Francesco Saverio Nisio - Dipartimento di Giurisprudenza

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Francesco Saverio Nisio
Lucien Lévy-Bruhl et Jean Carbonnier.
Expérience mystique et droit
1. Jean Carbonnier a exprimé plusieurs fois sa dette envers l’œuvre de
Lucien Lévy-Bruhl , en particulier La morale et la science des mœurs de
1903 et la Préface de la troisième édition 19071.
«Cette lecture m'avait ouvert les yeux sur une autre perspective, la sociologie du
droit»2
Présence explicite de Lucien Lévy-Bruhl dans les textes de Carbonnier : Flexible
droit, pp. 17, 110, 362 ; Sociologie juridique, Paris, Puf, 20042, pp. 28-38 ; Écrits,
Paris, Puf, 2008, pp. 528, 612, 1052, 1058, 1540. Plus avant on trouvera les
références au Droit civil.
La morale et la science des mœurs, qui fût à l’époque «un livre
choc» , est l’ouvrage fondamental dans le corpus de Lévy-Bruhl, à
l’intersection entre les livres nés dans une perspective académique historicophilosophique – Lévy-Bruhl a été professeur d'histoire de la philosophie
moderne à la Sorbonne entre 1902 et 1926 – et l’époque des recherches
sociologiques et ethnologiques, dont il a offert les résultats dans plusieurs
ouvrages avec lesquels il est devenu fameux dans le monde savant, le
premier desquels fût, en 1910, Les fonctions mentales dans les sociétés
inférieures.
Carbonnier, il faut le dire tout de suite, s’intéresse bien évidemment
au philosophe autant qu’à l’ethnologue Lévy-Bruhl. Pour en avoir
3
Lévy-Bruhl Lucien, La morale et la science des mœurs, Paris, Félix Alcan,
1971 (la Préface y est incluse).
2
Carbonnier Jean, Flexible droit, Paris, Lgdj, 200110, p. 183n ; voir aussi Andrini
Simona - Arnaud André-Jean, Jean Carbonnier, Renato Treves et la sociologie du droit.
Archéologie d’une discipline, Paris, Lgdj, 1995, pp. 27-28.
3
Carbonnier, Écrits, p. 1037.
1
16
1
confirmation il suffit se reporter aux pages de Sociologie juridique4 où il
discute en détail le thème de la «rationalité» ou «irrationalité» des droits
primitifs en utilisant le langage ordinaire de la philosophie. Ces concepts
fondamentaux des ouvrages ethnologiques de Lévy-Bruhl tels que «raison»,
«raisonnabilité», «rationalité» ou «irrationalité» des sociétés primitives,
«principe d’identité», «schémas de causalité indéterminée», «techniques»,
sont tous bien présents dans la section indiquée de Sociologie juridique et
opèrent, presque tous, sur le fond de la recherche entière de Carbonnier.
Carbonnier souligne que ce langage est utilisé par «beaucoup
d’ethnologues aujourd’hui» par rapport à la présence dans ces sociétés des
techniques - parmi lesquelles le droit - et à leur développement, fait qui
confère aux dites sociétés «primitives» une dimension de «raisonnabilité».
«Dans [la] redécouverte de la rationalité des droits primitifs, quelques ethnologues
en arrivent presque à gommer la différence d’avec les droits modernes. La
mentalité juridique primitive est raisonnable, affirment-ils. Cependant, cette
raisonnabilité ils la saisissent – et c’est l’originalité da la thèse -, plutôt qu’a
l’hauteur de la règle de droit abstraite, dans les sinuosités du procès et du jugement.
Non pas que les acteurs, juges et parties, y fassent profession d’être logiques. Mais,
en fait, on les y voit discuter, en gens raisonnables, d’une conduite qu’ils essaient
d’apprécier par référence à ce qu’aurait fait un homme raisonnable (c’est-à dire,
concrètement, un époux, un père, un chef, etc.) dans la même situation. Ce qui
porterait, en somme à conclure que tous les systèmes de droit, quelle que soit leurs
position sur l’axe de l’évolution, sont équidistants d’une même raison, pour ne pas
dire d’une même justice.»5
La subtilité de la pensée de Carbonnier est telle qu’il arrive ainsi à
défendre, effectivement, la thèse de Lévy-Bruhl, en la réinterprétant aussi au
bénéfice d’une salutaire critique de la modernité juridique à la Weber : ce
qui relève de l’analyse de la mentalité juridique n’est pas seulement
l’abstraction dogmatique, «logique», c’est-à-dire la règle de droit abstraite ;
c’est plus encore, dans l’évaluation de la «rationalité» dans son complexe,
est le caractère concret da la conduite juridique dans le procès, la conduite
«en gens raisonnables». La dimension «logique» du droit est alors mise en
rapport avec le «caractère concret» de la pratique. Il fût toujours ainsi dans
la vie du droit.
