FONCTION DE POLICE ORIENTEE VERS LA COMMUNAUTE AVIS AU LECTEUR ................................................................................................................................. 2 RESUME relatif au MANAGEMENT .................................................................................................... 3 1 Le modèle de police traditionnel ...................................................................................................... 4 1.1 Caractéristiques 4 1.1.1 Une attitude réactive 4 1.1.2 Une approche symptomatique 5 1.1.3 L'application de la loi (et l'orientation vers les autorités) 6 1.1.4 La position isolée de la police 6 1.2 Champ d'application de la fonction de police traditionnelle 7 1.3 Echec du modèle de police traditionnel 7 2 Le modèle community policing ......................................................................................................... 9 2.1 Genèse du modèle 9 2.2 Définitions et descriptions du community policing 10 2.3 Piliers sur lesquels repose le community policing 12 2.4 Les sources belges ‘officielles’ 20 3 Les piliers de la fonction de police orientée vers la communauté ............................................... 23 3.1 Premier pilier: l’orientation externe 23 3.1.1 L’orientation externe se compose de deux (sous-)piliers: 23 3.1.2 La (les) communauté(s): un vaste concept 24 3.1.3 Besoins et attentes de la population 25 3.1.4 Déterminer les besoins et les attentes 27 3.2 Second pilier : l’orientation vers la résolution de problèmes 28 3.2.1 Le travail orienté vers la résolution de problèmes : une définition 28 3.2.2 Eclaircissement 28 3.2.3 Objectifs du travail orienté vers la résolution de problèmes 29 3.2.4 Problèmes: une description 29 3.2.5 Comment réaliser? 29 3.3 Troisième pilier: le partenariat 32 3.3.1 Pourquoi coopérer? 33 3.3.2 Les partenaires externes 34 3.3.3 Les partenaires internes 36 3.3.4 Les ‘7 indispensables’ 37 3.3.5 Principes de coopération 37 3.3.6 Coopérer : aussi avec les minorités 38 3.4 Quatrième pilier : ‘justification’ 38 3.5 Cinquième pilier: ‘empowerment’ ou ‘habilitation’ 40 4 Fonction de police orientée vers la communauté : suite ............................................................... 42 4.1 Fonction de police orientée vers la communauté : philosophie, stratégie, tactique ou ? … 42 4.2 La fonction de police orientée vers la communauté poursuit-elle d'autres buts? 44 4.3 COP ou POP? 45 4.4 Le community policing est-il ‘soft on crime’? 46 4.5 Théories sous-jacentes 47 4.6 Le community policing a-t-il déjà mené à des résultats? 49 4.7 Causes de la mise en œuvre défectueuse du community policing 53 4.8 La police ne peut y arriver seule ! 55 4.9 Note critique 56 -1- AVIS AU LECTEUR Le texte qui suit vise à fournir à la police locale un cadre conceptuel national concernant l'interprétation du modèle policier ‘community policing’. Il s’agit d’ailleurs un modèle utilisé chez nos homologues Belge. Suite aux décisions relatives au nouveau service de police intégré, structuré à deux niveaux, les responsables politiques belges ont choisi de manière claire et nette ce modèle (fonction police de base) pour la police locale. Il s’agit en fait du modèle de la police de proximité. Mais dans un contexe plus large, cette fonction de proximité est très utilisé dans la Police Municipale et de moins en moins dans les ville urbaine. Je me suis attaché donc à vous faire découvrir ou tout simplement à vous rappeler en vous donnant des traces, méthode pour mener à bien cette tâche. Le ‘community policing’ est donc un modèle de police qui convient par excellence à l'interprétation de la fonction de police de base exercée par la police municipale. Cette interprétation doit par définition se faire au niveau local, c'est-à-dire être greffée sur la situation spécifique. Le ‘community policing’ est cependant devenu une sorte de notion ‘fourre-tout’, au contenu confus et aux objectifs vagues. Il s'est également de plus en plus transformé en ‘réservoir’ pour toute initiative identique dans laquelle la population est impliquée d’une quelconque mesure. Il semble dès lors nécessaire de faire un choix quant à l'interprétation de la notion et de mettre en place une standardisation conceptuelle autour de cette interprétation. Il appartiendra à la police municipale de poursuivre la traduction de ce cadre en des composantes structurelles, organisationnelles et opérationnelles en fonction de la situation environnementale et spécifique au Corps. En ce qui concerne ces trois éléments également, la deuxième partie du texte pose les principes essentiels, sans toutefois imposer de contrainte. Ce document s'adresse en premier lieu aux policiers municipaux, aux Maires. Les cadres supérieurs de la police font également partie du public-cible. Lorsqu’une base suffisamment large pour ce concept aura été atteinte, il sera ensuite développé en compléments thématiques concrets, par exemple concernant les réunions de quartiers, l'approche visant la résolution de problèmes ou les sondages réalisés auprès de la population, sous la forme de manuels, de carnets de travail, de documentation, de dépliants, etc… Enfin, le matériel didactique (des diverses formations) devra, dans un stade ultérieur, également être adapté. En ce qui concerne le contenu du texte, un ‘avertissement’ est nécessaire. Les policiers sont en général sensibles à toute forme de critique sur la manière dont ils ont travaillé dans le passé. Ils se sentent attaqués, personnellement visés par la critique et ont le sentiment d'avoir effectué du travail inutile ou mauvais. Le texte suivant n'est certainement pas rédigé dans ce sens, et ce, pour deux raisons. Premièrement, la critique vise principalement le système (l'organisation) et non les personnes. Deuxièmement, un modèle (de police) déterminé s'inscrit dans un cadre temporel déterminé, et tous deux sont donc, par définition, évolutifs. -2- RESUME relatif au MANAGEMENT Le modèle de police traditionnel se caractérise par : une attitude réactive (la police réagit aux incidents après qu'ils se sont produits); une approche symptomatique (la police aborde les problèmes de sécurité comme des symptômes distincts et ne se concentre pas sur les causes cachées de l'insécurité); l'application de la loi (la police fait respecter la loi comme un but en soi et non comme un moyen de favoriser la sécurité et la qualité de vie); la position isolée de la police (pas intégrée dans la société et éloignée de la population). La recherche scientifique a clairement démontré que le modèle de police traditionnel n'était pas efficace dans la maîtrise de l'insécurité. La légitimité de la police a également fortement diminué en raison de la détérioration des relations, en particulier avec les groupes minoritaires de la société, et la police a ainsi souvent été la cause de troubles et d'émeutes urbaines. Le modèle du ‘community policing’ se base sur une autre approche beaucoup plus large de la sécurité et de la qualité de vie et découle de l'inefficacité et du manque de légitimité de la police. Il vise une police intégrée dans la société, à la disposition du (des) citoyen(s) et qui cherche, avec les communautés, des solutions qui se concentrent sur les circonstances locales causes d’insécurité. Cinq piliers essentiels de la fonction de police orientée vers la communauté (interprétation du ‘community policing’) ont émergés d'une analyse approfondie de la littérature scientifique relative au ‘community policing’. Chacun de ces piliers constitue une condition essentielle au développement de la fonction de police orienté vers la communauté. L’interaction entre tous ces piliers et leur renforcement mutuel sont encore plus important que chaque pilier en soi. L'orientation externe de la police (en tant qu’organisation) est un pilier de base absolu de la fonction de police orientée vers la communauté. La police n'est pas face à la société, mais au centre de celle-ci; elle en fait partie intégrante. Elle a en premier lieu une fonction sociale, c'est-à-dire qu'elle doit faire respecter un ordre public qui n'est pas l'ordre de la dominance, mais celui de la tranquillité. La police se trouve dans la société dont elle souhaite faire partie et dans laquelle elle ne peut agir efficacement que grâce à son intégration : présence, permanence et échange. Elle connaît et comprend la situation et l'évolution de la société. C'est justement grâce à cette intégration qu'elle a rapidement et totalement pris conscience de ce qui ‘existe et importe’ quant à la sécurité et à la qualité de vie au sein de la société; elle peut de ce fait réagir à temps et de manière appropriée, voire anticiper. Cette prise de conscience se traduit également par une attitude de service axée sur les besoins et les attentes des clients (potentiels) de la fonction de police. Le pilier du travail visant la résolution des problèmes fait référence à l'identification et à l'analyse des causes possibles de la criminalité et des conflits au sein de la (des) communauté(s). La police ne réagit pas seulement à des problèmes après qu'ils se soient produits ou qu'ils lui aient été signalés, et n'attend certainement pas qu'ils dégénèrent. Elle tente, par le biais d'un suivi, d'une identification et d'une analyse continuels de la situation d'insécurité, d’identifier les problèmes à temps et si possible de les anticiper. La police agit non seulement sur les manifestations de l'insécurité, parce qu'il ne s'agit généralement que des symptômes de causes cachées ou sous-jacentes mais tente également, via une analyse, d'identifier ces facteurs et de les influencer. Le pilier du partenariat fait référence au fait que la police a conscience qu'elle n'est pas et ne peut pas non plus être la seule responsable de la sécurité et de la qualité de vie. La coopération est nécessaire, en particulier là où il s'agit de la prévention et de la recherche de solutions durables aux problèmes. La sécurité et la qualité de vie sont l'affaire de tous, et une question d'intérêt et de responsabilité partagés : ‘copropriété’ de la sécurité. C'est pourquoi tous les acteurs, en premier lieu la population elle-même, sont impliqués dans la sécurité et la qualité de vie : ‘coproduction’. -3- Depuis que l'on a pris conscience que la police ne peut pas veiller seule à la sécurité et à la qualité de vie, des réseaux se sont constitués dans un souci de sécurité avec d'autres partenaires (comme la commune, le ministère public, les institutions de soin, les sociétés de logement, les éducateurs et animateurs de quartier, les activités socio-culturelles, les écoles, les entreprises et les citoyens), à partir desquels la sécurité et la qualité de vie peuvent intégralement être abordés dans le quartier. La sécurité devient de ce fait une approche en chaîne dans le cadre de laquelle chacun de ces réseaux constitue un maillon dans une approche globale et intégrée. En particulier, les citoyens sont encouragés (pour autant que ce soit nécessaire) à faire preuve d'autonomie dans le cadre de l'approche commune de problèmes relatifs à la qualité de vie et à la sécurité dans leur propre environnement. Le pilier de la justification requiert la mise en œuvre de mécanismes permettant à la police de justifier les réponses formulées aux demandes et aux besoins des communautés qu'elle sert. Dans le modèle de la fonction de police orientée vers la communauté, le principe du partenariat par lequel d'autres acteurs sont également responsables de la sécurité et de la qualité de vie, découle logiquement du devoir qu'a en ‘contrepartie’ la police de rendre des comptes à ces acteurs sur sa participation. Le pilier de ‘l’empowerment’ (ndr : littéralement ‘délégation-gestion participative’) signifie qu'il faut créer des possibilités tant pour les policiers que pour les divers groupes de la population d'aborder conjointement les problèmes de sécurité et de qualité de vie, de fournir des services et d'instaurer la sécurité et la sûreté. Ceci implique tant une démocratisation interne à la police qu'une émancipation des divers groupes de population. L'ajout de ‘l'empowerment’ comme cinquième pilier est essentiel parce qu'il s'agit d'un défi pour la vision instrumentale de la police dans le cadre de laquelle les policiers sont réduits à être des exécutants purs et simples. ‘L'empowerment’ implique notamment que les policiers réfléchissent de manière critique, avec leurs partenaires et la population, à leurs propres tâches et à la manière dont elles sont exécutées. La littérature scientifique d'évaluation, qui a vérifié si le nouveau modèle de police a été introduit avec succès ou non et s’il a obtenu les effets visés, est modérément positive. Ce qui est toutefois très frappant, c'est que le contenu du modèle ne présente pas de manquements graves, mais que sa mise en œuvre échoue à chaque fois, en raison de la réticence manifestée au sein de l'organisation et d'un manque de pression (politique) venant de l'extérieur. Pourtant, des mises en œuvre réussies prouvent qu'il est possible de ‘plier du granit’ et de vaincre la capacité apparemment innée à résister à des réorganisations radicales par une modification réfléchie, planifiée et soutenue de l'organisation. 1 modèle de police traditionnel 1.1 Caractéristiques1 Ledit modèle de police traditionnel se caractérise par : 1.1.1 Une attitude réactive; Une approche symptomatique; L’application de la loi La position isolée de la police. Une attitude réactive Il s'agit de la réaction pure et simple à des problèmes de sécurité (incidents et/ou phénomènes) au moment où ils sont signalés ou quand ils ont déjà atteint leur pleine ampleur. Nous utilisons le terme de ‘modèle de police traditionnel’ en tant que dénomination commune pour ce que P. Ponsaers distingue comme étant trois formes différentes de fonction de police : le modèle de police militaire bureaucratique, le modèle de police ‘lawful policing’ et le ‘broad scope policing’. Ponsaers,P. 1 -4- Dans cette approche, la police attend principalement les événements, et elle ne réagit qu'après la manifestation d'incidents et/ou de phénomènes. Le qualificatif "réactif" donné à ce type de fonction de police fait principalement référence à l'orientation primaire vers des interventions. Cette attitude - surtout expectative - des services de police vis-à-vis des problèmes de sécurité peut être retrouvée dans le nom de ‘fonction de police réactive’ ou ‘d'approche réactive’. Dans le modèle traditionnel et réactif de la fonction de police, trois méthodes ou tactiques sont centrales : Le contrôle motorisé préventif comme moyen de dissuasion vis-à-vis d'auteurs (potentiels); L'intervention rapide comme réponse aux appels (urgents) de la population; L'enquête judiciaire après qu'un délit ait été commis. Entre-temps, il est un fait acquis que chacune de ces tactiques est, et reste, utile et nécessaire. C'est certainement le cas pour la fonction d'aide temporaire à l'égard d'appels urgents. Mais il est également certain que ces tactiques n'ont quasiment aucun impact sur l'évolution de l'insécurité en général et sur celle de la criminalité en particulier2. Lorsqu'on s'en est rendu compte – il y a des années –, les services de police se sont mis à accorder une plus grande attention à la prévention. Il s'agissait principalement d'informer le public par des conseils, de réduire les risques de devenir victime ou de limiter l'ampleur des dommages subis. L'effet de ces efforts est cependant resté plutôt limité, surtout parce que cette forme de prévention pure et simple a souvent été réalisée comme un effort isolé (séparément par un spécialiste et pas par chaque policier dans l'exécution de leurs tâches quotidiennes). Mais aussi parce qu’elle n'était pas intégrée ou adaptée à d'autres efforts policiers et non policiers dans un ensemble complexe de mesures visant l'approche des problèmes de sécurité. 1.1.2 Une approche symptomatique Cette caractéristique fait référence à la seule réaction aux symptômes immédiatement visibles (les manifestations externes sous la forme d'une atteinte à l'ordre public ou de délits) des problèmes et aux faits après qu'ils se sont produits. Cela entraîne que l'on n’influe pas, ou seulement de manière marginale, sur les causes plus profondes ou cachées de ces problèmes. Ainsi par exemple, en arrêtant une installation musicale trop bruyante, le tapage nocturne disparaît bien à ce moment-là, mais la nuisance permanente causée par un café mal géré n'est pas encore résolue. En arrêtant un voleur récidiviste, on empêche provisoirement d'autres vols d'être commis par cette personne, mais le risque de vol dans un quartier reste peut-être aussi élevé en raison du comportement imprudent des habitants et d'un manque de prévention au niveau architectural3. Cette réaction ne fait généralement pas non plus partie d'une approche cohérente : l'intervention est traitée comme les autres interventions de même nature et pas dans son contexte spécifique. L'intervention est considérée comme un incident isolé et pas dans le cadre d'une stratégie à l'égard de tel type d'incident ou de phénomène. Par exemple, une intervention après un appel pour un vol dans une voiture sur le parking d'un grand complexe de cinéma est traitée de manière professionnelle et qualitative. 2 Kelling, G. & Pate, T. & Dieckman, D. & Brown, C. The Kansas City Preventive Patrol Experiment: A Summary Report. In: Bayley, D. (Ed.), (1998), What Works in Policing. Oxford University Press. pp. 30-50. On peut également trouver un bon résumé du faible impact du modèle traditionnel de lutte contre le crime dans: Van den Broeck, T. & Eliaerts, C. Community policing. Organisatieveranderingen naar de basispolitiezorg bij de gemeentepolitie. Uitgeverij Politeia vzw, Brussel. (1994). pp. 8-14. 3 Nous ne voulons par là en aucun cas susciter l'impression que les habitants sont coresponsables. -5- Mais, elle ne nous apprend rien ou ne change rien à l'ensemble des problèmes d'insécurité de ce parking. 1.1.3 L'application de la loi (et l'orientation vers les autorités) Une autre caractéristique allant de pair avec cette conception traditionnelle de la fonction de police, est le fait que l'application et le respect de la loi par la police soient considérés comme un but en soi (parce que c'est la loi) ou comme une réaction à la constatation d'une infraction à la loi sans plus. Cette caractéristique est appelée l'application pure et simple de la loi. La population est dès lors plutôt considérée comme une masse de contrevenants potentiels que comme le groupe-cible dont il faut garantir les droits et les libertés. Il est question d'une inversion entre la fin et le moyen : là où la stimulation de la sécurité et de la qualité de vie doit être le but; le maintien de la loi est l'un des moyens disponibles, ce maintien devient un but en soi sans relation claire avec la sécurité et la qualité de vie4. Des agents sont encouragés à ‘produire’ des arrestations et des amendes et ils sont ainsi supposés ‘ne faire que leur travail’. La loi est utilisée pour punir ceux qui le méritent. Cette caractéristique contribue à la création d'une distance entre la police et la population5. A cause de cette caractéristique, on dit également de la police qu'elle est purement et simplement orientée vers les autorités. Il est évident que l'application de la loi comme instrument permettant d'intervenir de manière régulatrice dans des situations peu sûres ou non désirées, peut être très sensée. Mais un problème se pose lorsqu’un fossé trop grand se creuse entre les souhaits des autorités et ceux de la population. L'application de la loi doit en effet toujours être un moyen, pas une fin6. 1.1.4 La position isolée de la police Le fait que la police intervienne seule contre l'insécurité, sans concertation, accord ou intégration avec d'autres instances, pour ainsi dire isolée du reste de la communauté (l'attitude ‘nous-eux’) constitue une dernière caractéristique typique. Dans le cadre de la conception de la police ‘nous contre eux’, différents types de ‘eux’ ont été distingués. De nouveaux ennemis ont été définis. Les politiciens formaient un groupe bien défini d'ennemis. Ils étaient considérés avec méfiance : corrompus, trop faibles pour pouvoir s'opposer au crime7. L'environnement externe de la police (le ‘monde extérieur’) est également plutôt considéré comme plus ou moins hostile que comme un partenaire potentiel ou un client des services prestés par la police. Il existe donc un grand fossé entre la police et la population8. La police travaille isolément par rapport à la population, notamment parce que leur relation s'est "gâtée" suite à de mauvaises expériences (généralement parce que la police a tendance à assimiler l'ensemble de la population au petit groupe d'auteurs et de contrevenants acharnés et parce que la population a le +sentiment que la police n'accorde aucune attention aux ‘petits’ problèmes du quartier). La police travaille seule dans l'approche de l'insécurité; se définissant comme un groupe de ‘professionnels’, c’est-à-dire comme les seules personnes aptes à pouvoir lutter contre le crime. C'est ainsi qu'est apparue l'image du ‘thin blue wall’9, la police comme barrière au crime en augmentation. Ce faisant, la population a été privée de toute initiative lui permettant de contribuer également à la prévention de la criminalité10. 4 Mastrofski, S. The Prospect of Change in Patrol: a Decade in Review. American Journal of Police. 1990. pp. 1-70. Monkkonen, E. History of Urban Police. In: Tonry, M. & Morris, N. (Eds.) (1992). Modern Policing, Crime and Justice: a Review of Research. Chicago, University of Chicago Press. 6 Bittner, E., The functions of the police in modern society-A review of background factors, current practices and possible role models, Cambridge, Oelgeschlager, Gunn&Hain, 1980 7 Ponsaers, P. 8 Mawby, R. Policing across the world, issues for the twentieth century. Plymouth, UCL Press, 199. 9 Le fin mur bleu. 10 Van den Broeck T. & Eliaerts, C. Community policing: een basis voor de politiezorg in ons land? In: Politeia, jaargang 5, 1995, nummer 9, p. 5. 5 -6- 1.2 Champ d'application de la fonction de police traditionnelle Comme rappelé ci-avant, la police traditionnelle combat les problèmes d'insécurité d'une manière réactive, principalement basée sur l'intervention rapide, ce qui couvre pratiquement le domaine de la fonction de police. La fonction de police comprenait généralement les domaines suivants : circulation, criminalité, ordre public. Les nuisances sociales, le règlement par l'intervention et l'environnement ont par la suite été ajoutés à cette liste en tant que composants distincts. La criminalité elle-même – auquel on attachait l'attention la plus grande et les moyens les plus importants – se composait généralement des sous-domaines suivants : la petite délinquance, la criminalité en col-blanc et la criminalité grave organisée. 1.3 Echec du modèle de police traditionnel Le modèle de police traditionnel était la norme pour la fonction de police dans le monde occidental après la seconde guerre mondiale. La critique formulée sur ce modèle était également plus ou moins similaire partout où le système était d'application. Néanmoins, il existait quelques différences par pays. Ce modèle de police a été ressenti comme inefficace et injuste (dans le sens d'une défense égale). Ce sont surtout les médias qui ont formulé des critiques sur son incapacité à maîtriser la violence, les problèmes liés à la drogue et les bandes de jeunes (gangs), ainsi que sur les violences policières11. La police s'est même avérée souvent être la cause d'émeutes urbaines, et en particulier d'émeutes raciales12. Il est ressorti également qu’elle se concentre sur les délits ‘graves’ (selon ses propres normes) et que la prévention (ou dissuasion) des troubles (ou désordres) est considérée comme une tâche indigne13. La police s'est ‘surprofessionnalisée’ entraînant la négligence systématique de nombreuses préoccupations explicites et urgentes des communautés parce qu'elles ne feraient pas partie du mandat étroitement défini (par la police elle-même) de lutte contre la criminalité. Néanmoins, ces préoccupations portent justement sur des problèmes ayant des conséquences néfastes pour la qualité de vie au sein de la communauté14. Toutes ces constatations ont débouché sur une série d'études scientifiques quant à l'efficacité des tactiques policières traditionnelles. La synthèse d'une recherche, d'expériences et d'évaluations ayant duré vingt ans a été popularisée dans l'expression "nothing works"15. 16 Aux Etats-Unis, la croissance de la violence et des émeutes urbaines dans les années '60 ont constitué les raisons de l'expérimentation d'un nouveau concept, appelé ‘team policing’. On espérait que ce moyen permettrait de combler le fossé physique et psychologique entre la police et les communautés. L'anonymat de la fonction de police s'est en effet avéré être le facteur critique17. 11 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 5. 12 Monjardet, D. Ce que fait la police. Sociologie de la force publique. (1996). Editions La Découverte, Paris. p. 251. 13 Chalom, M. Le policier et le citoyen, Pour une police de proximité. (1998). Liber. pp 23-24. 14 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 89. 15 "Rien ne fonctionne". Cette expression ne doit pas être comprise comme "rien ne va" dans le sens de "la police ne sert à rien", mais comme le rejet de la demande d'une police plus présente tant qu'elle persistait dans sa méthode de travail traditionnelle. 