1
INTRODUCTION
Ce cours d’ « Histoire de la vie politique et sociale » a deux objectifs :
- celui de vous faire comprendre et analyser les grands débats politiques qui ont traversé
et qui traversent encore la société française ;
- et celui, plus ambitieux et moins « scolaire » de vous rendre compte à quel point, les
« meilleurs d’entre-nous » sont « formés » politiquement, ou structurés
idéologiquement …
Dans le cadre de l’objectif plus « scolaire », il s’agira plus exactement, de s’intéresser à
l’évolution du principal clivage de la vie politique et sociale française : le clivage droite
gauche. Il s’agira de relever combien ce clivage reste encore pertinent aujourd’hui, mais
souffrant, comme ce fût toujours le cas en réalité, de la transformation de la société française.
Document n°1
« Droite, gauche ? Devant l’ambiguïté et l’enchevêtrement de ces notions contestées,
certains en sont venus à douter qu’elles puissent encore conserver un sens. Il n’en est rien
malgré certains effacements conjoncturels purement passagers. Une étude objective de la vie
politique en France depuis deux siècles montre d’évidence la permanence et l’importance de
l’alternative droite-gauche à laquelle aucun parti, aucune force politique n’a pu jusqu’à
présent échapper. (…) La transformation de notre société, autrefois en état permanent de
guerre civile, en une société apaisée, démocratique et consensuelle n’a rien modifié à cet
égard. Comme le montrent régulièrement les enquêtes d’opinion, l’axe droite-gauche continue
de structurer les attitudes et les comportements ».
J.CH. Petitfils, « La droite en France, de 1789 à nos jours », Ed Puf, coll « Que sais-
je ? », p.3-4.
Ce qu’il faut en réalité saisir, c’est qu’il est extrêmement difficile et en réalité impossible
de définir une essence immuable de la droite ou une essence immuable de la gauche, même si
des tentatives ont été réalisées, et qu’il est donc certainement plus pertinent de saisir à chaque
question qui s’est posée dans la société française à un moment historique donnée, le couple
antagoniste que forment la droite et la gauche.
Document n°2
« Si les notions de droite et de gauche sont des données fondamentales de notre vie
politique depuis près de deux siècles, force est de constater qu’elles n’ont pas eu au cours de
l’Histoire la même signification, ni le même contenu. Ceci explique l’impossibilité de les
enfermer dans une définition précise, immuable, exhaustive. Une telle définition peut
convenir à telle époque particulière, à telle situation donnée, jamais à toutes. Droite et gauche
sont des positions instables et relatives qui trouvent un sens dans leur antinomie et le couple
antagoniste qu’elles forment. La ligne de démarcation qui les distingue s’est modifiée s’est
modifiée en fonction des enjeux successifs et des affrontements politiques. Au début, la
question du régime jouait un rôle primordial, de même celle des rapports de l’Eglise et de
l’Etat. Le critère de l’anticléricalisme permettait de départager sans équivoque les deux
camps. Lorsque le débat a glissé des institutions à l’organisation des rapports sociaux,
l’hypothèse d’une lutte de type dualiste entre ce que François Goguel a appelé le « parti de
l’ordre » et le « parti du mouvement », à l’image des deux tendances de la monarchie
orléaniste, répondait assez bien à la réalité ».
J.CH. Petitfils, « La droite en France, de 1789 à nos jours », Ed Puf, coll « Que sais-
je ? », p.4-5.
2
Ceci explique donc pourquoi, nous adoptons un plan qui consiste à se saisir dans une
perspective historique des principales questions qui se sont posée dans la société française,
pour en réalité saisir les oppositions politiques.
Plan du cours
INTRODUCTION
A) LA QUESTION DE LA NATURE DU REGIME POLITIQUE : L’AFFRONTEMENT
ENTRE REPUBLICAINS ET MONARCHISTES
B) LA QUESTION SOCIALE
I) LA QUESTION DU REGIME ECONOMIQUE : CAPITALISME ET
ANTICAPITALISME
II) LES NOUVEAUX CLIVAGES
A) Le national-populisme
B) La question démocratique à l’aube du XXIème siècle : le renouveau
républicain
C) La fin des idéologies ?
Conclusion : Droite/gauche où en est-on ?
Enfin, il s’agira également de prendre en compte le fait que depuis la Restauration en
France et ce jusqu’au but des années 80, il y un glissement progressif à gauche de la vie
politique, glissement qui s’est peut-être interrompu aujourd’hui, sous l’effet de la droitisation
de la société française ( !?).