«Rationalité et irrationalité se mélangent toujours, quoique à doses variées […] ;
même dans un système juridique moderne, il ne manque pas d’institutions ou de
comportements qui soient irrationnels par quelque côté. A ce propos, on ne prend
pas assez garde que les différentes parties du droit moderne sont inégalement
fermées à l’irrationalité ou, si l’on préfère, à la primitivité. Il est un secteur qui la
repousse : le droit du patrimoine, dominé par le calcul économique. Mais il en est
d’autres qui l’attirent : le droit des personnes et de la famille, où les institutions et
les comportements doivent s’ajuster à une trame d’événements (l’union sexuelle, la
4
5
Carbonnier, Sociologie juridique, pp. 28-38.
Ibid., pp. 30-31.
2
filiation, la mort) sur laquelle la raison humaine a peu de prise – et, bien sûr, le
droit pénal, si aisément passionné de part et d’autre.»6
Il faut signaler l’importance de ce dernier texte qui exprime le travail
d’une existence entière consacrée au droit du juriste qui, tout en travaillant
sur le droit des personnes et la famille, a gardé aussi, comme l’on apprend à
plusieurs endroits de son ouvrage, l’œil bien ouvert sur le droit pénal 7.
Carbonnier, encore, qui a vu dans la «justiciabilité» ou «mise en question»
le critère fondamental de la juridicité, élément ultérieur qui atteste la
survivance «parmi nous [d’éléments] de cette mentalité archaïque»8.
«Ce qui s’est passé [à propos de Comte, en cessant de décrire les trois états comme
une succession mécanique de périodes tranchées pour en faire comme un ballet
psychologique,] rappelle un peu l’aventure de la mentalité primitive chez Lucien
Lévy-Bruhl, lorsque les Carnets reconnurent, en un codicille d’exemplaire probité,
qu’au demeurant l’homme pouvait bien rester primitif – théologique – à tout âge de
sa civilisation.»9
On comprendra alors sans difficultés que Droit civil à plusieurs
endroits comprend une réflexion sur les aspects «primitifs» ou concrets du
droit moderne :
«Personnifier les choses répond à un instinct si primitif, si profond de l’esprit
humain qu’il est des résurgences du phénomène (animisme, anthropomorphisme)
même dans le droit occidental (la personnalité morale sert en partie à cela) : ex. les
fondations, la tentative doctrinale […] pour faire du navire une personne morale et
surtout, dans le droit le plus moderne, qui se croit si peu mystique, la tendance à
personnaliser des biens comme l’entreprise, l’exploitation agricole, que l’homme
sent supérieurs à lui, parce qu’ils sont plus grands et meurent généralement moins
vite.»10
«Deux directions [à partir des recherches sur les sociétés primitives] peuvent être
retenues par le juriste : 1° Le lien entre la propriété et la personne […] : c’est un
lien mystique, une participation, l’objet possédé participe de la nature de celui qui
le possède. Il serait tentant – mais hâtif – de conclure à une justification
sociologique de ceux qui, aujourd’hui, défendent la propriété individuelle, comme
un irremplaçable prolongement de la personnalité.»11
6
Ibid., p. 33.
Carbonnier, Écrits, pp. 26-27, 764-930.
8
Carbonnier, Sociologie juridique, pp. 318-330.
9
Carbonnier, Écrits, p. 1058. Voir aussi Flexible droit, p. 17.
10
Carbonnier, Droit civil, Paris, Puf, 2004, p. 1597, je souligne.
11
Ibid. pp. 1647-1648.
7
3
2. Pour construire sa propre méthodologie sociologico-juridique Carbonnier
a donc trouvé appui sur Lévy-Bruhl. On a lu, «Le droit le plus moderne, qui
se croit si peu mystique»: Carbonnier utilise ici le maître-mot de la
«philosophie ethnologique» de Lévy-Bruhl. Quel a été alors le fondement de
leur entente sur le plan philosophique? Il faut se reporter directement à la
Préface de La morale et la science des mœurs pour chercher d’y trouver
réponse. Dans ce texte, Lévy-Bruhl affirme qu’il cherche à fonder
«Une science qui ait la ‘nature morale’ pour objet, et, s’il se peut, un art moral
rationnel, qui tire les applications de cette science»12.
Il s’agit donc d’une science appliquée à connaître cette nature morale
de l’homme, laquelle est,
«Au sens plein du mot, une réalité objective, qui ne dépend pas de nous pour
exister, [nature morale] régie par des lois que nous ignorons et qui ne seront mises
au jour que par une recherche méthodique et persévérante»13.
«Nature» indique ici des «faits […] régis par des lois que nous
ignorons d’abord, et que la recherche scientifique peut seul découvrir»14;
faits d’«ordre moral, […] que nous appelons ‘nature morale’ par analogie
avec la nature physique»15.