16 Monjardet, D. Ce que fait la police. Sociologie de la force publique. (1996). Editions La Découverte, Paris. p. 250. Quiconque souhaite une bonne vue d'ensemble de la recherche sur l'efficacité policière lira: Walker, S. Paths to Police ReformReflections on 25 Years of Change. In: Kenney, D. (Ed.) (1989). Police and Policing, Contemporary Issues. Praeger, New York. Cordner, G. & Hale, D. What Works in Policing? Operations and Administration Examined. (1992). Anderson Publishing Co, Cincinnati. Sherman, L. The Police. In: Wilson, J. & Petersilia, J. (Eds.). (1995). Crime. ICS Press, San Francisco. pp. 327-348. Bayley, D. What Works in Policing. (1998). Oxford University Press. 17 Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. p. 140. -7- En Grande-Bretagne, les émeutes raciales des années '60 ont débouché sur la recherche, au début des années '70, d'un nouveau modèle de fonction de police. Mais, l'expérience britannique du ‘team policing’ a plutôt été lancé en raison de la pression interne au sein de la police. On espérait ainsi combattre le mauvais moral, l'ennui, la solitude du ‘bobby on the beat’ (agent de quartier), le manque de personnel et le cloisonnement entre, d'une part, le service d'intervention et de patrouille et, d'autre part, la police judiciaire18. Aux Pays-Bas, la recherche scientifique menée sur l'efficacité de la police a également révélé une image peu favorable. La conclusion était la suivante : quoi que la police fasse ou ne fasse pas, cela importe peu pour le résultat19. La manière dont la police exécutait sa tâche à petite échelle, a également été remplacée par une centralisation toujours croissante. Ainsi les policiers ont perdu le lien avec un domaine clair dans lequel ils connaissaient les personnes et les problèmes. De ce fait, ils ont également perdu la capacité d'intervenir à partir de cette connaissance pour influer sur la situation spécifique dans leur domaine20. La police est supposée prévenir le crime, mais elle n'y est apparemment pas parvenue; bien qu’elle considère cette tâche comme sa mission. Elle s'évalue sur la base des résultats qu'elle obtient en matière de maîtrise et de lutte contre la criminalité. La raison est que ses stratégies classiques, à savoir la dissuasion par la présence visible de patrouilles et l’arrestation et la punition (rapides) d'auteurs, ne fonctionnent pas21. D'une manière plus générale, l'un des principaux problèmes qui se posait avec le modèle de police traditionnel était la confiance exagérée dans le maintien de la loi et dans le règlement judiciaire en tant que moyens primaires de contrôler la criminalité et les atteintes à l'ordre public22. En 1977, H. Goldstein cherchait déjà des réponses aux problèmes auxquels la police était confrontée ; c’est-à-dire des alternatives au système pénal23. En outre, un sondage de la population a mis en lumière que l'insatisfaction relative au fonctionnement de la police est la plus importante chez ceux qui en ont un besoin accru (les victimes), ainsi que dans les fonctions qui constituent le cœur de la fonction de police (le contrôle de la criminalité)24. La littérature scientifique d'évaluation des années '70 et '80 a débouché sur les opinions ou leçons suivantes25: La seule augmentation du nombre de policiers n'est pas une stratégie efficace pour maîtriser la criminalité. Pourtant, la supposition selon laquelle on a besoin d'une police plus présente au lieu de manières différentes d'exercer la fonction de police, reste – assez bizarrement – encore valable aujourd'hui26; 18 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 32-33. 19 Gebiedsgebonden politiezorg. Politia Nova. (nr. 2, 2000). Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninksrijkrelaties. p. 16 en voetnoot 7. 20 Straver, M. Gebiedsgebonden politiezorg. In: het Tijdschrift voor de Politie. Elsevier. Jaargang 63, nummer 9, september 2001. p. 22. 21 Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. p. 102. 22 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 12. 23 Goldstein, H. (1977). Policing a Free Society. Cambridge, MA: Ballinger. 24 Bennett, T. Police and Public Involvement in the Delivery of Community Policing. In Brodeur, J-P. (ed.) (1998). How to recognize good policing. Problems and Issues. Thousand Oaks, London, New Delhi: SAGE Publications. p. 113. 25 Il est recommandé à quiconque souhaite consulter une analyse détaillée contenant d'abondantes références à la recherche scientifique de lire le chapitre 1 The Myth of the Police (pp. 3-12) in Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. Voir aussi : Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. pp. 102-103. - Bayley, D. What Works in Policing. (1998). Oxford University Press. pp. 138-139. 26 Greene, J. Evaluating Planned Change Strategies in Modern Law Enforcement, Implementing Community-Based Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 146. -8- La police ne peut pas prévenir la criminalité et – d'une manière plus générale – travailler de manière efficace sans l'aide de la population. Lui donner la pleine responsabilité de la sécurité publique constitue peut-être la plus grande erreur de l'histoire de la police moderne. Dans cette optique, la population en est tout au plus réduite "aux yeux et aux oreilles" de la police27; Les tactiques classiques du modèle de police traditionnel sont trop réactives dans le sens où elles n'ont aucun impact sur les circonstances qui engendrent la criminalité et le désordre. En outre, les patrouilles sont une tactique trop passive parce qu'elles ne dissuadent ni ne rassurent personne. La politique en matière de police est menée d'une manière beaucoup trop générale (trop peu ponctuelle). En outre, cette politique est appliquée à n'importe quel type de problème (‘one size fits all’28). Il n'est pas (suffisamment) tenu compte de la spécificité de la criminalité ni des circonstances sociales ou du lieu où elle se manifeste. La combinaison de la fonction de police à des facteurs de risques est la conclusion la plus ferme d'une recherche sur la police qui a duré trente ans29. 2 Le modèle community policing 2.1 Genèse du modèle Le community policing est considéré par P. Ponsaers comme le seul véritable modèle de police innovant30. Il s'agit d'une réaction à des initiatives partielles (telles que le ‘team policing’, les patrouilles à pied, les campagnes de relations publiques) et – surtout – à la trop grande distance vis-à-vis de la population. Le community policing vise une approche beaucoup plus large et différente de l'insécurité et de la qualité de vie, et est apparue en réponse au caractère inaccessible de la fonction de police réactive traditionnelle, surtout dans le domaine de la criminalité. Dans une moindre mesure, on souhaiterait également couvrir le domaine des nuisances sociales (la détérioration des aménagements publics et les problèmes de société, surtout dans les villes). Un autre modèle ou concept de police pouvant offrir une réponse aux nombreuses critiques formulées sur le modèle de police traditionnel, a été recherché dans plusieurs pays et à plusieurs endroits. ‘L'Executive Session on the Police’ qui s'est tenue de 1985 à 1990 à l'Université de Harvard (USA), est pourtant considérée comme le principal catalyseur. Trente éminents chefs de police et scientifiques y ont participé31. En Grande-Bretagne, c'est surtout l'ouvrage de John Alderson qui est considéré comme le point de départ de l'innovation32. Aux Pays-Bas, le ‘Projectgroep Organisatiestructuren’ (POS) plaidait déjà en 1977 pour une police plus intégrée dans la société33. Dans le chapitre suivant, nous décrivons l'interprétation belge du modèle de police du community policing. Il semble pourtant indiqué de s'attarder quelque peu sur les nombreuses définitions et descriptions que connaît cette notion, telles qu'elles apparaissent dans la littérature scientifique. 27 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 14. 28 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 89. 29 Sherman, L.W. & Gottfredson, D. & MacKenzie, D. & Eck, J. & Reuter, P. & Bushway, S. (1997). Preventing crime: What works, What doesn’t, What’s promising, in http://www.ncjrs.org/works. 30 Ponsaers, P. 31 Bayley, D. What Works in Policing. (1998). Oxford University Press. p. 138. 32 Alderson, J. (1979). Policing Freedom. Plymouth, UK: McDonald & Evans. 33 Politie in verandering, Een voorlopig theoretisch model. (1977). Projectgroep Organisatiestructuren. Staatsdrukkerij, Den Haag. -9- 2.2 Définitions et descriptions du community policing34 Dans la littérature, on retrouve plus d'une définition du community policing 35. L'une des plus citées est celle de R. Trojanowicz et B. Bucqueroux: ‘… a new philosophy of policing, based on the concept that police officers and private citizens working together in creative ways can help solve contemporary community problems related to crime, fear of crime, social and physical disorder, and neighborhood decay. The philosophy requires that police departments develop a new relationship with the law-abiding people in the community, allowing them a greater voice in setting local priorities, and involving them in efforts to improve the overall quality of life in their neighborhoods. It shifts the focus of police work from handling random calls to solving problems’36. Nous estimons que la définition de R. Friedmann est l'une des plus programmatique et plus claire 37: ‘Community policing is a policy and a strategy aimed at achieving more effective and efficient crime control, reduced fear of crime, improved quality of life, improved police services and police legitimacy, through a pro-active reliance on community resources that seeks to change crime causing conditions. It assumes a need for greater accountability of police, greater public share in decision-making and greater concerns for civil rights and liberties’. Il convient pourtant aussi d'ajouter un élément de la description de D. Van Rijckegem parce qu'elle relie l'enracinement social de la police à sa capacité de mieux comprendre la nature des problèmes sociaux : ‘de band met de mensen aanhalen en via die band, proberen de aard van sociale problemen beter te begrijpen alvorens een politioneel antwoord te bieden’38 (c’est-à-dire resserrer les liens avec les personnes et tenter, via ces liens, de mieux comprendre la nature des problèmes sociaux avant de proposer une réponse policière). Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que certains auteurs utilisent la métaphore du crime comme une maladie39. Dans les deux cas, on craint des dommages permanents; la police et le médecin ont le même rôle : ils tentent de résoudre des problèmes (individuels) réels ou imaginaires, et contribuent ainsi au bien-être général de la communauté. Tout comme le médecin, la police doit non seulement prêter son aide quand c'est nécessaire, mais donner également des avis et des conseils. 34 Voir également le chapitre 4.1 qui contient une analyse du community policing et qui est à considérer comme une philosophie, stratégie, tactique, etc. 35 Bayley, D. International Differences in Community Policing. in Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications ; Brogden, M. Community Policing as Cherry Pie. in Mawby, R.I. (ed.) (1999). Policing across the world. Issues for the twenty-first century. London: UCL Press. 36 Trojanowicz, R. & Bucquerouw, B. (1990). Community Policing: A Contemporary Perspective. Cincinnati, OH: Anderson Publishing. 37 Friedmann, W. The Community Role in Community Policing. in Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. 38 Van Rijckegem, D. & Huens, C. & Hendrickx, E. Conflicten in de Maatschappij: de Politie een Partner? Een Onderzoek naar de Grenzen van de Traditionele Referentiekaders en die van community policing in het Raam van het Politioneel Begeleiden van Evenementen. (1998). Brussel, Rijkswacht, Generale Staf. p. 6. 39 Trojanowicz, R. & Bucqueroux, B. (1990). Community Policing. A Contemporary Perspective. Cincinnati OH: Anderson Publishing. - 10 - J. Eck et D. Rosenbaum affirment : ‘there is no simple or commonly shared definition of community policing, either in theory or in practice’40. En écrivant cela, les deux auteurs insinuent que le community policing est à la longue devenu une ‘notion fourre-tout’ ou un ‘réservoir’. D. Bayley, qui a effectué des recherches dans de nombreux pays où le community policing est appliqué, le confirme en faisant référence à la situation des Etats-Unis41: ‘Despite the benefits claimed for community policing, programmatic implementation of it has been very uneven. Although widely, almost universally, said to be important, it means different things to different people (...) Community policing on the ground often seems less a program than a set of aspirations wrapped in a slogan.’ M. Moore cite W. Skogan dans le même livre : ‘Community policing is not a clear-cut concept, for it involves reforming decision-making processes and creating new cultures within police departments rather than being a specific tactical plan (...)’42. T. Bennett affirme néanmoins que ‘there appears to be some convergence of opinion in the recent literature that community policing is fundamentally a philosophy of policing or a policing paradigm’ 43. Il ajoute encore que cette philosophie est mise en pratique par un ensemble de structures organisationnelles cohérentes et de stratégies opérationnelles. Il dit que : ‘it is generally agreed that these organisational structures and operational strategies do not in themselves represent community policing as they could exist equally well within the context of a different policing philosophy or policing paradigm. However, when they are implemented within a community policing paradigm they become community policing structures and strategies’ 44. D. Bayley, qui – comme déjà mentionné – a réalisé de nombreuses analyses comparatives au niveau international sur le community policing, a réuni dans une définition opérationnelle quatre éléments communs toujours présents. Ces quatre éléments sont la consultation, l'adaptation, la mobilisation et la résolution de problèmes (CAMPS)45. La consultation signifie que la police élabore des mécanismes pour discuter avec la population des problèmes qui requièrent une attention policière, dégagement de priorités et une approche possible en vue de les résoudre. L'adaptation signifie plus de flexibilité dans l’approche policière des divers problèmes. Le community policing décentralise le processus décisionnel de manière à pouvoir développer des solutions sur mesure aux problèmes spécifiques locaux. 40 Moore, M. Research Synthesis and Policy Implications. In Rosenbaum, D.P. (ed.) (1994). The challenge of community policing – Testing the promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. 41 Eck, J.E. & Rosenbaum, D.P. Effectiveness, Equity, and Efficiency in Community Policing. In Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. 42 Il ajoute encore: ‘Under the rubric of community policing, American departments are opening small neighbourhood substations, conducting surveys to identify local problems, organising meetings and crime prevention seminars, publishing newsletters, helping form neighbourhood watch groups, establishing advisory panels to inform police commanders, organising youth activities, conducting drug education projects and media campaigns, patrolling on horses and bicycles, and working with municipal agencies to enforce health and safety regulations.’ 43 Bennett, T. Community Policing on the Ground: Developments in Britain. In Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications; Bennett, T. (1990). Evaluating Neighbourhood Watch. Aldershot: Gower Publishing Company Limited ; Bennett, T. Police and Public Involvement in the Delivery of Community Policing. In Brodeur, J-P. (ed.) (1998). How to recognize good policing. Problems and Issues. Thousand Oaks, London, New Delhi: SAGE Publications. 44 Skolnick, J.H. & Bayley, D.H. (1986). The new blue line. Police innovation in six American cities. New York: Free Press. 45 Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. pp. 105-115; Bayley, D. What Works in Policing. (1998). Oxford University Press. p. 140. - 11 - La mobilisation fait référence aux activités et initiatives que la police entreprend pour obtenir la collaboration de la population afin de se protéger et d'aborder les problèmes engendrant la criminalité. Des approches en partenariat avec d'autres services publics font également partie de ce dénominateur commun. La résolution de problèmes signifie que la police concentre ses efforts sur les circonstances particulières qui donnent régulièrement lieu à la criminalité ou à une atteinte à l'ordre public, au lieu d'attendre que ces problèmes ne se manifestent ou ne dégénèrent. Le community policing requiert l'anticipation et la capacité à analyser et à réagir aux causes de demandes répétées d'intervention de la police.46. En conclusion, nous pouvons dire que la définition du community policing est assez vague. Ce manque de clarté peut également être décelé dans la diversité des tâches et activités qui sont réalisées sous le dénominateur commun du community policing. Le même principe s'applique jusqu'à un certain degré aux objectifs du community policing. 2.3 Piliers sur lesquels repose le community policing Ci-avant, nous avons déjà vu que le community policing manquait de clarté. Il ne faut dès lors pas s'étonner des conceptions divergentes sur ce que l'on considère comme les piliers de ce modèle de police. Nous en parcourerons tout d'abord quelques-unes pour en retenir cinq (voir chapitre suivant) que nous considérons comme essentielles et absolument nécessaires. Lors de l'inventaire de ces piliers, il est nécessaire de distinguer d'une part ceux qui font référence au contenu du concept ou modèle (voir par ex. supra CAMPS de D. Bayley) et d'autre part ceux qui constituent plutôt les implications organisationnelles ou les traductions quant à la mise en œuvre (les 3 D connus en Belgique : Décentralisation, Déconcentration, Déspécialisation). Dans ce texte, cette distinction est faite également : la partie 1 traite du concept ou du modèle même et la partie 2 des implications organisationnelles et opérationnelles de celui-ci. D. Rosenbaum47 mentionne les deux types de piliers d'une traite : ‘quelques-uns des éléments souvent cités de ce modèle comprennent : (a) Une définition plus large de la fonction de police; (b) Un ajustement des priorités de la police, avec une attention accrue pour la criminalité "douce" (on entend par là ‘courante’) et les atteintes à l'ordre public; (c) Une concentration sur la résolution des problèmes et la prévention48, plutôt qu'une fonction de police stimulée par des incidents (policiers-pompiers) comme l'une des particularités les plus frappantes de ce modèle; (d) La reconnaissance que la communauté – quelle que soit la manière dont elle est définie – joue un rôle critique dans la résolution de problèmes de voisinage. Ce pilier constitue même le cœur de la théorie du community policing. Il existe de nombreux atouts et moyens d'aborder des problèmes de sécurité en dehors de l'organisation policière. Ces atouts sont les compétences et moyens des autres services publics, des entreprises et de la communauté elle-même49; (e) La reconnaissance que des organisations policières doivent être restructurées et réorganisées pour mieux répondre aux exigences de cette nouvelle approche et pour favoriser le nouveau comportement souhaité des policiers’. 46 Bayley (1994) indique également dans 9 rubriques les diverses possibilités en ce qui concerne les implications organisationnelles pour la mise en œuvre aux pp. 115-117. 47 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 7. 48 Plus loin dans sa contribution (p. 27), il mentionne même la prévention comme une caractéristique essentielle. 49 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 24. - 12 - Ces éléments ou suppositions sont de plus en plus traduits en des pratiques communes telles que les structures opérationnelles décentralisées, l'attribution permanente à des quartiers, de nouveaux mécanismes pour la participation et la résolution de problèmes par les communautés, de nouveaux programmes de formation et des systèmes de mesure des prestations (collectifs) et des systèmes d'évaluation (individuels) revus. H. Goldstein50 identifie les caractéristiques communes du community policing comme l'augmentation de la visibilité pour dissuader les actes criminels et pour réduire les sentiments d'insécurité, des initiatives de prévention par l'information et l'organisation de la coopération de la communauté en des ‘neighborhood watch schemes’ (réseaux d'information de quartier), et la réponse à l'éventail de problèmes dont la population attend de la police qu'elle les résolve. Le community policing implique, pour l'agent individuel, une plus grande liberté pour entrer en contact avec la population afin de l'impliquer dans la fonction de police. J.P. Brodeur51, un ardent défenseur du ‘Problem-Oriented Policing’, analyse l'évolution dans les ouvrages de H. Goldstein et en extrait les piliers suivants : Le rôle de la police dans la société est beaucoup plus large que la lutte pure et simple contre le crime. La police vise donc plusieurs objectifs sociaux. Cela signifie à son tour que le maintien de la loi ne peut et ne doit jamais être un but en soi, mais seulement un moyen d'atteindre un objectif policier. Le maintien de la loi n'est donc pas un produit fini de la fonction de police; Afin d'atteindre ses divers objectifs sociaux, la police doit chercher des alternatives au système pénal; Et ces alternatives doivent en outre être taillées aux mesures de la spécificité des problèmes de sécurité. Brodeur va même jusqu'à appeler la spécificité un pilier en soi (‘tailor-made responses’). Selon W. Skogan52, la police et les communautés doivent collaborer pour définir les problèmes et y trouver des solutions communes à chaque définition du community policing. La conviction selon laquelle la police ne peut jamais créer seule des communautés sûres ou les maintenir constitue une raison à l'implication de la population. Cette implication de la population est également souvent justifiée par la référence à l'offre de service croissante des services publics. On affirme qu'en acceptant la contribution du public, la police se rend davantage compte des préoccupations changeantes des diverses communautés et y devient plus réceptive. L'orientation externe et la collaboration avec la population sont donc des piliers essentiels du community policing. Dans le modèle du Chicago Police Department, qui est l'une des mises en oeuvre les mieux encadrées et évaluées du community policing aux USA, la création de partenariats entre la police et les communautés orientés vers l'identification des problèmes et la résolution de ceux-ci au niveau du quartier, constitue la base du modèle. Mais l'objectif ultime de cette organisation de la police est ‘l'empowerment’53 des communautés. Le même auteur54 est cité comme référence par D. Monjardet55 qui dit que le community policing est avant tout la volonté de renouer les relations entre la population et la police, en faisant des attentes, demandes et besoins exprimés par la population - dans le quartier ou voisinage - le principe hiérarchisant les priorités de la police. 50 Goldstein, H. (1987). Toward Community-Oriented Policing: Potential, Basic Requirements, and Treshold Questions. Crime and Delinquency, 33(1) pp. 6-30. pp. 8-10. 51 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 39-40. 52 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 89-90. 53 Voir infra pour un commentaire de cette notion. 54 Skogan, W. Disorder and Decline. (1990). The Free Press, New York. La police communautaire aux Etats-Unis, Les Cahiers de la sécurité intérieure, n° 13, mai-juillet 1993, p. 121-149. 55 Monjardet, D. Ce que fait la police. Sociologie de la force publique. (1996). Editions La Découverte, Paris. pp. 251-254. - 13 - Cette orientation est transversale à l'égard de quatre principes qui composent les orientations stratégiques constitutives du community policing : La décentralisation organisationnelle et la réorientation des patrouilles pour favoriser la communication entre la population et la police; Le community policing développe des actions qui sont axées sur ‘la résolution de problèmes’ (problem-solving policing); Le community policing exige que la police consacre surtout son attention aux priorités de la population lors de la détermination des problèmes locaux et de la stratégie pour y réagir; Le community policing reconnaît que la sécurité et la qualité de vie ne sont pas exclusivement son affaire mais qu'elles doivent être coproduites avec les habitants; dont les associations locales doivent être soutenues et être impliqués dans les programmes de prévention, etc… En Grande-Bretagne, la stimulation de la qualité des prestations par les services publics fait partie de la politique publique axée sur l'introduction du "New Public Management" et de la "value for money" (relation coût-efficacité) et qui considère le citoyen comme un client. Mais la police britannique considère la qualité de la prestation du service policier comme un moyen de garantir l'appui et la confiance du public, et donc comme un élément indispensable de son opinion sur le community policing56. Le même auteur identifie le community policing en considérant trois éléments principaux : la philosophie relative à la fonction de police, les structures de l'organisation et les stratégies opérationnelles. Comme principal aspect de la réorganisation de la police, il cite la décentralisation, en particulier en faveur des policiers affectés à un territoire fixe et responsable géographique pour la fonction de police locale. Ces ‘community constables’ (agents de quartier) constituent en même temps la principale stratégie opérationnelle. En outre, il attire également l'attention sur le partenariat entre la police et le public comme pilier de la prévention du crime dans le cadre du community policing57. Dans un précédent ouvrage récapitulatif qui faisait le point sur la situation du community policing 58, l’auteur avait tenté de résumer quelques liens possibles entre les éléments conceptuels et organisationnels. Nous reprenons ce tableau tel qu'il est présenté par P. Ponsaers59. 