Document n°3
« (…) on peut dire que la vie politique, après la phase troublée de la Révolution française,
s’est trouvée à droite sous la Restauration pour glisser progressivement vers la gauche.
Lorsqu’un nouveau parti naît à gauche, il repousse mécaniquement vers la droite le parti dont
il prend la place. C’est ainsi que les libéraux ont étournés sur leur gauche par les radicaux,
ceux-ci par les socialistes, les socialistes par les communistes et ces derniers par l’ultra-
gauche. (…) Ceci ne veut pas dire que cette évolution est inéluctable, témoins aujourd’hui la
quasi-disparition du gauchisme et le déclin du Parti communiste. Cela ne veut pas dire non
plus que le centre de gravité de notre société se déplace toujours dans la même direction. En
glissant vers la droite, les formations politiques voient leur contenu idéologique se modifier :
la mutation du Parti socialiste depuis 1981 en est un bon exemple ».
J.CH. Petitfils, « La droite en France, de 1789 à nos jours », Ed Puf, coll « Que sais-
je ? », p.5-6.
Mais plus fondamentalement que l’histoire de la vie politique française est marquée par
l’existence de « deux France » toujours à la limite de la guerre civile.
3
Document n°4
« La culture politique française est une culture historique de guerre civile. Elle s’est élaborée
non seulement sur des systèmes d’idées contradictoires, mais sur la mémoire d’évènements
dramatiques : les œuvres de la guillotine sous la Terreur, la répression des insurgés de la
Commune de 1871, la Collaboration, l’Epuration, la guerre d’Algérie Les Français ne
cessent pas de régler des comptes avec leur histoire ». Dans ce style de vie politique
dramatisée, parfois à l’extrême, les intellectuels sont loin d’avoir joué un rôle d’apaisement,
Julien Benda écrivait, dans La Trahison des Clercs, en 1927, qu’ils avaient pris à tâche d’
« organiser les haines politiques » du siècle. L’extrémisme de gauche (dont Jean-Paul Sartre a
été un des plus indiscutables symboles)) comme l’extrémisme de droite (dont Charles
Maurras fut le chef d’école) ont largement contribué à déprécier la démocratie pluraliste chez
leurs pairs et leurs disciples. Les rares intellectuels qui ont prôné le réformisme, la modération
ou la Realpolitik ont immanquablement encouru le soupçon de faiblesse ou de trahison.
L’abstraction du Bien a été préférée à toute démarche empirique, tantôt au nom de la Nation,
tantôt au nom du Prolétariat, aujourd’hui peut-être au nom des « Exclus » ».
M. Winock, « La France politique, XIXème-XXème siècle », éd Seuil, 2003, p.11-12.
PLAN de l’introduction
A) LA QUESTION DE LA NATURE DU REGIME POLITIQUE :
DE L’AFFRONTEMENT ENTRE REPUBLICAINS ET MONARCHISTES A L’AFFRONTEMENT
ENTRE PARTISANS D’UN REGIME AUTORITAIRE ET PARTISANS D’UN REGIME SOUCIEUX
DE SAUVEGARDER LES PRINCIPES D’UNE DEMOCRATIE ADOSSEE A L’ETAT DE DROIT ET
AUX LIBERTES INDIVIDUELLES
1°) L’affrontement historique et dépassée entre partisans de la monarchie et partisans de
la République : 1870-1877
a) Le jusqu’au-boutisme des monarchistes
b) La défaite inéluctable et réalisée : la crise du 16 mai 1877
2°) La tentation autoritaire : la ré émergence d’une « droite révolutionnaire »
a) L’épisode boulangiste : une « droite bonapartiste »
b) L’affaire Dreyfus : une clarification des oppositions et du clivage gauche droite
c) La question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat
d) Les reliquats monarchistes : l’Action Française
3°) Le dernier souffle « anti-républicain » ?