«Personne aujourd’hui ne conteste plus guère que les institutions sociales, telles
que la religion et le droit par exemple, constituent pour les individus d’une société
donnée une réalité véritablement objective. Sans doute, elle n’existerait pas sans
eux, mais elle ne dépend pas de leur bon vouloir pour exister. Elle s’impose à eux,
elle existait avant eux, et elle leur survivra. C’est là un ‘ordre’ qui, pour n’être pas
physique, mais ‘moral’, c’est-à-dire pour avoir lieu dans des consciences, n’en
présente pas moins les caractères essentiels d’une ‘nature’ dont les faits peuvent
être analysée et ramenés à leur lois»16.
On est en face de la nature «sociale» de l’homme, avec sa dimension
obscure et inconnue mais qui peut, néanmoins, être analysée à travers une
démarche scientifique, c’est-à-dire l’observation des comportements et leur
mise en relation avec les croyances collectives, jamais oubliant que les
résultats de cette analyse seront toujours «provisoires», non définitifs ou,
pour utiliser une expression chère à Carbonnier, «hypothétiques»17.
Si normalement, affirme Lévy-Bruhl, on s’imagine au contraire de
connaître la réalité morale «par des représentations presque exclusivement
subjectives et sentimentales», en la croyant transformable par des «actes de
Lévy-Bruhl, La morale et la science des mœurs, p. XII.
Ibid., pp. XXXII-XXXIII.
14
Ibid., p. VII.
15
Ibid., p. VI.
16
Ibid.
17
Ibid., p. XXVII. La formule des lois juridiques a une bonne probabilité de rester
toujours approximative : Carbonnier s’exprime de façon positive en la disant flexible.
12
13
4
volonté» qui rendent superflu «le long et pénible détour qui passe par la
science»18, cela dépend du fait que
«L’on rejette une analogie trop étroite entre la nature physique et la nature morale,
comme un paradoxe à la fois invraisemblable et dangereux. Mais on oublie que
pendant de long siècles, qui se comptent par centaines et peut-être par milliers, nos
ancêtres ont senti, ont vécu la nature physique comme nous sentons, comme nous
vivons aujourd’hui la nature morale, et peut-être plus intimement encore : je veux
dire qu’elle leur était à la fois plus familière et plus inconnue que la nature morale
ne l’est pour nous. Les croyances et les pratiques des primitifs en fournissent des
preuves sans nombre. Ce n’est donc pas la nature physique, telle que nous la
concevons aujourd’hui, objectivée dans ses lois, qu’il faut comparer à la nature
morale, qui ne nous est connue encore que par des représentations presque
exclusivement subjectives et sentimentales. Il faut rapprocher de cette nature
morale la nature physique des primitifs, ou la nature physique objectivée
d’aujourd’hui [à] la nature morale telle que la science commence à dégager avec
ses lois. Alors l’analogie se justifie, et elle apparaît profonde»19.
On voit que dans cette démarche il y a un jeu entre sentiment et
analyse, expérience et recherche méthodique des lois, jamais résoluble au
profit de l’un des deux composants, s’agissant de tenir ensemble les deux
parties de la nature humaine, la rationnelle et l’affective.
En tout cela, Lévy-Bruhl se montre bon spinozien : «nature» signifie
«faits […] qui sont régis par des lois que nous ignorons d’abord» et que
nous pouvons seulement «sentir» ou «vivre», en attendant d’en connaître
l’«ordre» par une recherche méthodique fondée sur l’expérience, qui au
fond aboutit toujours à des connaissances hypothétiques, non dogmatiques.
Personne n’est doté d’un intellect infini, seul capable d’avoir uniquement
idées vraies.
Sur Lévy-Bruhl lecteur de Spinoza, F. S. Nisio, ‘Partecipazione come Scientia
intuitiva. Lévy-Bruhl e Spinoza’, Revue philosophique de la France et de
l’étranger, n°. 3, 2005. Sur le rapport de Carbonnier à Spinoza, F. S. Nisio, Jean
Carbonnier. Regards sur le droit et le non-droit, Paris, Dalloz, 2005, pp. 93-95 et
passim.
3. Dans le dernier ouvrage édité de son vivant, L’expérience mystique et les
symboles chez les primitifs, Lévy-Bruhl a mis à jour avec détail cette
dimension «mystique» de l’expérience, c’est-à-dire invisible et
«mystérieuse», affectivement sentie, émotionnellement vécue. Une
dimension analytique sur laquelle il avait bien travaillé toute au long de sa
vie intellectuelle, mais qui trouve ici son explicitation historicophilosophique.
18
19
Ibid., pp. XXXII-XXXIII.
Ibid., p. XXXIII.