56 Bennett, T. Police and Public Involvement in the Delivery of Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 108. 57 Bennett, T. Police and Public Involvement in the Delivery of Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 109-110. 58 Bennett, T. Community Policing on the Ground: Developments in Britain. In Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. p. 229. 59 Ponsaers, P. - 14 - Tableau J. Greene considère la redéfinition du rôle de la police, l'accroissement de la réciprocité dans les relations entre la police et la communauté, la décentralisation géographique de la prestation du service policier et, dans une moindre mesure ‘l’embourgeoisement’ de la police, comme les éléments de base communs du community policing60. Chacun de ces changements est considéré comme un facteur critique de succès pour l'augmentation de l'"accountability"61 de la police, ce qui est donc considéré comme un objectif ou un pilier en soi62. S. Mastrofski63 sélectionne quatre thèmes qu'il considère comme typiques pour la plupart des applications du community policing : ‘Debureaucratization’ : combinaison de la décentralisation du pouvoir de décision et de la responsabilité; déconcentration géographique; allègement des règles et procédures bureaucratiques; réduction du nombre de niveaux de l'organisation et déspécialisation; ‘Professionalization’ : niveau de formation supérieur et meilleure formation continuée; pouvoir discrétionnaire64 (‘autonomie’) pour l'agent individuel; direction de l'organisation basée sur les résultats externes à atteindre et les valeurs de l'organisation; implication du niveau exécutif dans le cadre de la détermination de la politique et acquisition d'une base scientifique solide en matière d'efficacité des tactiques et méthodes utilisées; ‘Democratization’ : implication systématique de la population dans la détermination du contenu de la fonction de police, en ce compris le partenariat et la coproduction de la sécurité et de la qualité de vie; ‘Service integration’ : coordination horizontale ou latérale de l'offre des divers services publics pour aborder intégralement les problèmes de sécurité et de qualité de vie via une approche commune (‘multi-agency approach’). C'est surtout chez cet auteur que l'on constate que toutes sortes d'autres idées ou concepts du modern management sont très souvent ajoutés au dénominateur commun du community policing. Ceci est essentiellement dû au fait que ce concept de fonction de police a été développé très récemment et que l'on y a intégré les idées contemporaines du management (notamment comme élément de la réaction contre la fonction de police traditionnelle qui utilisait des approches de management plus anciennes telles que la bureaucratie, le taylorisme et le ‘command and control’). Dans la variante néerlandaise actuelle du community policing, la fonction de police liée au territoire, les éléments suivants en constituent le fondement65 : La police doit (à nouveau) faire partie intégrante de la société : faible distance entre les citoyens et la police qui est au centre de la société, notamment par le biais de petites équipes de police et fonctionnaires de police ‘liés’ au territoire; Anticiper les problèmes, consacrer plus d'attention à la prévention : déplacement de l'approche essentiellement réactive et répressive vers un travail proactif et orienté vers les problèmes; 60 On entend par là l'engagement de personnel non policier dans l'organisation de la police. Ce terme est également expliqué plus loin dans le texte. 62 Greene, J. Evaluating Planned Change Strategies in Modern Law Enforcement, Implementing Community-Based Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 143. 63 Mastrofski, S. Community Policing and Police Organization Structure. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 163-166. Nous conseillons à tout le monde de lire l'intégralité de la contribution de cet auteur au livre de Brodeur. 64 Le terme de "pouvoir discrétionnaire" fait référence à la (large) liberté d'action existant de fait, dont l'agent de police dispose dans l'exercice de ses tâches sur le terrain où aucune supervision directe de ses supérieurs n'est possible. Dans le modèle de police traditionnel, ce pouvoir discrétionnaire n'est pas reconnu et est limité au maximum par des règles et procédures. 65 Gebiedsgebonden politiezorg. Politia Nova. (nr. 2, 2000). Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninksrijkrelaties. pp. 1314. 61 - 15 - La sécurité n'est pas seulement l'affaire de la police : coopération avec tous les partenaires possibles dans une approche intégrale; stimulation de l'autonomie des citoyens; ‘Le quartier dirige’ : les problèmes et besoins du quartier sont déterminants pour le contenu de la fonction de police (service fourni ‘sur mesure’ à la communauté locale). Cela suppose une direction de l'extérieur vers l'intérieur et de bas en haut, ce qui implique un ‘basculement’ de l'organisation, dans le cadre duquel le fonctionnaire de police (responsable géographique) constitue l'avant-poste; Responsabilité individuelle et justification du fonctionnaire de police par rapport à l’exécution du travail sur son territoire, au lieu de la responsabilité d’une organisation ou d'une équipe, sont également considérées dans certaines zones de police comme une caractéristique essentielle. Tout ceci nécessite, au sein de l'organisation de la police, qu’on apprenne à harmoniser la direction centrale (de l'organisation) et la direction décentralisée (du quartier) de manière à ce qu'elles se complètent; ce qui implique aussi un changement brusque de culture, à côté d'implications organisationnelles et financières et d'une formation de bonne qualité66. La dernière interprétation du community policing aux Pays-Bas a vu le jour suite au rapport intitulé ‘Politie in verandering’67. Il plaidait pour l'intégration sociale allant de pair avec une relation avec la population sur base du principe ‘connaître et être connu’ afin de pouvoir mieux répondre aux attentes très différenciées de la société et mieux influer sur les problèmes spécifiques des quartiers et voisinages. L'exercice intégral de la tâche policière au niveau local - mélange de surveillance, maintien de l’ordre, résolution de conflits, enquête, prestations de service et activités proactives orientées vers la recherche commune des causes d'insécurité et de qualité de vie - était pour cela nécessaire. Le travail lié au territoire devait constituer un fil conducteur pour l'ensemble de l'organisation policière et pour le réaliser, l'organisation et la méthode de travail des corps ont dû être radicalement rénovées à partir d'une série de principes : Décentralisation géographique; Formation d'équipes; Répartition des responsabilités; Tâches générales; Horizontalisation de l'organisation de la police; Participation politique68. En France, le gouvernement a décidé (en 1999) d'introduire la ‘police de proximité’ de manière généralisée. La politique gouvernementale officielle traduit sa vision (étroite) du community policing dans un guide pratique69. Le concept comprend trois objectifs, cinq modes d'action et sept méthodes de travail : Objectifs : Une police qui peut anticiper les problèmes et sait les prévenir; Une police qui connaît son territoire et la population qui y vit, qui est connue et reconnue par les habitants; Une police qui répond mieux aux attentes de la population. 66 Gebiedsgebonden politiezorg. Politia Nova. (nr. 2, 2000). Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninksrijkrelaties. p. 17. Au pp. 34-39, quatre interprétations pourtant différentes de ces éléments de base sont décrites dans quatre zones de police, avec à chaque fois une touche personnelle. 67 Politie in verandering, Een voorlopig theoretisch model. (1977). Projectgroep Organisatiestructuren. Staatsdrukkerij, Den Haag. 68 Straver, M. Gebiedsgebonden politiezorg. In: het Tijdschrift voor de Politie. Elsevier. Jaargang 63, nummer 9, september 2001. p. 23. 69 Guide pratique de la police de proximité. (2000). La documentation Française, Ministère de l’Intérieur, Paris. - 16 - Modes d'action: Action policière basée sur des territoires clairement délimités; Contact permanent avec la population; Polyvalence valorisante de la fonction de police; Responsabilisation des acteurs de terrain à tous les niveaux; Qualité de la prestation de services. Méthodes de travail: Collecte de la demande de sécurité; Management by objectives; Résolution de problèmes; Travail en équipe; Communication interne et externe; Evaluation; Un esprit de service public. - 17 - L'ouvrage belge standard en matière de community policing de T. Van den Broeck et C. Eliaerts70 contient un tableau qui donne un aperçu du contenu du modèle. La répartition utilisée est pourtant intéressante à partir d'objectifs de management. Nous les reprenons ci-dessous in extenso. Niveaux Caractéristiques Politique Structure Culture Préparation et formulation de la politique Détermination des objectifs et moyens Collecte de données Lien entre les objectifs politiques Connaissance politique et savoir-faire Contacts externes avec le régime politiqueJustice Description de la fonction Vision sur la société et la police Mission statement Communication Styles de commandement Transfert politique Fonction exemple direction de corps Salaire – système de rémunération – règlement de service Minimum critique Contrôle / maîtrise Organisation Déconcentration Décentralisation Mode de communication: vertical versus horizontal Syndicats Harmonisation – coordination entre différents services: Intégration de cultures Central-décentralisé/général-spécialisé Allocation de personnel Culture de communication Contrôle vs appui Suppression hiérarchie: ligne de rapportservices d'appui Description des tâches Incident vs orientation vers les problèmes Changement de culture Vertical vs horizontal Informatisation Tâche Déspécialisation Niveau de formation: connaissance et savoir-faire Appui – direction Intégration surveillance – missions d'enquête Description de la fonction – contenu des tâches Suppression de procédures/règles Suppression de l'administration Approche "multi-agency" Intégration de cultures Proactif – axé sur les problèmes Travail: fonctionnement par projets, coaching Changement de culture Coopération avec d'autres services Volonté d'évaluation et de vérification de la politique Encadrement / appui Briefings / concertation Information d'autres services ou sur d'autres services Contacts externes avec la population Dans notre pays, les chercheurs de l'ULB71 mentionnent la concertation et le partenariat, la décentralisation, la déconcentration, la déspécialisation et le décloisonnement de l'organisation comme des piliers de la ‘police de proximité’. La reconnaissance et la formalisation du pouvoir discrétionnaire des exécutants est également, selon eux, un pilier essentiel en vue du rapprochement entre la police et le public, à côté de l'élargissement de la tâche policière dans la direction de la prévention et de l'assistance. Dans un ouvrage récent72, ils appellent les notions de proximité et d'assistance au citoyen les éléments centraux d'une ‘police de sécurité’ qui se veut une ‘police du peuple’, contrairement à la police de l'Etat du modèle continental. Le community policing constitue ainsi un concept philosophique vraiment neuf, tant au niveau organisationnel qu'opérationnel, dont l'idée-clé est le partenariat entre la police et la communauté en vue de la maîtrise de la criminalité et de la tranquillité publique. 70 Van den Broeck, T. & Eliaerts, C. Community policing. Organisatieveranderingen naar de basispolitiezorg bij de gemeentepolitie. Uitgeverij Politeia vzw, Brussel. (1994). p. 145. 71 Hendrickx, T. & Smeets, S. & Strébelle, C. & Tange, C. La police de proximité en Belgique, un bilan des connaissances. In: Les dilemmes de la proximité. (2000). Les cahiers de la sécurité intérieure, IHESI, Paris, pp. 15-16. 72 Smeets, S. & Strébelle, C. La police de proximité en Belgique, Vers un nouveau modèle de gestion de l’ordre? (2000). Bruylant, Bruxelles. pp. 24-29. - 18 - Même si le policier reste le gardien de l'ordre et s'il est chargé de lutter contre le crime, il devient également un ‘agent de la paix’ qui aide à résoudre les problèmes au sein de la communauté en influant sur les causes et les conséquences de la criminalité et des troubles de l'ordre social, en particulier sur les problèmes se manifestant régulièrement. Cette approche se fait avec les partenaires locaux pertinents par une approche intégrale et globale, et est également évaluée soigneusement quant à son efficacité. En ce qui concerne la stratégie, la priorité est donnée à l'action proactive avant que les problèmes ne dégénèrent, ce qui permet de garantir la qualité de vie dans la communauté (en particulier dans les villes). Cela ne signifie pas que la police agit seule. Au contraire, elle devient le coproducteur de la sécurité urbaine dans le cadre d'une responsabilité partagée. L'attitude transparente adoptée par la police et la justification de son action sont des conséquences logiques de cette responsabilité partagée. Grâce à cette approche interactive, la police et la communauté se connaissent mieux, ce qui facilite l'échange réciproque des informations sociales importantes. La décentralisation et la déconcentration territoriales sont des facteurs critiques de succès d'une telle vision, car sinon, la responsabilisation et le partenariat ne sont pas réalisables au niveau local. Comme méthodes et tactiques, les auteurs mentionnent : l'augmentation de la présence de la police par l'ouverture de ‘mini-postes’; une visibilité accrue de la police par le biais de patrouilles pédestres; l'organisation de services de permanence; la flexibilité des horaires; un engagement accru de personnel non opérationnel (‘civils’) pour des tâches de gestion; un traitement des appels différé selon la gravité et l'urgence; la création d'organes de concertation participatifs avec la population; des équipes multifonctionnelles; le recrutement de collaborateurs allochtones; la participation d'élus locaux à des conseils de prévention et de sécurité; des projets de prévention – situationnels et sociaux – en partenariat avec des organisations publiques et privées locales. Cette énumération est également typique de l'amalgame d'activités et d'initiatives qui sont cataloguées sous le dénominateur commun du community policing. Les mêmes auteurs ont développé, pour leur analyse, un modèle théorique de community policing qui leur permet de tester la situation dans la pratique. Ce modèle se base sur 10 caractéristiques qui sont simplement attribuées au modèle du community policing : Décentralisation territoriale (diffusion); Déconcentration des niveaux de décision (décentralisation des décisions vers des niveaux inférieurs dans l'organisation); Concertation avec la communauté et détermination d'une politique policière locale; Partenariat; Rapprochement de la police et du public (combler la distance ou le fossé); Décloisonnement des services (lutter contre le cloisonnement interne de l'organisation); Polyvalence de la fonction de police (au niveau de l'organisation) et déspécialisation du service de quartier; Elargissement de la fonction de police; Activités de prévention; Proactivité, dans le sens anticipation et prise d'initiative. - 19 - Ils y ajoutent 4 variables – bien que non spécifiques au modèle de community policing – mais quand même nécessaires à la réalisation d'une analyse de sa mise en œuvre pratique : La (les) formation(s); L'évaluation, le suivi et les instruments de contrôle interne du travail de la police; Critères de sélection internes des exécutants (choix du personnel); Flexibilité de la fonction et pouvoir discrétionnaire des exécutants. Pour conclure, nous pouvons dire que le manque de clarté (déjà mentionné) du concept ne disparaît pas vraiment quand on parcourt les visions divergentes sur les piliers ou principes du modèle. C'est surtout la confusion entre les principes de base, les principes dérivés, les implications organisationnelles et opérationnelles qui est très frappante. 2.4 Les sources belges ‘officielles’ Sur base d'une analyse de la littérature scientifique et policière nationale et internationale, il est possible d’induire les piliers ou principes communs au concept du community policing. Il est cependant nécessaire de vérifier également dans des documents publics officiels belges si une position a déjà été prise par rapport au sens ou à l'interprétation de ce concept. Bien que le community policing ou la fonction de police orientée vers la communauté soit depuis quelques années la politique menée par les pouvoirs publics pour la fonction de police, on ne retrouve qu'un nombre limité de sources donnant un contenu à cette notion. Pourtant, l'analyse scientifique de la politique des pouvoirs publics menée au cours des années précédentes par les chercheurs de l'ULB pour le compte du gouvernement 73, constitue une bonne base de départ, à côté des autres documents publiés. L'article 1 de la loi sur la fonction de police74, décrivant le rôle et la place de la police dans le régime belge, ne fait pas explicitement référence à l'un ou l'autre modèle de police. Pourtant, la phrase ‘les services de police veillent au respect et contribuent à la protection des libertés et des droits individuels, ainsi qu’au développement démocratique de la société’ est une référence forte à une police démocratique qui donne la priorité à la Loi par rapport à l'Ordre : la garantie des droits fondamentaux et des libertés de tous est la priorité75. Au niveau de l'action de la police, l'ordre des deux termes est inversé : l'Ordre (faire respecter les lois par le maintien de la loi et de l'ordre) apparaît avant la Loi (faire respecter les droits et libertés de tous). L'importance de l'article 1 de la loi sur la fonction de police repose précisément sur le fait qu'il opte de manière explicite pour la police en tant qu'organe dans la société civile pour laquelle les valeurs démocratiques constituent la base et l'inspiration de son fonctionnement76. Smeets, S. & Strébelle, C. La police de proximité en Belgique, Vers un nouveau modèle de gestion de l’ordre? (2000). Bruylant, Bruxelles. 74 Loi du 05-08-92 – M.B. 22-12-92. 75 L'expression "Law-and-Order" (Loi et Ordre) en tant que telle fait référence de la manière la plus remarquable aux principes de la démocratie. Dans une société démocratique, le terme "Loi" représente les droits fondamentaux et les libertés de tous. La souveraineté de la Loi signifie qu'une majorité ne peut jamais opprimer une minorité, mais qu'elle doit justement lui octroyer des droits. Le terme "Ordre" fait référence aux valeurs centrales dans la société, exprimées dans une réglementation. Elles sont basées sur l'accord (tacite) de la majorité et empruntent leur pleine légitimité à cet accord. Dans des situations ambiguës ou contradictoires; une démocratie se doit de placer la Loi au-dessus de l'Ordre: l'attention consacrée à la garantie des droits de la minorité doit primer sur la défense des valeurs de la majorité. Autrement dit, le maintien du pacte qui unit la majorité et la minorité dans toutes les circonstances, doit rester prioritaire, même au détriment de convictions ou de passions de la majorité. Dans la pratique, il s'agit pour chaque démocratie d'un exercice d'équilibre permanent pour maintenir l'équilibre entre la garantie des droits et libertés de chaque citoyen et la garantie de l'intérêt général et de l'ordre. Van Rijckegem, D. & Hendrickx, E. & Easton, M. De ‘waarde’ van community policing. In: Handboek Politiediensten. Gemeenschapsgerichte politiezorg. Afl. 58, 59, juni 2001. Kluwer, Diegem. 76 Van Rijckegem, D. & Hendrickx, E. & Easton, M. De ‘waarde’ van community policing. In: Handboek Politiediensten. Gemeenschapsgerichte politiezorg. Afl. 58, 59, juni 2001. Kluwer, Diegem. 73 - 20 - Ce n'est que dans le modèle de police du community policing que cette vision du fonctionnement policier est garantie77. Une source officielle importante dans laquelle il est explicitement fait référence au community policing est la Circ Min Int ZIP1 du 05-12-95 portant les directives en matière de division du territoire en zones interpolices (ZIP) par province. Le document de réflexion en annexe mentionne ‘l'aspiration à une police orientée vers la communauté’ comme l'un des points de départ dans le cadre de l'élaboration d'un nouveau fonctionnement des services de police. Il y est également clairement stipulé que la police garantit les droits et libertés avec la population et qu'elle n'est pas un instrument qui intervient de manière purement répressive et autoritaire ou en effectuant des contrôles. La nécessité pour la police de se justifier est également mentionnée de manière explicite. Dans les directives du nouveau fonctionnement de la police, il est précisé que les services de police exécutent leurs tâches dans l'esprit (philosophie) du community policing, ‘qui est, dans notre pays, surtout connu sous le nom de fonction de police orientée vers la communauté’. L'appendice 1 à cette annexe donne une définition de ces termes : ‘la fonction de police orientée vers la communauté est une vision, une philosophie ou une notion relative à l'approche et à l'exécution des tâches policières, essentiellement adaptée aux sentiments et problèmes d'insécurité de la population dans un territoire déterminé par une police visible, accessible et contactable, qui a pour but de résoudre les problèmes d'insécurité en concertation avec les autorités locales et la population, ainsi qu'avec toutes les autres instances ou organisations pouvant y contribuer. De la police, elle exige une orientation externe (orientation vers le client) et la qualité, et de la population, la volonté de coopérer avec la police et une confiance (rétablie) en elle’. Il est également mentionné qu'il s'agit d'une approche visant la résolution de problèmes. L’idée de partenariat au sein duquel la police joue également un rôle a été formulé par le gouvernement dans le cadre d’une politique de sécurité intégrée. Il est écrit dans le rapport au Roi relatif à l’AR du 20 août 1996 constatant les conditions dans lesquelles les communes doivent conclure un contrat de sécurité (MB du 18-09-1996) : “Il est ainsi fait appel à la notion de politique de sécurité intégrée, ce qui signifie que l’insécurité objective ainsi que le sentiment subjectif d’insécurité de la population, lesquels portent atteinte à la qualité de vie, sont appréhendés d’une manière intégrée, où les mesures prises dans le domaine social sont également coordonnées au maximum. Plus précisément, une politique de sécurité intégrée suppose la combinaison de diverses approches : - les causes de l’insécurité doivent être éliminées de façon proactive; - il convient de veiller de façon préventive à prévenir et limiter les infractions aux prescriptions en matière de sécurité; - des mesures préparatoires doivent être prises afin de combattre les situations d’insécurité; - il convient d’intervenir avec les moyens répressifs adéquats face à des agissements portant atteinte à la sécurité; - une attention particulière doit être portée aux victimes de délits. Qui plus est, il convient de bâtir des liens de collaboration entre les services communaux, les services d’incendie, la Justice, les entreprises, les commerçants et la population.” Le même texte définit le rôle de la police dans la fonction de police de base selon un concept d’exécution des tâches policières axées sur la population : ‘concept relatif à l’approche et à l’exécution policière des tâches, axé sur les sentiments et les problèmes d’insécurité de la population dans un territoire donné, et qui se traduit par une police visible, accessible et abordable, qui a pour but de résoudre les problèmes d’insécurité en concertation avec les autorités locales et la population ainsi qu’avec toutes les autres instances ou organisations qui peuvent y contribuer.’ 