a) Le régime de Vichy
b) La décomposition générale de la « droite légitimiste »
B) LA QUESTION SOCIALE
1°) La constitution d’un Etat protecteur : la bienfaisance publique : 1789-1884
a) Les contradictions politiques du modèle révolutionnaire libéral
b) b) Les divisions du corps politique
2°) L’Etat assureur et l’Etat organisateur des relations professionnelles (1884-1945)
a) La solidarité comme nouveau fondement de l’action de l’Etat dans la société
b) La reconnaissance des corps intermédiaires
c) L’essor de la technique assurantielle
4
A) LA QUESTION DE LA NATURE DU REGIME POLITIQUE :
DE L’AFFRONTEMENT ENTRE REPUBLICAINS ET MONARCHISTES A L’AFFRONTEMENT
ENTRE PARTISANS D’UN REGIME AUTORITAIRE ET PARTISANS D’UN REGIME SOUCIEUX
DE SAUVEGARDER LES PRINCIPES D’UNE DEMOCRATIE ADOSSEE A L’ETAT DE DROIT ET
AUX LIBERTES INDIVIDUELLES
Document n°5
« La vie politique française ne s’est pas constituée sur la base de la lutte des classes, mais sur
l’enjeu représenté par l’héritage révolutionnaire : République ou monarchie, anticléricalisme
ou cléricalisme, etc . »
M. Winock, « La France politique, XIXème-XXème siècle », éd Seuil, 2003, p.9.
Pour commencer, il convient de relever que le premier débat ou conflit a porté sur la
« question des drapeaux », et originellement en réalité sur l’affrontement entre une droite,
partisane de la défense du « droit de veto », et une gauche hostile, non à la monarchie, mais à
l’idée de l’omnipotence du roi dans les institutions qu’il convenait de définir à partir de 1789.
La question républicaine ne viendra que plus tard, sous l’effet de l’intransigeance du Roi et de
ses alliés émigrés.
Document n°6
« Le 11 septembre 1789, les députés de l’Assemblée nationale se séparent en deux
groupes. Les partisans d’un pouvoir royal fort disposant d’un droit de veto absolu sur les lois
se placent à la droite du président. Les tenants d’un régime constitutionnel dans lequel le roi
n’aurait qu’un rôle amoindri se groupent à gauche. Cette division topographique fournit le
cadre dans lequel va désormais évoluer toute la vie politique française »
J.CH. Petitfils, « La droite en France, de 1789 à nos jours », Ed Puf, coll « Que sais-
je ? », p.9.
Au risque de la simplification, le processus révolutionnaire mettra au fond en valeur
l’existence :
- du côté des monarchistes, d’une droite traditionnaliste et d’une droite libérale et
conservatrice ;
- du côté des républicains, l’existence d’une « gauche girondine (décentralisatrice et
plus modérée voire responsable), jacobine (centralisatrice et étatiste) et sans-culotte
(dissidente) »
1
.
Document n°7
Principaux textes constitutionnels de 1789 à nos jours
1) La Constitution du 3 septembre 1791
Séparation rigide des pouvoirs. Monocamérisme gislatif représenté par l’Assemblée nationale, députés élus
pour deux ans au suffrage censitaire. Possibilité de mise en jeu de la responsabilité pénale des ministres. Le roi
n’a ni pouvoir de dissoudre l’Assemblée, ni l’initiative des lois. En revanche, il dispose d’un droit de veto
suspensif sur les lois pendant deux législatures.
2) La Convention et la Constitution du 24 juin 1793 (inappliqué)
Élue par 700 000 électeurs, la Convention qui abolit la royauté le 21/09/1792, instaure un régime d’assemblée.
Élaboré en juin 1793, un projet de Constitution approuvé par référendum mais jamais appliqué, prévoyait un
régime de confusion des pouvoirs.
3) La Constitution du 22 août 1795 (5 fructidor An III)
1
M. Offerlé, « Sociologie de la vie politique française », Ed La Découverte, Coll Repères, p.36
5
Élaborée par la Convention, approuvée par référendum, cette constitution instaure une séparation rigide des
pouvoirs. Législatif bicaméral avec le Conseil des cinq-cent et le Conseil des Anciens. Exécutif confié à cinq
directeurs (le Directoire).
4) La Constitution du 13 décembre 1799 (22 frimaire an VIII)
Élaborée sous le Directoire, approuvée par référendum, cette Constitution instaure un régime de séparation des
pouvoirs avec un législatif pluricaméral en partie nommé et soumis à l’exécutif. Exécutif réparti en trois consuls
mais seul le premier exerce le pouvoir. Ce régime ouvre la porte à l’emprise de Napoléon sur les institutions et à
l’instauration de l’Empire en 1804.
5) La Charte du 4 juin 1814
Octroyée par Louis XVIII au peuple français, la Charte prévoit un système de parlementarisme à l’anglaise avec
un législatif bicaméral : chambre des députés élus au suffrage censitaire, chambre des pairs héréditaires.