5
«Notre notion courante d'expérience porte la marque de certaines habitudes
mentales propres aux civilisations de l'Occident. Depuis l'antiquité classique, elle a
été élaborée, au cours des siècles, par des générations de philosophes, de
psychologues, de logiciens et de savants. Elle est devenue surtout, entre leurs
mains, une fonction de l'intelligence. Sans doute, ils n'y ont pas méconnu la
présence d'importants éléments affectifs. Mais ce n'est pas sur eux que leur
attention s'est portée de préférence. Le rôle essentiel de l'expérience, telle que cette
tradition la décrit et l'analyse, depuis Platon et ses prédécesseurs jusqu'à Kant et à
ses successeurs, est d'informer le sujet sentant et pensant sur les propriétés des êtres
et des objets avec qui elle le met en relation, de lui faire percevoir des
mouvements, des chocs, des sons, des couleurs, des formes, des odeurs, etc., et de
permettre à l'esprit humain, qui réfléchit sur ces données et sur leurs conditions, de
se construire une représentation du monde. La notion générale de l'expérience qui
s'est ainsi développée est surtout «cognitive». On ne saurait l'appliquer telle quelle
à l'expérience des primitifs, qui est surtout «affective». Sans doute celle-ci a aussi
pour fonction de les renseigner sur le milieu auquel ils doivent à chaque instant
s'adapter, sous peine de disparaître. C'est la première des conditions d'existence
pour les humains, comme pour les autres êtres vivants. Parfois les primitifs, sous
les climats les plus défavorables, sont parvenus à tirer un merveilleux parti des
leçons de l'expérience: les Eskimo dans les régions arctiques, les noirs indigènes
dans les parties arides de l'Australie, et tant d'autres. Néanmoins ce n'est pas
seulement à titre de source de connaissances utiles que leur expérience leur
importe. C'est aussi en tant qu'elle leur procure des données d'une autre sorte qui
sont d'un intérêt capital pour eux. De ce fait, il est vrai, elle n'ajoute à peu près rien
à leur savoir. Mais elle leur révèle la présence et l'action de puissances
surnaturelles qui les entourent de toutes parts, et de qui dépend à chaque instant
leur bien-être et leur vie. De l'existence de ce monde invisible, ce n'est pas
l'expérience seule qui les instruit. Elle la confirme plutôt. Ils en sont convaincus
d'avance par la tradition, et comme nous aurons à le montrer plus loin, il est très
difficile de séparer en pareil cas ce qui est proprement expérience et proprement
croyance. Retenons seulement en ce moment que, chez les primitifs, une
expérience mystique est à la fois une révélation et un complexe psychique où les
éléments affectifs occupent une place prépondérante»20.
«Affective» signifie, dans la vision de Lévy-Bruhl, que les données
procurées par l’expérience, en plus de leur fonction «cognitive», sont aussi
«senties», c’est-à-dire révèlent un «complexe psychique» ou loi qui n’est
pas visible mais caché, invisible, «mystique» au sens étymologique du grec
myein, «serrer, se taire, fermer les yeux» (d’où mystikos, «mystérieux»,
c’est-à-dire fermé à la connaissance - mais pas à l’expérience).
Le mot «loi», par rapport à «complexe psychique», n’est pas sans rappeler aussi la
recherche psychanalytique lacanienne, voir Périn Jean, ‘L'a-droit ou un espace
vert pour la psychanalyse’, Journal française de psychiatrie, n°. 12, 2000, texte
cité dans Flexible droit, p. 25n. On lit sous la plume de Carbonnier autobiographe:
«Sans la soumettre à un jugement de valeur, j’essayai de psychanalyser la réforme
de la licence [de 1955] pour mieux m’expliquer l’allergie que spontanément je lui
Lévy-Bruhl Lucien, L’expérience mystique et les symboles chez les primitifs,
Paris, Félix Alcan, 1938, pp. 9-10.
20
6
avais opposé», Écrits, p. 32. Voir aussi De quelques actes manqués en législation,
in ibid., pp. 745-754. Freud est souvent cité par Carbonnier. Deux citation directes
de Lacan : Flexible droit, p. 271; Essais sur les lois, Paris, Defrénois, 19952, p.
325. Une ample référence à Pierre Legendre aussi, Droit civil, p. 70. - Sur Lacan
et la loi, Chaumon Franck, Lacan. La loi, le sujet et la jouissance, Paris,
Michalon, 2004 (dialogue avec Carbonnier à pp. 30-31). Sur Lacan et Spinoza,
Misrahi Robert, ‘Spinoza en épigraphe de Lacan’, Littoral, n°. 3/4, 1982 ; Ogilvie
Bertrand, Lacan. La formation du concept de sujet (1932-1949), Puf, Paris, 1987,
pp. 16-17, 31, 56, 60-66, 93-94 ; Roudinesco Elisabeth, Lacan et Spinoza. Essai
d’interprétation (1916-1964), in O. Bloch (dir.), Spinoza au XXe siècle, Paris, Puf,
1993 ; Tarizzo Davide, Introduzione a Lacan, Roma-Bari, Laterza, 2003, pp. 48,
109, où l’on apprend que Lacan commençait très tôt à lire Spinoza sous la
direction de Jean Baruzi, grand savant de la mystique chrétienne. Lacan montre
son lien avec Lévy-Bruhl dans Séminaire IX. L’identification (inédit), léçon 3 du
29.11.1961, et il s’exprime sur la mystique dans Lacan Jacques, Le séminaire.
