to research methods (pp. 51-80). London : Sage.
Mots clés : Analyse interprétative phénoménologique, annonce de mauvaise nouvelle, cancer, praticien, vécu émotionnel
Les pathologies du poids à l’adolescence et leur place au sein des relations familiales. Intérêt de l’approche qualitative
phénoménologique.
Jonathan LACHAL1,2,3, QUALIGRAMH4, Marie-Rose MORO1,2,3, Anne REVAH-LEVY2,3,5
1
2
3
4
5
AP-HP, Hôpital Cochin, Maison de Solenn, 75004 Paris
INSERM, U-669 PSIGIAM, 75679 Paris
Univ. Paris-Sud, Univ. Paris-Descartes, 75005 Paris
Qualitative Group of Research in Adolescent Mental Health, INSERM, U-669 PSIGIAM, 75679 Paris
Centre de Soins Psychothérapeutiques de Transition pour Adolescents, Hôpital d'Argenteuil, 95107 Argenteuil
Les pathologies du poids sont un enjeu majeur de santé publique, en particulier à l’adolescence. La question de la place de la
nourriture dans les relations familiales est centrale dans la compréhension de ces pathologies, de leur genèse, de leur maintien,
ainsi que de leur prise en charge. Le groupe de recherche QUALIGRAMH s’est intéressé à cette question à l’aide d’une approche
qualitative d’inspiration phénoménologique (IPA – Interpretative Phenomenological Analysis), particulièrement adaptée à la
recherche en psychiatrie de l’adolescent. Le développement d’un outil photographique, nommé photo-elicitation, à permis
d’accéder plus aisément aux vécus des adolescents et de leurs parents : l’adolescent prend une photographie en suivant une
consigne. Cette photographie est utilisée comme support à l’entretien de recherche. Les premiers résultats chez l’adolescent
obèse ont permis de mettre en évidence d’interrelations majeures entre relations et nourriture au sein de la famille : le
fonctionnement alimentaire apparait comme le reflet du fonctionnement relationnel, à deux (parent-enfant) et au sein du
groupe famille, laissant entrevoir des pistes thérapeutiques importantes. Le deuxième temps de l’étude s’intéresse actuellement
à des adolescents présentant une anorexie mentale. Des adolescents ne présentant pas de problématique de poids sont
également interrogés. La mise en perspective de ces trois groupes devrait permettre une meilleure compréhension de ces
pathologies sur le plan théorique, et de proposer des adaptations thérapeutiques.
Mots Clés : Adolescent, Psychiatrie, Recherche qualitative, photo-elicitation, Interpretative phenomenological analysis.
Analyse qualitative du vécu subjectif des femmes jeunes atteintes d’un cancer du sein et de leur partenaire lors de
l’hormonothérapie.
Mélanie TROCME1, Pascal ANTOINE1, Laurence VANLEMMENS2, Emmanuelle FOURNIER1, Véronique CHRISTOPHE1.
1- Université Lille 3, URECA EA 1059
2- Centre Oscar Lambret, Lille
Introduction et objectif: Près de 12% des cancers du sein concernent des femmes de moins de 45 ans, dont 60% de ces cas
développent une forme de cancer dite hormono-dépendante. L’hormonothérapie a alors pour but de bloquer l’action des
hormones, bien que présentant de nombreux effets secondaires possibles 1. En effet, si les conséquences psychosociales de
l’annonce, de la chimiothérapie, et de la chirurgie sont bien connues, l’impact de l’hormonothérapie est moins documenté. Ce
d’autant plus chez les femmes jeunes présentant des problématiques spécifiques à leur âge (désir d’enfant, sexualité, vie
professionnelle…). Le but de l’étude est alors d’explorer le vécu subjectif des patientes jeunes recevant de l’hormonothérapie
dans le cadre d’un cancer du sein non métastatique et de leur partenaire.
Participants : 11 couples hétérosexuels ont donné leur accord respectif pour un entretien non directif individuel. Les patientes,
âgées de 27 à 51 ans (M = 39), ont été diagnostiquées pour un cancer du sein avant 45 ans et sont actuellement sous
hormonothérapie. Leurs partenaires respectifs sont eux âgés de 30 à 58 ans (M = 40).
Procédure : Les entretiens ont été effectués séparément par une psychologue. Enregistrés puis retranscrits intégralement, ils
ont ensuite été soumis à une analyse indépendante par deux psychologues selon la méthode IPA (Interpretative
Phenomenological Analysis) 2. La confrontation des analyses a permis d’aboutir de manière consensuelle à un schéma global des
convergences, divergences et ajustements des couples.
Résultats : Cinq principaux thèmes ont émergé de l’analyse: 1) l’osmose du couple, 2) les aspects positifs de la maladie, 3) la
projection dans l’avenir, 4) la place de l’autre et 5) le vécu actuel. L’immersion de la maladie amorce dans la vie de couple un
rapprochement affectif et l’émergence d’un soutien mutuel. Une facette positive de la maladie non envisagée initialement. Avec
le temps, un décalage au sein du couple, ainsi qu’entre le couple et l’entourage se crée. De par le fait notamment qu’à ce stade
des traitements, le conjoint sollicite la reprise d’une vie dite « normale ». L’entourage de son côté prend de la distance au
moment même où la patiente se vit toujours comme malade, ce qui accroit sa détresse; et ne prend pas en considération les
difficultés du partenaire. Par ailleurs, le risque perçu de récidive cristallise le couple dans le présent et limite sa capacité à se
projeter dans des projets d’avenir. Enfin la plupart des patientes évolue profondément, et est particulièrement animée par
l’investissement d’une vie saine qui les protégerait de la maladie et par la recherche d’un sens existentiel qui leur aurait fait
défaut dans leur vie avant le cancer.
Résultats et conclusion : Ces résultats permettent de repérer, durant l’hormonothérapie, les stratégies spécifiques d’adaptation
de la patiente, du partenaire et du couple. Mieux cerner le vécu de la femme jeune mais également celui de son partenaire,
souvent premier aidant, est un élément primordial à ne pas négliger pour améliorer la prise en charge de ces couples face au
cancer. Au vue de l’évolution temporelle de la dynamique de couple et du décalage du vécu de l’hormonothérapie, il semble
ainsi nécessaire de proposer une prise en charge différente et mieux adaptée durant cette phase de traitement où la solitude,
entre autre, occupe une place non négligeable.
Références :
1. Avis, N. E., Crawford, S., & Manuel, J. (2004). Psychosocial problems among younger women with breast cancer.
Psychooncology, 13(5), 295-308
2. Smith, J. A., & Osborn, M. (2003). Interpretative phenomenological analsis. In J. A. Smith (Ed.), Qualitative Psychology: a
pratical quide to research methods (pp. 51- 80). London: Sage.
Cancer, relations interpersonnelles et soutien social : analyse psychosociale de l’expérience des patients
Stéphanie BLOIS-DA CONCEICAO1 & Michel MORIN2
1
2
Département de Psychologie de la Santé, Education et Développement, Institut de Psychologie, Université Lumière – Lyon 2 ;
Equipe de Psychologie de la Santé et du Travail, Laboratoire de Psychologie Sociale, Université Aix-Marseille.
Objectifs : Analyser l’expérience des patients cancéreux quant à leurs relations interpersonnelles dans le contexte de la maladie,
ainsi que son ancrage psychosocial.
Méthodologie : 16 entretiens semi-directifs réalisés auprès de patients atteints d’un cancer ont fait l’objet d’une analyse de type
IPA (Interpretative Phenomenological Analysis ; Smith, 1996) assistée par le logiciel NVivo7. Cinq grandes thématiques ont pu
être identifiées : 1) le vécu de la maladie ; 2) les croyances relatives à la maladie ; 3) l’histoire personnelle ; 4) la prise en charge
médicale ; 5) les relations avec l’entourage. Seule l’analyse de cette dernière sera présentée ici.
Résultats : Dans le cluster relatif aux relations interpersonnelles, il est question des ajustements du patient et de l’entourage,
des attitudes vis-à-vis de l’entourage, des conséquences sociales du cancer et du soutien social.
Le premier constat qui émerge concerne les liens et les divergences entre les ajustements de l’entourage et du patient. Nos
résultats illustrent les difficultés associées à la communication entre le patient et ses proches, et à l’adéquation entre les
attentes du premier et les représentations sur la manière de gérer la maladie chez les autres.
Un autre constat renvoie aux attitudes vis-à-vis des proches et aux enjeux autour du « dire » et du « taire » : le discours des
patients est marqué par une certaine ambivalence entre le besoin de communiquer et la volonté de ne pas exprimer leurs
difficultés afin de préserver l’entourage. Par ailleurs, nous observons une certaine mise à distance conjoncturelle et évolutive de
l’entourage, le recours à ce dernier étant pensé sous certaines conditions : situations de nécessité, respect de l’intimité,
possibilité de réciprocité.
Enfin, nous évoquerons le rôle des caractéristiques du patient (âge et sexe) et de sa maladie (phase initiale vs. avancée) dans la
mise en récit des relations interpersonnelles : nous remarquons notamment la prégnance des besoins psychosociaux des
patients dans les situations cliniques plus critiques, dessinant la place de l’entourage au fur et à mesure de l’évolution de la
maladie.
Conclusion : Grâce à une approche ouverte sur les perceptions des relations interpersonnelles dans le contexte de la maladie
cancéreuse, cette recherche qualitative met au jour un certain nombre d’élaborations cognitives à l’égard de l’entourage
permettant de mieux comprendre l’expérience des relations interpersonnelles en situation de maladie, son ancrage psychosocial
et ses enjeux en termes identitaires.
Mots clés : cancer, relations interpersonnelles, soutien social, ajustement, IPA.
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