77 Contrairement à la vision instrumentale de la police qui ne considère la police que comme un instrument exécutif entre les mains des instances sociales qui représentent le pouvoir. - 21 - En 1997, le Ministère de l’Intérieur a diffusé un folder et une brochure d’information à l’usage des groupes de discussion 78 au sein des différents corps de police sur ce que l’on appelle la ‘fonction de police de base’. La définition de ce concept utilisée correspond plutôt bien à celle de la Circ Min ZIP1. Dans la Circ Min I/VSPP/8 du 09-04-1998 relative aux réactions organisées de personnes n’appartenant pas à la police à l’encontre des sentiments d’insécurité, il est fait référence à la brochure d’information de juin 1997. Le rôle de la population au sein de ce pilier de ‘l’orientation vers la collaboration’ y est expliqué. Dans la version définitive (23-05-1997) du texte politique des accords Octopus, point B.1, il est stipulé que la police exécute ses missions ‘dans une approche intégrée basée sur le “community policing” …. Au point B.11 ‘La garantie d’un service minimum équivalent’, on donne des exemples de normes potentielles pour le fonctionnement et l’organisation ‘le contenu de base d’une approche en termes de “community policing”’. A l’annexe 3 de la déclaration de politique générale lors de l’ouverture de la session parlementaire 19971998 du 7 octobre 199779, la philosophie et les objectifs à atteindre sur le contenu de la réforme ont été précisés. On a insisté sur le fait que les autorités sont d’abord responsables de la sécurité du citoyen. Le gouvernement a défini son rôle comme la mise en place "d'une structure policière axée sur la population, au service de tous les citoyens". Et plus loin “le système policier doit, en outre, être orienté sur une approche intégrée et sur l’approche des problèmes de maintien du droit et de l’ordre public. Cela signifie que la police réfléchit à ses interventions dans une approche globale des problèmes rencontrés dans la société." La réforme des polices concrétisée dans la loi sur l’organisation d’un service de police intégré structuré à deux niveaux80, a une dimension qui porte tant sur la structure que sur le fond. Bien que cette dernière dimension ait été quelque peu omise dans la situation transitoire pour la mise en place de nouvelles structures, nous ne pouvons cependant pas sous-estimer l’intérêt de créer ‘une structure policière axée sur la population et au service de tous les citoyens (…), orienté sur une approche intégrée (…), pour une approche globale des problèmes de la société’. L’exposé des motifs de la loi du 07-12-1998 stipule que les missions de la police locale doivent être exécutées par le biais d’une approche intégrée basée sur les principes du community policing; la circulaire No COL 6/99 confirme aussi ce principe81. A cet égard, l’exposé fait référence à la commission du sénat82: “Notre police doit se baser sur le concept de Community Policing, un principe, qui, en Belgique, gagne peu à peu ses galons. La première condition pour le bon fonctionnement d’un service de police moderne est l’intégration optimale de la police dans la communauté. Le Community Policing est une stratégie tant philosophique qu’organisationelle qui permet à la police et à la population locale de coopérer étroitement afin de résoudre les délits et infractions et de prévenir le sentiment d’insécurité, les nuisances occasionnées à la société, la délinquance de quartier. Des contacts personnels, étroits et permanents constituent une première condition. Une police intégrée dans la société peut disposer d’un plus grand nombre d’informations83’. 78 Basispolitiezorg. Informatiebrochure ten behoeve van de groepsdiscussie. Uitgeverij Politeia, Brussel, 1997. Chambre des représentants – 49e Session – GZ 196-1997 – Résumé analytique – PLEN 07.10.97 – 184-4366. 80 Loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré structuré à deux niveaux (M.B., 5 janvier 1999). 81 Circulaire n°. COL 6/99 du Collège des Procureurs généraux près des Cours d’appel du 16 avril 1999 portant réglement de la directive ministérielle de la coopération, la coordination et répartition des tâches entre la police locale et la police fédérale en matière de missions de police judiciaire. 82 Il est fait référence au rapport relatif à l’évaluation des services de police de la commission du Sénat de l’Intérieur et des matières administratives (cf. Doc. Parl, Sénat, 1996-1997, n°. 1/700/1, pages. 1 à 160). 83 Doc. Parl., Sénat, 1996-1997, 1.c., pp. 129-130. 79 - 22 - 3 Les piliers de la fonction de police orientée vers la communauté Remarque préalable Sur la base de l’étude de la littérature scientifique et, en particulier, des sources belges, cinq piliers essentiels de la fonction de police orientée vers la communauté ont été distingués. Chacun de ces piliers constitue une condition essentielle à laquelle il faut satisfaire si on veut mettre sur pied une fonction de police orientée vers la communauté. Le fait qu’il existe, entre tous ces piliers, un échange et que ceux-ci se renforcent mutuellement est plus important encore que chaque pilier en soi. Ces cinq piliers forment l’essence de l’interprétation belge du concept de community policing appelé fonction de police orientée vers la communauté. Premier pilier: l’orientation externe 3.1 L’orientation externe ou l’intention de la police (de l’organisation policière) de se tourner vers l’extérieur est un pilier de base absolu de la fonction de police orientée vers la communauté. La police ne se trouve pas face à la société mais elle en fait partie; elle est intégrée dans la société. En premier lieu, la police a une fonction sociale, à savoir le respect de la tranquillité de l’ordre public 84 qui n’est pas l’ordre de la domination mais celui du calme. La police se trouve dans une société dont elle souhaite faire partie et au sein de laquelle elle ne peut agir efficacement que par son intégration: présence, permanence et échange85. Elle connaît et comprend la situation et l’évolution de la société. Précisément grâce à cette intégration, elle prend rapidement et complètement conscience de ce qui se passe en matière de sécurité et de viabilité dans la société et, par conséquent, elle peut répondre à temps et adéquatement, voire anticiper. Cela s’exprime également à travers une attitude de prestation de service orientée sur les besoins et les attentes des “bénéficiaires” (potentiels) de la fonction de police. En effet, le travail policier est un service public destiné à tous les groupes de population ou toutes les communautés. Un service de qualité signifie en premier lieu le respect des principes démocratiques. On entend par là entre autres, la protection des droits et des libertés des minorités a la priorité sur la volonté de la majorité86. 3.1.1 L’orientation externe se compose de deux (sous-)piliers: L’insertion dans la société ou intégration dans la (les) communauté(s) : C’est dans ce concept que réside l’essence du présent modèle policier. Combiné à la coopération avec la population, il doit conduire à une société sûre et harmonieuse. L’idée centrale est que la relation avec la population doit permettre de mieux comprendre la nature des problèmes sociaux avant d’y formuler une réponse policière87. La fonction de police orientée vers la communauté peut, à cet égard, être considérée comme une amorce à la transposition des développements démocratiques de la société vers la police88. Cette insertion implique un engagement clair des autorités policières et de l’organisation policière. Dans cet engagement, la police est en premier lieu liée par le contrat que les autorités ont conclu avec la société. Dans ce cas, il faut considérer l’ordre public dans le sens le plus large du terme. Monjardet, D. Ce que fait la police. Sociologie de la force publique. (1996). Editions La Découverte, Paris. pp. 273-274. 86 Hendrickx, E. & Van Ryckeghem, D. Community policing en haar politionele ‘waarden’. In: Handboek Politiediensten. Gemeenschapsgerichte politiezorg. Afl. 59, 65, oktober 2001. p. 22. 87 Van Ryckeghem, D. & Huens, C. & Hendrickx, E. Conflicten in de Maatschappij: de Politie een Partner? Een Onderzoek naar de Grenzen van de Traditionele Referentiekaders en die van “Community Policing” in het Raam van het Politioneel Begeleiden van Evenementen. (1998). Brussel, Rijkswacht, Generale Staf. 88 Easton, M. De demilitarisering van de Rijkswacht. In: Criminologische Studies. (2001). VUBPRESS, Brussel. 84 85 - 23 - Ce contrat est exprimé dans la Constitution et dans les lois qui en découlent. Il fait référence aux valeurs démocratiques qui font autorité et qui sont légitimes pour la cohabitation des hommes dans la société. Ces valeurs représentent une importante source d’inspiration et des points de référence pour le fonctionnement policier89. La police est un organe de la société civile90. Cette vision va clairement à l’encontre de la vision traditionnelle qui isole la police et la transforme finalement en institution extérieure à la société. Cette insertion dans la société est encore renforcée par le cinquième pilier appelé ‘empowerment’. L’attitude de prestation de service orientée vers les besoins et les attentes des bénéficiaires (potentiels) de la fonction de police : La police doit adopter une attitude de service à l’égard de la population. Il faut tenir compte des attentes des différents groupes, des autorités et des autres services. Depuis plusieurs années, une tendance visant à considérer les services publics comme prestataires de services (qui sont, il est vrai, parfois obligatoires) se dessine clairement. Cela implique que, même pour les services pour lesquels les autorités se réservent le monopole (comme par exemple le monopole policier du recours à la contrainte), lors de la détermination du contenu et des caractéristiques de ce service, on tient compte des besoins justifiés et des attentes réalistes de la population – des bénéficiaires potentiels. Ce service se traduit concrètement dans la qualité de la prestation afin de satisfaire les attentes (légitimes) des bénéficiaires. C’est ici que se trouve précisément le rapport entre la fonction de police orientée vers la communauté et le principe ‘d’amélioration continue’, de la gestion de la qualité. Si la police introduit des méthodes de travail autres que celles utilisées actuellement, elles se baseront sur les efforts en vue de développer une attitude de service au sein de la fonction de police91. 3.1.2 La (les) communauté(s): un vaste concept La communauté est considérée dans toutes ses composantes (les communautés locales et autres; les autorités; la population). Lorsqu’on approche la population, il faut tenir compte de ses différentes composantes. Plusieurs points de vue sont possibles. Une approche souvent utilisée est de prêter attention tant aux communautés géographiques (secteurs, quartiers, communautés de vie, communes, …) qu’à ce qu’on appelle les ‘communautés à intérêts partagés’ (les seniors, les immigrés, les jeunes scolarisés, le monde industriel, les commerçants, les chauffeurs de poids lourds, …). Il n’est pas toujours aisé d’entrer en contact avec ces dernières parce qu’elles ne sont généralement pas organisées. Les institutions, les associations, les groupes d’intérêt, les entreprises et les organisations sont également des composantes de la population. Ces groupes sont la plupart du temps plus structurés que les communautés mentionnées supra. Il est donc plus facile de les approcher en vue d’identifier leurs besoins et leurs attentes. 89 Monjardet, D. Ce que fait la police. Sociologie de la force publique. (1996). Editions La Découverte, Paris. ‘The police are the community and the community is the police. Police officers come from the community and reflect its values.’ Cadieux, P. A Vision of the Future of Policing in Canada: police-Challenge 2000. (1989). Ontario, Ministry of the Solicitor General of Canada. 91 Bayley, D. What Works in Policing. (1998). Oxford University Press. p. 173. 90 - 24 - En outre, il faut accorder une attention particulière aux composantes ‘les plus fragiles’ de la population (les seniors, les jeunes, les minorités) parce que les moyens dont ces catégories disposent pour s’exprimer et défendre leurs droits sont plus faibles ou plus limités. Ces groupes ont une ‘autonomie’ (sociale) plus restreinte“92. Il faut encore accorder une attention plus grande pour parvenir à aborder l’ensemble de la communauté. Nous savons par expérience que la police se tourne généralement vers la classe moyenne de la population qui, de par sa facilité d’accès, sa participation active dans la vie sociale de la société et sa volonté à communiquer et à coopérer avec la police, n’est absolument pas représentative de l’ensemble des communautés. Par ailleurs, le passé a démontré que la police joint généralement ce groupe de la population alors que ce sont précisément ces personnes qui ont le moins besoin de soutien sous forme de fonction de police et que la police ne communique généralement pas ou bien de la mauvaise manière avec la partie de la population qui en a le plus besoin93. 3.1.3 Besoins et attentes de la population 3.1.3.1 Généralités Une thèse de base sur laquelle repose la fonction de police orientée vers la communauté est que la population (la communauté) est plus à même de reconnaître ses besoins en matière de sécurité que la police94. Une supposition implicite est qu’il existerait également un consensus dans la population quant aux problèmes prioritaires de sécurité et de qualité de vie. La plupart du temps ce n’est pas le cas et les besoins divergent en fonction de variables individuelles (sexe, âge, origine ethnique, niveau de scolarité, …) et des caractéristiques environnementale (situation géographique, urbanisation, …). Une première conclusion que nous pouvons tirer est que la police devra essayer d’adapter (de différencier) son offre en fonction des différents groupes-cibles. 3.1.3.2 Les besoins de la population Lorsqu’on se penche sur les besoins, il est important de tenir compte tant de l’insécurité objective que des expériences subjectives ou de l’insécurité vécue que de l’insécurité latente. Par insécurité objective, il faut entendre : l’insécurité policière enregistrée et – dans la mesure du possible – le ‘dark number’, à savoir l’insécurité non signalée à la police ou que cette dernière ne consigne pas. Bien que cette dernière partie de la criminalité soit inconnue par définition – parce que non rapportée – nous pouvons toutefois tenter de comprendre quelque peu son ampleur par exemple grâce à l’analyse des victimes et à des contacts avec des organisations externes comme, par exemple, des foyers et des centres thérapeutiques pour toxicomanes. Les problèmes d’insécurité comme ceux vécus par la population, même s’il s’agit de problèmes qui n’entrent pas dans les statistiques de criminalité ou de circulation. 92 Le potentiel et la volonté des personnes à trouver une solution aux problèmes / conflits en relation avec les autres, à partir de l’idée que cela ne relève pas uniquement de la responsabilité des autorités – ou de la police - mais également de la responsabilité des citoyens mêmes. 93 Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. p. 118. De auteur verwijst naar het werk van W. Skogan (1990) p. 9. 94 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 88. - 25 - Par insécurité subjective, il faut entendre les sentiments d’insécurité et la crainte générale de la criminalité. Cette peur de l’insécurité constitue un problème en soi et est aussi influencée par des troubles relativement peu importants de l‘ordre et de la tranquillité mais aussi par des actes criminels violents. Par insécurité latente, il faut entendre le risque potentiel d’accidents, de catastrophes et d’incidents qui naît de la présence de groupes importants de personnes en un endroit déterminé (ex: concert de rock, une manifestation, etc...), de groupes à risque (ex: hooligans, bandes de motards, etc...) ou de la présence d’autres facteurs de risque (ex: sociétés Seveso, transports ADR, conditions météorologiques, etc…). La répartition classique permet de déterminer autrement les besoins: circulation, criminalité, ordre public, assistance95 (appels et aide) et nuisances. Les préoccupations environnementales sont parfois considérées comme une catégorie à part entière96. 3.1.3.3 Les attentes de la population Plusieurs renseignements pris auprès de la population97 ont permis de dégager trois tendances dans le domaine des attentes. Lors de contacts à l’instigation de la population : lorsque la population fait appel à la police (plainte ou déposition au bureau, appel pour une intervention), elle s’attend à un service de qualité où le problème signalé est traité avec professionnalisme et fait l’objet d’une attention particulière et où des informations sont diffusées (sur le déroulement du traitement du problème, informations subséquentes sur les progrès ou le règlement du problème, suivi). La disponibilité, l’accessibilité et la rapidité constituent d’autres aspects importants. Dans tous les cas et donc certainement quand l’initiative revient à la police : la population attend de la police qu’elle soit visible dans le quartier, accessible, qu’elle établisse et entretienne des contacts et adopte une attitude active par rapport aux problèmes (principalement locaux). A cet égard, il est important de signaler que l’enquête a démontré que la proximité ‘globale’ de la police a un effet positif tant sur la crainte de l’insécurité que sur l’autonomie des citoyens. Sur le plan de la politique menée, les attentes se traduisent par une plus grande attention pour la résolution efficace de tous les problèmes avec pour priorité les problèmes locaux (de quartier) que l’on rencontre dans son environnement immédiat. L’ensemble des besoins et des attentes de la population est généralement décrit comme la ‘viabilité’ (dans le secteur ou le quartier) ou plutôt comme la ‘qualité de vie’ (dans le secteur ou dans le quartier). 3.1.3.4 Besoins et attentes des autorités En ce qui concerne les autorités, on retrouve implicitement ou explicitement, généralement leurs besoins dans leur politique, y compris les priorités (ex : les plans zonaux de sécurité, les anciennes chartes de sécurité, les accords de gestion, la déclaration gouvernementale, les instructions des parquets, etc…). Les autorités fédérales se tournent plus vers les phénomènes visant la désorganisation de la société; les autorités locales vers les phénomènes locaux (parfois la manifestation locale de phénomènes supralocaux et/ou fédéraux). Aussi appelé “aide temporaire”. Voir aussi point 1.2. 97 Voir entre autres: Moniteur de sécurité 2000. Analyse de l’enquête fédérale. Police fédérale. pp. 43-57. 95 96 - 26 - Leurs attentes à cet égard sont en effet l’efficacité (effectivité) de la résolution de problèmes mais aussi la voie démocratique dans laquelle cela se déroule (respect de la légalité, proportionnalité, la justification sous le contrôle/la surveillance des autorités). Les autorités sont généralement intéressées par les coûts, en d’autres termes par l’efficacité ou l’efficience de la police. 3.1.4 Déterminer les besoins et les attentes 3.1.4.1 Condition primordiale : relations étroites avec la communauté ou insertion Il est nécessaire d’entretenir d’étroites relations avec une communauté pour déterminer les besoins et les attentes de celle-ci. Cela s’appelle l’intégration dans la société ou l’insertion de la police et peut, du point de vue organisationnel, prendre la forme d’un concept de fonction de police à structure quadrillée. Ces nouvelles relations amélioreront le niveau de prestation de la police et ce pour quatre raisons : parce que les relations étroites aideront la police à identifier les problèmes principaux à résoudre au plus vite; parce que le potentiel de la communauté à s’organiser elle-même peut constituer le moyen idéal pour plus de sécurité et une meilleure qualité de vie; parce que l’analyse a démontré l’intérêt de la mise en œuvre de la population dans le souci de la qualité de vie; et parce que des relations étroites avec la communauté permettent aux chefs de police de rendre leur organisation responsable de leurs prestations. 3.1.4.2 Comment les déterminer ? Il est important de ne pas perdre de vue que la responsabilité de la détermination des besoins et des attentes relève toujours des autorités et non de la police elle-même, même si celle-ci est chargée de leur collecte98. Il est possible de recueillir les besoins et les attentes de la population de trois manières différentes : par des informations émanant directement du citoyen: pendant des contacts, par le biais de conseils de quartier et des séances d’audition, de soirées informatives; via des personnages-clés, des instances et des organes de concertation; en ayant recours à certaines techniques comme des enquêtes, statistiques policières et judiciaires, analyses des appels ou des plaintes de citoyens, etc... Le Prof. Vermeersch a abouti à cette conclusion et à cette recommandation politique aux autorités suite à l’agitation relative à un projet de Gendarmerie à Louvain. Son rapport à ce sujet,qui avait été commandé par l’ancien ministre de l’Intérieur J. Vande Lanotte, n’a cependant jamais été publié. 98 - 27 - Généralement, la combinaison des 3 systèmes mentionnés ci-dessus donne l’aperçu le plus complet. Cependant, il est important de déterminer plus ou moins en continu et de manière structurée (à l’aide de questionnaires périodiques par exemple), les besoins et les attentes afin d’éviter d’avoir une idée déjà trop déformée pendant un moment quelconque (par des événements qui trouvent un écho dans les médias). Il est tout aussi important de veiller à la représentation du plus large échantillonage possible de la population interrogée. 3.2 Second pilier : l’orientation vers la résolution de problèmes Le travail orienté vers la résolution des problèmes fait référence à l’identification et à l’analyse des causes potentielles de la criminalité et de conflits dans la (les) communauté(s). La police ne réagit pas seulement aux problèmes après qu’ils se sont produits et après qu’ils lui ont été signalés et elle n’attend certainement pas qu’ils dégénèrent. Elle essaie, grâce à un suivi continu et à l’identification ainsi que l’analyse de la situation d’insécurité de discerner à temps les problèmes, de les prévoir dans la mesure du possible et de les anticiper. La police n’agit pas seulement sur les manifestations d’insécurité parce que généralement, celles-ci ne sont que les symptômes de raisons cachées ou sous-jacentes de cette insécurité. Par le biais d’analyses, la police essaie d’identifier les facteurs à l’origine de cette insécurité et d’agir à temps. 3.2.1 Le travail orienté vers la résolution de problèmes : une définition Une approche orientée vers les problèmes d’insécurité implique de ne pas réagir uniquement aux incidents et aux symptômes (le travail réactif) mais surtout tenter de déterminer les origines de ces problèmes, les aborder par le biais d’une approche adéquate afin de les prévenir, les résoudre ou en contrôler les conséquences (le travail proactif), à court, moyen et long terme. Cela signifie que l’on peut : Rechercher, analyser et signaler les développements qui sont importants pour l’ampleur, le sérieux, la nature (la forme) de l’insécurité dans un domaine déterminé; Aborder à un stade précoce et de manière structurelle (permanence, durabilité), effective (efficacité) et efficiente (aspect pratique), tant les circonstances qui provoquent la criminalité et l’insécurité ou y contribuent que les différentes formes d’insécurité; Publier les résultats de cette approche pour en tirer les éléments qui permettent d’être plus efficace99. 3.2.2 Eclaircissement Bien que la description mentionnée ci-dessus comprenne tous les éléments d’une approche orientée vers la résolution de problèmes, il est cependant indiqué de l’étudier plus en profondeur parce que dans la pratique, il s’avère qu’une approche axée sur la résolution de problèmes se retrouve généralement réduite à quelques éléments. 99 Horn, J. Probleemgerichte aanpak van onveiligheid. In: Justitiële Verkenningen, 19, nr. 5, 1993, p. 31. - 28 - La plupart du temps, on pense en premier lieu au caractère anticipatif du contrôle des problèmes, à savoir la recherche des raisons pour lesquelles des problèmes se présentent ou se produisent plus facilement (les facteurs encourageants) et l’intervention à temps ou anticipée pour que les problèmes ne puissent continuer à se développer dans toute leur dimension. Toutefois, une approche axée sur la résolution de problèmes implique aussi: le suivi de l’évolution, de la nature, de l’ampleur et de la gravité des phénomènes d’insécurité pour les différentes autorités; l’amélioration continue de l’efficacité de la réponse des autorités et des services de police par rapport à ces phénomènes; la coordination, pour les autorités, des efforts des services de police, des services publics et d’autres organisations concernées (si la coordination est attribuée à la police); le développement d’une approche préventive et basée sur des projets des phénomènes d’insécurité prioritaires; la réalisation éventuelle de projets de recherche proactifs au sein de la zone à problèmes abordée. 3.2.3 Objectifs du travail orienté vers la résolution de problèmes Les objectifs spécifiques du travail orienté vers la résolution de problèmes varieront chaque fois en fonction du caractère spécifique et des circonstances du problème concerné. Certes, il existe des (cinq) objectifs génériques qui dépendent de l’effet que l’on souhaite/espère (pouvoir) atteindre : l’élimination du problème; une diminution de la fréquence (nombre de fois où les incidents/problèmes se produisent); une diminution de la gravité des incidents/problèmes ou de l’ampleur des dégâts; une amélioration de la réponse (qu’elle soit policière ou non) au problème; le glissement de la responsabilité du problème vers un service (public) plus approprié; parfois, on ajoute une sixième possibilité, à savoir l’amélioration des conditions (de vie) de la communauté (en cas de problème constant) 3.2.4 Problèmes: une description Afin de pouvoir différencier des problèmes (isolés), on prend en considération les éléments suivants: groupe d’incidents identiques ou similaires, qui sont liés (ex: divers problèmes dans le quartier de la gare, technique similaire pour voler des véhicules dans une zone, problèmes de société dans un quartier défavorisé) ou récurrents (ex: épidémie de cambriolages, actes de vandalisme systématiques dans une rue piétonnière, accidents de circulation à des points noirs), plutôt qu’un cas unique; incident qui préoccupe autant la population que la police.100 parfois, on ajoute qu’on ne peut pas aborder le problème avec une solution clé-sur-porte. 