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FRANCE-LIBAN : UNE NECESSAIRE
ENTENTE CORDIALE
Par Walid ARBID
Introduction
Soucieuse de rester un acteur global des relations
internationales, la France redéfinit actuellement sa
politique étrangère en cherchant à préserver ses liens
avec ses partenaires privilégiés, l’Afrique et le Moyen-
Orient. Dans cet esprit, la France ne veut pas laisser les
Etats-Unis imposer une Mare Nostrum sur l’espace
méditerranéen. Ainsi, souhaite-t-elle pouvoir peser sur le
processus de paix dans la région. On constate, avec
notamment la situation en Irak, que le Liban est devenu
le seul pays de la zone qui soit un partenaire et un ami de
Paris.
Le Président Jacques Chirac a rappelé à plusieurs
reprises que le Liban est « la clé de voûte » de la politique
française au Moyen-Orient. Cette assertion prend tout son
sens, si l’on rappelle successivement l’importance
politique du Liban pour la France et le le d’avocat du
Liban que tient la France au sein de l’Union européenne.
Aujourd’hui, comme hier, la France tire parti d’un riche
héritage culturel, accumu au Moyen-Orient depuis le
2
VIIème siècle, pour développer une ambitieuse politique
culturelle.
Les relations franco-libanaises se recommandent
d’une profonde amitié et se caractérisent par limportance
des échanges socio-politiques et économiques, qui
s’effectuent dans les deux sens. Peut-on cependant
soutenir que Beyrouth est désormais devenu un véritable
partenaire stratégique ? Peut-on affirmer également que
le Liban puisse être le porte-parole de la francophonie au
Moyen-Orient ?
France-Liban : quelques mots d’histoire
La France et le Liban sont liés par une histoire
tumultueuse dont le contenu véritablement politique ne
commence à émerger qu’à la fin du 19ème siècle, alors que
la puissance européenne établit au Liban une influence
officialisée par le mandat que lui accorde la S.D.N. en
1922. Il sera nécessaire de revenir sur l’histoire des
relations franco-libanaises afin de bien appréhender la
nature de la présence française au Liban.
On peut dire, à cet égard, que ce retour en arrière
permettra de mieux comprendre les références sans cesse
présentes dans le discours et les actes politiques de la
France à l’égard du Liban. Autrefois considérés comme
une relation pluriséculaire, les liens entre la France et le
Liban renvoient sans doute à une histoire beaucoup plus
complexe et omettent de préciser que cette relation a
longtemps consisté en une protection et un soutien de la
France aux communautés chrétiennes, conçues comme
des alliées des ambitions françaises au Levant.
Dès l’aube de l’histoire, les premiers écrits religieux
mentionnèrent en bonne place le Liban à travers une
expression géographique : le Mont-Liban. Le Mont-Liban
et la France, tous deux riverains de la Méditerranée, sont
tout naturellement parties prenantes du dialogue franco-
arabe instauré, dès le VIIéme siècle, sous l’égide de Khaled
Ben Yazid. La véritable entrée du Liban sur la scène de la
3
politique internationale ne date cependant réellement que
du début du XVIéme siècle, du temps de l’émir
Fakhreddine
1
. Edmond Rabbath souligne, à cet égard, que
« l’Europe occidentale commence alors à s’intéresser au
Liban, grâce aux maronites, dont les relations avec Rome
et l’Italie, plus tard, avec François 1er et Louis XIV, eurent
tôt fait de s’avérer fécondes dans l’élaboration d’une
conscience typiquement libanaise »
2
. L’adhésion des
maronites à l’autorité du Souverain pontife est avérée dès
cette époque Les maronites multiplièrent dès lors à tel
point les liens politiques, religieux - et même conjugaux -
que l’on peut dire, avec Edmond Rabbath, que l’amitié
séculaire des maronites envers la France date de cette
époque
3
. Par la conclusion des Capitulations avec l’Empire
Ottoman, probablement à partir de 1536, François 1er
assure à la France le monopole de la protection des
navires marchands et pose ainsi les fondements de
l’action française au Liban. C’est ainsi que le grand
mouvement d’union avec Rome va s’enclencher sous
l’influence des missionnaires et des marchands venus
d’Europe, à la faveur du régime des Capitulations. La
France fait figure, à cette époque, de protectrice des
chrétiens d’Orient. En 1649, Louis XIV va plus loin,
puisqu’il accorde une protection spéciale au patriarche
maronite ainsi à qu’à tous le prélats, ecclésiastiques et
séculiers chrétiens maronites, habitants le Mont-Liban. Il
s’agit alors de faire entrer les maronites dans la clientèle
de la France. La révolution française va créer une rupture
dans ces relations. De plus, « le discours favorable à
l’islam et hostile au christianisme de Napoléon Bonaparte,
lors de lexpédition d’Egypte et de la campagne de Syrie,
en 1799, explique que les maronites ne se rallient pas
alors aux avances françaises et cherchent plutôt une
1
Walid Arbid, La représentation diplomatique de la France au Liban et du Liban en France et à
l’UNESCO, Ed. Al-Maha et l’Esprit des Péninsules, Beyrouth, 1997, p.20.