Livre XX - Encore, Paris, Seuil, 1975, pp. 70-71. Voir encore De Certeau Michel,
‘Mystique et psychanalyse’, Bloc-notes de la psychanalyse, n°. 5, 1985, et
‘Lacan : une éthique de la parole’, in De Certeau Michel, Histoire et psychanalyse
entre science et fiction Paris, Gallimard, 1987.
Ce complexe est révélé à l’individu, qui n’en connaît pas l’ordre ou
structure d’organisation : l’individu seulement sent, vit, fait expérience de
cette structure inconnue du monde, un ordre qui lui est représenté par les
croyances et les traditions ainsi que par les pratiques du groupe sociale
auquel il participe. Ordre déposé à l’intérieur de l’ensemble des expériences
passées du groupe et qui trouve son expression dans des traditions
communes.
Ainsi Lévy-Bruhl a opéré, sur le plan historico-philosophique,
l’ouverture du système philosophique «rationaliste» en l’exposant à la force
de l’affect, l’afficere latin, le «faire à», donc à l’agir pratique, émotionnel
aussi. Il reviendra à Carbonnier d’ opérer sur le plan de l’histoire de la
pensée juridique l’ouverture d’un autre système en le rapportant à son
«non» décisif, le non-droit justement21.
Lévy-Bruhl a affirmé en plusieurs points de la Préface que ce sens
«mystique», affectif ou émotionnel de l’expérience – une sorte de
«connaissance affective» qui s’articule en «catégories», dont la plus célèbre
est la «catégorie affective du surnaturel»22 - est toujours vécu par les
«modernes» aussi : il s’agit, par exemple, du sentiment de l’obligation vécu
par le médecin dans la société moderne23, ou encore par ceux qui utilisent la
langue, ou par ceux qui croient ou, encore, par ceux qui observent une
norme juridique24.
En effet, dit-il, sur le plan factuel il n’y a pas d’obstacle à se faire
égaux de tous ces «observants» «par un effort de sympathie», c’est-à-dire en
étant disposés au sym-pathein, à être affectés par, ou «pâtir», les mêmes
21
Carbonnier, Flexible droit, p. 27.
Lévy-Bruhl Lucien, Le surnaturel et la nature dans la mentalité primitive, Paris,
Félix Alcan, 1931, Introduction.
23
Lévy-Bruhl, La morale et la science des mœurs, pp. XXV-XXVI.
24
Ibid., p. XXVII.
22
7
conditions de l’expérience qui sont pertinentes aux expériences auxquelles
on cherche à s’approcher.
Lévy-Bruhl a donné une parfaite démonstration, dans sa vie et à
travers ses fameux livres sur les «primitifs», de sa personnelle capacité de
sympathein :
«Tâchons […] de sentir et de penser [l’expérience mystique] comme [les primitifs],
d'épouser réellement leur attitude, et par un effort de sympathie, de nous procurer
l'expérience de leur expérience mystique.»25
En suite, nous aussi serons en condition de comprendre que, là où
fait défaut une formulation «scientifique» ou loi définitive, nous aussi comme les «primitifs», mais avec en plus peut-être une certaine conscience
de tout cela – aurons à faire appel, dans un grand nombre de cas, au principe
du bien-fondé, du bon sens, c’est-à-dire à
«L’action la plus raisonnable […] d’après l’expérience passée et l’ensemble de ce
que nous savons».26
Cette position épistémologique n’est pas sans rappeler, mutatis mutandis, la
méthode sociologique de G. H. Mead, To Take the Role of the Other. Sur
Carbonnier et Mead, F. S. Nisio, Jean Carbonnier, pp. 96, 105. Il faut souligner
qu’il s’agit, bien évidemment, d’une position épistémologique, non pas
immédiatement politique : il n’y a pas de «traditionalisme» dans cette approche.
Une position similaire se trouve en Carbonnier aussi, exprimée au rebours dans le
volume le plus politique qu’il a écrit: «Quand il arrive à ce livre de paraître
refléter un parti pris (qui n’en a pas ?), que l’on veuille bien sous-tendre, au-delà
de ce parti pris, une sympathie très profonde pour toutes les opinions qui divisent
la doctrine, pour tous les sentiments qui font la France» (Carbonnier, Droit civil,
p. 2). Carbonnier ethnologue dans le Droit civil, on pourra conclure… En thème
de «conservatisme des juristes» par rapport au progrès dans le champ biologique,
Carbonnier s’exprime dans le compte-rendu de R. Savatier, Le droit, l’amour et la
liberté, in Année sociologique, 1963, p. 405 : la «vision du juriste», sa «sensibilité
juridique», sa «résistance», est «un phénomène social, parce qu’elle condense une
somme exceptionnelle d’expériences» de la conscience collective. Si bien que, «en
retardant certains applications de la science, qui, alors même qu’elles seraient
inévitables, exigent, pour se faire admettre, une lente maturation des esprits», les
juristes doivent être regardés - et non pas d’une manière «antiscientifique» comme les «freins», qui font «partie de la machine sociale» aussi.
4. Dans l’œuvre de Jean Carbonnier se réalise la métamorphose de ces
thèmes-là, en passant de la sphère morale au champ juridique et de l’époque
«positiviste» à l’époque «postmoderne»:
«La norme en litige c’était alors la morale, c’est le droit maintenant»27.
25
26
Lévy-Bruhl, L’expérience mystique et les symboles chez les primitifs, p. 9.
Lévy-Bruhl, La morale et la science des mœurs, p. XXX.
8
Il décrit ainsi cette transformation :
«Quand je faisais mes études de philosophie, j’avais été frappé par un livre de
Lucien Lévy-Bruhl, La Science des mœurs. Dans ce livre il expliquait que la
morale est certes normative mais qu’on pouvait imaginer une véritable science des
mœurs qui servirait peut-être à construire ultérieurement une morale différente,
plutôt une sociologie morale. Je m’étais alors dit : est-ce qu’on ne pourrait pas
imaginer une même division pour le droit ? C'est-à-dire qu’il y a bien sûr le droit
que j’ai commencé alors à appeler le droit dogmatique (on ne me l’a pas toujours
pardonné, mais enfin l’expression est entrée dans le langage des juristes) ; le droit
dogmatique, c’est-à-dire le droit tout court. Mais on pourrait, à coté du droit
dogmatique, imaginer une sociologie du droit, de même que Lucien Lévy-Bruhl
pensait qu’on pouvait imaginer une science des mœurs à coté de la morale. C’est le
même rapport du descriptif au prescriptif, ou au normatif.»28
Dans le champ juridique, si le droit est «art rationnel» (art et non pas
immédiatement science), par contre l’expérience passée et la connaissance
collective disponible (croyances-traditions-pratiques) équivalent à la
sociologie juridique, champ d’où observer le non-droit et l’«action
raisonnable».
Pour ce qui concerne le droit en tant que «art rationnel» :
«A toutes les époques, le droit a eu ses savants, mais on doute s’il est une science.
Une définition célèbre, venue du droit romain, en ferait plutôt un art : Jus est ars
boni et æqui (l’art du bien et du juste). S’il n’y avait de sciences que celles qui
peuvent opérer sur des phénomènes soumis au déterminisme et qui sont capables
de découvrir de l’un à l’autre des lois de causalité, les ‘sciences dures’, le droit ne
pourrait assurément prétendre, sauf pour une très faible part, au nom de science.
Mais, si tout ensemble de connaissances raisonnées et coordonnées mérite ce nom
(ne fût-ce que par opposition à l’empirisme), il est bien certain qu’il existe une
science du droit.»29
Le non-droit, au contraire, est l’ensemble des phénomènes ou
expériences qu’il faut attribuer, sous le regard sociologique, à l’affectivité, à
l’émotion, à la sensibilité. Deux exemples dans Droit civil :
«Le verbe devoir est au cœur de la notion de l’obligation (un verbe qui est plus
facilement senti que défini.)»30
«Les recherches des psychologues sur la volonté ont un évident intérêt pour une
étude juridique du consentement. Les juristes suivent, en général, l’analyse de la
psychologie classique : conception, délibération, décision, parfois avec des
raffinements. […] Les psychologues ont appelé l’attention sur plusieurs
phénomènes : […] 4°. La part des éléments affectifs, voire passionnels, dans le
27
Carbonnier, Écrits, p. 612; voir aussi p. 942.
Ibid., p. 1540.
29
Carbonnier, Droit civil, p. 53.
30
Ibid., p. 1917 : il s’agit d’un territoire où droit et morale se mêlent ; je souligne
aussi la référence au «cœur».
28
9
mécanisme de la volonté, qui, aussi souvent que calcul de l’intelligence, est élan
irraisonné. La part des achats d’impulsion – l’envie de se faire plaisir – reste
importante dans l’exercice de la consommation. […] Il peut aussi y avoir dans le
contrat un don de soi, une confiance, un acte de foi en la personne de l’autre […] –
toutes choses que méconnait notre analyse tatillonne quand, sous chaque clause,
elle exige un fragment de volonté. On songe à ces contrats qui furent les assises de
la féodalité, mais aussi bien à certains contrats d’aujourd’hui, du moins à leur
formation (car l’élan peut tomber vite, et vient le regret). Or, s’il n’est pas
antinaturel que le contrat soit une confiance globale – plébiscitaire -, on s’explique
mieux le contrat d’adhésion. Créance, croyance, confiance.»31
Dans Flexible droit, d’ailleurs, le champ du non-droit ne concerne
alors pas seulement tout ce qui est symbolisé par la fleur (Date Lilia), mais
aussi toutes les expériences qui auraient en théorie rapport au droit mais
qu’on ne peut pas «voir» ni quantifier, c’est-à-dire rationaliser en les
soumettant à une «loi» : la société peut seulement les sentir, en faire
expérience. Il s’agit de la nuit («Ressentir l’effroi de la nuit»32), du sommeil
(«Le droit serait-il donc incapable de sentir le mystère du sommeil?»33), du
chemin vers le degré zéro du droit et donc de minimis («Une sensibilité, une
attention portée aux petites choses, et par-delà une tendresse pour les petites
gens»34), ainsi que du peu et du rien («Entre le droit et le peu ne règne-t-il
pas une incompatibilité d’humeur ? […] Il est trop myope – entendons qu’il
lui faut trop de preuves, trop de formes – pour apercevoir ce qui est
infinitésimal»35). Et encore la morale et l’équité36.
Tout cela explique pourquoi la sociologie juridique de Carbonnier
est, ainsi que l’indique le sous-titre de Flexible droit et pour cause, une
sociologie «sans rigueur», qui veut «poétiser» en dialogue avec la «fiction
littéraire» (littéraire et pas scientifique, artistique plus que dogmatique)37.
Ainsi faisant, elle rencontre une dimension ancienne da l’art dogmatique :
«Le droit, dogmatiquement entendu, est-il une science ou un art? Dans la mesure
où il se veut, et s’est fait, science, il peut aisément se mettre au bénéfice des
recherches très actives d’épistémologie qui se sont déployées, depuis le milieu de
ce siècle, dans les sciences exactes et même, par extension, dans les sciences
humaines et en philosophie. Mais, si nous ramenons le droit à ses formes
ancestrales, où il s’agit de distinguer, opposer, interpréter, disputer pro et contra
(bref, de faire de la dogmatique), ne quittons-nous pas les rives de la science pour
celles de l’art ? Et la méthode – plus exactement, le trésor de recettes empiriques
qu’en deux millénaires, depuis Rome, se sont constitué des générations de
31
Ibid., p. 1982. Voir aussi Droit civil [IV, p. 61], pour une lecture sociologique
des formes primitives de contracts en termes de «alliance totale et mystique des deux
contractants».
32
Carbonnier, Flexible droit, p. 63, je souligne.
33
Ibid., p. 70, je souligne.
34
Ibid., p. 80, je souligne.
35
Ibid., p. 86, je souligne.
36
Les jugements d’équité dans Droit civil, pp. 22-24, 30-35.
37
Carbonnier, Flexible droit, pp. 7-8
10
‘jurisconsultes’ – rassemblera, plutôt qu’à une épistémologie, à ce qu’étaient en
poésie les ‘arts poétiques’ (modèle Boileau, qui n’est pas méprisable.)»38
Et dans cette oscillation entre «art rationnel» et expérience,
Carbonnier veut bien maintenir, certes, l’équilibre entre tradition et
modernité : il est conscient que tous les phénomènes intellectuels sont des
phénomènes sociaux, collectifs, si bien qu’aucun acte de volonté
individuelle n’est en condition d’abolir une partie des options en jeux dans
la connaissance - hier l’«art», aujourd’hui en hypothèse «les connaissances
raisonnées et coordonnées», ou encore la partie du droit qui est
«scientifique».
Il exprime cette conscience en parlant d’un thème de droit pénal, la
responsabilité, en utilisant une fois de plus beaucoup des «catégories
affectives» lévy-bruhliennes :
«Est encore importante l’étude durkheimienne de Paul Fauconnet, La
responsabilité, 1920 […] : la responsabilité n’est plus un attribut appartenant à la
personne consciente et libre, mais une réalité sociale, l’ensemble des émotions
collectives que suscite le crime. La loi de participation qui régit la mentalité
prélogique expliquerait que ces émotions se portent sur tout ce qui, homme ou
choses, parait avoir participé au crime, en une responsabilité collective et
objective, qui se soucie peu de la faute. Comme en matière de famille et de
propriété, l’ethnologie est prise à témoin contre l’éternité des formes actuelles de
l’institution. La responsabilité individuelle et subjective, fondée sur la faute, n’est
qu’un moment fuyant du devenir historique : Fauconnet la décrivait même
expressément comme une responsabilité extenuée et sur le point de disparaître.
Mais l’arme est à double tranchant, car, si la responsabilité objective est primitive,
y revenir peut ne pas sembler un progrès. Joint que, même en acceptant le passage
de la responsabilité objective à la faute comme ligne générale de l’évolution, on
pourrait se demander si beaucoup de manifestations archaïques de responsabilité
objective ne devraient pas s’analyser, plutôt que comme des phénomènes mystiques
ou magiques, comme des règles très utilitaires de prévention (ex. la solidarité
familiale ou tribale.)»39
5. Dans le compte-rendu de L’homme, le fait social et le fait politique de
Georges Davy40, Carbonnier nous a laissé peut-être la meilleure attestation
de sa participation à la théorie de Lévy-Bruhl.