3.2.5 Comment réaliser? 3.2.5.1 Se pencher vers les problèmes récurrents et tenaces Raisons pour lesquelles la police se penche en premier lieu vers ces problèmes récurrents et tenaces : 100 Eck, J. & Spelman, W. Problem-solving: Problem-oriented policing in Newport News. (1987). Washington DC: U.S. Department of Justice, National Institute of Justice, Police Executive Research Forum. Goldstein , H. (1979, P. 242; 1987, p. 16; 1990, p. 66). - 29 - la plupart du temps, ce sont également les problèmes dont la population se plaint le plus parce qu’ils se produisent régulièrement ou qu’ils sont tenaces; ces problèmes exigent généralement une approche plus étudiée mais une fois qu’ils sont résolus ou sous contrôle, la police est libre de s’attaquer à d’autres problèmes; cela ne signifie pas non plus que la police laisse de côté d’autres problèmes (plus isolés), certainement pas si la population les considère comme des problèmes importants. Mais souvent, une attitude axée sur le problème (des conseils, la médiation ou le renvoi vers la personne adéquate) suffit pour répondre à de tels problèmes. On peut également le réaliser par l’approche des ‘quartiers à problèmes’, la lutte contre les délits à répétition (surtout des cambriolages dans des habitations) et des actions à l’encontre des auteurs récidivistes connus (programmes de repeat offenders, projets top X). 3.2.5.2 S’orienter vers les causes sous-jacentes des problèmes L’analyse du problème vise à identifier les raisons plus profondes de l’émergence des problèmes qui se cachent derrière les symptômes visibles et à comprendre leur dynamique. Il s’agit de facteurs qui : Sont responsables ou favorisent l’émergence de problèmes; Contribuent à la persistance de l’existence des problèmes; Ou qui contribuent à empêcher leur amélioration / résolution. Il ressort d’une enquête (connue sous le nom de ‘Broken Windows’101) entre autres que : tant les caractéristiques extérieures, traces de pollution et dégradation de l’aspect de la rue (par exemple graffiti, dégâts non réparés, vitres brisées, clôtures détruites, vandalisme apparent, ordures ou détritus non ramassés, épaves de voitures abandonnées, immeubles abandonnés, etc); que la présence de toutes formes de nuisances perturbatrices (bruits divers, groupes de jeunes qui traînent, vagabonds et mendiants, prostitution de rue et de vitrine, etc.); ont un double effet, à savoir : apparition d’une atmosphère désagréable propice aux sentiments d’insécurité; apparition d’un ‘bouillon de culture d’insécurité’ qui, toujours plus vite : - produit des pollutions et nuisances supplémentaires - encourage toutes formes de criminalité grave. Une application cohérente et imposée des résultats de l’enquête décrite ci-avant a conduit à une variante de community policing qu’on appelle ‘tolérance zéro’. Cette variante de la fonction de police orientée vers la communauté est controversée et il faut signaler qu’il s’agit plutôt d’une approche à court terme qui vise principalement les causes directement visibles de l’insécurité. 3.2.5.3 Approche intégrale et globale du problème Aborder efficacement le problème en vue de le prévenir, de le résoudre ou de le contrôler s’effectue par l’approche la plus large possible. A cet égard, nous pouvons établir une différence entre l’approche intégrale (voir infra le pilier partenariat) et l’approche globale. 101 Wilson, J. & Kelling, G. Broken Windows: The Police and Neighborhood Safety. (1982). Atlantic Monthly, March, pp. 2938. Voor een Franse vertaling: Wilson, J.Q., Kelling, G.L., “Vitres Cassées”, in : Les Cahiers de la Sécurité Intérieure, N°15, 1ier trim. 1994, pp.163-180. Wilson, J. & Kelling, G. Making Neighborhoods Safe. (1989). Atlantic Monthly, 263, pp. 46-52. Kelling, G. (May 15/31, 1999). Interview in Law Enforcement News. Bratton, W.J., Crime is down in New York City : Blame the Police, in : Dennis, N., (ed.), Zero Tolerance : Policing a Free Society, (1999). Kelling, G. & Coles, C. Fixing Broken Windows: Restoring Order and Reducing Crime in Our Communities. 1996. New York: Free Press. - 30 - L’approche globale prend en compte toutes les mesures et activités possible et constitue un ensemble réalisable des mesures les plus efficaces. Pour ne pas risquer de se retrouver avec des approches familières, traditionnelles mais également plus limitées, il existe des classifications comme : offre de sécurité générique des autorités : prévention, gestion du milieu de vie, respect de la législation et de la réglementation; approche CODRES (COnseiller, Dissuader, Réguler, Enquêter, Suivi), qui est une manière de catégoriser l’offre policière générique; approche des chaînes de sécurité comme mentionné dans le plan de sécurité et de détention du gouvernement actuel : prévention, proaction, intervention, répression et suivi; approche selon le tableau : proactif, réactif, préventif et répressif; approche des 3E (circulation) : Education (éducation),Engeneering (infrastructure), Enforcement (maintien de la loi); approche situationnelle (surtout pour la criminalité) : intensifier l’effort que doit fournir l’auteur, augmenter la probabilité d’arrestation, réduire la ‘récompense’; approche du point de vue victime, auteur/responsable et lieu/du moment/du butin/dégâts; combinaison de ces approches. 3.2.5.4 Approche planifiée et réfléchie Lorsque le travail est axé sur le problème, cela revient à poser entre autres les questions : pourquoi; par qui et à quel niveau; quand et où; comment (avec quoi et combien) … le problème a-t-il été abordé ? En analysant d’abord le problème et en agissant ensuite, on adopte l’approche la plus adéquate. L’intérêt de l’analyse fouillée ne doit jamais être surestimé. L’analyse des problèmes dans le domaine de la sécurité et de la viabilité indique où sont les points de départ pour une approche efficace et qui doit agir. L’observation et l’évaluation en vue d’une adaptation sont des aspects indispensables de cette approche planifiée et réfléchie. Un dernier élément vital consiste à s’assurer de la viabilité ou du caractère permanent des résultats obtenus ou des solutions trouvées par la “fixation” des méthodes de travail et des activités corrigées et/ou actualisées. Ce procédé s’appelle la garantie. - 31 - Il est préférable de recourir, pour l’ensemble des aspects décrits ci-avant , à une méthodologie (plans en plusieurs phases) pour aborder le problème de manière structurée. La méthodologie la plus simple et la plus connue est la méthode SARA102. Cet acronyme signifie : Scanning : identification du problème et de toutes ses spécificités; Analysis : collecte de toutes les informations relatives au problème pour mieux comprendre les circonstances sous-jacentes (qui sont à l’origine du problème); Response : détermination d’un ensemble de solutions adaptées sur mesure au problème, y compris sa mise en œuvre; Assessment : évaluation de la solution, y compris adaptation de l’approche. L’approche CRIME est une autre méthodologie connue. Cet acronyme signifie : Caractériser103 le problème (= scanning); Réparer par un emplâtre (mesure provisoire dans l’attente d’une approche plus profonde afin d’éviter que le problème s’aggrave); Identifier les raisons (principales) du problème (= analyse); Mesures (de solutions) et les introduire (= response); Evaluation (= assessment)104. 3.2.5.5 L’approche orientée vers le problème (focus) Il est important de se concentrer sur : les ‘hot spots’: endroits à risque élevé, généralement par la présence de drogue, d’alcool et d’armes (ceci vaut principalement pour les milieux les plus urbanisés); les moments où les risques sont les plus élevés; les victimes (potentielles) qui courent un risque plus important; les auteurs ou groupements d’auteurs (locaux) qui sont responsables d’une importante partie des raisons de l’insécurité. Sur la base des évaluations, il ressort en effet que la concentration de la mise en œuvre de policier sur un champ du problème relativement limité est plus effectif (plus efficace) que la dispersion des efforts sur plusieurs priorités105. 3.3 Troisième pilier: le partenariat Le partenariat fait référence au fait que la police n’est pas la seule responsable de la sécurité et de la qualité de vie et qu’elle ne souhaite pas l’être non plus. La coopération est nécessaire en particulier, quand il s’agit de prévention et de recherche de solutions plus durables aux problèmes. La sécurité et la qualité de vie sont l’affaire de chacun, sont d’intérêt commun et de responsabilité partagée : ‘copropriété’ de la sécurité. De là le fait que tous les acteurs, en premier lieu la population, s’impliquent dans la sécurité : ‘coproduction’. Puisque l’on sait que la police ne peut veiller seule à la sécurité et à la 102 Braga, A. A., et al., Problem-oriented policing in violent crime places : a randomised controlled experiment, Criminology, Vol. 37, n° 3, 1999, p; 549-555. Leigh, A., Read, T., Tilley, N., Problem-oriented policing. Crime detection and prevention series, Paper 75, Home Office, 1996. Eck, J. & Spelman, W. Problem-solving, Problem-oriented Policing in Newport News. Washington, US Department of Justice, 1987. p. 43. 103 Faute volontaire afin de pouvoir lire le sigle dans les 2 langues nationales 104 Il existe encore de nombreuses autres méthodologies pour les travaux axés sur les problèmes. Généralement, les étapes I, M et E sont plus développées pour obtenir des plans en plusieurs phases plus sophistiqués destinés aux travaux qui reposent sur des projets. 105 Braga, A. A., et al., Problem-oriented policing in violent crime places: a randomised controlled experiment, Criminology, Vol. 37, n° 3, 1999, p; 549-555. Sherman, L.W. & Gottfredson, D. & MacKenzie, D. & Eck, J. & Reuter, P. & Bushway, S. (1997). Preventing crime: What works, What doesn’t, What’s promising, in http://www.ncjrs.org/works. - 32 - qualité de vie, des réseaux sont créés avec d’autres partenaires (comme la commune, le ministère public, les établissements de soin, les sociétés de logement, les éducateurs, les animateurs de quartier, les écoles, les entreprises et les citoyens). A l’aide de ce réseau, il est possible d’aborder intégralement la problématique de la sécurité. La sécurité devient une chaîne dans laquelle chacun compose un maillon de l’approche globale et intégrée. Les citoyens (dans la mesure où cela s’avère nécessaire) sont guidés par une volonté d’autonomie dans l’approche commune des problèmes dans leur environnement. La fonction de police orientée vers la communauté est, d’une part, une approche qui, dans son mandat opérationnel, intègre la concertation et la coopération avec la communauté et, d’autre part, une stratégie de changement qui modifie les conceptions traditionnelles du rôle de la police de sorte qu’elle peut répondre à l’évolution des besoins collectifs. Dans ce modèle, la police remplit plus un rôle social dans la sécurité publique dans laquelle la police et le citoyen participent ensemble à la gestion de la prévention de la délinquance urbaine106. La fonction de police orientée vers la communauté est dirigée par “la base” dans le but de fournir un travail sur mesure répondant aux problèmes de la situation locale et aux besoins de celle-ci. Par ailleurs, cette approche crée les conditions pour, dans le cadre d’une approche intégrale de la sécurité, impliquer d’autres partenaires comme les habitants, les institutions, les chefs d’entreprise dans le maintien de la sécurité et de la viabilité107. Mais la mise en place d’un partenariat implique l’établissement de relations plus profondes qu’une simple relation de travail en fonction d’une mission particulière. Il s’agit d’une donnée plutôt essentielle dans une conception bien comprise sur la fonction de police orientée vers la communauté. Le concept doit en effet répondre, d’une part, aux questions sur le rôle de la communauté dans le “policing” et le contrôle social en général et, d’autre part, aux questions sur le rôle du “policing” dans le contrôle social de la communauté108. Dans cette vision, la police représente un des moyens dont dispose la communauté pour résoudre ses problèmes même si, généralement, la police reste la seule source quand il s’agit de recours à la contrainte et d’exercice du contrôle social formel de l’ordre public. 3.3.1 Pourquoi coopérer? Le partenariat repose sur la conviction que la sécurité et la qualité de vie naissent du travail commun de tous les maillons qui peuvent jouer ou jouent un rôle det dont la population constitue l’élément central. Outre les raisons mentionnées dans le principe de base énoncé ci-dessus, la coopération est également capitale pour différentes raisons : Les phénomènes qui constituent des problèmes de sécurité pour la police peuvent être des problèmes d’éducation, de santé ou économiques (ex : la drogue) pour les autres acteurs sociaux. Ce qui pour la police est un vol de voitures représente une perte de revenus pour la société de location de voitures et éventuellement une fraude à l’assurance. S’il est si important de canaliser et diriger les efforts, c’est parce que tous les acteurs concernés agissent ou veulent agir (probablement) par rapport au problème. Il n’est pas question de changer des responsabilités existantes mais de modifier la façon de travailler. Sur la base de ses propres responsabilités, le partenaire concerné contribue à une approche cohérente ou décloisonnée de l’insécurité; La coopération via l’implication de tous les partenaires dans la résolution des problèmes est aussi très importante. De la sorte, on évite que des personnes non impliquées ne considèrent par après les solutions choisies comme un (nouveau) problème et on évite aussi que la politique déjà formulée doive encore être “vendue” à un certain moment; Enfin, la coopération est également intéressante parce que de cette manière, on peut utiliser au maximum les forces respectives et les capacités existantes de chaque partenaire concerné. De la 106 Chalom, M. Le policier et le citoyen, Pour une police de proximité. (1998). Liber. p. 97. Gebiedsgebonden politiezorg. Politia Nova. (nr. 2, 2000). Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninksrijkrelaties. p. 13. 108 Easton, M. De demilitarisering van de Rijkswacht. In: Criminologische Studies. (2001). VUBPRESS, Brussel. p. 69. 107 - 33 - sorte la police, ainsi que les autres partenaires, évitent de devoir investir dans un domaine où les autres organisations ont déjà fourni des efforts considérables. Une telle coopération avec d’autres services et organisations sociales requiert une politique intégrée d’excellente qualité109. Une donnée très importante dans la coopération est de tendre vers le caractère intégré de tous les efforts. En effet, sans cette intégration, des initiatives (bien intentionnées) peuvent aller à l’encontre l’une de l’autre (involontairement). Cette intégration se concrétise par l’harmonisation des efforts ou même l’intégration de la politique, de la coordination des efforts, la création de situations de “win-win” (c’est-à-dire des situations où chaque partie est gagnante) et même l’échange d’informations. Dès lors, l’approche peut être intégrée avec tous les partenaires potentiels concernés, internes et externes. 3.3.2 Les partenaires externes 3.3.2.1 Les autorités de police Les autorités de police sont responsables de la politique policière de sécurité. Toutes les décisions leur incombent. Les autorités de police peuvent également être considérées comme des partenaires parce que l’on se base de plus en plus sur une relation de coopération ou de partenariat entre les autorités et la police dans un souci commun et dans un effort de sécurité et de qualité de vie. D’une part, cela implique que la police a trois fonctions principales à l’égard des autorités, à savoir : une fonction de signal, c’est-à-dire attirer à temps l’attention des autorités sur le développement d’un phénomène par le biais d’analyses; une fonction d’avis, c’est-à-dire la formulation de propositions de mesures et activités efficaces110; la fonction d’exécution opérationnelle de la politique de sécurité policière. D’autre part, cela signifie également que l’on aborde le problème sous l’angle administratif, policier et judiciaire, chacun sur la base de ses responsabilités et compétences, mais toujours en harmonie dans une politique intégrée. Le conseil zonal de sécurité joue à ce niveau un rôle prépondérant. 3.3.2.2 Les autres autorités et organisations Toutes les autres autorités et organisations (de la société) apportent, en raison de leur domaine spécifique de compétence, une pierre à l’édifice de l’approche globale. Ce sont les problèmes de sécurité persistants qui doivent être abordés avec une politique cohérente de prévention, de répression et de suivi. Une telle approche est parfois également appelée “approche en chaîne”: pas uniquement la répression mais aussi un traitement, pas seulement un traitement mais aussi une réinsertion dans la société, non seulement une réinsertion dans la société mais aussi la prévention. Cette approche ne réussit que si les différentes autorités coopèrent: enseignement, bien-être, temps libre, assistance, emploi, police, justice, reclassement, protection de l’enfance, etc. La police peut parfois avoir une fonction d’initiation mais n’en a ni la compétence, ni la responsabilité. Ces dernières relèvent toujours des autorités responsables politiquement. 109 Van den Broeck, T. & Raes, A. Het leven zoals het is. Veiligheid en leefbaarheid vanuit de buurt bekeken. In: Custodes, nr. 2, 2000. pp. 33-58. 110 Les deux fonctions peuvent aussi être considérées comme des éléments typiques du pilier de la résolution de problèmes. - 34 - 3.3.2.3 Autres composantes du service de police intégré, structuré à deux niveaux Les autres composantes du service de police intégré structuré à deux niveaux sont également des partenaires indispensables dans l’approche intégrée basée sur la coopération. Toute tentative de coopération avec des partenaires externes semblerait peu crédible si l’on ne réussissait (même) pas à coopérer au sein de la police intégrée. 3.3.2.4 La population La population est et demeure le partenaire externe principal en raison de ses différentes composantes bien qu’en raison de son caractère diversifié, il ne soit pas facile de l’aborder. Pour cette raison, il est indiqué de s’orienter vers les groupes-cibles en fonction du phénomène auquel on se consacre. La seconde supposition fondamentale sur laquelle repose la fonction de police orientée vers la communauté est que la population soutiendra les initiatives de la police et sera même prête à coopérer. Différentes enquêtes sur l’effectivité de la police aboutissent à la conclusion que l’intervention policière est efficace si elle adhère aux habitudes et normes de la société. En d’autres termes, l’intervention de la police est principalement effective si elle peut compter sur l’appui du citoyen et donc également sur sa coopération. Une telle coopération n’est cependant pas innée, elle doit ‘se mériter’. 3.3.2.4.1 Asseoir la coopération avec la population Des initiatives communes de la police et de la population111 sont déjà une forme élaborée de coopération. On atteint généralement un tel niveau de coopération après avoir établi une relation de confiance réciproque indispensable. Ce travail commence par des contacts réguliers (travail de quartier, dialogue au sein du quartier). Dès lors, la police : fournit des informations et explications sur son fonctionnement (possibilités et limites); dispense des informations sur l’insécurité (réelle) dans le quartier; indique ce qu’elle entreprend à cet égard; explique comment la population peut agir; collecte des informations sur la situation que la population vit au niveau de l’insécurité; Un exemple d’initiatives structurées et communes sont les réseaux d’information de quartier. Voir C.M. I/VSPP/8 du 0904-98 modifiée par C.M. I/VSPP/2001/16 relative aux réseaux d’information de quartier. 111 - 35 - examine ses priorités, à savoir les problèmes d’insécurité auxquels elle accorde le plus d’intérêt; demande quelles informations elle peut divulguer à cet égard. Cette dernière condition (volonté de donner des informations) ne peut cependant être remplie que lorsque la police jouit de la confiance de la population. Nous savons par expérience que la confiance s’acquiert par : une intervention quotidienne correcte, objective, de qualité (en un mot : professionnelle) du fonctionnaire de police individuel; la résolution de problèmes mineurs mais gênants qui concernent l’environnement (immédiat) du citoyen. Il faut noter que ces problèmes ne sont certainement pas toujours de nature criminelle et que la police a souvent tendance à les sous-estimer. L’analyse a démontré qu’un traitement adéquat de ces problèmes par la police constitue un élément capital dans l’établissement de relations étroites entre la police et la population. En outre, ces “petits” problèmes (de société) sont souvent des signaux importants de malaises plus profonds. Par ailleurs, on peut s’attendre à ce que, lors des réunions de contact mentionnées ci-avant, des problèmes relatifs à des situations non résolues surgissent. En ce qui concerne la résolution des problèmes ci-dessus, la police doit à chaque fois examiner comment elle va (devoir) agir, avec quels autres services elle va devoir aborder le problème et vers quels services plus compétents elle va devoir renvoyer le problème (voir pilier résolution de problèmes). 3.3.2.4.2 Stimuler l’autonomie sociale de la population Coopérer avec la population signifie également stimuler l’autonomie (sociale) de cette population. Stimuler l’autonomie sociale signifie mobiliser les citoyens par la responsabilité de l’approche du problème en partie par le citoyen. Il s’agit principalement de promouvoir une certaine prise de conscience que les autorités ne peuvent, ne veulent et ne doivent pas être responsables ‘du problème individuel du citoyen individuel’. La police ne doit pas rendre la population tributaire mais stimuler le potentiel des individus et des quartiers à résoudre leurs problèmes eux-mêmes. En effet, si on n’agit pas de la sorte, on confirme l’idée que la coopération avec la police n’est pas nécessaire (la police le fera quand même) et ce souci de sécurité et de viabilité est donc uniquement une mission des services de police et des autorités. Par contre, la police doit soutenir la population, intervenir pour arbitrer les litiges et mettre à disposition son professionnalisme pour gérer les conflits et résoudre des problèmes. 3.3.2.4.3 La propriété partagée (également appelée ‘ownership’ ) La notion de propriété partagée est très importante dans la coopération avec la population (en vue de la résolution de problèmes). Elle repose sur trois éléments qui se renforcent mutuellement : l’attribution d’un territoire ou d’un groupe cible déterminés à un fonctionnaire de police naît le sentiment d’être propriétaire de ce quartier ou de ce groupe cible, y compris de ses problèmes; une relation individualisée entre le fonctionnaire de police et les habitants de son quartier ou les membres de son groupe-cible naît le sentiment d’être propriétaire de “son” (sa) policier (ière); le tout conduit à une implication réciproque (‘commitment’) des problèmes partagés. Une conclusion importante de ce raisonnement est que la coopération aux problèmes locaux doit toujours s’effectuer au niveau le plus bas possible de l’organisation et qu’à cette fin, la décentralisation exigée de compétence et de responsabilité est nécessaire: plus les problèmes locaux sont traités à un niveau élevé de l’organisation, plus le sentiment d’appartenance est dérisoire. 3.3.3 Les partenaires internes - 36 - Les partenaires policiers internes ne peuvent en aucun cas être ignorés. Un problème récurrent est que la fonction de police orientée vers la communauté est limitée ou mise sur pied d’égalité avec le travail de quartier. De la sorte, il en découle une organisation policière typiquement cloisonnée comme nous la connaissons dans le modèle policier traditionnel. Dans un concept bien compris de fonction de police orientée vers la communauté, toutes les composantes (sections, services, …) de l’organisation policière contribuent à la sécurité et à la qualité de vie même si elles n’entrent pas directement en contact et en permanence avec la population. Par exemple, le service enquête peut contribuer à la résolution commune de problème en : identifiant les problèmes basés sur les dossiers qu’ils analysent; dressant des profils reconnaissables des modus operandi et des antécédents des auteurs; assistant les équipes de résolution de problèmes dans l’exercice de l’approche de la problématique. La volonté de contribuer à la résolution de problèmes des autres sections et services est extrêmement importante même si on n’est pas impliqué directement dans le problème112. Selon T. Van den Broeck, il s’avère que le manque de “multi-agency” interne est un obstacle au fonctionnement intégré113 dans les différentes sections de la police, des autorités ou de la justice114. 3.3.4 Les ‘7 indispensables’ Pour diverses raisons, il ne sera pas toujours possible d’impliquer tous les partenaires potentiels dans l’approche intégrée. La liste des 7 partenaires indispensables ci-dessous est une sorte de check-list dont on peut se servir tant en version minimum que maximum. Le minimum de coopération demande que chacun des partenaires (limités à ceux avec qui on souhaite coopérer ou ceux qui participent déjà à l’ensemble du projet) soit consulté ou informé à un moment donné, au cours de la résolution du problème. Dans le cas d’une coopération maximum, on peut établir de réels liens de coopération avec autant de partenaires que l’on veut parmi les 7. Les ‘7 indispensables’ sont : l’organisation policière et les autres composantes de la police intégrée; le quartier; les communautés; les organisations, associations, institutions; l’administration publique; le ministère public; les médias. 3.3.5 Principes de coopération115 La coopération offre de nombreuses possibilités mais exige d’excellents accords. C’est pour cette raison que toute forme de coopération se base sur trois principes fondamentaux, à savoir : la conservation de sa responsabilité; l’utilisation des individualités de chacun (la contribution spécifique); la réciprocité et l’équivalence. Remarque : cette forme de coopération interne – également appelée “orientée sur les clients et interne – est plutôt un facteur de succès critique pour l’efficacité du fonctionnement global, une partie essentielle du pilier du partenariat. 113 On entend travail intégré avec différentes sections d’organisation. 114 Van den Broeck, T. Huizen van Potemkin, community policing als façade? In: Enhus, E. & Ponsaers, P. & Hutsebaut, F. & Van Outrive, L. (Eds.). De politiehervorming.Uitgeverij Politeia, 2001, p. 30. 115 Pour une analyse élaborée des (im)possibilités du partenariat (local) voir: Crawford, A. (1997) The Local Governance of Crime: Appeals to Community and Partnerships. Clarendon Press – Oxford. 112 - 37 - Ce dernier principe requiert quelques explications. Par équivalence, on entend le respect de la contribution de chaque partenaire même si celle-ci est petite. Par réciprocité, il faut entendre ce que chaque partenaire peut attendre de la coopération des autres. En effet, la coopération sur la base de positions de pouvoir inégales est toujours possible. La mise en place de partenariats ‘top-down’ qui arrive parfois est en contradiction avec la notion de ‘partenariat’116. Ce principe n’ôte rien au fait que dans chaque lien de coopération, la direction – ou du moins la ‘régie’117 – sera toujours aux mains du chef de projet responsable. A ce stade, il faut voir le lien avec le point 3.2.5.4 où on pose, entre autres, la question des acteurs potentiels qu’il faut impliquer pour quel problème et la solution à trouver. En fonction du type de problème, on choisit quel est l’acteur le plus impliqué (l’acteur dont le domaine de compétence est le plus spécifique au problème). Ce sera cependant toujours à cet acteur que l’on confiera la régie du projet à développer. Ce n’est en aucun la police qui doit systématiquement diriger les opérations lorsqu’il s’agit d’un problème de sécurité. 3.3.6 Coopérer : aussi avec les minorités Le partenariat ne doit jamais être au service d’un contrôle social axé sur l’ordre tel que défini par une majorité active et déterminée et qui donnerait la priorité à l’ordre par rapport à la garantie des droits et des libertés de tous. Au contraire, le partenariat est au service du développement démocratique de la société au sein de laquelle la police doit pouvoir garantir les droits et les libertés individuels, et également ceux des minorités118. A cet égard, T. Van den Broeck119 affirme à juste titre ‘Une pierre de touche (ndr : un facteur de succès) pour une politique de community policing efficace pourrait être la mesure dans laquelle les minorités peuvent être impliquées dans la coopération. Cela pourrait devenir un critère d’accountability120’. 3.4 Quatrième pilier : ‘justification’ La justification requiert la mise en place de mécanismes permettant à la police de rendre des comptes sur la manière de répondre aux questions et aux besoins des communautés qu'elle sert. Dans le modèle de la fonction de police orientée vers la communauté, il résulte logiquement du principe du partenariat (copropriété et coproduction de la sécurité et qualité de vie), que la police a l'obligation, en guise de 'contre-prestation' de rendre des comptes à ces acteurs quant à leur apport et contribution dans cette fonction intégrale121. P. Ponsaers et E. Enhus déclarent dans le vade-mecum plan de sécurité122 que la justification ou accountability concerne ce qui est fourni à la fonction de police et la manière dont cela se passe. Cela implique que le fait de rendre des comptes comporte en essence deux points : la justification de la prise de décision en matière de travail policier; la justification de l'action policière ou de l'exécution de cette prise de décision. 116 Van den Broeck, T. Huizen van Potemkin, community policing als façade? In: Enhus, E. & Ponsaers, P. & Hutsebaut, F. & Van Outrive, L. (Eds.). De politiehervorming.Uitgeverij Politeia, 2001, p. 30. 117 Par régie, il faut entendre le fait de prendre sur soi l’organisation et la coordination d’un projet et d’en dessiner les grandes lignes par rapport à d’autres partenaires 118 Hendrickx, E. & Van Ryckeghem, D. Community policing en haar politionele ‘waarden’. In: Handboek Politiediensten. Gemeenschapsgerichte politiezorg. Afl. 59, 65, oktober 2001. p. 25. 119 Van den Broeck, T. Huizen van Potemkin, community policing als façade? In: Enhus, E. & Ponsaers, P. & Hutsebaut, F. & Van Outrive, L. (Eds.). De politiehervorming.Uitgeverij Politeia, 2001, p. 30. 120 Hier ‘verantwoording’ genoemd. 121 Skolnick, J.H. & Bayley, D.H. (1986). The new blue line. Police innovation in six American cities. New York: Free Press. p. 213. 122 Ponsaers, P. & Enhus, E. Vademecum veiligheidsplannen. 2000. - 38 - Dans le partenariat avec d'autres organisations, services (publics) etc, la justification fera en général partie de la structure de collaboration qui a été créée (ex : une structure de projet, une commission de prévention…). La plupart du temps, la justification par les divers acteurs impliqués se trouve d'une manière structurelle dans les mécanismes qui sont prévus pour suivre l'exécution de la politique intégrale de sécurité (monitoring) et dans l'évaluation de la politique. Dans le partenariat avec la population, la justification devra être intégrée dans les mécanismes ou les structures de consultation ou de participation qui sont prévus pour donner concrètement corps au pilier du partenariat avec la population (ex : entretiens de quartier). Le rôle de la population passe, dans le modèle de la fonction de police orientée vers la communauté, d'un preneur de services passif de la fonction de police à celui de participant actif dans la fonction locale de la sécurité et de la qualité de vie du quartier. Une partie de la fonction de sécurité reste, pour des raisons évidentes dans une démocratie, exclusivement réservée à la police; dès lors, il est logique que la police s'en justifie auprès de la population. Cette justification peut se traduire sous plusieurs formes : recueil des attentes de la population est un moyen qui est mis à sa disposition, non seulement pour exprimer ses attentes mais aussi pour exprimer le (mé)contentement quant à la manière dont ces attentes ont été ou non satisfaites ou encore pour poser des questions quant à la manière dont la police les a prises en considération; collaboration (active) entre la population et la police permet à la première de se faire une meilleure idée de l'activité policière (ou tout au moins d'en être mieux informé) et de l'apprécier; activité policière individualisée dans les quartiers élimine l'anonymat de la fonction de police, qui est une cause importante du caractère opaque des organisations policières, et donc un frein à une justification démocratique. L'intérêt de la justification en tant que pilier de la fonction de police orientée vers la communauté ne peut jamais être sous-estimé. La fonction de police orientée vers la communauté représente une modification là où la compétence est exercée sur la police. Contrairement à la situation passée où l'autorité publique légale était la seule habilitée à faire intervenir la police, l'autorité sur la mise en œuvre de la police par l'évolution technologique (surtout par le téléphone) était de facto déjà en grande partie déplacée sur le citoyen individuel. En effet, une très grande partie de l'activité policière a été directement générée par les appels à l'aide du citoyen et échappait dès lors au pouvoir des autorités de police. La police est devenue de ce fait démocratiquement responsable envers la population dans ses opérations quotidiennes. - 39 - La fonction de police orientée vers la communauté introduit un nouveau 'niveau' entre l'autorité publique et le citoyen individuel isolé; notamment la concertation de quartier (de voisinage où la consultation (participation est organisée) et où la justification se trouve. Par conséquent, une nouvelle source de demandes dirigées vers la police, et donc de mise en œuvre, s'est créée. Jusqu'à présent, la police était politiquement responsable face aux autorités (et elle le reste) et opérationnellement responsable face aux individus. La fonction de police orientée vers la communauté met en question cette répartition traditionnelle de l'autorité (de facto) sur la police. Quand les communautés déterminent à la fois le contenu et les priorités de la fonction de police, un nouveau noyau de puissance politique sur la police voit le jour. Une nouvelle relation s'établit dans le contrat social entre la police et la société. Ce mécanisme est encore renforcé par la décentralisation opérationnelle nécessaire vers le niveau du fonctionnaire de police exécutant qui jouit d'un espace de décision et de jugement beaucoup plus large dans son choix de la manière d'intervenir123. La question qui se pose ici est la suivante : est-ce encore faisable et souhaitable dans une démocratie représentative ? En effet, les autorités de police sont, dans la structure belge, compétentes et responsables de la fonction de police ; le chef de corps de la police locale, quant à lui, est responsable de l'exécution de cette politique. Il en résulte automatiquement que c'est au niveau de ces acteurs que la justification doit s'effectuer. Toutefois, les choix seront également justifiés, dans la fonction de police orientée vers la communauté, à d'autres niveaux de l'organisation policière. Cela ne va pas à l'encontre du principe selon lequel les autorités de police sont légalement compétentes à condition que deux principes 'compensatoires' soient respectés : une fonction de police ‘quadrillant finement le territoire’ qui tient compte des attentes et besoins divers des communautés locales implique la nécessité de faire des choix aux niveaux d'exécution les plus bas de l'organisation policière pour que la politique générale (de la zone de police) soit diversifiée en fonction de la demande locale. A ce propos, des comptes doivent être rendus au préalable (avant l'exécution) au sein de l'organisation policière et le chef de corps soumettra ces choix aux autorités de police pour approbation. Ce n'est pas possible pour tous les choix qu'un fonctionnaire de police individuel ou une équipe doit faire lors par exemple du règlement d'une intervention. Mais on peut partir de l'hypothèse qu'un certain nombre de tendances se dessinent dans la politique diversifiée via le mécanisme de la justification, tendances auxquelles le fonctionnaire de police individuel peut confronter les choix qu'il doit faire. les autorités de police et le chef de corps doivent communiquer la politique diversifiée approuvée mentionnée ci-avant à l'ensemble de l'organisation policière afin que les tendances dans cette politique soient claires pour tout le monde et connues de tous. C'est la condition nécessaire pour la délégation de la compétence et la responsabilité afin de faire des choix au niveau de l'exécution dans l'organisation policière et de s'en justifier directement devant la population et les partenaires.124 3.5 Cinquième pilier: ‘empowerment’ ou ‘habilitation’ Empowerment signifie que des possibilités doivent être mises en œuvre tant pour les policiers que pour les divers groupes démographiques afin d'aborder les problèmes communs de sécurité et de qualité de vie, de fournir des services et de garantir la sécurité125. Cela implique tant une démocratisation interne au sein de la police qu'une émancipation des divers groupes démographiques. L'addition de l'empowerment en tant que cinquième pilier est essentiel parce que c'est un défi pour la vision instrumentale sur la police dans laquelle les policiers sont réduits à de simples exécutants. 123 Cela équivaut à la reconnaissance de la compétence discrétionnaire, vraisemblablement au sein d'un cadre politique déterminé par les autorités. 124 On peut faire la comparaison ici avec le fonctionnement rénové dans le maintien de l'ordre public. Là où auparavant, le comportement des policiers était prescrit par des règles stricts et des procédures rigoureuses, on détermine aujourd'hui un 'profil d'assistance' qui donne le cadre général, dans lequel chaque exécutant détermine son propre comportement en fonction de la situation spécifique. 125 Het Chicago Police Department gaat zelfs zo ver te stellen dat zijn ultieme doel community empowerment moet zijn. Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 91. - 40 - L'empowerment implique entre autres que les policiers, aidés de leurs partenaires et de la population, aient une réflexion critique sur leurs propres tâches et sur la manière dont celles-ci sont effectuées126. La confiance dans le 'bon sens' individuel du fonctionnaire de police exécutant, qui est par ce fait institutionnalisé, doit cependant toujours être soutenue par un cadre légal, une formation professionnelle et une culture policière qui prône le respect des droits de l'homme avant tout. Cette culture policière est en effet un facteur important pour l'accomplissement de la compétence discrétionnaire127. La concrétisation du principe de l'empowerment au sein de l'organisation policière consiste en la manière démocratique de prise de décision à laquelle le personnel peut apporter une contribution grâce aux mécanismes participatifs. Le personnel est impliqué dans le processus décisionnel par le management participatif. Il est donc important que le personnel de base puisse consulter les dirigeants aisément. Il est essentiel que l'attention soit consacrée aux flux d'informations et de communications bottom-up et pas seulement pour l'évaluation de l'exécution des ordres transmis. Les informations et les communications bottom-up relatives aux besoins et aux attentes des communautés locales peuvent permettre d'informer le haut responsable de la police sur la stratégie à suivre. Pour formuler les réponses aux besoins et aux attentes des communautés locales, les dirigeants semblent en effet avoir besoin de plus d'informations que celles disponibles en général à leur niveau. Partant de cette idée, on favorise les 'expériences' avec des modèles bottom-up de décision basés sur les valeurs à la place de décisions top-down basées sur les règles128. La concrétisation du principe d'empowerment des communautés locales consiste en des structures et des mécanismes de concertation et de participation sur la base desquelles les communautés locales dialoguent avec la police129. Cependant, il est également essentiel ici que ce dialogue s'organise de manière démocratisée. Cela signifie concrètement que le dialogue ne peut pas être entamé sur la base d'une situation dans laquelle la police utilise son 'monopole de connaissances' sur la sécurité et la fonction de sécurité comme un facteur de puissance. L'équivalence comme principe dans la relation de collaboration exige que la population soit 'habilitée' à dialoguer avec la police sur un pied d'égalité de connaissances et de vision. Si cette forme d'empowerment n'est pas respectée, les structures et les mécanismes de concertation et de participation entre la police et la population se transforment très rapidement en des forums partiaux dans lesquels la population écoute passivement ce que la police veut communiquer, ce qui entraîne toujours la frustration parmi la population et l'échec de ces structures et mécanismes130. 126 Easton, M. De demilitarisering van de Rijkswacht. In: Criminologische Studies. (2001). VUBPRESS, Brussel. p. 72. Hendrickx, E. & Van Ryckeghem, D. Community policing en haar politionele ‘waarden’. In: Handboek Politiediensten. Gemeenschapsgerichte politiezorg. Afl. 59, 65, oktober 2001. p. 30 128 Easton, M. De demilitarisering van de Rijkswacht. In: Criminologische Studies. (2001). VUBPRESS, Brussel. p. 85. 129 Voir aussi dans les piliers précédents 130 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 106. 127 - 41 - En outre, on doit tenir compte du fait que l'avenir de la fonction de police orientée vers la communauté ne peut jamais être simplement basé, dans des quartiers retirés, sur des suppositions vagues relatives à la participation et à l'empowerment de la population. Dans un tel contexte, le noyau de l'approche doit consister en la mobilisation des moyens nécessaires pour la revalorisation des quartiers et en la formation des aptitudes sociales de base au profit de la population. Là où des quartiers ont atteint un certain niveau de délabrement, la mobilisation de la communauté ne doit pas se contenter de tactiques pour organiser les communautés et l'attention doit être en premier lieu dirigée sur la prévision de moyens, de services et de possibilités nécessaires pour permettre aux communautés de travailler à leur propre revalorisation131. 4 4.1 Fonction de police orientée vers la communauté : suite Fonction de police orientée vers la communauté : philosophie, stratégie, tactique ou ? … Les divers auteurs ne sont pas du tout d'accord sur la définition précise du community policing (nom collectif international pour le type de fonction de police auquel appartient la fonction de police orientée vers la communauté). Une première vague de publications a décrit cette innovation dans la fonction de police comme un paradigme policier révolutionnaire. Il a été fait référence au nouvel ensemble de concepts et de valeurs relatif à ce que la fonction de police devait être et ce à quoi elle devait ressembler. Après l'euphorie de la découverte d'un nouveau type de fonction de police ont suivi les critiques cherchant à savoir si le community policing était plutôt une rhétorique qu'une réalité. Il a été fait référence à l'échec de l'innovation, la plupart du temps à cause de sa mise en œuvre défectueuse, mais aussi au fait que le community policing était un 'concept conteneur' dans lequel on a arrêté toute forme de contact entre la police et la population. Après une période de débat académique, on en arrive à la synthèse et à la conclusion que le community policing est une philosophie en matière de fonction de police et que celle-ci philosophie prend concrètement forme dans des structures d'organisation spécifiques propres et des stratégies et tactiques opérationnelles. C'est important parce qu'on doit en déduire qu'il doit y avoir une cohérence claire entre les principes ou les piliers de la philosophie et les implications d'organisation au niveau des structures et des méthodes qui traduisent la philosophie dans la pratique de l'organisation et le fonctionnement quotidien. Récemment, P. Ponsaers132 est arrivé à la conclusion que le community policing était le seul modèle policier véritablement innovant. Bien que cet auteur ne donne pas de vraie définition du concept 'modèle' utilisé, nous pouvons cependant déduire sa vision des choses de la citation suivante : Un modèle policier doit répondre aux questions telles que : "Quel est l'objectif d'une politique policière particulière?" "Que signifie la prévention?" “Comment devons-nous évaluer la compétence de décision de la police?” “Quelle est la signification de communauté ('community')?” En d'autres termes, le choix d'un modèle policier doit répondre en détail à la question : "Quel type de politique policière voulons-nous? - A cet égard, un modèle policier implique certaines conceptions relatives aux valeurs, aux normes et aux objectifs." Il est cependant important que le modèle policier ne corresponde pas totalement à l'organisation policière car dans une grande organisation, plusieurs modèles peuvent se présenter133. Mais le modèle 131 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. . 132 Ponsaers, P. - 42 - dominant influence bel et bien la totalité de l'organisation policière et une forme d'osmose apparaît donc. Si cette osmose n'existe pas, on obtient typiquement une organisation policière 'schizophrène' à plusieurs visages, causée par le cloisonnement interne entre (en général) la fonction de police de base orientée vers la population, l’intervention urgente et l’enquête. 133 Le community policing ne met certainement pas l'accent sur l'instruction réactive mais ne rejette pas non plus cette tactique. Par conséquent, un autre modèle policier peut être utilisé dans une section de recherche. - 43 - E. Hendrickx et D. Van Ryckeghem exposent, dans un article très perspicace134, que la Belgique présente actuellement un mélange du modèle français et du modèle britannique : ‘...une direction simultanée centrale et locale -- comme l’incorporation d’idées de droits de l’homme et d’une fonction de police orientée vers la communauté -- constitue une opportunité de laisser le community policing faire son chemin en tant que philosophie’. 4.2 La fonction de police orientée vers la communauté poursuit-elle d'autres buts? Ici aussi, les auteurs ont des opinions différentes. Néanmoins, il est possible d'en tirer une conclusion claire. D. Rosenbaum souligne que les fonctions policières traditionnelles ne sont pas réprouvées mais plutôt ajustées quant aux priorités et que de nouvelles fonctions y sont ajoutées. Cependant, il affirme très clairement qu'il n'est pas question de poursuite d'autres objectifs (la maîtrise de la criminalité reste un des objectifs principaux) mais que le modèle se base sur d'autres façons de réaliser ces objectifs. Il cite l'exemple parlant des priorités que la population donne en matière de sécurité/insécurité pour illustrer au mieux son assertion135. A ce propos, J.P. Brodeur déclare à juste titre que le vrai test pour le modèle se situe dans la réponse à la question de savoir si la stratégie appliquée peut répondre efficacement aux nombreux problèmes de sécurité qui se posent dans les villes multiculturelles136. Il fait aussi référence au fait que tant dans la fonction de police traditionnelle que dans le community policing, la fin et les moyens sont intervertis; dans la fonction de police traditionnelle, le maintien de la loi a été une fin en soi et il arrive que le community policing commette l’erreur similaire d'élever au rang d'objectif les bonnes relations entre la police et la population. En outre, il explique une fois de plus sa thèse en citant une erreur typique dans les mises en œuvre mal comprises du community policing. L'utilisation d'analyse criminelle mène souvent à l'application de méthodes policières traditionnelles, vraisemblablement plus et mieux orientées (ex : patrouilles orientées), alors qu'elles devraient exposer les causes des problèmes de sécurité afin de les aborder par des approches alternatives137. Aux Pays-Bas, il est également clairement établi que la fonction de police liée au territoire n'a aucun autre but que la police en général, notamment la promotion de la sécurité et des sentiments de sécurité, mais qu'il y a toutes sortes de sous-objectifs. Ainsi, trois objectifs se retrouvent dans tous les corps : la diminution de la criminalité et des nuisances, l'amélioration de la sécurité subjective et de la qualité de vie. Les sous-objectifs ou les objectifs secondaires sont, entre autres, la création et le maintien de réseaux, la relation avec la population, des contacts plus nombreux et de meilleure qualité avec le citoyen, l'intensification de l'accessibilité, la visibilité et la disponibilité de la police, un meilleur accord avec l'environnement138. C'est d'ailleurs un des problèmes ou des risques de ce modèle policier: des objectifs trop vagues et trop nombreux139. Hendrickx, E. & Van Ryckeghem, D. Community policing en haar politionele ‘waarden’. In: Handboek Politiediensten. Gemeenschapsgerichte politiezorg. Afl. 59, 65, oktober 2001. p. 14. 135 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 9-10. 136 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 37-39. 137 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 40. 138 Gebiedsgebonden politiezorg. Politia Nova. (nr. 2, 2000). Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninksrijkrelaties. p. 15. Gebiedsgebonden politiewerk, een verkenning. (1997). Rapport van de Inspectie politie. Ministerie van Binnenlandse Zaken, Den Haag. pp. 23-24. 139 A lire pour ceux qui le souhaitent, tentatives intéressantes d'aperçu ou de synthèse: Greene, J. Evaluating Planned Change Strategies in Modern Law Enforcement, Implementing Community-Based Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 153. Bennett, T. Community Policing on the Ground: Developments in Britain. In Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. p. 229 (hernomen in Ponsaers, p. ) 134 - 44 - 4.3 COP ou POP? Le 'Community Oriented Policing' (fonction de police orientée vers la communauté) et le 'Problem Oriented Policing' (fonction de police orientée vers le problème) constituent les deux éléments centraux du concept général du community policing140. Ces dernières années, les points litigieux, les points communs et les éventuels recoupements entre les deux variantes141 ont suscité - en Belgique aussi - de vives discussions142. Il arrive que ce débat prenne la forme d'une querelle byzantine mais il garde toutefois toute son importance pour expliquer la nature de la relation entre les deux éléments. Dans les grandes lignes, le ‘community oriented policing’ et le ‘problem oriented policing’ sont des concepts qui se recoupent. Une approche de résolution des problèmes consistera souvent en un contact plus étroit avec le citoyen. Une approche axée sur la population utilisera fréquemment aussi des stratégies de résolution de problèmes. Cependant, les deux concepts se distinguent quant à leur finalité et à leurs points de prédilection. La méthode du problem-solving place la collaboration sous le signe de la lutte contre la criminalité et est décrite par conséquent comme une approche axée sur le crime. A cet effet, la police a besoin d'informations de la part de la population. Le contact avec le citoyen reste de ce fait plutôt instrumental, axé sur la résolution de problèmes spécifiques. Un des dangers est que la police va à nouveau trop s'orienter sur les problèmes qu'elle juge elle-même importants143. Quoi qu'il en soit, H. Goldstein, le père spirituel par excellence du ‘problem oriented policing’, souligne le fait que cette variante met l'accent principal sur la redécouverte de ce que fait la police familièrement, sur l'orientation de l'attention sur le large éventail de problèmes spécifiques auxquels est confrontée la police et sur la favorisation d'une approche plus analytique de ces problèmes. D'après lui, le problem-oriented policing exige de repenser l'ensemble de la fonction de police dans le sens de plus d'informations, de connaissances et d'expertises.144 Le ‘community oriented policing’ place la collaboration sous le signe de l'amélioration de la qualité de vie locale et par conséquent, est appelé la 'quality of life approach'. La critique est la suivante : si la police s'oriente trop sur le maintien des bonnes relations avec la population, elle accorde encore peu d'attention à ses tâches répressives principales et à la lutte contre la criminalité145. H. Goldstein dit que cette variante met l'accent principal sur un seul besoin essentiel dans la fonction de police, à savoir l'implication de la communauté146. Dans ce texte, nous partons de l'hypothèse d'un bon équilibre entre les deux éléments, tout à fait dans l'esprit de ce que les deux ‘godfathers’ du community policing, Trojanowicz et Bucqeroux, déclarent : ‘All community policing involves problem-solving, but not all problem-oriented policing is community policing’147. 140 Bureau of Justice Assistance. Understanding community policing. Washington, US Department of Justice. 1994. pp. 13-25. Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. Pp 30-54. 142 Van den Broeck, T. & Easton, M. Return to sender? De initiatieven tot community policing bij de rijkswacht. Politeia, jg. 2, 1997, februari, pp. 16-19, maart, pp. 16-19. 143 Moore, M. Problem-solving and community policing. In: Tonry, M. & Morris, N. (Eds.). (1992). Modern Policing. Crime and Justice: A Review of Research. Chicago: University of Chicago Press. 144 Goldstein, H. Law Enforcement News. Vol. XXIII, Nr. 461, February 14, 1997, pp. 8-11. 145 Moore, M. Problem-solving and community policing. In: Tonry, M. & Morris, N. (Eds.). (1992). Modern Policing. Crime and Justice: A Review of Research. Chicago: University of Chicago Press. 146 Goldstein, H. Law Enforcement News. Vol. XXIII, Nr. 461, February 14, 1997, pp. 8-11. 147 Trojanowicz, R. & Bucquerouw, B. (1990). Community Policing: A Contemporary Perspective. Cincinnati, OH: Anderson Publishing. p. 17. 141 - 45 - T. Van den Broeck et M. Easton résument bien les différences dans le tableau ci-dessous148. Modèle Initiative But Contact avec la population Problem oriented policing Community oriented policing La police élabore des La police élabore une projets collaboration avec la population et les autres organisations Détecter les phénomènes Collaboration avec la population de criminalité et aborder pour résoudre les problèmes de les problèmes secondaires l'environnement de vie de de manière policière manière policière et non policière Orienté sur le recueil Pour cerner les problèmes et d'informations sur les développer des stratégies phénomènes ensemble Présence provisoire axée Présence permanente axée sur sur la lutte contre le la collaboration de longue durée phénomène et l'appui Dans la fonction de police orientée vers la communauté, on opte clairement pour une interprétation large du concept de community policing par le biais de cinq piliers qui en constituent une partie intrinsèque et qui se renforcent mutuellement. S'il n'est pas satisfait au premier pilier (l'orientation externe), il ne peut jamais être question de fonction de police orientée vers la communauté. Cependant, le pilier de résolution des problèmes fait tout autant foncièrement partie de la fonction de police orientée vers la communauté. Le 'poids' de ce pilier par rapport aux autres dépend de l'importance que les autorités accordent à une solution à court terme de certains problèmes de sécurité et de qualité de vie et il est donc spécifique au contexte. Cela ne peut toutefois jamais avoir pour conséquence que la fonction de police orientée vers la communauté soit transformée en un simple ‘problem oriented policing’, pour ne pas parler de la variante assertive ‘zero tolerance policing’. 4.4 Le community policing est-il ‘soft on crime’? Il ressort déjà du chapitre précédent que l'image quelque peu 'soft' du community policing est erronée. Les mêmes objectifs sont poursuivis mais d'une autre manière, ce qui ne signifie pas 'en douceur'. Au contraire, le pilier axé sur les problèmes peut aussi se montrer 'dur'. Pourtant, le community policing continue à lutter contre ce préjugé, probablement parce que beaucoup de tentatives de mise en œuvre ont plutôt visé des objectifs de public relations. Le community policing ‘promet’ d'aborder les causes (profondes) de l'insécurité après les avoir analysées minutieusement. Ainsi, le concept se propose d'utiliser ces méthodes supposées efficaces et non pas de les aborder plus en profondeur - comme dans la fonction de police traditionnelle - avec des méthodes dont l'inefficacité a été révélée entre-temps149. Une approche efficace axée sur les problèmes requiert régulièrement plus le respect (rétablissement) de la loi, pas moins. Mais dans ce cadre, le respect de la loi est utilisé d'une manière instrumentale. En outre, par une telle approche, d'autres formes de compétences administratives, sociales et régulatrices sont appliquées (approche intégrale). Néanmoins, la différence est que le maintien de la loi poursuit ici un effet préventif au lieu d'être un objectif en soi150. 148 Van den Broeck, T. & Easton, M. Return to sender? De initiatieven tot community policing bij de rijkswacht. Politeia, jg. 2, 1997, mars, p. 17. 149 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 26. 150 Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. pp. 114-115 - 46 - Le community policing n'enlève rien à la tâche principale de la police. Elle a le monopole de la contrainte légale et doit employer des méthodes répressives pour accomplir son rôle exclusif dans la société. Le fait qu'elle adopte une attitude orientée vers la population et les problèmes n'est, à aucun égard, contradictoire. Il est même très important que la police fasse preuve de clarté et de précision dans son rôle répressif afin d'éviter tout malentendu au sein de la population quant aux limites de son mandat. 4.5 Théories sous-jacentes Si, d'un point de vue général, les mêmes objectifs sont poursuivis, la différence avec d'autres modèles policiers réside dans les moyens mis en œuvre (stratégies, tactiques, méthodes…). Le choix d'autres moyens est basé alors sur d'autres conceptions (manières) d'atteindre ces objectifs. Ces conceptions sont à leur tour basées sur des théories développées dans les diverses sciences sociales. Il semble pertinent de dresser un aperçu de ces principales théories parce qu'il ressort de l'étude scientifique que le manque de fondements intentionnels au niveau de la théorie constitue une des causes du manque d'efficacité de la police. On distingue deux tendances dans la littérature. La première souligne la base théorique philosophique du modèle policier, la deuxième développe l'hypothèse - entre-temps tristement célèbre - des ‘broken windows’. Des auteurs font également régulièrement référence à la théorie du contrôle social, la théorie ‘routine activity’ et la prévention situationnelle de la criminalité. Ces trois théories sont surtout les fondements du pilier du travail orienté vers la résolution de problèmes. Trojanowicz affirme que les deux principes théoriques du community policing pouvaient être - dans le passé - plus facilement mis en pratique (allusion à l'individualisation croissante de la société). La ‘normative sponsorship theory’ souligne le travail orienté vers la résolution de problèmes par le biais de valeurs partagées et de l'existence d'une communauté d'intérêts (community of interest). La ‘critical social theory’ fait appel aux citoyens et aux policiers 'éclairés' et 'empowered' par lesquels naît l'émancipation sociale151. Buerger affirme que le problème du règlement du comportement intervertit en fait la question restée ouverte de savoir si la 'implant hypothesis' (hypothèse de la mise en oeuvre) de Rosenbaum se confirme. Un groupe de citoyens motivés et impliqués peut-il mettre en œuvre un ensemble de valeurs sociales permettant le retour à la vie des quartiers délabrés ? Il affirme que, bien que les efforts initiaux visant à mettre en œuvre une cohésion sociale ont abouti à des résultats négatifs, la police, en tant que catalyseur, fait pencher la balance probablement du bon côté; tant par sa capacité à mobiliser la participation de la population que par son accès plus aisé aux autres institutions152. Skogan reformule la théorie des ‘broken windows’ : nous partons du lien causal entre la criminalité et les nuisances ou les troubles de l'ordre (disorder). Dans un quartier, les nuisances sapent les processus axés sur le contrôle social. Quand les nuisances augmentent, les gens ont tendance à se concentrer uniquement sur leurs propres problèmes et à négliger ceux de la vie locale. De plus, les nuisances attirent les criminels parce qu'ils reçoivent le signal d'une probabilité moindre de se faire arrêter parce que personne ne semble encore s'intéresser au quartier153. Trojanowicz, R.C. The Future of Community Policing. in Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. 152 Buerger, M.E. The Limits of Community. in Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. pp. 271-272. 153 Skogan W. G. (1990). Disorder and decline: Crime and the spiral of decay in American cities. New York: Free Press. 151 - 47 - Rosenbaum se base également sur cette même théorie en affirmant qu'il y a de plus en plus de preuves faisant suggérer que les problèmes de sécurité 'doux' et 'durs' sont liés; que l'échec de l'approche des problèmes ‘doux’ aggrave les ‘durs’ et qu'une approche indirecte de la criminalité via un maintien conséquent pourrait constituer une fonction de police efficace, efficiente et équitable dans les zones urbanisées. En ce qui concerne le travail orienté vers la résolution des problèmes, le même auteur fait référence à la ‘social disorganisation theory’ de Shaw et McKay. Cette théorie prétend que le comportement criminel est encouragé quand un quartier est socialement désorganisé, ce qui signifie qu'il n'est pas à même d'exercer un contrôle social informel efficace sur ses habitants et de poursuivre des objectifs communs comme la diminution de la menace de criminalité. Les quartiers socialement désorganisés sont incapables de créer des organisations locales ou de les maintenir en place. Il est moins probable que les habitants établissent des liens entre eux et puissent agir ensemble pour la sécurité et la qualité de vie si leur quartier est hétérogène et connaît une rotation importante de ses habitants. Dans le processus de résolution de problèmes, une large gamme de mesures préventives situationnelles de la criminalité (Clarke) sont prises pour diminuer la probabilité d'infractions et les mesures de prévention sociale de la criminalité peuvent être orientées sur les causes sous-jacentes de la criminalité. Il explique également que la théorie sur laquelle repose l'idée du partenariat est intéressante. Le principe est que les problèmes à aborder sont trop complexes et aux origines trop diverses pour être résolus au sein d'une seule et unique organisation. Le processus de la définition exacte des problèmes et de la réaction efficace exige de la coordination et la mise en œuvre de moyens provenant de plusieurs sources; d’où la création typique de partenariats afin de développer et mettre en place des stratégies globales et coordonnées. Enfin, cet auteur déclare qu'une des leçons les plus fondamentales que la société américaine doit encore apprendre est que les programmes de prévention donnent toujours de meilleurs résultats en termes de coût-bénéfice que les approches réactives. La seconde leçon, en matière de prévention, est que au plus tôt on intervient dans le processus de développement, plus l'effet est important au niveau de l'ordre et de la sécurité154. Bennett déclare qu'une des tactiques britanniques de community policing les plus répandues, à savoir les ‘neighbourhood watch schemes’ (sorte de réseaux d'information de quartier), sont basés sur une combinaison de théories relatives à la prévention situationnelle de la criminalité et la perspective du contrôle social155. Bayley se montre cependant critique à cet égard : il affirme qu'une des thèses fondamentales du community policing est que les citoyens ordinaires seront capables d'entreprendre une action efficace contre la criminalité, si cette action est bien orientée et organisée (par la police). Il estime cette assertion non prouvée156. Enfin, Crawford déclare que les universitaires et les politiques se sont rendu compte de l'intérêt des mécanismes du contrôle social informel dans la lutte contre la criminalité. Trois étapes (dans la création de la théorie) dans le domaine des processus informels de contrôle social ont eu un impact constant dans la prévention de la criminalité. Le premier est le travail influent d'Oscar Newman (1972) qui développait l'ancien travail de pionnier de Jacobs (1961) dans le développement du concept de ‘defensible space’ (espace défendable). La deuxième contribution importante a été apportée par Wilson et Kelling et leur thèse des ‘broken windows’, selon laquelle la dissolution du contrôle social informel causée par un niveau élevé de nuisances et de signaux de détérioration entraîne plus de criminalité dans un cycle de délabrement urbain. 154 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. 155 Bennett, T. (1990). Evaluating Neighbourhood Watch. Aldershot: Gower Publishing Company Limited. 156 Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. p. 118. - 48 - La troisième contribution - celle de ‘l’opportunity theory’ et de la prévention situationnelle de la criminalité, davantage développée par Ron Clarke et ses collègues - prétend que la majeure partie de la criminalité est de nature opportuniste (dans le sens des probabilités) et que ces probabilités peuvent être limitées par la diminution tant de l'attrait de l'objet de la criminalité que par la possibilité physique de réduire la criminalité en rendant les infractions plus difficiles à commettre. Crawford précise toutefois à juste titre que toutes ces théories reposent sur une antithèse intellectuelle par rapport à l'idée que la criminalité est causée par des facteurs socio-économiques prédestinés dans la société qui s'expriment dans un comportement criminel individuel157. Brodeur évoque les éléments de la théorie du travail axé sur la résolution de problèmes. Un premier élément de la définition des problèmes rencontrés par la police est qu'ils sortent du cadre même de l'organisation policière. Un deuxième élément est la spécificité de chaque problème qui entraîne que la solution doit toujours être sur mesure. Un troisième élément semble s'opposer au précédent : là où la spécificité réduit le foyer d'un problème et rend la solution plus vraisemblable, il y a quand même aussi une dimension de diversité par rapport à un problème. En effet, pour chaque intéressé, un problème est ou semble différent aux autres qui l'observent. Dès lors, la solution est également beaucoup plus complexe et elle exige une approche multifonctionnelle. A cet égard, il affirme que la théorie appelée 'interactionisme symbolique' est cruciale pour le travail axé sur la résolution des problèmes. Et un dernier élément des problèmes auxquels la police se voit confrontée est que ceux-ci n'ont pas toujours de solution parce que la police est toujours la dernière instance à laquelle on s'adresse finalement puisqu’elle est disponible et accessible en permanence (ce qui ne veut pas encore dire que la police serait l'instance définitive pour le problème). A cet égard, le fondateur du travail orienté vers la résolution de problèmes, Herman Goldstein, souligne les limites de la capacité de la police pour résoudre les problèmes et ce contrairement à son image d'omnipotence158. Chalom le confirme en insistant sur le fait que la complexité de l'insécurité et de la délinquance urbaine est de nature telle que n'importe quelle solution satisfaisante se trouve pour l'instant en dehors du domaine de la capacité répressive dont la police dispose159. 4.6 Le community policing a-t-il déjà mené à des résultats? On pourrait mettre en œuvre la fonction de police orientée vers la communauté parce qu'entre-temps, il a été suffisamment démontré que la fonction de police traditionnelle n'est pas efficace. On pourrait aussi défendre l'idée que c'est une forme plus démocratique de fonction de police et, rien que pour cela, la mettre en oeuvre. Cependant, on doit oser s'interroger d'une manière critique sur les éventuels résultats obtenus par le community policing. C’est seulement ces dix dernières années que les résultats ont été observés d'une manière scientifique et qu'ils ont été publiés (en premier lieu, Rosenbaum-1994 et ensuite Brodeur-1998). La synthèse et la conclusion répondent à cette interrogation par un 'oui, si' très nuancé. Le 'oui' très prudent et modéré est discuté dans ce chapitre. Les raisons du succès dérisoire et donc les conditions du 'si' seront traitées dans le chapitre suivant. Le community policing a souvent pour conséquence que la population exprime, via des sondages, un contentement plus général vis-à-vis du fonctionnement de la police. Cependant, cela en dit plus sur un sentiment positif général relatif à la façon dont les choses se déroulent dans la société que sur le fonctionnement de l'objet de l'enquête lui-même, en l’occurrence la police)160. Crawford, A. (1997) The Local Governance of Crime: Appeals to Community and Partnerships. Clarendon Press – Oxford. Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp. 44-48. 159 Chalom, M. Le policier et le citoyen, Pour une police de proximité. (1998). Liber. p. 94. 160 Brodeur, J.-P. Introduction. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p xvi. 157 158 - 49 - Etant donné que le community policing vise, entre autres, à multiplier le nombre de contacts entre la police et la population, relations dans lesquelles il n'est pas question de contrainte, il est certainement possible d'améliorer la satisfaction publique. Toutefois, cette satisfaction accrue n'a qu'une valeur très limitée parce qu'il s'avère que ceux qui sont en contact ‘contraint’ avec la police (en particulier les victimes et les auteurs) sont justement les plus mécontents du fonctionnement de la police. Cela signifie que les programmes de community policing s'efforcent plus de redorer le blason de la police que de se pencher sur l'efficacité de ses tâches de base. On a découvert que l'effet principal se manifestait à chaque fois dans l'amélioration du comportement de la population envers la qualité du service policier161. De plus, il s'est avéré que l'amélioration de la réputation et de la satisfaction publique est devenue un objectif en soi qui, de surcroît, a été 'abusé' par la police pour obtenir davantage de moyens162. Le modèle de community policing utilise le terme 'communauté', donc, personne ne peut être contre une telle forme de fonction de police, ce qui s'avère important pour obtenir à la fois l'appui du public et du politique, nécessaire pour les réformes y afférentes. Mais tant les politiques que la police ont abusé du concept en collant l'étiquette ‘community policing’ sur n'importe quelle initiative, obtenant de la sorte des moyens (financiers). Le modèle génère la plupart du temps de (trop) grandes attentes et donne au public l'impression qu'il s'agit de la recette idéale pour résoudre n'importe quel problème actuel de sécurité ou de qualité de vie163. Les résultats les plus évidents et les meilleurs ont été atteints dans des programmes de travail intensif orienté vers la résolution de problèmes, axé sur les 'hot spots’164. Il est parfois tout bonnement impossible d'obtenir des résultats parce que la police est confrontée à des problèmes qu'elle ne pourra jamais résoudre165. Les programmes, très prisés, de ‘neighbourhood watch’ n'ont que peu d'influence sur la criminalité. Dans le meilleur des cas, le sentiment de sécurité s'accroît et la communication entre la population et la police s'intensifie, ce qui renforce la bonne réputation de cette dernière et procure plus de satisfaction aux policiers166. Il s'est avéré aussi que la plupart de ces initiatives n'étaient pas bien mises en œuvre. Il s’est confirmé également qu’en Angleterre, berceau de ces initiatives, l'implication des citoyens était dérisoire167. Les problèmes qui se posent quant à la collaboration avec les communautés sont plus graves que ne l’entrevoient beaucoup d'experts. L'éducation du public par le biais d'une stratégie professionnelle de marketing contribue certainement à établir un partenariat plus fonctionnel entre la police et la population, mais les problèmes pour mobiliser les habitants locaux sont plus profonds. Dans plusieurs quartiers reculés, le manque de collaboration de la population s'explique par des sentiments de désespoir, d'impression qu'il n'y a pas d'issue, par la peur des bandes urbaines, ainsi que par une méfiance profondément enracinée et une mauvaise entente avec la police168. 161 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. pp 41-42. 162 Sacco, V. Evaluating Satisfaction. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p 136. 163 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 6. 164 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 22. Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. p. 117. Braga, A. A., et al., Problem-oriented policing in violent crime places : a randomised controlled experiment, Criminology, Vol. 37, n° 3, 1999, p; 549-555. Leigh, A., Read, T., Tilley, N., Problem-oriented policing. Crime detection and prevention series, Paper 75, Home Office, 1996. 165 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p 46. 166 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p 35. 167 Bennett, T. Police and Public Involvement in the Delivery of Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 120. 