2
Edmond Rabbath, La formation historique et constitutionnelle du Liban, Ed UL, Beyrouth, 1973.
3
Edmond Rabbath, op.cit., p. 163.
4
protection anglaise »
4
. Toutefois, « le premier consul, une
fois le concordat signé avec l’Eglise catholique, décide de
rétablir une influence française au Levant par
l’intermédiaire de missionnaires catholiques »
5
.
On peut faire deux observations : premièrement, le
Liban se retrouve au cœur de la rivalité franco-britannique
au Moyen-Orient ; deuxièmement, s’amorce l’esquisse
d’une influence culturelle française au Liban et du
bilinguisme franco-arabe .
Depuis léchec de la France en Egypte, les affaires de
la Syrie figuraient au premier plan des préoccupations du
cabinet britannique dans le cadre de la question d’Orient.
Au début du 19ème siècle, alors que l’Empire ottoman
montre des signes d’affaiblissement, les rivalités franco-
britanniques marquent la région. Dans cette lutte
d’influence, « la France choisit de s’appuyer sur la
communauté maronite qui se présente volontiers comme
composée de Français du Levant »
6
. Les troubles
confessionnels, qui ont éclaté au Liban en 1841,
précèdent l’arrivée d’une flotte britannique et autrichienne
à Beyrouth. En 1860, Napoléon III réagit et envoie un
corps expéditionnaire de 7000 hommes au Liban, qui
resta sur place près d’une année. Il convient de dire qu’à
partir de juin 1861, la Montagne libanaise devient une
province autonome de l’Empire ottoman, gouverné par un
chrétien, lui même contrôlé par les puissances
européennes.
Notons que la présence économique française au
Liban s’affirme entre 1880-1890 à travers les chrétiens, et
en particulier les maronites, qui deviennent les
intermédiaires privilégiés des relations commerciales
entre le deux pays. A cet égard, le choix d’une préférence
communautaire devient politique au lendemain de la
première guerre mondiale, Français et Britanniques se
4
Aurélie Requena, La politique de la France au Liban, mémoire de Magistère en Histoire, Université
Paris-1, juin 1997.
5
Ibid.
6
Ibd., p.7.
5
disputant les anciennes provinces arabes de l’Empire
ottoman. L’accord franco-britannique de 1916, dit
« Accords Sykes-Picot », avait fixé, sur la carte, les zones
d’influence françaises et britanniques. Le Liban est un
pays arabe doté d’une personnalité particulière. Ce fut par
un arrêté du général Gouraud, le 1er septembre 1920,
qu’il acquit sa structure d’Etat, avant même que le
mandat sur la Syrie et le Liban n’ait été officiellement
confié à la France. Une déclaration du général Catroux,
délégué général de la France libre au Levant, met fin au
mandat et annonce l’indépendance du pays, le 26
novembre 1941. Le Liban exerce sa souveraineté effective
à partir du 22 novembre 1943. L’armée française évacue
le Liban le 31 décembre 1946.
Les relations franco-libanaises de cette période ont
été profondément marquées par une vision coloniale de
la part du gouvernement français et par l’exacerbation
des rivalités franco-britanniques. Malgré les crises
successives qui ont émaillé l’époque du mandat, il est
certain que la France cherchait à trouver une nouvelle
voie pour ses relations avec le jeune Etat libanais, qui
occupe une place stratégique dans la région. C’est
d’ailleurs le général de Gaulle, à l’époque chef du
gouvernement provisoire à Paris, qui souligne, en 1945,
que « la France ne quittera pas le Liban (ni la Syrie), sans
que des accords aient consacré, pour la France, des
privilèges notamment d’ordre militaire »
7
.
S’il n’est pas douteux que l’influence de la France est
affaiblie au Moyen-Orient après le départ des troupes
françaises, les relations entre Paris et Beyrouth seront
désormais conçues sur un pied d’égalité, les relations
diplomatiques se fondant sur le riche héritage entre le
deux pays, tant sur le plan historique que politique et
culturel. Il est important d’observer que la France parvient
ainsi à sauvegarder l’essentiel de ses intérêts
7
Jacques Thobie, “Mai 1945, crise au Levant et domaine réservé”, in Enjeux et puissances, Mélanges
en l’honneur de J.B. Duroselle, Paris, 1986, pp. 283-301.
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