En analysant l’ouvrage, Carbonnier y détecte la présence d’un Davy
«durkheimien humaniste» qui réaffirme la nature «humaine» des sciences
sociales et donc «philosophique aussi»41. Davy y relit la dogmatique
durkheimienne en passant par Lévy-Bruhl aussi, en particulier par
38
Carbonnier, Droit civil, pp. 62-63.
Ibid., p. 2260, je souligne.
40
Carbonnier, Ecrits, pp. 1067-1071.
41
Ibid., p. 1069.
39
11
l’«autocritique» qu’il était en train d’accomplir dans les Carnets à propos du
«dualisme radical» de la séparation entre « prélogique et la logique»42. À ce
propos-là, voici ce que Carbonnier écrit :
«Nous n’hésitons pas à reproduire [un post-scriptum de Davy daté de juillet 1972],
tant les termes méritent d’en être pesés : ‘La lecture très attentive, par long
chapitres, de Lévy-Bruhl […] m’amène à penser que le touchant scrupule de
l’auteur est peut-être excessif et risque d’ébranler de quelques lézards ce qui, de
l’ossature de l’édifice, était et demeure l’indispensable assise’»43.
Davy a donc relu l’itinéraire d’un Durkheim en marche vers la
philosophie retrouvée de la partie conclusive de sa carrière comme une
récupération, au moins implicite, des thèses de Lévy-Bruhl aussi. Il détecte
en Durkheim des traces de ce que Carbonnier appelle «panthéisme néospinozien […], peu gênant pour la démarche scientifique», ainsi qu’un
«changement profond» qui s’exprime dans «la valeur attribuée aux valeurs,
morales et spirituelles»44.
Un certain spinozisme était d’ailleurs caractéristique de l’entière Universitas
magistrorum qu’était la Faculté des Lettres de la Sorbonne vers 1905, comme le
dit Étienne Gilson dans Le philosophe et la théologie, Paris, Vrin, 20052, pp. 21ss.
Voir aussi Moreau Pierre-François, ‘Gilson lecteur de Spinoza’, Bulletin de
bibliographie spinoziste, I, n°. 4, 1979.
Il s’agit ainsi de la réhabilitation des éléments affectifs par le
«chasse[ur] aux prénotions mystiques»45 qui fût le Durkheim des Règles de
la méthode sociologique46. Et cela signifie une «croyance» renouvelée
dans la famille, l’enfance et l’héritage, éléments qui nous rappellent ce que
nous avons déjà lu sous la plume de Carbonnier, c’est-à-dire «la primitivité
[…] des institutions du droit des personnes et de la famille, où les
institutions et les comportements doivent s’ajuster à une trame
d’événements (l’union sexuelle, la filiation, la mort) sur laquelle la raison
humaine a peu de prise»47.
Dans la biographie de Durkheim tout cela a rapport avec «le cataclysme d’après
1914», ainsi qu’avec la bien connue «meurtrissure du cœur paternel» pour
l’expérience de la mort de son unique fils (Carbonnier, Écrits, p. 1071).
Bien évidemment, c’est tout le sens de la démarche de Carbonnier
lui-même, en tant que «durkheimien» d’une autre génération, que l’ on
perçoit dans cette relecture du rapport au «mysticisme» des sciences
sociales.
Ibid., p. 1070. Il s’agit de l’ouvrage posthume, Lévy-Bruhl Lucien, Les Carnets
de Lucien Lévy-Bruhl, Puf, Paris, 1949, 19982.
43
Carbonnier, Écrits, p. 1069.
44
Ibid., p. 1070.
45
Ibid.
46
Durkheim Émile, Les règles de la méthode sociologique, Paris, Puf/Quadrige,
2002, pp. 31-34.
47
Voir rétro, note 6.
42
12
Dans ce sens-là, il est alors plus que légitime de définir la «catégorie
affective du non-droit» – innovation conceptuelle principale du Doyen comme l’une des grandes «catégories» de la mystique du XXe siècle. Jean
Carbonnier peut, d’ores et déjà, trouver sa place à coté de témoins tels que
Ludwig Wittgenstein et Simone Weil, Robert Musil et Michel Villey48,
Pierre Bourdieu49 et Michel de Certeau – sans oublier, justement, Lucien
Lévy-Bruhl.
F. S. Nisio, ‘Spinoza con Villey. Il diritto sub specie aeterni’, Quaderni
fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, n°. 37, 2008.
49
F. S. Nisio, ‘Metamorfosi di Bourdieu. La mistica, il diritto, la storia’, Quaderni
fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, n°. 35, 2006.
48
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