168 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 27. - 50 - A moyen terme, le community policing mènerait cependant à une baisse relativement importante du nombre d'appels publics pour une intervention policière169. Il s'est également avéré que la création d'une relation solide et durable entre la police et la communauté est une donnée très problématique. On en est même arrivé à la conclusion que l'hypothèse, selon laquelle les habitants d'un quartier veulent des contacts plus nombreux et plus étroits avec la police, est infirmée170. En outre, de tels programmes sont régressifs au lieu d'être progressifs parce qu'ils s'orientent souvent sur les mauvais groupes-cibles. Cela s'explique par le fait que les groupes démographiques organisés au mieux saisissent l'occasion pour utiliser la police à leur avantage et aussi par le fait que la police se sent plus à l'aise dans cette partie de la société171. Cependant, il s'est avéré que le community policing constitue, via les organes locaux de concertation initiés, une voie structurée pour la participation active de la population à l'identification du problème et de la fixation des priorités et qu'il crée un canal le long duquel la population peut obtenir une justification sur les prestations policières172. Souvent, il était vraisemblable que les initiatives étaient orientées vers les mauvais territoires et les groupes-cibles qui en avaient le moins besoin173. Mais si ces organes de concertation sont 'imposés' par les autorités 'centrales', les résultats obtenus sont à nouveau plus décevants. La présence de la population aux réunions de concertation s'est révélée plutôt faible et certains groupes sociaux n'étaient jamais représentés. La connaissance et la perception de la police étaient également trop peu élevées pour que la population puisse se considérer comme un partenaire impliqué de manière équivalente. C'est pourquoi les réunions, lors desquelles la police donnait des informations sur l'évolution de la criminalité et surtout insistait sur son manque de moyens pour pouvoir y remédier efficacement, sont devenues unilatérales. Quoi qu'il en soit, ces réunions ont mené à plus de compréhension voire de sympathie pour le fonctionnement et les efforts de la police174. Certains auteurs arrivent quand même à la conclusion prudente que le community policing a un certain effet sur la perception de la criminalité par la population et sur le jugement relatif à la qualité du service policier, éventuellement même sur la criminalité proprement dite. En outre, les sentiments d'insécurité diminuent grâce à une visibilité policière accrue et les programmes proposant une interaction plus intense entre la population et la police entraînent presque toujours un meilleur jugement des services de la police. Le community policing obtient des résultats dans l'approche des problèmes de voisinage et influence la crainte de la criminalité. Et, d'une manière ou d'une autre, il n'obtient pas de plus mauvais résultats quant à la maîtrise de la criminalité et en obtient de, quelque peu, meilleurs dans l'approche des nuisances et des sentiments d'insécurité dans les communautés que le modèle policier traditionnel175. 169 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p 35. 170 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 89. 171 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 90. 172 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 91. 173 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 95. 174 Bennett, T. Police and Public Involvement in the Delivery of Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 120. 175 Greene, J. Evaluating Planned Change Strategies in Modern Law Enforcement, Implementing Community-Based Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 144. - 51 - Un seul auteur conclut néanmoins que la fonction d'intervention, la réponse aux appels à l'aide de la population, serait le meilleur moyen d'apprendre à mieux connaître les quartiers et non pas donc l’orientation vers la population que préconise le community policing176. Bayley, l'auteur qui a effectué l'étude comparative la plus internationale sur l'efficacité du fonctionnement policier, résume ses conclusions comme suit. 'Nous ne savons pas si le community policing fonctionne. En général, son effet est minime même si parfois, les résultats sont contradictoires. Les meilleurs résultats se manifestent dans des activités orientées vers les problèmes. Il n'est pas prouvé que les citoyens peuvent entreprendre une action contre l'insécurité. Des initiatives telles que 'neighbourhood watch' n'influencent pas la criminalité. D'ailleurs, elles agissent mieux là où elles ne sont pas vraiment nécessaires, et moins bien là où elles sont le plus requises. En conclusion, ce n'est pas le modèle qui échoue mais en premier lieu sa mise en œuvre (défectueuse)’177. Il faut toutefois éviter tout pessimisme à cet égard. Wycoff et Skogan 178 disent : ‘il est possible de “plier le granit” (Guyot, 1979)179. Il ressort de l'évaluation d'une réorganisation interne fructueuse qu'il y a eu des conséquences positives pour le service policier suite à une approche community policing. Un des facteurs critiques de succès pour bien faire réussir une réorganisation tellement fondamentale est la création d'un organe extérieur et supérieur à la police que le chef de police et son organisation désigne responsable et quis'occupe de la réalisation des nouveaux objectifs à atteindre180. Il semble évident que ce rôle revient aux autorités de police responsables. Aronowitz181 souligne lui aussi les conséquences positives. Pour commencer, l'approche a des conséquences pour la communauté : les citoyens sont plus impliqués dans l'identification des problèmes dans le quartier et la relation avec la police s'améliore. De plus, elle favorise l'autonomie des citoyens qui, au lieu d'adopter une attitude passive, jouent un rôle plus actif dans le maintien de la sécurité et de la qualité de vie dans leur propre quartier. Un autre effet a trait au maintien de l'ordre juridique; non seulement la tendance à la dénonciation de la population des quartiers concernés s'accroît, mais on constate aussi une diminution de la criminalité et une amélioration des sentiments de sécurité. Aux Pays-Bas, les équipes de quartier de Haarlem ont été évaluées dans les années septante182. La sécurité s'était considérablement améliorée suite à la formation des équipes de quartier et les problèmes cités par les habitants ont diminué. De plus, la police était jugée plus positivement qu'avant dans les quartiers concernés. Ces effets positifs ne se sont cependant pas manifestés dans un des quartiers étudiés. Il s'agissait d'un quartier dit 'difficile' où il n'y avait de surcroît pas de bureau supplémentaire ouvert comme dans les autres. Ici, la police n'était donc ni plus accessible ni plus disponible. D'autres régions du pays n'ont pas noté non plus d'effet favorable frappant suite à la présence des équipes de quartier. 176 Brodeur, J.-P. Tailor-made Policing, A Conceptual Investigation. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p 48. 177 Bayley, D. Police for the Future. (1994). Oxford University Press. p. 117. 178 Wycoff, M.A. & Skogan, W.G. Community Policing in Madison – An Analysis of Implementation and Impact. in Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publications. p. 88. 179 ‘Het is mogelijk om graniet te buigen’. 180 Moore, M.H. Problem-Solving and Community Policing. in Tonry, M. & Morris, N. (eds.) (1992). Modern Policing, Crime and Justice: A Review of Research. Chicago: University of Chicago Press. 181 Aronowitz, A. Progress in Community Policing. In: European Journal on Criminal Policy and Research. Vol. 5-4, 1997. 182 Broer, W. & Schreuder, C. &n van der Vijver, C. Eindbalans organisatieverandering politie Haarlem. Resultaten na drie jaar werken met wijkteams. Den Haag, Ministerie van Binnenlandse Zaken, 1987. - 52 - M. Straver, l’un des fondateurs du renouveau policier aux Pays-Bas, affirme que le concept a prouvé sa valeur : le renforcement de l'orientation externe de la police, l'amélioration de la relation avec la population, une plus grande implication dans les problèmes relatifs à la sécurité et à la qualité de vie et de là une approche plus axée sur les problèmes une collaboration avec les autres 'pour aller au devant des problèmes’ 183. Sherman est une source qui apporte un nouvel élément très important184. Il a également effectué une étude approfondie sur l'efficacité du community policing. Il prétend que l'effet préventif du community policing est supposé de quatre manières : ‘Neighbourhood watch’ : l'encouragement du contrôle par les habitants des quartiers effaroucherait les criminels parce que les auteurs potentiels savent que les habitants sont sur leurs gardes; Informations de la part des communautés : l'augmentation du flux d'informations sur les suspects, les auteurs et les situations suspectes de la population destinées à la police (par l'accroissement des contacts, par les réunions de quartier et par la confiance plus intense) augmentent les chances d'arrestation des auteurs. Ce même flux d'informations améliore la capacité de résoudre les problèmes de la police; Information du public sur la criminalité : l'augmentation du flux d'informations sur les infractions destinées à la population offre plus de possibilités à la population de se protéger elle-même, surtout s'il s'agit de tendances récentes de modèles et de risques criminels; La légitimité de la police : la police ne doit pas seulement être vue comme légitime pour mériter la confiance nécessaire de la population en tant que responsable du maintien de l'ordre et du respect de la loi, mais une organisation policière légitime stimulerait plus le respect de la loi. Il arrive à la conclusion que les résultats (des tests disponibles) des hypothèses sur lesquelles le community policing se base sont mixtes. La preuve que la prévention de la criminalité tire profit de l'augmentation des informations émanant de la population et fournies à la police, est très prometteuse. Les deux tests dans lesquels la police envoie plus d'informations à la population sont convaincants mais ne prouvent pas l'exactitude des hypothèses. Le plus important cependant est que l'hypothèse de la légitimité semble suffisamment confirmée. Il ressort de diverses études et évaluations qu'il existe une corrélation forte entre la légitimité de la police et la disposition de la population à respecter la loi. 4.7 Causes de la mise en œuvre défectueuse du community policing L'inventaire des résultats du chapitre précédent révèle que ceux-ci sont plutôt limités. Toutefois, tous les auteurs s'accordent à dire que le modèle en lui-même n’est pas inefficace mais que sa mise en pratique semble échouer à chaque fois. L'analyse du chapitre précédent permet déjà de distinguer les raisons de ces échecs. La raison principale, mais tellement fondamentale qu'elle est une constatation, le fait que les organisations policières demeurent impénétrables et très réticentes au changement. Elles disposent apparemment d'une capacité d'infléchir, de réduire voire d'empêcher toute tentative de modification. Presque toutes les études portant sur la mise en œuvre du community policing concluent que la structure et la culture de la police en sont les obstacles principaux185. Le conservatisme, l'intérêt personnel de divers groupes au sein de la police et la forte résistance (au changement) des agents exécutants et des jeunes cadres moyens sont les principales raisons186. 183 Straver, M. Gebiedsgebonden politiezorg. In: het Tijdschrift voor de Politie. Elsevier. Jaargang 63, nummer 9, september 2001. p. 24. 184 Sherman, L.W. & Gottfredson, D. & MacKenzie, D. & Eck, J. & Reuter, P. & Bushway, S. (1997). Preventing crime: What works, What doesn’t, What’s promising, in http://www.ncjrs.org/works. 185 Greene, J. Evaluating Planned Change Strategies in Modern Law Enforcement, Implementing Community-Based Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 145. 186 Bennett, T. Community Policing on the Ground: Developments in Britain. In Rosenbaum, D.P. (1994). The Challenge of Community Policing – Testing the Promises. Thousand Oaks, London: SAGE Publication. p. 233. - 53 - Néanmoins, il ne s'agit pas de constater l'impossibilité d'apporter de tels changements mais de faire référence aux nombreux problèmes émergents de mise en œuvre : formation et supervision inadéquates procédure top-down et bureaucratie axée sur les règles qui réduisent exagérément la liberté d'action nécessaire des agents exécutants systèmes dépassés de mesure des prestations qui mesurent la productivité dans les activités de maintien de la loi moyens limités pour exécuter les nouvelles tâches et activités et avant tout, résistance des membres du personnel à toute forme de changement. En général, cela démontre que les organisations ne sont tout simplement pas 'mûres' pour une réforme fondamentale et se limitent à la création d'un département spécialisé ou au lancement d'un programme (test) limité. Cela signifie que dans la plupart des organisations policières, des changements profonds dans l'organisation sont nécessaires en tant que condition préalable de base avant de pouvoir procéder à mettre le community policing en œuvre. En particulier, il faut d'abord et avant tout se pencher sur les systèmes de sanction, de rémunération et d'appréciation qui influencent et dirigent considérablement le comportement des policiers. Le comportement des exécutants sur le terrain ne changera pas tant que le système d'appréciation 'récompense' des aspects de la fonction de police traditionnelle et ne soutient pas le comportement souhaité correspondant à la fonction de police orientée vers la communauté187. La résistance du personnel exécutant, en particulier des plus jeunes agents, semble très souvent concerner le fait qu'ils sont très réticents à l'idée de laisser leur 'emploi du temps' déterminé par des civils. Ils pensent que certaines composantes de la population poseraient des exigences déraisonnables et que des civils seraient uniquement disposés à travailler avec la police pour poursuivre des intérêts personnels ou politiques. Les agents s'inquiètent aussi de la manière dont ils seront traités pendant les réunions de quartier et partent du principe qu'ils seront encore plus submergés par les problèmes et le travail qu'auparavant. En conclusion, on peut affirmer que pour eux, la population joue le rôle des 'yeux et des oreilles' de la police188. 187 Rosenbaum, D. The Changing Role of the Police, Assessing the Current Transition to Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 27. 188 Skogan, W. Community Participation and Community Policing. In: J.-P. Brodeur (Ed). (1998). How to Recognize Good Policing. SAGE Publications. p. 90 - 54 - De plus, il apparaît dans la pratique que le travail de l'agent de quartier (à savoir le fonctionnement géographique orienté vers la population) est peu populaire à la police. La perception générale est que le travail est ennuyeux, n'a pas de prestige et n'a rien à voir avec le 'véritable' travail policier 189. Aux Pays-Bas également, une évaluation du travail policier de quartier, qui constituait à l'époque la variante néerlandaise du community policing, a démontré que plusieurs problèmes se posaient, à savoir le grand isolement des agents de quartier, leur position relativement inférieure dans le reste de l'organisation policière, leur manque de pouvoir. Les équipes de quartier rencontraient autant de problèmes : une mauvaise image de marque personnelle, des problèmes de rejet du reste de l'organisation, un travail souvent trop peu innovant en direction du public. Nous pouvons aussi déduire les motifs dans la réponse à la raison pour laquelle nous procédons à la fonction de police orientée vers le territoire, dans la nouvelle variante : 'La fonction de police orientée vers le territoire doit offrir une solution, par l'implication personnelle des fonctionnaires de police territoriaux190, par l'intégration telle dans l'organisation qu'il n'est pas question d'isolement; par l'appui du corps aux fonctionnaires chargés de la conduite et de la fonction de police orientée vers le territoire (sur base de la connaissance du quartier)’191. Deux autres éléments sont sûrement encore importants dans le contexte belge. Van den Broeck souligne que les pays latins, comme la Belgique, ont peu de traditions relatives à une politique policière et de sécurité dirigée par des structures décentralisées qui envoient souvent des signaux contradictoires localement sur le degré de participation (dans une direction de la fonction de police) que peut recevoir la population. Il fait également allusion à la tendance (politique) de donner la préférence à des résultats rapides sur la base d'emplâtres à cause de la pression de certains partis qui ont fait de la sécurité un thème de campagne192. 4.8 La police ne peut y arriver seule ! C. van Dijk obtient un modèle explicatif de qualité de vie et de sentiments de sécurité (ou insécurité) dans le quartier en se basant sur des analyses menées sur plusieurs années des résultats du moniteur de police néerlandais. Grâce à lui, il a été capable de distinguer des liens évidents ou des liens dissimulés des relations explicatives réelles, également appelés liens causaux. Les 'théories' usuelles générales comme le fait qu'une présence plus marquée de la police en rue contribuerait à moins de sentiments d'insécurité ou qu'un voisinage plus propre favorise la sécurité sont des idées qui, d'après ses analyses, ne reposent sur rien de concret. Souvent, il n'est question ici que de ‘liens bidons’ même s'il est vrai que la pagaille et la saleté en rue se présentent plus dans les quartiers peu sûrs mais que ce délabrement visuel n'influence pas le degré des sentiments de sécurité/insécurité193. Le facteur explicatif principal par excellence, tant pour la qualité de vie que pour les sentiments de sécurité/insécurité dans le quartier, est la qualité sociale du quartier en question, en d'autres termes la mesure dans laquelle les habitants se connaissent, la quantité et la qualité des liens sociaux dans le quartier. 189 Bennett, T. Police and Public Involvement in the Delivery of Community Policing. In Brodeur, J-P. (ed.) (1998). How to recognize good policing. Problems and Issues. Thousand Oaks, London, New Delhi: SAGE Publications. p. 114. 190 Fonctionnaires de police liés au territoire. 191 Gebiedsgebonden politiezorg. Politia Nova. (n° 2, 2000). Ministerie van Binnenlandse Zaken en Koninkrijksrelaties p. 68. 192 Van den Broeck, T. Community policing and democratic policing: will the two ever meet? Paper voor de International Conference on Evaluating Community Policing. Augustus 2000. VUB. 193 Cela ne doit pas signifier que les actions de ramassage n'ont pas de sens. En effet, il est toujours plus agréable de vivre dans un quartier plus propre même si le ramassage ne rend pas automatiquement le quartier plus sûr. - 55 - Tout aussi important, van Dijk affaiblit en grande partie la théorie des ‘broken windows’. Il prétend qu'il y a bel et bien un lien extérieur fort entre la qualité de vie et les sentiments de sécurité/insécurité (ce qui est le fondement de la théorie des ‘broken windows’), mais que ce lien disparaît au niveau des facteurs explicatifs. L'essence ne se trouve pas substantiellement dans le lien entre la qualité de vie et les sentiments de sécurité/insécurité, mais bien dans les liens causaux qui expliquent et la qualité de vie et les sentiments de sécurité/insécurité, à savoir la qualité sociale. Après analyse des deux modèles causaux présentés dans le texte ci-avant, nous devons arriver à la conclusion qu'il n'est question que d'un impact positif sur la qualité de vie et les sentiments de sécurité/insécurité si la police et la commune se penchent sur ces facteurs explicatifs sur lesquels ils peuvent avoir un impact respectif à partir de leur domaine personnel de responsabilité et de compétence. Autrement dit, il n'est pas très sensé de travailler sur le degré de nuisance, la menace et l'état de victime de cambriolages, les délits avec violences et les dégradations dans le quartier, comme police orientée vers la communauté si la commune n'agit pas simultanément pour améliorer la qualité sociale du quartier en question ! Avant de nous pencher sur les implications opérationnelles et organisationnelles de la mise en oeuvre du concept de fonction de police orientée vers la communauté, il est recommandé de discuter des critiques principales du modèle ou encore des risques qu'il comporte. 4.9 Note critique Il a déjà été souligné que le community policing n'est ni clairement défini ni généralement accepté. En général, il constitue un 'concept fourre-tout’ et il y a différents courants qui placent activement ces différents accents sous cette dénomination. Le risque ici que n'importe quelle initiative soit introduite avec une étiquette de 'community policing' est loin d'être imaginaire. Cela crée une confusion, à la fois dans l'organisation policière et parmi la population, quant au véritable but que l'on poursuit. Outre les problèmes sérieux déjà débattus d’une mise en œuvre infructueuse, on doit toujours veiller à ce que le community policing ne devienne pas un concept sans queue ni tête. Le plus grand danger est alors qu'on abandonne ce concept démocratique prometteur de fonction de police parce qu'on ne sait ni le définir ni en fixer les limites. Un deuxième danger apparaît dans le fait que l'on dépeint trop souvent la communauté comme étant 'unique'. En réalité, surtout dans les zones urbaines, la police est souvent confrontée à des communautés très diverses - caractérisées par différentes cultures et différents contextes socioéconomiques - qui vivent ensemble dans les mêmes quartiers ou constituent chacune un quartier. Les habitants de ces quartiers n'attendent pas tous un maintien de la norme de la même façon et avec les mêmes priorités. Très fréquemment, les adeptes du community policing en font abstraction. La relation police-population est alors présentée par définition comme harmonieuse. La collaboration est considérée comme évidente et axée sur un intérêt commun manifeste. Mais cette situation est d'ordinaire déterminée par la police. Un danger se dissimule sous ce consensus apparent. On choisit trop facilement le maintien ou la réinstauration des valeurs d'une classe moyenne et on trouve trop évident que celles-ci soient partagées par tous les autres groupes. Le rétablissement du contact avec la population est alors souvent interprété comme la constitution d'alliances avec les 'law abiding citizens', les parties de la population qui respectent la loi. La police doit cependant consacrer de l'attention à toutes les couches de la population, et quand c'est possible collaborer avec toutes, étant donné le rôle qu'elle joue dans une société évolutive, conformément à l'article 1 de la loi sur la fonction de police. Le community policing repose en partie sur une plaidoirie modernisée pour l'esprit de communauté. Plus d'esprit de communauté s'exprimerait dans l'application d'un contrôle social plus informel dans le quartier. A cet égard, on fait souvent référence au temps où tout le monde se connaissait dans le quartier et où tous se surveillaient les uns les autres. Le fait de (trop) insister sur les valeurs communautaires (partagées) peut mener à une oppression des notions comme la pluralité et la tolérance. Une suraccentuation du contrôle social peut être étouffante, voire engendrer des oppositions - 56 - au sein des communautés. D'ailleurs, on se demande dans quelle mesure la 'pénétration' de la police et du contrôle social informel qu'elle organise est possible. Il faut en tout cas être conscient qu'on court le risque que le community policing se traduise en une sorte de 'undercover social'. En particulier quand l'accent est mis sur la lutte contre les 'nuisances' - un concept peu défini comme le community policing proprement dit -, on doit craindre que l'augmentation du contrôle social formel et informel n’entraîne une érosion des libertés individuelles et collectives194. Dans le même contexte, on s'interroge sur l'utilisation des informations sociales dont la police dispose grâce au community policing. Dans ce modèle, la police passe d'un modèle pénal strict à un modèle social plus large dans lequel les informations doivent être opportunes à tous pour détecter les problèmes, en identifier les causes et y trouver une solution adéquate. Par conséquent, il ne semble pas logique que ces informations appartiendraient uniquement à la police et - encore beaucoup moins que la police pourrait utiliser ces informations à des fins répressives. Ce danger ne peut pas être sous-estimé parce que, dans un modèle de community policing aussi, bon nombre de gens continuent à croire que la police combat le crime et le risque est toujours présent que la police 'abuse' des informations sociales à tout moment. Surtout quand la police utilise des méthodes proactives - à raison - dans l'approche orientée vers les problèmes sur la base d’informations recueillies - il se peut que ce ne soit pas l'amélioration de la qualité de vie dans le quartier qui soit visée (avec transparence ou non) mais plutôt l'accroissement du contrôle sur les 'groupes à risques'. Cette crainte est mentionnée, à juste titre, par d'autres acteurs dans un lien de collaboration avec le secteur social et de prévention. Ce secteur fait preuve de méfiance pour former un 'réseau' avec la police parce qu'il craint une criminalisation de son domaine d'action et une stigmatisation de son publiccible. L'apport de la population et d’autres acteurs de sécurité ainsi que leur collaboration ne peut pas passer d'une définition, d'une analyse, de priorités et d'approche des problèmes communs au développement de méthodes plus efficaces pour la police, dans lequel son rôle d'unique responsable de la lutte contre le crime serait maintenu voire renforcé. Ce danger s'exprime de manière éloquente dans la différence entre une 'police de proximité', qui implique un noueau genre de fonction de police, et une 'proximité de la police', qui signifierait tout au plus qu'on fait la même chose quelque peu différemment195. ****** 194 Van den Broeck T. & Eliaerts, C. Community policing: een basis voor de politiezorg in ons land? In: Politeia, jaargang 5, 1995, nummer 9, pp. 8-9. 195 Hendrickx, T. & Smeets, S. & Strébelle, C. & Tange, C. La police de proximité en Belgique, un bilan des connaissances. In: Les dilemmes de la proximité. (2000). Les cahiers de la sécurité intérieure, IHESI, Paris, pp. 19-23. - 57 -