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Ecroulement de blocs de glace
Les chercheurs ont calculé que, de 2012 à 2014, la vitesse d’écoulement de ce géant glacé vers la côte a
augmenté d’environ 50 %. Et surtout, que la superficie de sa langue terminale flottant sur la mer, ou
plateforme flottante, a été réduite de 95 %. C’est ici qu’intervient la montée des eaux. « En se rétractant, la
langue flottante perd sa capacité à retenir la partie amont du glacier, qui va donc s’écouler plus vite vers
l’océan et précipiter le vêlage d’icebergs, c’est-à-dire la rupture et l’écroulement de blocs de glace »,
explique Gaël Durand.
« Le glacier est en train de se briser en morceaux et de vêler de gros volumes d’icebergs dans l’océan,
constate Jérémie Mouginot. Cela va se traduire par une hausse du niveau de la mer dans les décennies à
venir. » Quelle en sera l’amplitude ? Les chercheurs ont calculé que le Zacharie renferme suffisamment
d’eau congelée pour faire monter le niveau moyen des mers du globe, s’il s’effondre entièrement, de près
d’un demi-mètre.
La faute au réchauffement, et même à un double réchauffement. « Le Zachariæ Isstrøm est touché par le
dessus et par le dessous, indique Eric Rignot, professeur de sciences de la Terre à l’université de Californie
et cosignataire de l’étude. Le sommet du glacier fond en raison de décennies d’augmentation continue des
températures de l’air, tandis que sa base est sapée par des courants charriant une eau océanique plus
chaude. » Au total, le Zacharie perd désormais cinq milliards de tonnes de glace par an.
Les chercheurs se sont aussi penchés au chevet d’un glacier voisin, le Nioghalvfjerdsfjorden (dont il n’existe
pas de nom francisé), de masse équivalente. Il apparaît qu’il fond lui aussi « rapidement », mais « à un
rythme plus lent » que le premier. Peut-être parce que sa langue est encaissée dans un fjord qui le protège.
Toutefois, préviennent les auteurs, « sa plateforme flottante est susceptible de se briser dans un futur proche
si elle continue de mincir ».
« Changements stupéfiants »
Or, à eux deux, ces glaciers drainent 12 % de la calotte groenlandaise. Leur effondrement complet
entraînerait une hausse globale du niveau des mers d’environ 1 mètre. Un chiffre qui obligerait à réviser à la
hausse les projections du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), qui
prévoit, en fonction des scénarios de réchauffement, une élévation du niveau marin de 26 cm à 98 cm à la fin
du siècle. Les experts du climat, dont les premiers rapports négligeaient l’impact de la fonte des calottes
polaires, l’ont pourtant intégré à leurs dernières conclusions, en 2014, mais l’ampleur de ce phénomène reste
difficile à évaluer.
« Il y a peu encore, nous nous interrogions sur l’effet, sur les niveaux marins, d’un retrait des grands
glaciers terrestres, commente Eric Rignot. Nous n’avons pas à nous interroger plus longtemps : nous
pouvons observer directement les conséquences du réchauffement climatique sur les glaciers polaires. Les
changements sont stupéfiants et affectent maintenant tout le Groenland. »
« Des modélisations physiques permettraient de mieux décrire le comportement futur des glaciers polaires
et d’estimer à quelle vitesse ils vont relarguer de la glace vers l’océan, estime Gaël Durand. Mais cette
étude est importante, car, jusqu’à ces dernières années, on pensait que la partie nord-est du Groenland
restait plutôt stable. On voit aujourd’hui qu’elle est en train, elle aussi, de réagir au changement
climatique. »