Exécutif entre les mains du roi, les ministres sont responsables devant lui. Le monarque possède le droit de
dissolution dont abusera Charles X, l’une des causes de la Révolution de 1830.
6) La Charte du 14 août 1830
Votée par les chambres et non plus octroyée, cette Charte introduit la responsabilité des ministres devant le
parlement.
7) La Constitution du 4 novembre 1848 : la Seconde République
Élaborée par une assemblée constituante, cette constitution instaure un régime présidentiel avec séparation
rigide des pouvoirs. Exécutif entre les mains d’un président élu au suffrage universel pour quatre ans.
Assemblée monocamérale élue pour trois ans détenant le pouvoir législatif. Débouche sur le coup d’État du
2 décembre 1851 de Louis Napoléon Bonaparte.
8) Constitution du 14 janvier 1852
Approuvée par référendum, cette Constitution rétablit la Constitution de 1799, un président remplaçant le
premier Consul. Rétablissement de l’Empire par référendum en 1852.
9) La Constitution de la IIIe République
Adoptée par l’Assemblée nationale sous la forme de trois lois constitutionnelles en février et juin 1875.
Législatif bicaméral, avec deux chambres à pouvoir équivalent, pouvant mettre en cause la responsabilité du
gouvernement. Exécutif composé du président de la République et du cabinet. Le président élu pour 7 ans par la
réunion des deux chambres, irresponsable, il peut dissoudre la chambre des députés. Il possède de larges
pouvoirs toutefois soumis à la procédure de contre-seing. Gouvernement responsable devant les deux chambres
et dans l’esprit des constituants devant le chef d’État, sur le modèle du parlementarisme orléaniste. La crise du
16 mai 1877 contribue à modifier la pratique du régime : évolution vers un parlementarisme moniste avec
tombée en désuétude du droit de dissolution. Il en est résulté un système déséquilibré en faveur du législatif se
traduisant par une forte instabilité ministérielle (95 gouvernements en 65 ans).
10) Le régime de Vichy
Le 10 juillet 1940, l’Assemblée nationale de la IIIe République délègue ses pouvoirs constituants à Pétain. Sous
forme d’actes constitutionnels, celui-ci supprime de fait la démocratie républicaine et instaure un régime
d’inspiration fasciste sur le modèle franquiste espagnol : mythe du chef suprême qui concentre sur sa personne
pouvoirs constituants, législatif et exécutif. Suppression de toutes les assemblées électives et installation, autour
du thème de la « volution nationale », d’une véritable dictature qui, à partir de 1942, s’officialisera sous la
forme de l’État français.
11) La Constitution de la IVe République
Élaborée par une constituante, adoptée par référendum, promulguée le 27 octobre 1946, cette constitution
instaure un parlementarisme bicaméral mais retire à la chambre haute, qualifiée de Conseil de la République,
l’essentiel des pouvoirs du Sénat de la IIIe République. Exécutif bicéphale avec un président élu pour 7 ans par
les deux chambres, au rôle honorifique et un président du Conseil, investi de la réalidu pouvoir exécutif, y
compris le droit de dissolution. Le gouvernement émane de la majorité parlementaire dont il dépend. Les
remparts contre l’instabilité gouvernementale conçus autour de la mise en jeu de la responsabilité ministérielle
n’ayant pas joué, la IVe République a connu les mêmes déséquilibres et la même dérive que la IIIe République :
18 gouvernements en douze ans.
12) La Constitution de la Ve République
Élaborée par un groupe d’experts à partir des directives de de Gaulle, adoptée par référendum, promulguée le 4
octobre 1958, cette constitution est conçue en réaction contre les dérives des IIIe et IVe Républiques. Elle
affaiblit le pouvoir législatif et renforce l’exécutif avec deux idées maîtresses : l’exécutif bicéphale se répartit la
fonction exécutive sous l’autorité du président, le parlementarisme maintenu étant sévèrement rationalisé. La
constitution introduit des procédés de démocratie directe avec le recours présidentiel au référendum. Depuis
novembre 1962, avec la réforme du mode d’élection du président au suffrage universel direct, le régime oscille,
selon le jeu des majorités, entre des formes de présidentialisme et une dominante parlementaire.
E. Le Masson, J.P. Oppenheim, « Institutions politiques, Droit constitutionnel », éd Foucher, 2005, p.85.
1 / 30 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !