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Biographie et différences selon les générations
Philippe ANTOINE, Donatien BEGUY, Andonirina RAKOTONARIVO
Les enquêtes biographiques permettent de mettre en perspective différents événements
démographiques et sociaux concernant la vie d’un individu depuis sa naissance jusqu’au moment de
l’enquête. Ces événements concernent différentes dimensions de sa vie, à savoir son itinéraire
résidentiel (mobilité, décohabitation, autonomie résidentielle), son parcours professionnel y compris la
scolarisation et la formation, sa vie matrimoniale (c'est-à-dire la constitution ou la dissolution du
ménage) et sa vie féconde. Ces biographies sont recueillies pour différentes générations, ce qui permet
de saisir les différences de situation d’une génération à l’autre tant pour les hommes que pour les
femmes. Cette démarche dépasse l’analyse transversale, traditionnellement pratiquée, qui ne rend pas
compte des dynamiques temporelles à l’intérieur desquelles s’inscrivent les processus sociaux.
Différentes analyses à partir des enquêtes biographiques sont envisageables, et l’exposé en présentera
quelques exemples choisis essentiellement sur des terrains africains. Certaines analyses sont purement
descriptives, à partir notamment des fonctions et paramètres des tables de survie. Les variables de
durée de vie peuvent aussi faire l’objet d’une analyse explicative. Le principe d’analyse consiste à
déterminer « la vitesse » à laquelle on peut connaître soit un événement comme le premier mariage ou le
premier emploi soit le passage d'un état à un autre, comme passer du statut de marié à celui de veuf.
Bien souvent un événement vécu par l’individu marque le changement d’état, mais pas toujours. La
méthodologie retenue choisit de privilégier la comparaison de la situation des jeunes générations (25-
34 ans au moment de l’enquête) aux générations antérieures. Une grande part des études conduites a
privilégié l’analyse des différentes étapes marquant les premiers événements de la vie adulte : comme
l’obtention du premier emploi, l’accès au premier logement en tant que locataire en titre, le premier
mariage. Un recul de l’âge aussi bien d’accès au premier emploi rémunéré, que d’autonomie
résidentielle et de constitution de la famille est observé des générations aînées aux plus jeunes. Le sort
de ces derniers est d’autant plus inéquitable que, ni leur niveau d’éducation plus élevé, ni le fait de
différer leur passage au statut d’adulte ne leur permettent d’échapper à une dégradation de leurs
conditions, relativement à celles connues par leurs parents, au moment de leur insertion. On assiste
même à un ajustement par le bas dans la mesure où les plus éduqués chez les jeunes, au lieu d’être
préservés, sont plus affectés par la détérioration du contexte économique.
À l’aide de modèles de régression, on peut mettre en évidence les principales caractéristiques qui
accélèrent ou ralentissent le changement d’état. Le recours à ce type de modèles nécessite surtout un
effort important de conceptualisation de la question étudiée. Il faut définir précisément la population
soumise au risque, l'événement étudié (le risque) et éventuellement les risques concurrents qui
conduiront l'individu à sortir de l'observation (troncatures). Ce type d'analyse permet donc, en
dépassant l'analyse transversale, de prendre en considération les différents états qu'a connus un
individu tout en tenant compte de la dimension du temps dans l'analyse causale.
L’analyse démographique classique apporte des informations sur la formation des unions comme l’âge
au premier mariage qui renseigne sur la précocité des unions ou l’écart d’âges entre conjoints qui est
un des instruments de la subordination des femmes. L’analyse biographique permet de compléter ces
informations en introduisant la durée des unions, la complexité des itinéraires matrimoniaux et les
interactions avec d’autres événements. L’effet de générations est bien mis en évidence dans les
différentes enquêtes biographiques : on relève une entrée nettement freinée pour la plus jeune
génération. Dans la plupart des capitales, les hommes en situation de précarité (apprentissage,
chômage) connaissent un net ralentissement de leur rythme d’entrée en union. Les tensions sur le
marché de l’emploi qui affectent spécialement les jeunes gens en restreignant leur accès à l’emploi, les
conduit à différer leur mariage. L’absence de logement autonome contribue également à freiner leur
entrée en union. Si les enquêtes biographiques permettent de mettre en avant que les difficultés
matérielles (problèmes d'emploi, de logement et de constitution des prestations matrimoniales) sont les
principaux facteurs du recul de l’âge au mariage, elles s’avèrent aussi riches d’enseignements sur
d’autres aspects des itinéraires matrimoniaux.
La faiblesse des connaissances sur l'instabilité du mariage limite les analyses de l'évolution du
phénomène au cours du temps. Les données du moment provenant d'une enquête ou d'un recensement